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Date : 20090512

Dossier : IMM-4869-08

Référence : 2009 CF 489

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

OLGA MARIA GONZALEZ MACHADO

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre de la décision rendue le 14 août 2008 par un agent d’immigration (l’agent), qui a conclu que la demanderesse ne subirait pas de difficultés excessives si elle devait être obligée de présenter sa demande de visa de résident permanent de l’extérieur du Canada, et qui a ainsi rejeté sa demande d’une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (CH), en application de l’article 25 de la Loi.

 

La question en litige

L’agent a-t-il commis une erreur de droit en rejetant la demande CH et en décidant que la demanderesse ne subirait pas de difficultés excessives et indues si elle devait retourner en Équateur?

 

Le contexte factuel

[2]               La demanderesse, âgée de 75 ans, est une citoyenne de la République de l’Équateur. Elle n’a pas d’enfants, ne s’est jamais mariée et n’a jamais travaillé en dehors de la maison familiale.

 

[3]               En 1985, après la mort de sa mère et n’ayant pas de revenus personnels, la demanderesse est allée vivre avec son frère aîné, Vidal.

 

[4]               En 1995, Maria Nunez, la nièce de la demanderesse, s’est séparée de son époux. Et dans les années qui ont suivi, la demanderesse a fait office de bonne pour ses deux, et puis trois jeunes enfants. En 2005, Maria Nunez est venue au Canada, avec ses enfants, en tant que résidente permanente.

 

[5]               Au mois de février 2005, alors que la demanderesse quittait l’église en Équateur, elle a vu plusieurs jeunes hommes membres d’un gang appelé les Latin Kings, qui tentaient de faire entrer une jeune femme de force dans un véhicule. Par réflexe, la demanderesse a crié, ce qui a attiré l’attention des voisins qui ont alerté la police.

 

[6]               La police est arrivée et a arrêté un des membres du gang. À la suite de cet incident, le gang a fait des dessins de menace sur la maison de la demanderesse, tué son chien et menacé de la tuer pour se venger de son intervention.

 

[7]               La demanderesse ne se sentait pas en sécurité de demander la protection locale, alors elle a accepté l’offre de sa nièce de venir la rejoindre au Canada. La demanderesse a obtenu un visa de visiteur et est arrivée au Canada le 8 mai 2005. Depuis son arrivée, la demanderesse a vécu avec la famille de sa nièce et a continué à faire office de bonne pour les enfants.

 

[8]               Au mois de mai 2006, après avoir obtenu une prorogation de son visa, la demanderesse a vu sa deuxième demande refusée.

 

[9]               Au mois de juin 2006, la demanderesse a présenté une demande d’asile. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 25 janvier 2005, que bien qu’on puisse croire au récit de la demanderesse, cette dernière n’a pas réussi à réfuter la présomption de la protection de l’État, puisqu’elle n’a déposé aucune plainte auprès des autorités.

 

[10]           Le 10 mai 2007, la Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

[11]           Le 14 novembre 2007, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente fondée sur les motifs d’ordre humanitaire (CH) suivants :

a.       Elle n’a pas de toit ni de source de revenu en Équateur. Son frère aîné, âgé de 90 ans, est très malade et n’est plus en mesure de lui procurer un toit et du soutien. En fait, la demanderesse a appris depuis que son frère est mort le 8 octobre 2008.

b.      Elle n’a jamais travaillé dans son pays et dépendait de son frère. Elle devra maintenant devenir une mendiante pour survivre.

c.       La situation échappe au contrôle de la demanderesse. La Commission a souligné que ceci justifie que sa situation soit qualifiée de demande d’ordre humanitaire.

d.      La nièce de la demanderesse l’a gentiment accueillie dans sa maison au Canada, et elle est disposée à maintenir cet arrangement. La demanderesse a tissé des liens avec les enfants de sa nièce pendant les années où elle était leur bonne.

e.       La demanderesse continue de craindre des représailles violentes du gang de criminels qui l’a menacée de mort et la Commission a confirmé la vraisemblance des faits et des menaces allégués. Elle est trop vieille et fragile, et se retrouvera sans abri et sans le sou.

 

[12]           La demanderesse avait présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) qui a également été rejetée le 14 août 2008. L’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle courait un risque si elle devait retourner en Équateur, parce qu’elle pouvait se réclamer de la protection de l’État.

 

[13]            Elle n’a pas contesté la décision défavorable relative à l’ERAR.

 

[14]           Le renvoi de la demanderesse était au départ prévu pour le 29 décembre 2009, mais la Cour a accordé un sursis le 22 décembre 2008.

 

[15]            Bien qu’elle ait rejeté la demande de la demanderesse, la Commission a mentionné que l’âge et la solitude de la demanderesse démontraient qu’elle était saisie d’un cas comportant des raisons humanitaires qui n’était pas de sa compétence.

 

[16]           L’agent a accepté que l’élément de l’âge était important mais il n’était pas convaincu que la demanderesse avait tissé suffisamment de liens financiers, sociaux et culturels avec le Canada, à l’exception de ceux qu’elle entretenait avec sa nièce et ses petits-neveux.

 

[17]           Il a aussi déclaré que la séparation des enfants d’avec leur grand-tante serait difficile et qu’il serait dans leur intérêt supérieur (en particulier le plus jeune qui est âgé de quatre ans et demi) qu’elle reste avec eux au Canada.

 

[18]           La Cour partage l’avis du défendeur selon lequel l’agent a commis une erreur susceptible de révision en omettant de mentionner les facteurs défavorables qui pourraient l’emporter sur l’élément de l’âge, la situation personnelle de la demanderesse, l’intérêt supérieur des enfants et les difficultés de demander une protection dans son pays.

 

[19]           Aucune question n’a été proposée en vue de la certification et la présente affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4869-08

 

INTITULÉ :                                       OLGA MARIA GONZALEZ MACHADO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 12 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

William Sloan                                                                           POUR LA DEMANDERESSE

                                                                                               

 

Émilie Tremblay                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William Sloan                                                                           POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)                                             

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

 

 

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