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Cour fédérale

Federal Court

Date : 20090520

Dossier : IMM-4493-08

Référence : 2009 CF 503

Ottawa (Ontario), le 20 mai 2009

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

Seyed Amin HOSEYNI BOB ANARI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), visant la décision d’une agente d’examen des risques avant renvoi (ERAR) rendue le 4 septembre 2008.

 

[2]               Le demandeur, Seyed Amin Hoseyni Bob Anari, est un citoyen d’Iran craignant de retourner dans son pays d’origine parce qu’il a appartenu dans le passé au Corps des gardes de la révolution iranienne (appelé aussi Gardes de la révolution, Sepah-e ou Pasdaran). Il soutient que s’il retourne en Iran, il sera immédiatement arrêté, interrogé, torturé et peut-être exécuté.

 

[3]               Dans sa décision du 27 juin 2007, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande du demandeur en se fondant sur la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, concluant qu’à titre de membre des Gardes de la révolution il avait été complice de crimes contre l’humanité et qu’il ne pouvait donc pas demander l’asile compte tenu de l’article 98 de la Loi.

 

[4]               Le demandeur s’est présenté à une audience devant l’agente d’ERAR le 26 août 2008. Il a été informé le 9 octobre 2008 que sa demande d’ERAR avait été refusée. L’agente d’ERAR a conclu que le demandeur risquait de subir des mauvais traitements à son retour en Iran, mais qu’il était peu probable qu’il risque la torture ou des traitements cruels et inusités ou que sa vie soit menacée. Le présent contrôle porte sur cette décision.

 

[5]               Le demandeur soutient que l’agente d’ERAR a commis plusieurs erreurs portant toutes sur des conclusions de fait. Par conséquent, ces conclusions ne devraient être modifiées que si elles sont déraisonnables quant aux faits et au droit (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 46; Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47; Kandiah c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 1057, au paragraphe 6).

 

[6]               Premièrement, le demandeur soutient que l’agente d’ERAR a commis une erreur dans son évaluation de sa crédibilité en se fondant sur des conclusions relatives à la plausibilité non étayées par la preuve.

 

[7]                Généralement, on accorde un degré élevé de déférence aux conclusions d’un décideur en matière de crédibilité. Cela est vrai même s’il s’agit d’une question de plausibilité, bien que « dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d’une décision [puisse] être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier » (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), aux paragraphes 2 à 4).

 

[8]               En l’espèce, l’agente d’ERAR a fondé son évaluation défavorable quant à la crédibilité sur une contradiction qu’elle a repérée dans le témoignage du demandeur, sur deux conclusions de plausibilité distinctes et sur l’absence de preuve corroborante.

 

[9]               Lors d’un examen de la preuve, il appert que les conclusions de l’agente d’ERAR en matière de crédibilité ne sont pas sans failles. Toutefois, compte tenu du haut degré de déférence accordé aux décideurs sur les questions de crédibilité et du manque de preuve pour corroborer les déclarations du demandeur, je ne suis pas convaincu que cet aspect de la décision, si on l’examine dans son ensemble, soit déraisonnable.

 

[10]           Deuxièmement, le demandeur soutient que l’agente d’ERAR a commis une erreur en ne se prononçant pas sur la question de savoir s’il serait considéré comme un dissident politique en raison de sa désertion du Corps des gardes de la révolution. Pour les motifs suivants, je conclus que l’agente d’ERAR n’a commis aucune erreur à cet égard.

 

[11]           En fait, les motifs illustrent que l’agente a fait une étude détaillée de la preuve documentaire quant aux conséquences que le demandeur pourrait subir s’il retournait en Iran et quant à la façon dont il risque d’être perçu par les autorités iraniennes. Après un examen minutieux de la preuve documentaire, l’agente a écrit à la page 12 de sa décision :

[traduction] Je note que la preuve ne démontre pas que le demandeur est soupçonné par les services de sécurité d’être impliqué dans des crimes graves ou dans des activités politiques de haut niveau contre le régime. Je note également qu’il y a peu de preuve établissant que les autorités iraniennes sont au courant que le demandeur a présenté une demande d’asile en Belgique et/ou au Canada. De plus, même si les autorités iraniennes apprenaient d’une façon ou d’une autre que le demandeur a demandé l’asile à l’étranger, la prépondérance de la preuve ne permet pas, à mon avis, de conclure qu’elles feraient le lien avec autre chose que des motifs socio-économiques. […]

 

 

 

[12]           L’agente d’ERAR souligne que le demandeur ne faisait pas partie des membres importants des Gardes de la révolution, mais qu’il avait plutôt été [traduction] « un membre à temps partiel » pendant ses études universitaires. Je suis convaincu que l’agente a dûment examiné la question de savoir si le demandeur serait perçu comme un dissident politique.

 

[13]           De plus, les articles de journaux figurant dans le dossier de la demande ne semblent pas avoir été soumis à l’agente d’ERAR. À l’audience qui s’est déroulée devant moi, l’avocat du demandeur a reconnu qu’ils n’avaient pas été remis à l’agente. L’agente n’était donc pas en mesure d’évaluer l’effet que pourrait avoir ces articles sur l’opinion des autorités iraniennes au sujet du demandeur et on ne peut donc pas dire qu’elle a commis une erreur en n’en tenant pas compte dans sa décision.

 

[14]           Troisièmement, le demandeur soutient que la conclusion de l’agente d’ERAR selon laquelle il ne serait pas torturé ou ne subirait pas de peines cruelles et inusitées en tant que criminel politique en Iran est déraisonnable. Dans la mesure où l’agente d’ERAR a examiné la façon dont le demandeur risquait d’être perçu (et, par conséquent, traité) en tant que dissident politique en Iran, elle a examiné la possibilité qu’il soit torturé ou qu’il subisse des peines cruelles et inusitées sur ce fondement. J’estime que l’agente n’a pas commis d’erreur dans cette partie de son analyse.

 

[15]           Finalement, en se fondant sur la décision Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration.), [1993] 3 C.F. 540, le demandeur soutient que l’agente d’ERAR a commis une erreur en n’examinant pas la question de savoir si l’obligation de se joindre de nouveau aux Gardes de la révolution, organisation accusée de crimes contre l’humanité, constituait, en soi, un traitement ou une peine cruels et inusités. Je ne suis pas d’accord. La présente espèce se distingue de l’affaire Zolfagharkhani, précitée, laquelle concernait une demande d’asile présentée par un objecteur de conscience. En l’espèce, le demandeur n’est pas un objecteur de conscience et, avant son audience devant l’agente d’ERAR, il a été conclu qu’à titre de membre des Gardes de la révolution, il était complice de crimes contre l’humanité et ne pouvait donc pas demander l’asile compte tenu de l’article 98 de la Loi.

 

[16]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

La demande de contrôle judiciaire visant la décision d’une agente d’examen des risques avant renvoi rendue le 4 septembre 2008 est rejetée.

 

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4493-08

 

INTITULÉ :                                       Seyed Amin HOSEYNI BOB ANARI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 20 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shepherd Moss                                                POUR LE DEMANDEUR

 

Edward Burnet                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Shepherd Moss                                                POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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