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Cour fédérale

 

 

 

 

Federal Court

 


Date : 20090522

Dossier : IMM-5170-08

Référence : 2009 CF 530

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 mai 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

IMEDA LIQOKELI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) visant une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 4 novembre 2008, par laquelle la Commission a conclu que le demandeur devait être exclu de la protection au titre de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés (la Convention) et que, subsidiairement, il n’était ni un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger.

 

Les questions en litige

[2]               La présente demande soulève les questions suivantes :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur était exclu de la protection au titre de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention parce qu’il était complice de perpétration de crimes contre l’humanité?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’avait pas établi l’incapacité de l’État à lui fournir une protection adéquate?

 

[3]               La demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs qui suivent.

 

Le contexte factuel

[4]               Le demandeur, citoyen de la Géorgie, a été policier de décembre 1989 à juin 1994, lorsqu’il a été suspendu, avec d’autres collègues policiers, pour avoir prétendument aidé des prisonniers à s’échapper. Le demandeur a été disculpé et a repris son poste de policier en février 1996. Il y est resté jusqu’en juillet 1998. Il a alors démissionné en raison de la corruption et il s’est trouvé un emploi comme chauffeur de minibus. Il a repris du service au sein des forces policières de décembre 2005 à août 2006 parce que le nouveau président disait être contre la corruption.

 

[5]               Lorsque le demandeur a repris volontairement du service au sein des forces policières, il a été affecté à un poste de garde spécial responsable d’enquêter sur des policiers qui introduisaient des articles de contrebande en prison. Le 26 mars 2006, alors qu’il travaillait à la prison no 5 de Tblisi, il a entendu le chef de son département discuter d’un plan pour que certains des policiers tirent des coups de fusil vers eux-mêmes et déclarent que c’étaient les prisonniers qui avaient fait feu afin de permettre l’utilisation d’une force excessive contre les prisonniers.

 

[6]               Le chef a donné des pots-de-vin à deux policiers pour qu’ils fassent feu sur eux-mêmes et une rumeur s’est répandue quant au fait que des prisonniers avaient tiré des coups de fusil vers les gardes. Huit cent agents armés ont été envoyés à la prison, ils ont tué douze prisonniers et ont blessé un grand nombre d’autres détenus. On a ordonné au demandeur et à d’autres agents spéciaux de monter la garde à la morgue et de ne pas laisser entrer les journalistes ou d’autres personnes non autorisées.

 

[7]               Le demandeur a défendu les prisonniers auprès de son supérieur, mais on lui a répondu de ne pas discuter des événements et de ne pas parler à la presse. Au cours de l’enquête parlementaire relative au décès des prisonniers, il n’a pas révélé ce qu’il savait de l’émeute planifiée.

 

[8]               En mai 2006, le demandeur a parlé à un journaliste et a déclaré que la vérité serait un jour révélée. Il a été suspendu de ses fonctions au motif qu’il avait fourni des armes aux prisonniers. Le 26 juin 2007, il a été interrogé au bureau de la sécurité nationale, il a été battu et détenu toute la nuit. Le demandeur s’est caché jusqu’à ce qu’il puisse quitter le pays le 23 août 2008. Il est arrivé au Canada et a demandé l’asile. L’épouse et le père du demandeur ont reçu des appels téléphoniques au cours desquels on leur a demandé où il se trouvait.

 

[9]               Le 5 octobre 2007, le ministre a avisé de son intention d’intervenir quant à la question de l’exclusion. Le ministre soutient que le demandeur peut être visé par les dispositions d’exclusion portant sur les crimes contre l’humanité prévues aux alinéas a) et c) de la section F de l’article premier de la Convention. Un avis d’intention d’intervenir modifié indiquait que le ministre avait des raisons sérieuses de croire que le demandeur avait été complice de la perpétration de crimes contre l’humanité, contre la population civile, au sens de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention. Cependant, l’avis modifié ne faisait pas mention de l’alinéa c) de la section F de l’article premier.

 

La décision contestée

[10]           La Commission a conclu que le demandeur était exclu de la protection, au titre de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention, parce qu’il avait été complice de perpétration de crimes contre l’humanité. La Commission a examiné les six facteurs établis dans l’arrêt Ramirez c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 CF 306 (CA), pour déterminer si le demandeur avait été complice de crimes contre l’humanité perpétrés contre les détenus lorsqu’il était policier et elle a conclu qu’il existait des motifs sérieux de le croire. Subsidiairement, la Commission a conclu que même si le demandeur n’était pas exclu de la protection, il n’était tout de même pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger parce qu’il n’avait pas présenté de preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État à lui fournir une protection adéquate.

 

Analyse

La norme de contrôle

[11]           La complicité du demandeur dans l’émeute du 26 mars 2006 et son exclusion au titre de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention constituent des questions mixtes de faits et de droit et la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter (Mankoto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2005 CF 294, 149 ACWS (3d) 1107, au paragraphe 16; Harb c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, 238 FTR 194, au paragraphe 14). Depuis l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, de la Cour suprême du Canada, la nouvelle norme de contrôle est la décision raisonnable. D’après la Cour suprême, les éléments qu’il faut prendre en compte sont : la justification de la décision, sa transparence et son intelligibilité. L’issue doit être acceptable et doit pouvoir se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

[12]           La question de la protection de l’État est une question mixte de faits et de droit et susceptible de contrôle selon la décision raisonnable (Chagoya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 721, [2008] ACF no 908 (QL), au paragraphe 3; Dunsmuir, précité, aux paragraphes 55, 57, 62 et 64; Chavez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, 137 ACWS (3d) 392; Mendoza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 634, 139 ACWS (3d) 151, au paragraphe 16; B.R. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 269, 146 ACWS (3d) 530, au paragraphe 17).

 

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur était exclu de la protection au titre de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention parce qu’il était complice de perpétration de crimes contre l’humanité?

 

[13]           Au moment de l’attaque, le demandeur soutient qu’il travaillait comme gardien de prison, que l’unité qui a mené l’attaque faisait partie d’une section spéciale des services de sécurité et qu’il ne s’agissait pas de soldats ou de gardiens de prison. Le rôle du demandeur pendant l’émeute et par la suite a été d’évacuer le personnel médical et de monter la garde auprès des corps à la morgue. Le demandeur soutient que la Commission a commis un certain nombre d’erreurs.

 

[14]           Un acte criminel équivaut à un crime contre l’humanité lorsque la preuve établit que quatre conditions sont remplies : 1. un acte prohibé énuméré a été commis; 2. L’acte a été commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique; 3. L’attaque était dirigée contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes; 4. L’auteur de l’acte prohibé était au courant de l’attaque et savait que son acte s’inscrirait dans le cadre de cette attaque ou a couru le risque qu’il s’y inscrive (Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 325, [2004] 1 RCF 3, au paragraphe 119).

 

[15]           D’après le demandeur, la Commission a commis une erreur flagrante en ce qui a trait à la condition que « l’acte a été commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique », parce que la Commission a interprété cette condition comme s’il fallait déterminer si l’attaque avait été organisée. La Commission a conclu que la condition était de déterminer si l’acte avait été commis de façon systématique et elle a conclu que cette condition avait été remplie parce que l’émeute avait été organisée et planifiée par les dirigeants de la prison. Le demandeur fait valoir que la Commission devait relever un plan d’attaques et qu’elle a commis une erreur en ne comprenant pas que la répression du soulèvement devait être située dans le cadre d’une « attaque généralisée et systématique » pour qu’elle constitue un crime contre l’humanité.

 

[16]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en concluant que les prisonniers constituaient une population civile ou un groupe identifiable de personnes parce qu’en l’espèce, il n’existe pas de tel groupe défini dans l’arrêt Mugesera.

 

[17]           La Commission a conclu que le demandeur était complice parce qu’il était policier, mais les attaques ont été commises par les forces spéciales. De nombreux précédents font état du fait que si une organisation est légitime, le demandeur doit faire partie du groupe précis qui commet le crime pour qu’il soit considéré comme complice (voir, par exemple, Ardila c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1518, 143 ACWS (3d) 1072).

 

[18]           Le ministre soutient que la Commission a conclu que les gardiens de prison avaient eu recours à la torture, mais elle n’a pas conclu que le demandeur avait été complice de torture ni que l’organisation était équivalente à une police secrète ou à un groupe terroriste dont le seul objectif était la criminalité. La Commission n’a pas conclu que le demandeur était exclu en raison de complicité de torture. Le seul motif portait sur l’attaque envers les prisonniers.

 

[19]           Le demandeur fait valoir qu’il n’était pas membre des forces policières au moment de l’attaque à la prison, soit le seul événement qualifié de crime contre l’humanité. La preuve documentaire est claire : les gardiens de prisons n’ont pas pris part à l’attaque. Le demandeur et les autres gardiens n’ont pas participé, ils étaient seulement présents à leurs postes lorsque les brigades d’élites de la police sont entrées dans la prison. Le demandeur a témoigné que lui et deux de ses collègues ont officiellement été blâmés par les autorités et que ses tâches ne comprenaient aucune interaction avec les détenus.

 

[20]           La Commission aurait aussi commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le demandeur avait été complice de la perpétration de crimes contre l’humanité parce que la torture était répandue dans diverses prisons en Géorgie et que les policiers commettaient des atrocités. Le demandeur était membre d’une organisation légitime, il n’avait pas participé à des violations des droits de la personne et il n’était pas membre d’une unité qui violait les droits de la personne. Le fait qu’il y ait eu des cas de torture de temps à autre par quelques personnes dans tout le système carcéral n’entraîne pas la complicité de perpétration de crimes contre l’humanité (Vasquez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1302, 153 ACWS (3d) 186, aux paragraphes 25 à 27).

 

[21]           Il n’y a aucune allégation selon laquelle le demandeur a participé personnellement à l’émeute. La Cour a décidé que le fait de brutaliser des prisonniers ne constituait pas de la persécution, encore moins de la torture (Mahalingam c Canada (Procureur général), [1993] ACF no 1140 (1re inst) (QL), 44 ACWS (3d) 571; Abouhalima c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 144 FTR 240, 77 ACWS (3d) 615 (CF 1re inst); Murugiah c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 63 FTR 230, 40 ACWS (3d) 1141 (CF 1re inst)), et la Commission ne précise pas de quelle façon les actes du demandeur constituent de la torture ou même un crime contre l’humanité.

 

[22]           Le défendeur soutient que le fait de déterminer si le demandeur est complice d’une ou plusieurs atrocités, à un moment donné ou pendant une certaine durée, n’est pas pertinent quant à la question de savoir s’il y a des motifs sérieux de croire que le demandeur a commis un crime contre l’humanité. Ce qui est pertinent quant à l’application de l’alinéa a) de la section F de l’article premier est que le demandeur appartenait à une organisation qui avait commis, de façon répétée, des crimes contre l’humanité de façon généralisée ou systématique (Ramirez, précité; Sivakumar c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 433 (CA), aux pages 442 et 444; Suliman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 133 FTR 178, 72 ACWS (3d) 343 (CF 1re inst); Ledezma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 76 ACWS (3d) 151, [1997] ACF no 1664 (1re inst) (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Muto, 2002 FCT 256, 117 ACWS (3d) 463; Harb c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, 238 FTR 194 (CAF)).

 

[23]           En l’espèce, la preuve documentaire établit que les forces policières de la Géorgie avaient participé à de la torture et à des violations des droits de la personne systématiques dans le système carcéral dans lequel le demandeur était affecté. La Commission a noté que les responsables de l’administration pénitentiaire étaient reconnus pour avoir violé les droits de la personne, avoir participé à de la torture et à des détentions arbitraires et que les conditions de détention dans la prison à laquelle le demandeur était affecté équivalaient à des traitements inhumains et dégradants.

 

[24]           Dans l’arrêt Ramirez, la Cour d’appel fédérale a interprété le terme « commis » de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention par la formulation des principes suivants :

a)      la simple appartenance à une organisation responsable d’infractions internationales ne suffit pas pour qu’une personne soit exclue;

b)      la participation personnelle et consciente à des actes de persécution est nécessaire;

c)      l’appartenance à une organisation qui vise des fins limitées et brutales, comme les activités d’une police secrète, peut impliquer nécessairement la participation personnelle et consciente;

d)     la simple présence d’une personne sur les lieux où sont commis les actes de persécution ne constitue pas une participation personnelle et consciente;

e)      la présence jointe à l’association avec les auteurs principaux de l’infraction constitue une participation personnelle et consciente;

f)       l’existence d’objectifs communs et la connaissance que toutes les parties en cause ont de ces objectifs constituent une preuve suffisante de complicité.

 

[25]           Le principe de la complicité prévoit que la participation active à une organisation n’est pas nécessaire, mais une personne est complice si elle contribue, directement ou indirectement, de près ou de loin, tout en étant consciente des activités de l’organisation, ou si elle rend les activités de cette organisation possibles. En l’espèce, le demandeur a reconnu s’être volontairement enrôlé dans les forces policières affectées au système carcéral alors qu’il savait que des violations des droits de la personne étaient commises dans ce système. Il était aussi au courant de l’origine clandestine de l’émeute à la prison, mais il a gardé le silence comme le lui demandaient ses supérieurs. Le demandeur a monté la garde auprès des corps à la morgue après la fin de l’émeute et il n’a quitté l’organisation que lorsqu’il a lui-même fait l’objet d’une enquête. La Commission a conclu que la torture généralisée et systématique des prisonniers, qui comprenait l’émeute organisée et planifiée par des dirigeants de la prison dans laquelle des prisonniers ont été tués, s’élevait au niveau de crimes contre l’humanité, comme établi dans l’arrêt Mugesera.

 

[26]           L’allégation du demandeur selon laquelle la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la population carcérale en Géorgie était une population civile n’est pas fondée. Le défendeur soutient que la Commission ne disposait d’aucune preuve établissant que les prisonniers en Géorgie n’étaient pas des civils (Sumaida c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 3 CF 66 (CA); Varela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 436, 166 ACWS (3d) 1121). La Commission pouvait donc raisonnablement conclure que le demandeur avait été complice de perpétration de crimes contre l’humanité.

 

[27]           La Cour doit d’abord établir le critère à satisfaire pour établir qu’il y a eu complicité au sens de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention. La Cour d’appel fédérale a examiné la question au paragraphe 16 de l’arrêt Ramirez :

Quel est, alors, le degré de complicité requis? La première conclusion à laquelle je parviens est que la simple appartenance à une organisation qui commet sporadiquement des infractions internationales ne suffit pas, en temps normal, pour exclure quelqu’un de l’application des dispositions relatives au statut de réfugié.

[...]

Cependant, lorsqu’une organisation vise principalement des fins limitées et brutales, comme celles d’une police secrète, la simple appartenance à une telle organisation peut impliquer nécessairement la participation personnelle et consciente à des actes de persécution.

 

[28]           Après avoir examiné les motifs de la Commission à la lumière de la preuve dont elle était saisie, j’estime que sa décision n’était pas déraisonnable et que l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 

[29]           Il est bien établi qu’il n’est pas nécessaire que le demandeur d’asile ait participé directement à la violation des droits de la personne ou de crimes contre l’humanité commis par l’organisation dont il faisait partie pour qu’on juge qu’il était complice de tels actes (voir Ramirez, précité).

 

[30]           Compte tenu de la preuve documentaire que la Commission a mentionnée, selon laquelle les gardiens de prison en Géorgie avaient eu recours à la violence et à la torture de prisonniers, il n’était pas déraisonnable qu’elle conclue que les explications du demandeur étaient insuffisantes. L’analyse des facteurs établis dans l’arrêt Ramirez démontre une probabilité sérieuse que le demandeur a été complice des événements entourant l’émeute à la prison no 5, le 26 mars 2006.

 

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’avait pas démontré l’incapacité de l’État à lui fournir une protection adéquate?

[31]           Le demandeur soutient que si l’un des aspects de sa crainte de persécution n’est pas examiné, la conclusion quant à la protection de l’État ne peut pas être maintenue, Ayad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (1996), 117 FTR 270, 63 ACWS (3d) 126 (CF 1re inst), citant Torres c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 50 ACWS (3d) 865, [1994] ACF no 585 (CA) (QL)). La Commission n’a pas compris que ce n’est pas l’État qui a conclu que les émeutes avaient été planifiées par les dirigeants de la prison. La position du gouvernement, malgré les enquêtes qu’il a effectuées au sujet de l’émeute, est que l’émeute a été une réponse à une situation dangereuse parce que le gouvernement a déclaré que les prisonniers avaient tiré des coups de feu vers les policiers, qui avaient ouvert le feu contre les prisonniers en réponse. La conclusion de la Commission selon laquelle l’enquête du gouvernement signifie qu’une protection de l’État existe ne constitue que des conjectures.

 

[32]           La Commission a reconnu que le demandeur avait été battu par des dirigeants de la police parce qu’il avait parlé à un journaliste, par conséquent, la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur avait participé à l’enquête est difficile à comprendre. En outre, le fait qu’il a été battu par des policiers signifie que la présomption de l’existence de la protection de l’État ne s’applique pas, ou qu’à tout le moins, elle s’applique différemment (Musorin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 408, 138 ACWS (3d) 348).

 

[33]           Le demandeur a fondé sa demande d’asile sur le fait qu’il craignait d’être persécuté en raison de ce qu’il savait de la participation des dirigeants de la prison dans l’organisation de l’émeute à la prison no 5, et sur le fait qu’il craignait d’être accusé d’avoir fait entrer des armes dans la prison, ce qui entraînerait une peine d’emprisonnement de huit ans.

 

[34]           La Commission a noté que, d’après le dossier militaire et le témoignage du demandeur, il relevait du département carcéral au moment de l’émeute. En fonction de la preuve documentaire, la Commission a conclu que le demandeur n’avait pas présenté une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État de lui offrir une protection adéquate s’il décidait de révéler ce qu’il savait au sujet de l’organisation de l’émeute dans la prison.

 

[35]           La Commission a droit à une grande déférence eu égard à ses conclusions quant à la question de savoir si un demandeur a réfuté la présomption de la protection de l’État.

 

[36]           En l’espèce, il était entièrement loisible à la Commission de conclure, compte tenu des circonstances, que le demandeur n’avait pas épuisé toutes les voies de recours offertes par l’État. Le demandeur n’a pas tenté d’obtenir l’aide des autorités avant de décider de s’enfuir au Canada.

 

[37]           La Commission pouvait aussi raisonnablement inférer de la preuve documentaire que le demandeur ne subirait aucune conséquence défavorable s’il décidait de révéler ce qu’il savait de l’émeute, qui avait fait l’objet d’une enquête du gouvernement.

 

[38]           Les parties n’ont présenté aucune question à certifier, et l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

Michel Beaudry

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                IMM-5170-08

 

INTITULÉ :                                             IMEDA LIQOKELI

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                      Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                    Le 19 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS                             

ET DU JUGEMENT :                             Le 22 mai 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane                                            POUR LE DEMANDEUR

                                                                                               

 

Ian Hicks                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

                                                                                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Micheal Crane                                            POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

                                                                                               

John H. Sims, c.r.                                       POUR LE DÉFENDEUR         

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

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