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Date : 20090528

Dossier : IMM-4161-08

Référence : 2009 CF 550

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2009

En présence de l’honorable Orville Frenette

 

ENTRE :

ERIUS ALLIU

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               La présente demande d’autorisation de contrôle judiciaire, introduite conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27 (la Loi), vise une décision d’une agente d’examen des risques avant renvoi (ERAR) rendue le 4 septembre 2008. Dans sa décision, l’agente a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas au critère d’octroi de la résidence permanente pour considérations humanitaires.

 

[2]               Le 12 novembre 2008, le soussigné a accordé un sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion visant le demandeur. Dans les circonstances, je crois qu’il est nécessaire que j’explique les motifs pour lesquels je refuse l’autorisation.

 

Contexte

[3]               Le demandeur est entré au Canada en 2002 à l’âge de 18 ans, et a demandé l’asile au motif qu’il était pris pour cible du fait de son appartenance au Parti démocrate (PD) d’Albanie.

 

[4]               La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande en 2003 en raison de doutes concernant sa crédibilité et parce qu’il n’avait pas prouvé qu’il était un membre actif du PD. Une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée en décembre 2003.

 

[5]               Le 19 avril 2004, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des considérations humanitaires (demande CH). Cette demande a été rejetée le 4 septembre 2008. On a ordonné l’expulsion du demandeur en Albanie le 16 mai 2008, mais un report administratif de trois mois lui a été accordé.

 

[6]               Le demandeur a déposé une demande d’ERAR en 2007 : cette demande a fait l’objet d’une décision défavorable le 9 avril 2008. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire.

 

Décision accordant un sursis

[7]               Le soussigné a octroyé un sursis à la mesure d’expulsion, parce que l’agente n’avait pas analysé ni tranché l’une des deux nouvelles questions soulevées, soit le risque auquel s’exposait personnellement le demandeur s’il était renvoyé en Albanie en raison du service militaire obligatoire.

 

Critère applicable à la demande d’autorisation de contrôle judiciaire

[8]               Comme l’énonce le paragraphe 72(1) de la Loi, le contrôle judiciaire est subordonné à l’octroi d’une demande d’autorisation. Le seul critère consiste à déterminer si le demandeur a présenté une « cause défendable » au sujet d’une question sérieuse à trancher (Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 47 Admin. L.R. 317, 109 N.R. 239, au paragraphe 1 (C.A.F.)).

 

[9]               Le demandeur se fonde sur mes conclusions au stade de la demande de sursis pour prétendre qu’il a satisfait au critère d’obtention de l’autorisation (Alliu c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2008 FC 1256).

 

[10]           Le défendeur allègue que le critère applicable à une demande de sursis n’est pas identique à celui d’une demande d’autorisation. Pour le sursis, le critère consiste à déterminer si la « question sérieuse » soulevée n’est « ni futile, ni vexatoire ». Ce critère est moins exigeant que celui appliqué à l’étape de l’autorisation, à savoir s’il y a une « cause défendable » (Bains, précité; Brown c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1250, au paragraphe 5; Streanga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 792, aux paragraphes 7 et 9).

 

[11]           Le demandeur prétend qu’il a satisfait au critère applicable à la demande d’autorisation. Le défendeur soutient que le demandeur n’a fourni aucune [traduction] « preuve à l’appui » de l’allégation de service militaire. Il ajoute que cette question a été tranchée dans la décision d’ERAR, laquelle n’a fait l’objet d’aucune demande de contrôle judiciaire.

 

Analyse

[12]           Les faits, ainsi qu’un survol de la décision d’ERAR, montrent que la question principale soulevée par le demandeur, soit celle du service militaire, a été tranchée. De plus, le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve pour étayer son allégation à ce sujet. Le dossier révèle que le demandeur a épuisé tous les recours possibles depuis 2002 afin de demeurer au Canada.

 

[13]           Sa première demande CH a été rejetée en 2008. Une deuxième demande CH peut être déposée à l’extérieur du Canada. Par conséquent, je dois conclure que le demandeur n’a pas satisfait au critère de la question sérieuse soulevée par une cause défendable.

 

Caractère théorique

[14]           Très récemment, dans l’arrêt Baron c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 81, la Cour d’appel fédérale a rejeté un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la juge Eleanor Dawson, qui avait rejeté une demande d’autorisation après qu’une ordonnance de sursis eut été rendue parce que la date de renvoi était passée, ce qui conférait un caractère théorique à la question, et qu’il n’y avait pas de « litige actuel » à trancher. En appel, le juge Pierre Blais a écrit ce qui suit :

[87]     Les demandes CH ne sont pas censées faire obstacle aux mesures de renvoi valides.

 

[88]     Dans le cas des appelants, la demande CH est toujours en instance, ce qui, à mon avis, n’empêche toujours pas leur renvoi. […]

 

 

[15]           Les faits de cette affaire ressemblent à ceux en l’espèce. L’arrêt Baron de la Cour d’appel a été rendu le 13 mars 2009, soit après ma décision d’accorder le sursis, rendue le 12 novembre 2008. La conclusion tirée dans Baron doit être suivie en l’espèce. Voir aussi Chetaru c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 436.

 

[16]           Le demandeur à demandé aussi à la Cour [traduction] « d’ordonner que le défendeur traite la demande d’établissement au Canada ». Je pourrais ne pas répondre à cette question, mais je choisis de le faire. Le défendeur conteste cette demande en alléguant que la Cour n’est pas habilitée à accueillir une demande CH sans que la procédure régulière n’ait été respectée. À mon avis, le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, confère à la Cour le pouvoir d’accorder les ordonnances ou les directives qu’elle considère appropriées dans les circonstances de l’affaire. De plus, selon la jurisprudence, la Cour fédérale a le pouvoir inhérent de s’assurer que les objectifs de la loi sont atteints (Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626; Ali c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 3 C.F. 73 (1re inst.); Lazareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1372).

 

[17]           Cependant, les faits de la présente affaire ne justifient pas l’octroi d’une telle ordonnance en l’espèce.

 

[18]           Pour tous ces motifs, la demande d’autorisation est rejetée.

 

 

 

ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE :

La demande d’autorisation de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 4 septembre 2008, par laquelle l’agente d’ERAR a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas au critère d’octroi du statut de résident permanent pour considérations humanitaires, est rejetée.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A.Trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4161-08

 

INTITULÉ :                                       ERIUS ALLIU c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

DEMANDE JUGÉE SUR DOSSIER

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       L’honorable Orville Frenette

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 28 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Shams                                                     POUR LE DEMANDEUR

 

Evan Liosis                                                       POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Saint-Pierre, Grenier Avocats Inc.                     POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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