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Cour fédérale

Federal Court

 

Date : 20090608

Dossier : T-1168-07

Référence : 2009 CF 574

Ottawa (Ontario), le 8 juin 2009

En présence de madame la juge Dawson

 

ENTRE :

CHRIS HUGHES

demandeur

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

ALLISON DONALD, CAROL GREEN, DEAN HENDERSON,

HEATH LARIVIERE, MICHELLE MUKAHANANA, STACIE

ROSENTRETER ET JENNIFER SOBERG

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

[1]        Il a été jugé que M. Hughes, le demandeur, n’était pas qualifié en vue d'être inscrit dans un répertoire de candidats préqualifiés pour être nommés à des postes d’inspecteur des douanes PM‑02 à Victoria, Sidney et Bedwell Harbour, en Colombie‑Britannique (le répertoire, à Victoria). Par conséquent, M. Hughes a déposé auprès de la Commission de la fonction publique (la Commission), en vertu de l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P‑331 (la Loi), une plainte au sujet du répertoire, à Victoria. Une enquête a ensuite été effectuée conformément à l’article 7.1 de la Loi. L’enquêteur a conclu que la plainte était fondée, et ce, pour quatre raisons :

1.                  Les nominations effectuées à l’aide du répertoire de candidats préqualifiés, à Victoria, aux mois de décembre 2004 et de mars 2005, ne respectaient pas toutes le principe du mérite, parce que rien ne montrait que les personnes nommées avaient été évaluées et qu’elles possédaient les qualifications établies pour les postes d’inspecteur des douanes qui venaient d’être reclassifiés.

2.                  Ces nominations n’ont pas été effectuées conformément à l’entente de délégation que le ministère avait conclue avec la Commission et elles allaient à l’encontre du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (2000), DORS/2000‑80 (le Règlement), parce que le ministère n’était pas autorisé à effectuer des nominations à des postes du groupe et niveau PM‑03 en se fondant sur un répertoire de candidats préqualifiés établi pour des postes du groupe et du niveau PM‑02.

3.                  Sept des nominations saisonnières pour une durée indéterminée effectuées au moyen du répertoire de candidats préqualifiés, à Victoria, étaient invalides parce que les personnes nommées avaient antérieurement été nommées au moyen du même répertoire, ce qui allait à l’encontre du paragraphe 5(3) du Règlement. Deux des nominations pour une durée déterminée effectuées au mois de décembre 2004 étaient invalides, et ce, pour le même motif.

4.                  Un candidat reçu avait été nommé d’une façon irrégulière à un poste d’une durée déterminée, au mois de mars 2005. La nomination était irrégulière, parce que le candidat ne satisfaisait pas aux critères géographiques auxquels étaient tenus de satisfaire les candidats dans le cadre du processus de sélection afin d’être admissibles à une nomination.

 

[2]        Sur consentement, l’enquêteur n’a pas initialement enquêté sur deux allégations faites par M. Hughes, et ce, parce que la nécessité d’enquêter sur ces allégations dépendait du résultat de l’enquête concernant d’autres allégations. Les allégations qui n’avaient pas initialement fait l’objet d’une enquête étaient les suivantes :

 

·        Les compétences de certains candidats n’avaient pas été cotées d’une façon uniforme.

·        Le ministère avait inscrit M. Hughes sur la « liste noire ».

 

[3]        À la fin de l’enquête, l’enquêteur a conclu qu’étant donné les conclusions qu’il avait tirées à la suite de l’enquête, il n’y avait plus lieu d’enquêter sur ces deux allégations. En effet, M. Hughes avait fait l’objet d’une nomination pour une durée déterminée lorsque la première ronde de nominations avait eu lieu, en 2003, à l’aide du répertoire de candidats préqualifiés, à Victoria. Les deuxième et troisième rondes de nominations étaient invalides. Une enquête sur les deux allégations ne changerait rien au fait que les deuxième et troisième rondes de nominations étaient invalides.

 

[4]        L’article 7.5 de la Loi confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire de prendre, selon les résultats de l’enquête, « les mesures de redressement qu’elle juge indiquées ». La Commission a retenu les conclusions de l’enquêteur et elle a ordonné la prise de mesures de redressement. Dans ces mesures, la Commission tenait compte de la conclusion qu'elle avait tirée, à savoir que, pour un certain nombre de raisons, il n'était pas possible de recréer les conditions qui existaient lorsque le répertoire des candidats préqualifés, à Victoria, avait initialement été établi. La Commission a ordonné la prise des mesures de redressement suivantes :

                  [traduction]

·        que les résultats du processus de sélection soient annulés;

 

·        que [l'Agence des services frontaliers du Canada] réévalue les sept personnes qui ont été nommées à partir du répertoire et qui travaillent encore à [l'Agence des services frontaliers du Canada] par rapport aux qualifications requises pour le poste reclassifié d'agent des services frontaliers PM‑03;

 

·        que [l'Agence des services frontaliers du Canada] fournisse au vice‑président de la Direction générale des enquêtes, Commission de la fonction publique, les résultats de la réévaluation des sept personnes dans les trente (30) jours qui suivront la date du présent compte rendu de décision;

 

·        que la nomination des personnes qui ne sont pas jugées qualifiées soit au besoin révoquée dans les soixante (60) jours qui suivront la date du présent compte rendu de décision.

 

[5]        Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

Le contexte factuel

[6]        Le processus de sélection 2003‑2092‑PAC‑3961‑7003 a été affiché le 11 octobre 2003 et il a pris fin le 30 octobre 2003. Il avait pour but de créer un répertoire de candidats préqualifiés pour doter les postes d’inspecteur des douanes pour une durée indéterminée et pour une durée déterminée, à Victoria et à Sidney, en Colombie‑Britannique, y compris Bedwell Harbour.

 

[7]        À ce moment‑là, l’inspection des douanes relevait du mandat de l’Agence des douanes et du revenu du Canada et les dispositions de la Loi ne s’appliquaient pas à la dotation de postes au sein de cette agence. Toutefois, pendant que le processus de sélection était en cours, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a été établie, le 12 décembre 2003. L’ASFC faisait désormais partie de l’administration publique centrale, et toutes les nominations, à l’ASFC, étaient désormais régies par les dispositions de la Loi.

 

[8]        Dans le cadre du processus de sélection, 23 candidats ont été jugés qualifiés, y compris M. Hughes. Ils ont été inscrits au répertoire de candidats préqualifiés, à Victoria, qui a été établi le 5 mars 2004.

 

[9]        M. Hughes, comme un nombre élevé d’autres candidats reçus, avait été déclaré qualifié lors d’un processus de sélection antérieur, pour les inspecteurs des douanes, dans la région de Victoria (le répertoire de candidats préqualifiés de 2002). Ce processus de sélection a été effectué, et le répertoire de 2002 a été établi à un moment où l’inspection des douanes relevait encore du mandat de l’Agence des douanes et du revenu du Canada. Ce répertoire a expiré le 31 mars 2004, après la création de l’ASFC.

 

[10]      Aux mois de mars et d’avril 2004, treize candidats inscrits au répertoire de 2002 se sont vu offrir des nominations pour une durée déterminée pour l’été 2004. Onze candidats ont accepté. Au cours de la même période, huit candidats inscrits au répertoire, à Victoria, y compris M. Hughes, se sont vu offrir un emploi pour une durée déterminée pour cet été‑là. M. Hughes et quatre autres personnes ont accepté. L’emploi de M. Hughes a commencé le 3 mai 2004 et a pris fin le 30 septembre 2004.

 

[11]      Le ministère avait voulu offrir à M. Hughes une nomination pour une durée déterminée en se fondant sur le répertoire de 2002, à Victoria. Toutefois, M. Hughes travaillait à l’Agence du revenu du Canada à ce moment‑là. Cette agence a refusé de lui permettre d’être muté, de façon qu’un travail puisse lui être assigné à titre d’inspecteur des douanes. Lorsque le ministère a appris que l’Agence du revenu du Canada ne voulait pas consentir à la mutation, le répertoire de 2002 était expiré. Le ministère a donc fait savoir que M. Hughes était embauché à l’aide du répertoire, à Victoria.

 

[12]      Deux autres personnes qui, comme M. Hughes, avaient été sélectionnées pour le répertoire de 2002 et pour le répertoire, à Victoria, se sont vu offrir un emploi d’été par le moyen du répertoire, à Victoria. Une personne a accepté.

 

[13]      Cinq autres personnes qui étaient inscrites aux deux répertoires ont été nommées à partir du répertoire de 2002.

 

[14]      Le 8 octobre 2004, les postes d’inspecteur des douanes ont fait l’objet d’une nouvelle désignation, celle d’agent des services frontaliers, et ont été reclassifiés en tant que postes PM‑03. Cette reclassification a suivi le transfert à l’ASFC des fonctions de Citoyenneté et Immigration aux points d’entrée. L’un des changements importants consistait à ajouter aux tâches des agents de services frontaliers la responsabilité de procéder au contrôle secondaire de l’immigration et d’exercer par délégation le pouvoir d’accepter ou de refuser l’entrée au Canada.

 

[15]      Au mois de décembre 2004, huit candidats inscrits au répertoire de candidats préqualifiés, à Victoria, se sont vu offrir un emploi pour une durée déterminée. Étant donné que les postes avaient été reclassifiés au niveau PM‑03, les offres ont été faites à ce niveau. Cinq candidats ont accepté l’offre.

 

[16]      Au mois de mars 2005, trois candidats du répertoire de candidats préqualifiés, à Victoria, se sont vu offrir un emploi pour une durée déterminée au niveau PM‑03. Une personne a accepté. Onze candidats inscrits à ce répertoire se sont vu offrir des emplois saisonniers pour une durée indéterminée au niveau PM‑03. Huit candidats ont accepté.

 

[17]      Aucune offre n’a été faite à M. Hughes, que ce soit au mois de décembre 2004 ou au mois de mars 2005.

 

[18]      Le répertoire de candidats préqualifiés, à Victoria, a expiré le 31 mars 2005. Sept employés qui avaient été nommés à l’aide de ce répertoire travaillaient encore à l’ASFC au niveau PM‑03 lors de l’enquête (sept titulaires).

 

[19]      M. Hughes a déposé sa plainte devant la Commission au sujet du répertoire de candidats préqualifiés, à Victoria, le 6 janvier 2005 et une enquête a été menée.

 

[20]      L’enquêteur a rendu sa décision le 30 mai 2006. M. Hughes, l’ASFC et les défendeurs individuels ont eu la possibilité de soumettre à la Commission des observations au sujet des mesures de redressement qu’il convenait de prendre.

 

[21]      Le 13 juin 2007, la Commission a présenté un compte rendu de décision, par lequel elle retenait les conclusions de l’enquêteur et ordonnait la prise des mesures de redressement susmentionnées.

 

La décision de la Commission

[22]      Les motifs de la Commission étaient relativement brefs :

[traduction]

 

MOTIFS AFFÉRENTS AU COMPTE RENDU DE DÉCISION 07‑06‑IB‑42

 

En règle générale, la conciliation vise à permettre d'étudier les mesures de redressement à prendre pour corriger les irrégularités décelées dans un processus de sélection, lesquelles ont nui à une bonne application du principe du mérite. L'examen des mesures de redressement est fondé sur l'hypothèse selon laquelle il est en fait possible de remédier aux irrégularités, compte tenu de leur nature. Dans ce cas‑ci, la Commission estime qu'il n'est pas possible de remédier aux irrégularités.

 

L'enquête menée conformément à l'article 7.1 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P‑33, dans sa forme modifiée (l'ancienne LEFP), a révélé qu'il existait plusieurs irrégularités dans la stratégie de nomination que le ministère avait adoptée en vue de doter les postes d'inspecteur des douanes PM‑2. Plus précisément, le répertoire des candidats préqualifiés (le RCP) n'a pas été utilisé de la façon appropriée. Les nominations aux postes PM‑03 ont été effectuées à l'aide du RCP qui avait été établi pour des postes PM‑02; certaines personnes inscrites à ce répertoire ont été nommées plus d'une fois et ont également été nommées à des postes autres que ceux pour lesquels le RCP avait été établi, et ce, parce que le poste a fait l'objet d'importants changements quant à ses fonctions et qu'il a été reclassifié. Les irrégularités se rapportaient à l'établissement et à l'utilisation du RCP, et non aux outils d'évaluation ou à l'évaluation elle‑même.

 

La combinaison des irrégularités fatales décelées lors de l'enquête ainsi que du contexte existant des nouveaux postes et des nouveaux règlements nous amène à conclure qu'il n'est pas possible de recréer les conditions qui existaient lorsque le RCP a initialement été utilisé. Par conséquent, les résultats du processus de sélection doivent être annulés.

 

Il reste la question des sept personnes, à savoir Allison Donald, Carol Green, Dean Henderson, Heath Lariviere, Michelle Mukahanana, Stacie Rosentreter et Jennifer Soberg, qui ont été nommées à l'aide de ce RCP et qui ont continué à travailler à l'Agence des services frontaliers du Canada (l'ASFC). En vertu du paragraphe 6(2) de l'ancienne LEFP, lorsque la nomination d'une personne est révoquée, la Commission peut alors nommer cette personne à un niveau qui, à son avis, est proportionné à ses qualifications. Pour arriver à un résultat final similaire en ce qui concerne cette mesure de redressement, la Commission ordonne que l'ASFC prenne des mesures concrètes en vue de s'assurer que ces personnes ont les qualifications requises pour les postes qu'elles occupent. L'ASFC devra faire part des résultats de la réévaluation des sept personnes en question au vice‑président de la Direction générale des enquêtes dans les trente (30) jours qui suivront la date du présent compte rendu de décision. La nomination d'un candidat reçu sera au besoin révoquée si l'ASFC juge que celui‑ci ne possède pas les qualifications requises.

 

Il importe également de noter que si la nomination des sept personnes en question est révoquée dans le cadre de la prise des mesures de redressement, l'administrateur général pourra réévaluer ces personnes et les nommer de nouveau conformément à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique actuelle, L.R.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13, dans sa forme modifiée, selon laquelle la norme applicable est que la personne à nommer possède les qualifications essentielles.

 

En ce qui concerne la situation du plaignant lui‑même, il n'est aucunement question de procéder à une nomination rétroactive, étant donné qu'à l'heure actuelle, les postes sont fort différents de ceux pour lesquels le RCP avait initialement été établi. Lors de processus de sélection subséquents, le plaignant n'a pas été jugé qualifié pour occuper le poste d'agent des services frontaliers PM‑3.

 

Il importe également de noter qu'à cause du taux de rotation élevé des titulaires de ces postes, l'ASFC doit régulièrement mener des processus de nomination en vue de renforcer ses effectifs dans plusieurs régions du Canada. Des possibilités d'emploi continueront à exister pour les personnes qui veulent se porter de nouveau candidates à l'avenir.

 

 

Les questions en litige

[23]      Dans son mémoire initial des faits et du droit, M. Hughes énumère les questions en litige :

 

1.      La Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit en permettant à des personnes dont les contrats d’emploi étaient illégaux de bénéficier du processus de dotation et de continuer dans ce processus?

 

2.      La Commission a‑t‑elle commis une erreur susceptible de révision en permettant la prise de mesures de redressement en vue d’accorder effectivement des promotions à des personnes qui s’étaient portées candidates à un poste de niveau inférieur comportant des qualifications différentes et une classification différente?

3.      La décision de la Commission était‑elle conforme au principe du mérite, au droit contractuel ainsi qu’à la Loi et à son règlement d’application?

4.      La Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit en ne permettant pas au demandeur et aux autres candidats reçus qui n'avaient pas été nommés de participer à la réévaluation prévue par les dispositions transitoires de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22?

5.      La Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit en annulant le processus de sélection au complet au lieu de simplement révoquer les contrats illégaux et de reprendre l’étape de la nomination du processus de sélection?

6.      En tardant à enquêter et à prendre des mesures de redressement, tout en permettant aux défendeurs de conserver leur emploi tant que des mesures de redressement ne seraient pas prises, la Commission a‑t‑elle accordé un avantage indu aux défendeurs?

7.      La Commission aurait‑elle dû ordonner à l’ASFC d’épuiser le répertoire, à Victoria, rétroactivement au mois de juin 2004, pour les postes, à Vancouver, compte tenu du fait que l’enquête, à Vancouver, montrait qu’aucun des candidats n’avait été évalué d’une façon régulière?

 

[24]      Dans son mémoire supplémentaire des faits et du droit, M. Hughes énumère les questions en litige comme suit :

1.      Étant donné les délais injustifiés et les erreurs commises par la Commission, du mois d’octobre 2004 au mois de juillet 2005, et le fait que la Commission a longuement tardé à ordonner la prise de mesures de redressement, entre le mois de juin 2006 et le mois de juin 2007, ces mesures de redressement devraient‑elles être annulées?

2.      La Commission aurait‑elle dû omettre de tenir compte des recommandations que l’enquêteur avait faites au sujet des mesures de redressement?

3.      L’omission de la Commission de vérifier si d’autres candidats avaient peut‑être échoué lors du concours tenu par l’ASFC au mois d’avril 2005 démontre‑t‑elle l’existence d’un parti pris ou un favoritisme?

4.      Certains employés de la Commission avaient‑ils un parti pris ou ont‑ils violé le principe du mérite en excluant le demandeur lorsque des mesures de redressement ont été prises, au mois de février 2006, et ce, même si le demandeur avait été inclus lorsque des mesures de redressement avaient été prises entre le mois de septembre 2005 et le mois de janvier 2006?

5.      Le défendeur a‑t‑il appliqué d’une façon erronée la décision qu’il a citée, la décision McAuliffe?

6.      La Commission a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas compte des notes de passage du demandeur, lors des concours qui avaient eu lieu à Victoria, en 2003 et en 2004?

7.      Le fait que le conciliateur a déclaré d’une façon inexacte que le demandeur n’était pas inscrit au répertoire, à Victoria, a‑t‑il amené le défendeur à ordonner la prise de mesures de redressement erronées?

8.      Les mesures de redressement sont‑elles viciées en ce qui concerne un agent des services frontaliers particulier pour cause de non‑divulgation importante de la part de l’ASFC?

9.      Les actions de la Commission, au mois de mai 2006, démontrent‑elles un favoritisme, étant donné que la Commission a modifié les mesures de redressement proposées et qu’au lieu de révoquer les sept contrats illégaux, elle a permis aux personnes en cause de conserver leur emploi, parce qu’elle s’inquiétait des avantages accordés à ces dernières?

 

[25]         Je formulerai les questions en litige comme suit :

1.            Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission?

2.            Les mesures de redressement ordonnées par la Commission doivent‑elles être annulées en raison d’un délai injustifié?

3.            Certains employés de la Commission avaient‑ils un parti pris contre M. Hughes?

4.            Les mesures de redressement ordonnées par la Commission étaient‑elles raisonnables?

 

La norme de contrôle

[26]      Lorsque les présents motifs de jugement ont été rendus, des motifs ont également été rendus dans le dossier du greffe T‑1167‑07, référence 2009 CF 573 (les motifs connexes). Ce dossier se rapportait également à la contestation par M. Hughes d’une décision que la Commission avait prise en vertu de l’article 7.5 de la Loi. Dans ce cas‑là, l’enquêteur qui avait été désigné en vertu de l’article 7.1 de la Loi avait également conclu que la plainte que M. Hughes avait déposée au sujet du processus utilisé aux fins de la sélection de candidats dans un répertoire de candidats préqualifiés pour être nommés à des postes d’inspecteur des douanes PM‑02, à Vancouver, était fondée.

 

[27]      L’examen de la norme de contrôle à appliquer aux questions en litige débute au paragraphe 19 des motifs connexes. J’ai conclu que les deuxième et troisième questions susmentionnées soulevaient des questions de justice naturelle et d’équité procédurale, de sorte que l’analyse de la norme de contrôle ne s’appliquait pas. J’ai également conclu que la quatrième question susmentionnée devait être examinée selon la norme de la raisonnabilité.

 

[28]      Pour les motifs énoncés dans les motifs connexes, j’arrive à la même conclusion dans ce cas‑ci.

 

L’application de la norme de contrôle

Les mesures de redressement ordonnées par la Commission doivent‑elles être annulées pour cause de retard injustifié?

[29]      M. Hughes affirme que les mesures de redressement doivent être annulées, compte tenu des [traduction] « délais injustifiés et des erreurs commises par [la Commission] du mois de janvier 2005 au mois de juillet 2005 et du fait que la Commission a longuement tardé à ordonner la prise de mesures de redressement, du mois de juin 2006 au mois de juin 2007 ».

 

[30]      À l’appui de cet argument, M. Hughes a présenté la preuve suivante :

·        On lui a assuré qu’il faut au plus trois mois pour appliquer les mesures de redressement. M. Hughes a subi un stress émotionnel et financier à cause du temps qu’il a fallu à la Commission pour appliquer ces mesures.

·        Au mois de juillet 2006, la Commission a remis aux intéressés une ébauche des mesures de redressement envisagées. Après avoir reçu des observations de M. Hughes et de l’ASFC, la Commission a fourni une nouvelle ébauche, le 20 septembre 2006. Par la suite, M. Hughes n’a reçu aucune communication de la Commission pendant plusieurs mois.

·        Les délais de la Commission ont énormément stressé et mécontenté M. Hughes. Il a déposé une plainte fondée sur les normes de service auprès du président de la Commission.

·        Les documents que M. Hughes a reçus de la Commission montrent que cette dernière a tardé à maintes reprises, par suite de ses propres erreurs, à faire avancer le dossier. Il y a eu un délai inutile de neuf mois à l’étape de l’enquête et un autre délai de neuf ou dix mois à l’étape de la prise de mesures de redressement.

 

[31]      Je note au départ que M. Hughes se plaint d’importants délais, et ce, depuis le moment où il a initialement tenté de déposer une plainte, notamment à l’étape de l’enquête. La présente demande de contrôle judiciaire se rapporte uniquement à la décision que la Commission a prise le 13 juin 2007 au sujet des mesures de redressement. L’article 7.5 de la Loi exige qu’une telle décision soit prise selon les résultats de l’enquête. Dans ce cas‑ci, l’enquête a pris fin le 30 mai 2006 seulement. Par conséquent, la période pertinente, pour ce qui est du délai, va du 30 mai 2006 au 13 juin 2007. La Commission ne pouvait rien faire au sujet des mesures de redressement proposées tant qu’elle n’avait pas reçu le rapport de l’enquêteur.

 

[32]      Selon moi, les dates pertinentes et la suite des événements sont les suivantes :

1.                  30 mai 2006 : L’enquêteur présente son rapport.

2.                  26 juin 2006 : M. Hughes soumet ses observations au sujet des mesures de redressement.

3.                  21 juillet 2006 : L’ASFC soumet ses observations au sujet des mesures de redressement.

4.                  31 juillet 2006 : M. Hughes remet sa réponse aux observations de l’ASFC.

5.                  31 juillet 2006 : L’ASFC soumet ses observations finales.

6.                  17 août 2006 : Le conciliateur prépare une ébauche des mesures de redressement envisagées. Il y est notamment proposé que M. Hughes et sept titulaires participent à un processus de sélection pour le poste d’agent des services frontaliers PM‑03. Des outils d’évaluation doivent être mis au point afin d’éviter d’accorder un avantage indu aux titulaires.

7.                  20 septembre 2006 : Le conciliateur remet l’ébauche à M. Hughes et à l’ASFC pour commentaires. Il demande également à l’ASFC d’aviser les personnes susceptibles d’être touchées par les mesures de redressement proposées.

8.                  2 octobre 2006 : Les défendeurs individuels, soit les sept titulaires, demandent une prorogation de délai d’une semaine afin de soumettre leurs observations.

9.                  2 octobre et 5 octobre 2006 : M. Hughes s'oppose à l’octroi de la prorogation. Il déclare qu’une [traduction] « prorogation démontrerait du favoritisme envers le ministère et les candidats du ministère ».

10.              6 octobre 2006 : La prorogation est accordée.

11.              6 octobre 2006 : M. Hughes répond au conciliateur que la décision d’accorder la prorogation et les mesures de redressement proposées démontrent un parti pris. Des commentaires plus détaillés sont fournis le 18 octobre 2006.

12.              22 décembre 2006 : Le directeur intérimaire de la Direction générale des enquêtes, Opérations régionales, de la Commission (le directeur intérimaire) prend en charge l’étape de la conciliation.

13.              16 février 2007 : La Commission avise M. Hughes et l’ASFC qu’elle envisage la prise de mesures de redressement différentes de celles qu’elle a déjà proposées. La Commission donne aux parties la possibilité de faire des commentaires sur les nouvelles mesures de redressement proposées. L’ébauche des mesures de redressement prévoit l’annulation du processus de sélection, oblige l’ASFC à justifier l’évaluation des sept titulaires par rapport aux qualifications requises pour le poste d’agent des services frontaliers PM‑03 et dit qu’au besoin, les nominations nécessaires seront révoquées si un titulaire est jugé non qualifié. Aucune mesure de redressement n'est proposée dans le cas de M. Hughes.

14.              16 mars 2007 : L’ASFC déclare être satisfaite des mesures de redressement proposées.

15.              30 mars 2007 : M. Hughes donne une longue réponse, dans laquelle il déclare s’opposer avec véhémence aux nouvelles mesures de redressement proposées. Dans sa réponse, M. Hughes fait savoir qu’il entend modifier la plainte qu’il a déposée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne en vue de constituer la Commission comme partie et qu’il envisage de constituer la Commission comme partie dans les poursuites civiles qu’il a engagées contre l’ASFC.

16.              30 mai 2007 : Une note d’information est préparée à l’intention du président de la Commission. Il y est recommandé que la Commission ordonne la prise de mesures de redressement qui sont quelque peu différentes de celles qui ont finalement été adoptées. L’auteur de la note d’information recommande que les nominations des sept titulaires soient révoquées, mais que la révocation soit suspendue en vue de permettre à l’ASFC d’évaluer les qualifications de ceux‑ci.

17.              13 juin 2007 : La Commission fait connaître sa décision. Elle prévoit essentiellement la réévaluation des sept titulaires. Les nominations doivent être révoquées s’il est jugé qu’un candidat n'est pas qualifié pour occuper le poste.

 

[33]      En droit, les principes de justice naturelle et l’obligation d’agir équitablement comprennent le droit à une audience équitable. Il est possible de remédier sur le plan du droit à un délai injustifié, dans les procédures administratives, qui compromet l’équité de l’audience. Voir : Blencoe c. Colombie‑Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 102.

 

[34]      En l’espèce, la présentation de la preuve a pris fin à l’étape de l’enquête. Il n’est pas invoqué que le délai a compromis la capacité de M. Hughes de présenter sa cause, parce que les témoins étaient décédés ou que les souvenirs s’étaient estompés. Il n’est pas invoqué que le délai a entraîné ce type d’iniquité.

 

[35]      Toutefois, il y a d’autres types de préjudices que celui qui compromet l’équité du procès. Un délai inacceptable peut constituer un abus de procédure, même lorsque l’équité de l’audience n’a pas été compromise. Toutefois, les cas de ce genre sont exceptionnels et rares sont les longs délais qui satisfont à ce critère préliminaire. Pour constituer un abus de procédure, le délai doit être manifestement inacceptable et avoir directement causé un préjudice sérieux. Autrement dit, le délai ne constitue pas en soi un abus de procédure. La partie qui invoque le délai doit établir que le délai était « inacceptable au point d’être oppressif et de vicier les procédures en cause ». Voir Blencoe, paragraphes 115 et 121.

 

[36]      En l’espèce, les délais ne satisfont pas au critère préliminaire, et ce, notamment pour les raisons ci‑après énoncées.

 

[37]      Premièrement, la Commission faisait face à une situation relativement complexe. Au cours du processus de sélection, l’ASFC avait été réorganisée de façon que ses nominations soient régies par les dispositions de la Loi. Or, au moment où la Commission envisageait la prise de mesures de redressement, la Loi avait été abrogée. Au mois d’octobre 2004, les postes PM‑02 avaient été reclassifiés à l’échelle nationale au niveau PM‑03. Les qualifications du poste ont changé lors de la reclassification. La Commission avait conclu qu’eu égard à ces faits, il n’était pas possible de recréer les conditions qui existaient lorsque le répertoire de candidats préqualifiés, à Victoria, avait été établi. Les irrégularités décelées par l’enquêteur ne pouvaient pas être corrigées. La complexité de la situation explique dans une certaine mesure le temps qu’il a fallu à la Commission, ainsi que le nombre de possibilités fournies aux intéressés de faire des commentaires au sujet des mesures de redressement proposées.

 

[38]      Deuxièmement, l’enquêteur n’a pu constater aucune irrégularité dans les outils d’évaluation ou dans l’évaluation des candidats inscrits au répertoire des candidats préqualifiés, à Victoria. Même si M. Hughes était inscrit à ce répertoire, il ne pouvait pas être nommé rétroactivement, à partir de ce répertoire, à un poste d’agent des services frontaliers PM‑03. S’il avait été nommé, l’une des erreurs constatées par l’enquêteur se serait répétée. Par la suite, il a été conclu que M. Hughes n’était pas qualifié pour occuper le poste d’agent des services frontaliers PM‑03 (un poste de niveau d’entrée). Dans ces conditions, il est difficile de voir comment M. Hughes a subi un préjudice du fait qu’il a fallu du temps à la Commission pour arriver à sa décision au sujet des mesures de redressement. Compte tenu du rapport de l’enquêteur, M. Hughes aurait pu espérer, au mieux, que la Commission ordonne sa réévaluation. Toutefois, M. Hughes avait déjà échoué dans le cadre du processus de sélection pour le poste PM‑03, et le poste PM‑02 n’existait plus.

 

[39]      À cela vient s’ajouter le fait que les motifs de la Commission disent [traduction] qu' « à cause du taux de rotation élevé des titulaires de ces postes, l'ASFC doit régulièrement mener des processus de nomination en vue de renforcer ses effectifs dans plusieurs régions du Canada. Des possibilités d'emploi continueront à exister pour les personnes qui veulent se porter de nouveau candidates à l'avenir ». Cette conclusion, qui est essentiellement une conclusion de fait, n’est pas contestée. L’existence de ces possibilités éventuelles empêche de conclure à l’existence d’un préjudice. Cela étant, aucun abus de procédure attribuable au délai n’est établi.

 

[40]      Selon la preuve mise à ma disposition, M. Hughes n’a pas établi que le délai était oppressif au point de vicier les procédures.

 

Certains employés de la Commission avaient‑ils un parti pris contre M. Hughes?

[41]      Dans son dossier supplémentaire, M. Hughes soulève la question du parti pris dont il a ci‑dessus été fait mention au paragraphe 24. Plus précisément, il se demande si un parti pris a amené les employés de la Commission : à omettre de vérifier le concours tenu par l’ASFC au mois d’avril 2005 pour identifier les autres candidats qui avaient échoué; à l’exclure des mesures de redressement proposées au mois de février 2006, alors qu’il avait initialement été inclus; à modifier les mesures de redressement au mois de mai 2006, de façon à ne pas révoquer les nominations des titulaires. Dans les observations écrites qu’il a soumises à l’appui, M. Hughes déclare :

[traduction]

 

26.       L’employé de la CFP [la Commission] qui était responsable de la plupart des délais était [le directeur intérimaire]. Les erreurs commises par son unité et les erreurs qu’il a commises l’ont‑ils amené à se montrer partial à l’endroit du demandeur? Le demandeur s’est adressé à la Cour fédérale à maintes reprises par suite du délai et il a déposé de nombreuses plaintes contre [la Commission] en invoquant le délai et l’incompétence.

 

27.       Étant donné la façon dont il s’est occupé du dossier, [le directeur intérimaire] n’aurait pas dû être en cause à l’étape de la prise des mesures de redressement.

 

[42]      M. Hughes n’a soumis aucun élément de preuve à l’appui de cette allégation de parti pris. Il se fonde sur des déductions qu’il tire de son interprétation des documents dont la Cour est saisie.

 

[43]      Le critère applicable en cas de partialité entraînant inhabilité ou de partialité redoutée consiste à se poser la question suivante : une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, le décideur ne rendrait pas une décision juste (consciemment ou non)? Voir : Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259, au paragraphe 74. Les tribunaux administratifs sont réputés être impartiaux. La charge de démontrer l’existence d’un parti pris, ou une crainte de partialité, repose sur la personne qui l’allègue. Une probabilité réelle de partialité doit être démontrée. Un simple soupçon est insuffisant. Voir : R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, paragraphe 112; Arthur c. Canada (Procureur général) (2001), 283 N.R. 346, au paragraphe 8 (C.A.F.).

 

[44]      J’ai examiné les pièces qui étaient jointes aux affidavits de M. Hughes et de Mme Charbonneau. La preuve qui y figurait est loin d’établir la partialité, réelle ou perçue. Le fait que, selon les mesures de redressement initialement proposées, M. Hughes devait faire partie du processus de sélection au poste d'agent des services frontaliers PM‑03 n'établit pas en soi une perception de partialité. Le motif pour lequel la mesure proposée est supprimée est expliqué d'une façon crédible dans les motifs de la Commission.

 

[45]      De même, la décision de ne pas révoquer les nominations des titulaires n’établit pas en soi une perception de partialité. Comme la Commission l’a expliqué dans ses motifs, même si leurs nominations étaient révoquées, les titulaires pouvaient être de nouveau nommés s’ils possédaient les qualifications essentielles pour occuper le poste. En outre, selon l’une ou l’autre des dernières formulations des mesures de redressement, les titulaires devaient être évalués et leurs nominations devaient être révoquées s’ils n’étaient pas jugés qualifiés.

 

[46]      Enfin, comme la Cour d’appel fédérale l’a fait remarquer dans l’arrêt Lo c. Canada (Comité d’appel de la Commission de la fonction publique) (1997), 222 N.R. 393, au paragraphe 16, le mécanisme d’appel énoncé à l’article 21 de la Loi est un mécanisme de portée restreinte. Il ne confère pas à l’appelant le droit d’être nommé dans le cas où son appel est accueilli. L’appelant ne peut réclamer davantage que l’intégrité de l’application du principe du mérite. La Cour d’appel a cité le passage suivant en l’approuvant :

Suivant l’article 10 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique, « les nominations à des postes de la fonction publique... doivent être faites... selon une sélection établie au mérite ». La tenue d’un concours est un des moyens que prévoit la loi pour atteindre cet objectif de la sélection au mérite. Or, il est important de voir que c’est également dans le but d’assurer le respect du principe de la sélection au mérite que l’article 21 accorde un droit d’appel aux candidats qui n’ont pas été reçus à un concours. Lorsqu’un candidat malheureux exerce ce droit, il n’attaque pas la décision qui l’a déclaré non qualifié, il appelle, comme le dit l’article 21, de la nomination qui a été faite ou qui est sur le point d’être faite en conséquence du concours. Si l’article 21 prévoit un droit d’appel, ce n’est donc pas pour protéger les droits de l’appelant, c’est pour empêcher qu’une nomination soit faite au mépris du principe de la sélection au mérite. Tel était le but que, à mon avis, le législateur avait en vue en édictant l’article 21, il m’apparaît clair qu’un comité nommé en vertu de cet article n’agit pas irrégulièrement si, constatant qu’un concours a été tenu dans des conditions telles qu’on puisse douter qu’il permette de juger du mérite des candidats, il décide qu’aucune nomination ne devra être faite suite à ce concours. [Non souligné dans l’original.]

 

[47]      Ces remarques s’appliquent à une plainte fondée sur l’article 7.1 de la Loi. Cela veut dire que le dépôt d’une plainte par M. Hughes ne lui donnait pas droit à une réparation personnelle. Il s’ensuit que l’absence de réparation personnelle n’établit pas en soi une crainte de partialité.

 

Les mesures de redressement ordonnées par la Commission étaient‑elles raisonnables?

[48]      Un examen effectué selon la norme de la raisonnabilité exige une analyse des qualités qui rendent une décision raisonnable. Ces qualités comprennent l’énoncé des motifs et le résultat. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Voir : Dunsmuir, paragraphe 47.

 

 

[49]      Il y a fort peu de décisions portant sur les pouvoirs conférés à la Commission en vertu de l’article 7.5 de la Loi. Toutefois, les pouvoirs conférés à la Commission en vertu du paragraphe 21(3) ont fait l’objet de remarques de la part de la Cour. Il a été conclu que cette disposition empêchait la Commission de corriger un vice du processus de sélection attaqué. Voir : Lo, au paragraphe 14. Le pouvoir discrétionnaire que possède la Commission en vertu de l’article 7.5 de la Loi est plus étendu, en ce sens que la Commission peut prendre les mesures de redressement qu’elle « juge indiquées ».

 

[50]      En ce qui concerne la raisonnabilité de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, la Commission, a au départ retenu les conclusions de l'enquêteur. Il est donc important de comprendre la nature des erreurs constatées par l’enquêteur.

 

[51]      L’enquêteur a conclu ce qui suit :

·        les nominations aux postes PM‑03 ont été effectuées à l’aide du répertoire des candidats préqualifiés qui avait été établi pour des postes PM‑02;

·        le répertoire des candidats préqualifiés, à Victoria, a été établi pour une période d’un an seulement, plutôt que pour une période de deux ans;

·        les noms des candidats nommés à l’aide du répertoire n’ont pas été supprimés à la suite de leur nomination;

·        plusieurs candidats inscrits au répertoire ont obtenu des nominations multiples;

·        des candidats inscrits à ce répertoire ont été nommés à un moment où il existait un autre répertoire.

 

[52]      La Commission a examiné la nature de ces irrégularités, compte tenu du fait que le poste PM‑02 n’existait plus. La Commission a conclu qu’il était donc impossible de recréer les conditions qui existaient lorsque le répertoire des candidats préqualifiés, à Victoria, avait été établi. Vu la reclassification du poste PM‑02 et les nouvelles fonctions et responsabilités qui en ont résulté lorsque le poste PM‑02 a été reclassifié, la Commission pouvait à juste titre conclure qu’elle ne pouvait pas recréer les conditions qui existaient au moment pertinent.

 

[53]      La Commission a ensuite examiné la situation des sept titulaires. Elle a dit ce qui suit :

[traduction]

 

En vertu du paragraphe 6(2) de [la Loi], lorsque la nomination d'une personne est révoquée, la Commission peut alors nommer cette personne à un niveau qui, à son avis, est proportionné à ses qualifications. Pour arriver à un résultat final similaire en ce qui concerne cette mesure de redressement, la Commission ordonne que l'ASFC prenne des mesures concrètes en vue de s'assurer que ces personnes ont les qualifications requises pour les postes qu'elles occupent. [...] La nomination d'un candidat reçu sera au besoin révoquée si l'ASFC juge que celui‑ci ne possède pas les qualifications requises.

 

 

[54]      Il s’agissait ici encore d’une conclusion qu’il était à juste titre loisible à la Commission de tirer. Cela assurait que les sept titulaires étaient qualifiés pour occuper les postes auxquels ils avaient été nommés.

 

[55]      La Commission s’est ensuite penchée sur la situation personnelle de M. Hughes. M. Hughes ne pouvait pas être nommé rétroactivement au poste d’agent des services frontaliers PM‑03, parce qu’il avait été sélectionné pour une nomination possible au poste PM‑02. Par la suite, lors d’un autre processus de sélection, M. Hughes a été jugé non qualifié pour occuper le poste d’agent des services frontaliers PM‑03. Il n’était pas déraisonnable pour la Commission de conclure qu’aucune autre mesure de redressement n’était nécessaire dans le cas de M. Hughes.

 

[56]      En outre, la Commission a noté qu’il y avait régulièrement des processus de nomination pour ce poste d’entrée, de sorte qu’il continuait à exister des possibilités d’emploi pour les personnes qui voulaient présenter de nouveau leur candidature.

 

[57]      Je conclus que la décision de la Commission est étayée par la preuve, qu’elle est transparente et justifiée. Elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[58]      J’ai tenu compte de toutes les questions que M. Hughes avait soulevées. Compte tenu de l’analyse qui précède, je n’ai pas à traiter de chaque question. Toutefois, j’aimerais m’arrêter expressément à certains points soulevés par M. Hughes.

 

[59]      J’incorpore par renvoi les paragraphes suivants des motifs connexes :

a)                  les paragraphes 60 et 61 qui portent sur la nature annulable des nominations à la fonction publique;

b)                  le paragraphe 63, qui explique pourquoi la Commission ne pouvait pas ordonner à l’ASFC d’épuiser le répertoire des candidats préqualifiés, à Victoria, rétroactivement au mois de juin 2004;

c)                  les paragraphes 66 à 69 qui portent sur la décision McAuliffe;

d)                  les paragraphes 70 et 71, qui expliquent pourquoi la Commission n’était pas tenue de suivre les recommandations que l’enquêteur avait faites au sujet des mesures de redressement.

 

[60]      Je tiens à faire les remarques additionnelles suivantes.

 

[61]      Premièrement, M. Hughes affirme que l’ASFC a omis de divulguer des renseignements pertinents au sujet d’un des titulaires, à savoir que l’employé faisait l’objet d’une enquête par suite d’allégations selon lesquelles il avait affiché sur Internet des messages allant à l’encontre de l’éthique professionnelle. Toutefois, dans un document, la Commission a fait remarquer que rien n’indiquait que les titulaires n’étaient pas qualifiés. M. Hughes affirme que la Commission n’aurait pas été de cet avis si l’ASFC avait fait une divulgation appropriée, et que les mesures de redressement auraient été différentes pour ce titulaire.

 

[62]      Je ne suis pas d’accord. Ces allégations n’étaient pas pertinentes lorsqu’il s’agissait pour la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Une inconduite subséquente n’établit pas en soi qu’une personne ne possédait pas les qualifications nécessaires pour occuper son poste.

 

[63]      Deuxièmement, M. Hughes soutient que des déclarations inexactes faites par le conciliateur, selon lesquelles il n’était pas inscrit au répertoire des candidats préqualifiés, à Victoria, a amené la Commission à prendre des mesures de redressement erronées.

 

[64]      Avec égards, je ne suis encore une fois pas d’accord. Aucune personne inscrite au répertoire des candidats préqualifiés, à Victoria, ne pouvait être nommée au poste d’agent des services frontaliers PM‑03, et ce, parce que son inscription à ce répertoire prouvait uniquement qu’elle possédait les qualifications nécessaires pour occuper le poste d’inspecteur des douanes PM‑02.

 

Conclusion

[65]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Compte tenu du temps qu’il a fallu à la Commission pour arriver à sa conclusion au sujet des mesures de redressement, il convient selon moi que chaque partie supporte ses propres frais. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 

 

 

 

1.         La Loi a depuis lors été abrogée, mais les parties s’entendent pour dire que les dispositions de la Loi continuent à s’appliquer en l’espèce. Je suis d’accord. Voir : dispositions transitoires de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique actuelle, L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13, ou projet de loi C‑25, Loi modernisant le régime de l’emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, 2e sess., 37e lég., 2003, cl. 72 (sanctionné le 7 novembre 2003).

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1168-07

 

INTITULÉ :                                       CHRIS HUGHES c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                            ALLISON DONALD ET AL.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE),

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 8 AVRIL 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 8 JUIN 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Le demandeur

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

Graham Stark

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Le demandeur

 

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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