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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090609

Dossier : IMM‑4776‑08

Référence : 2009 CF 610

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2009

En présence de l’honorable Max M. Teitelbaum

 

 

ENTRE :

JOSE CARLOS MARTINEZ GUTIERREZ

MARISOL HATZIN LOZA CASTILLO

CARLOS GAEL MARTINEZ LOZA

SOCORRO CASTILLO

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Jose Carlos Martinez Gutierrez, son épouse (Marisol Hatzin Loza Castillo), son fils mineur (Carlos Gael Martinez Loza) et sa belle‑mère (Socorro Castillo) ont demandé l’asile au Canada parce qu’ils craignent les représailles des trafiquants de drogue, en raison du refus de M. Gutierrez de faire du trafic de drogues sur son lieu de travail, et à la suite d’une série d’appels téléphoniques menaçants à son épouse, et à la suite de la découverte selon laquelle son fils avait été victime de violence sexuelle de la part d’un autre mineur. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugiés (la Commission) a rejeté leur demande; le tribunal a conclu qu’ils n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger en application des articles 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Selon la Commission, les demandeurs étaient victimes des effets déplorables de la criminalité, et il n’y avait aucun lien à l’un des motifs de la Convention. En outre, la Commission a conclu qu’une protection adéquate de l’État était offerte aux demandeurs au Mexique.

 

[2]               Les demandeurs allèguent que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a décidé que la protection de l’État leur était offerte, et qu’elle n’a pas pris en compte les effets cumulatifs des différents incidents sur les demandeurs. Les demandeurs demandent le contrôle judiciaire de la décision de la Commission, et ils me demandent d’ordonner qu’un tribunal de la Commission différemment constitué examine à nouveau leur demande. Toutefois, j’estime qu’il n’y a aucun motif de renverser la décision de la Commission, et je devrai donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire pour les motifs que j’expose ci‑dessous.

 

I.          Résumé des faits

 

[3]               Les demandeurs sont tous Mexicains. M. Gutierrez travaillait comme disc‑jockey à Veracruz quand, le 15 septembre 2007, deux trafiquants de drogue l’ont abordé et lui ont ordonné de vendre de la drogue dans la discothèque. Étant donné qu’il ne répondait pas, ils ont menacé de lui faire du mal ou de le tuer à moins qu’il ne leur obéisse. Les trafiquants de drogue sont retournés à la discothèque deux fois, mais, avec l’aide de son gérant, M. Gutierrez a été en mesure de leur échapper, les deux fois. Le 10 octobre 2007, M. Gutierrez a démissionné de son travail; il alléguait sa crainte des trafiquants de drogue.

 

[4]               Peu de temps après que les trafiquants de drogue eurent abordé M. Gutierrez pour la première fois, Mme Loza Castillo a commencé à recevoir des appels téléphoniques anonymes. Au début, personne ne parlait. Cependant, les appels sont vite devenus menaçants : l’individu qui appelait disait qu’il savait qui elle était, où elle habitait, et où son époux travaillait. L’individu a demandé M. Gutierrez, et il a déclaré que M. Gutierrez devait faire ce qu’on lui demandait, et il a proféré des menaces contre la famille.

 

[5]               Les demandeurs ont signalé les appels anonymes à la police du Mexique vers le début du mois d’octobre. Ils n’ont pas signalé que M. Gutierrez avait été abordé par des trafiquants de drogue, même s’ils croyaient que les appels téléphoniques étaient liés à son refus de vendre de la drogue dans la discothèque. Trois semaines plus tard, les demandeurs sont retournés à la police et on leur a dit qu’ils devaient attendre que l’enquête soit menée. Toutefois, les demandeurs se sont enfuis au Canada en l’espace d’une semaine.

 

[6]               M. Gutierrez et Mme Loza Castillo ont aussi des craintes au sujet de leur jeune fils. Mme Loza Castillo a découvert que Carlos avait eu des attouchements et des actes sexuels, à l’âge de quatre ans, avec un garçon de onze ans et la cousine de ce garçon. Mme Loza Castillo est allée voir la mère de ce garçon, mais elle a été victime de violence verbale et de moquerie. Le garçon et sa cousine avaient dit à Carlos de ne rien dire à personne au sujet de leurs agissements, et cela était devenu une source de stress et de culpabilité pour lui.

 

[7]               Mme Loza Castillo a signalé ces faits à la police du Mexique. On lui a dit que l’enquête nécessiterait que Carlos soit mis en présence du garçon plus âgé, et qu’il fasse le récit de ces faits à plusieurs personnes. On lui a dit qu’en raison de l’âge de l’agresseur, l’issue probable ne serait pas plus qu’un simple aiguillage vers du counselling. Plutôt que de faire subir à Carlos le processus de l’enquête, Mme Loza Castillo a décidé de ne pas poursuivre l’affaire.

 

[8]               Enfin, Mme Socorro Castillo craint de subir un préjudice en raison de trois rencontres qu’elle a eues avec des criminels toxicomanes. Elle a été agressée deux fois, et les deux fois elle a été en mesure d’échapper au préjudice. La troisième fois, elle aidait à mettre fin à une bagarre lorsqu’on l’a heurtée au visage. Apparemment ces incidents n’étaient pas liés, et ils étaient survenus au hasard et sur le long de la vie de Mme Socorro Castillo.

 

II.        La décision de la Commission

 

[9]               La Commission a mené une analyse des incidents sur la base des articles 96 et 97 de la LIPR. Dans son analyse en application de l’article 96, la Commission a décidé que les demandeurs adultes n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention : les menaces de préjudice visaient des fins criminelles, et « [n’avaient pas] trait à l’un des motifs prévus par la Convention » (Décision de la Commission, à la page 3). La crainte d’être persécutés par des trafiquants de drogue inconnus ou des criminels toxicomanes ne fait pas entrer les demandeurs dans le champ d’application de l’article 96. Le commissaire a conclu que la crainte des demandeurs adultes « n’est pas fondée sur la race, la nationalité, la religion, des opinions politiques réelles ou présumées ni l’appartenance à un groupe social en particulier. Par conséquent, je conclus que les demandeurs d’asile sont tout simplement victimes de crimes, et cela ne constitue pas un lien avec les motifs prévus par la Convention. » (Décision de la Commission, à la page 3).

 

[10]           En ce qui concerne l’enfant mineur, la Commission a décidé que même si Carlos avait subi un préjudice grave, la présomption de la protection de l’État n’avait pas été réfutée par une preuve claire et convaincante. La Commission a fait observer que Mme Loza Castillo avait, en fait, signalé l’incident à la police, et la Commission a souligné que « [m]ême si la demandeure d’asile n’aimait pas les mesures de recours offertes ou n’en était pas satisfaite, l’État était prêt à fournir des services et capable de le faire pour remédier à la situation. Elle a choisi de ne pas donner suite à la plainte […] . En outre, elle [Mme Loza Castillo] a obtenu des services de counselling pour le demandeur d’asile mineur. Même si le fait de ne pas donner suite à la plainte peut avoir été frustrant, cela n’indique pas qu’il y avait absence de protection de l’État. » (Décision de la Commission, à la page 6).

 

[11]           La Commission s’est aussi demandé pour l’application de l’article 97, si les demandeurs, selon la prépondérance de la preuve, seraient personnellement exposés au risque de torture, à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’ils étaient renvoyés au Mexique. La Commission a conclu qu’il n’y avait pas de base objective à la crainte des demandeurs vis‑à‑vis des trafiquants de drogue ou des criminels toxicomanes, et qu’il était peu probable que les demandeurs subiraient quelque préjudice que ce soit.

 

[12]           En outre, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État. L’analyse portait sur des éléments de preuve documentaire provenant de différentes sources, et elle faisait référence aux « observations bien préparées » de l’avocat des demandeurs, y compris l’invitation à tenir compte de « la capacité effective de protection de l’État » (citant Avila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 359, au paragraphe 27). Bien que la Commission ait admis l’existence de difficultés continuelles auxquelles le gouvernement du Mexique fait face dans sa lutte contre le trafic de drogues et les ramifications criminelles de ce trafic, la Commission a conclu que « [m]algré les lacunes, après avoir considéré l’ensemble des éléments de preuve, le tribunal estime que les autorités mexicaines offrent une protection adéquate aux victimes de trafiquants de drogue ». (Décision de la Commission, aux pages 11 et 12).

 

[13]           De façon semblable, la Commission a conclu que l’existence de la protection de l’État pouvait pallier le préjudice subi par Carlos. En ce qui a trait aux craintes de Mme Socorro Castillo, la Commission a décidé qu’elle était exposée à un risque de crime et que ce risque est généralisé au Mexique. La Commission s’est montrée sensible envers Mme Socorro Castillo, mais elle a conclu qu’« il ne s’agit pas d’un risque personnel […], et, par conséquent, sa demande d’asile au titre de l’article 97 est également rejetée. Dans tous les cas, […] elle a également accès à une protection adéquate de l’État au Mexique. » (Décision de la Commission, à la page 13).

 

III.       Les questions en litige

 

[14]           Dans leurs observations écrites, les demandeurs soulèvent plusieurs questions relatives à la façon dont la Commission a interprété et appliqué les articles 96 et 97 de la LIPR. Ils allèguent aussi que la Commission a tiré des conclusions de fait erronées, de façon arbitraire, sans tenir compte de la preuve dont elle disposait, et que la participation de l’agente de protection des réfugiés à l’audience devant la Commission a créé un manquement à l’équité procédurale. Dans les arguments qu’ils m’ont présentés, les demandeurs ont admis que la conclusion de la Commission selon laquelle il n’y avait pas de lien à l’un des motifs de la Convention était correcte. Ainsi, les questions qui demeurent peuvent être exposées de la façon suivante :

1.                  La participation de l’agente de protection des réfugiés à l’audience devant la Commission a‑t‑elle rendu la procédure inéquitable?

2.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation des risques auxquels seraient exposés les demandeurs lorsqu’elle a omis de prendre en compte leur effet cumulatif?

3.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de la protection offerte par l’État?

 

IV.       La norme de contrôle

 

[15]           Les cours de révision ne doivent faire preuve d’aucune retenue à l’égard de la Commission lorsqu’il s’agit de questions d’équité procédurale. S’il y a eu un manquement à l’équité procédurale, la décision de la Commission ne peut pas être maintenue.

 

[16]           On peut dire la même chose de la décision portant sur l’effet cumulatif des incidents, à savoir si ces incidents soulèvent avec raison une crainte de persécution. Comme la Cour d’appel fédérale l’a décidé récemment, « La question de savoir si la Commission devait tenir compte de l’effet cumulatif des incidents […] est une question de droit qui doit être tranchée selon la norme de la décision correcte » (Munderere c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 84; Mete c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 840, au paragraphe 6).

 

[17]           En ce qui a trait à la question de la protection de l’État, il incombe aux demandeurs de réfuter la présomption de la protection de l’État (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689). Il est établi depuis longtemps que, et l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, le confirme une cour de révision ne devrait pas intervenir dans les conclusions de la Commission sur l’existence de la protection de l’État, à moins que ces conclusions soient déraisonnables (Chavez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), 2005 CF 193; Navarro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 358).

 

[18]           La Cour suprême du Canada a donné des directives supplémentaires sur la façon dont la raisonnabilité devrait être appliquée. Le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel. En particulier, la décision doit appartenir « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». (Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

V.        Analyse

 

1.  La participation de l’agente de protection des réfugiés à l’audience devant la Commission a‑t‑elle rendu la procédure inéquitable?

 

[19]           Les demandeurs font valoir que l’agente de protection des réfugiés (APR), qui était présente à l’audience en tant que participante soi‑disant neutre, a présenté des observations qui étaient en fait nettement contraires aux intérêts des demandeurs. Le défendeur admet que l’APR a exprimé certaines réserves relatives à la crédibilité de certains éléments de preuve des demandeurs. Toutefois, le défendeur cite aussi des exemples où l’APR a étayé la demande des demandeurs, en particulier en ce qui concernait Carlos. Le défendeur souligne en outre que l’APR n’était pas le décideur en l’espèce, et que l’appui que les demandeurs veulent prendre sur le paragraphe 63 de Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 461, n’est pas pertinent puisque la Cour faisait des commentaires non pas sur ce que l’APR avait dit, mais sur l’ordre de l’interrogatoire, qui, lui, n’était pas en litige dans la présente instance.

 

[20]           Après avoir examiné la transcription des débats devant la Commission, je ne trouve aucune base pour conclure que la participation de l’APR a rendu la procédure inéquitable. L’APR a participé à l’audience d’une façon respectueuse et protectrice des garde‑fous procéduraux offerts aux demandeurs. Dans l’ensemble, ses commentaires étaient faits dans les limites de son rôle.

 

2.  La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation des risques auxquels seraient exposés les demandeurs lorsqu’elle a omis de prendre en compte leur effet cumulatif?

 

[21]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a bien désigné les trois bases de leur demande, mais ils allèguent que la Commission s’est ensuite contentée de prendre en compte et d’analyser les incidents uniquement de façon isolée. Ils avancent qu’il s’agit là d’une erreur susceptible de contrôle. Le défendeur ne répond pas précisément à l’argument des demandeurs; plutôt, il a présenté des observations détaillées à l’appui des conclusions de la Commission en général que je ne vais pas résumer en totalité.

 

[22]           Dans son analyse portant sur l’article 96, la Commission a noté que les demandes d’asile faisaient état de trois circonstances qui ont été avancées par les demandeurs, et elle a fait ressortir la question déterminante pour chacune d’elles (Décision de la Commission, à la page 2). De façon semblable, lorsqu’elle a mené son analyse pour l’application de l’article 97, la Commission a noté que « Tout comme c’était le cas ci-dessus, l’analyse en vertu de cet article s’appuie sur trois circonstances » et elle a continué par la désignation de la question déterminante pour chacune d’elles (Décision de la Commission, à la page 6). Il s’agit de la phraséologie à laquelle les demandeurs s’opposent. Ils maintiennent que cette phraséologie est le reflet d’une méthode qui a pris en compte les incidents de façon isolée uniquement, et qui a empêché une analyse d’ensemble qui aurait permis d’aboutir à l’effet cumulatif des incidents vécus par les demandeurs.

 

[23]           La Cour d’appel fédérale fournit des directives sur cette question. Dans l’arrêt Munderere, précité, s’exprimant au nom de la cour, le juge Marc Nadon a déclaré :

[L]a Commission a l’obligation de tenir compte de tous les faits qui peuvent avoir une incidence sur l’affirmation du demandeur d’asile suivant laquelle il craint avec raison d’être persécuté, y compris des incidents qui, pris isolément, ne constitueraient pas de la persécution mais qui, pris globalement, pourraient justifier une allégation de crainte fondée de persécution. (Au paragraphe 42.)

 

[24]           Il est vrai que la Commission n’a jamais utilisé l’expression « effet cumulatif » ou « motifs cumulatifs ». Toutefois, la véritable question est de savoir si la Commission a pris en compte ces notions, même si elle n’en a pas utilisé la terminologie. La Commission a mené un examen approfondi des différents aspects des allégations des demandeurs, et elle a reconnu que certains incidents pouvaient avoir été reliés. Par exemple, la Commission avait clairement à l’esprit les dates des incidents, comme par exemple le moment où les demandeurs avaient signalé les incidents à la police et la façon dont ils l’avaient fait, et elle a aussi noté que les attaques perpétrées contre Mme Socorro Castillo étaient survenues sur le long de sa vie. La Commission s’est aussi penchée sur les attouchements sexuels subis par Carlos, et elle a tiré des conclusions relativement à leurs effets sur lui alors et dans l’avenir, étant donné le soutien qu’il recevait de sa famille et les possibilités de traitements dont il disposerait au Mexique.

 

[25]           J’ai à l’esprit la norme exigeante établie par la Cour d’appel fédérale relativement à l’analyse de la Commission sur l’effet cumulatif des épreuves des demandeurs d’asile. Cette analyse doit être plus qu’une évaluation raisonnable des circonstances, elle doit être correcte. En l’espèce, je suis convaincu que la Commission avait en fait à l’esprit tous les aspects des diverses allégations des demandeurs, leurs effets sur eux, et quels effets ils pourraient avoir sur les demandeurs s’ils étaient renvoyés au Mexique. Le fait que dans son analyse, la Commission ne s’est pas exprimée en utilisant les termes d’une méthode « cumulative » n’est pas le signe d’une analyse incorrecte. Il est clair que la Commission a examiné tous les incidents décrits par les demandeurs, à la fois de façon individuelle et en tant que groupe. Par conséquent, je ne trouve aucune base pour renverser la décision de la Commission pour ces motifs.

 

3.  La Commission a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de la protection offerte par l’État?

 

[26]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur dans son évaluation de la preuve qui lui a été présentée, preuve qui pour sa plus grande part a été fournie par les demandeurs sous la forme de documents relatifs à la situation au Mexique. Ils allèguent que la Commission n’a pas tenu compte de la preuve et/ou l’a mal interprétée à un point tel que ses conclusions, y compris celles relatives à l’existence et à l’efficacité de la protection de l’État, étaient déraisonnables. Le défendeur met l’accent sur le poids de la jurisprudence derrière l’affirmation selon laquelle, en l’absence d’un effondrement complet de l’appareil de l’État, on présume que l’État est en mesure de fournir une protection effective (par exemple l’arrêt Ward, précité). Le défendeur maintient que les demandeurs n’ont pas produit la preuve claire et convaincante requise pour réfuter cette présomption.

 

[27]           La Commission est censée avoir examiné tous les éléments de preuve à moins qu’on démontre le contraire; en outre, le fait de ne pas faire référence à certains éléments de preuve ne signifie pas nécessairement que ces éléments n’ont pas été examinés (voir Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.); Ortiz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1163; Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 242). Toutefois, lorsque des éléments de preuve importants sont contradictoires, ils doivent être analysés (Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425, au paragraphe 17; Babai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1341).

 

[28]           Tant avant que lors de l’audience devant la Commission, l’avocat des demandeurs a fourni des documents qui soulignent la situation sociale difficile au Mexique, notamment la prédominance du crime organisé, l’infiltration de la police par des éléments pernicieux et l’intimidation généralisée des citoyens ordinaires. Dans sa décision, la Commission a analysé expressément les éléments de preuve produits par l’avocat des demandeurs (Décision de la Commission, à la page 10), de même que des éléments de preuve documentaire provenant d’autres sources fiables. Ensuite, la Commission a exposé expressément les motifs pour lesquels elle a conclu que, malgré les éléments de preuve contradictoires sur la question, le gouvernement et les autorités du Mexique sont en mesure de fournir une protection effective. Par exemple, la Commission cite le nombre croissant des enquêtes au Mexique visant à éradiquer la corruption des employés fédéraux; l’accroissement des dépenses militaires engagées dans la lutte contre le crime lié au trafic de drogues; la possibilité qu’un certain accroissement de la violence démontre en fait que les stratégies du gouvernement pour combattre le trafic de drogues fonctionnent, puisqu’elles démontrent la déstabilisation des cartels. La Commission déclare qu’elle a, et en fait elle semble avoir, considéré « l’ensemble des éléments de preuve » dont elle disposait (Décision de la Commission, à la page 10).

 

[29]           La Commission souligne aussi que les demandeurs ont bien signalé, en fait, leurs préoccupations à la police. En ce qui a trait aux appels téléphoniques anonymes, les demandeurs ont quitté le pays avant la fin de l’enquête; en ce qui a trait aux attouchements sexuels subis par Carlos, l’État était prêt à agir, mais les demandeurs ont décidé de ne pas se prévaloir des mesures de protection dont ils disposaient.

 

[30]           La conclusion de la Commission relativement à l’existence de la protection de l’État pour tous les demandeurs, peu importe leur situation, est raisonnable, et je ne trouve aucune raison d’intervenir.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’a été proposée pour certification.

 

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge suppléant

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              IMM‑4776‑08

 

INTITULÉ :                                             JOSE CARLOS MARTINEZ GUTIERREZ et al.

                                                                  c.

                                                                  MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     le 2 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                  le juge suppléant TEITELBAUM

 

DATE DES MOTIFS :                            le 9 juin 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jack Davis

 

POUR LES DEMANDEURS

Eleanor Elstub

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jack Davis

Avocat

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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