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Cour fédérale

Federal Court

 

 

Date : 20090703

Dossier : IMM‑5551‑08

Référence : 2009 CF 696

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 3 juillet 2009

En présence de madame la juge Tremblay‑Lamer

 

 

ENTRE :

GURDIP SINGH MINHAS

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue par un délégué du ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, à savoir un agent d’immigration du Consulat général du Canada à Chandigarh en Inde (l’agent), dans laquelle la demande de permis de travail du demandeur a été rejetée.

 

[2]               Le demandeur, âgé de 44 ans, est un citoyen et un résidant de l’Inde. Il est marié et a eu deux enfants en Inde.

 

[3]               Après avoir terminé douze années d’études, le demandeur s’est enrôlé dans l’armée de l’Inde en 1985. Il a pris une retraite volontaire de l’armée de l’Inde seize ans plus tard, en 2001, à la suite de quoi il a pris en charge les activités agricoles de la ferme familiale.

 

[4]               Le testament des parents du demandeur a été exécuté en faveur du demandeur et ses parents l’ont nommé fiduciaire de la propriété située dans le Punjab, en Inde, car le demandeur ainsi que sa famille étaient les seules personnes à avoir à cœur la ferme familiale. Il possède des biens immobiliers et d’autres actifs valant plus de 400 000 $CAN.

 

[5]               Entre janvier et mars 2008, le demandeur a été mis au courant de l’existence d’une offre d’emploi pour un poste d’aide de construction – poste d’une durée de deux ans au sein d’une entreprise de construction canadienne en Colombie‑Britannique – il a été retenu. Le travail consistait en des tâches d’ouvrier non spécialisé telles charger et décharger des matériaux de construction, mettre en pile des matériaux récupérés, nettoyer des sites de construction et aider le maître charpentier de l’entreprise. L’entreprise de construction a mentionné que la seule aptitude nécessaire pour s’acquitter de ces tâches était la capacité physique de porter de lourdes charges.

 

[6]               Le demandeur a présenté une demande de permis de travail au Consulat général du Canada le 14 octobre 2008 et a reçu la décision écrite de l’agent sous forme de lettre le 15 octobre 2008, dans laquelle sa demande de permis de travail a été rejetée.

 

[7]               Les notes de l’agent consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI), lesquelles font partie des motifs de la décision de l’agent, mentionnent ce qui suit en ce qui concerne la demande de permis de travail du demandeur :

[traduction]

Le demandeur principale (le DP) est âgé de 43 ans et a 3 personnes à charge susceptibles d’être parrainées.

La mère, le père et la sœur du DP sont au Canada.

Le DP a effectué un examen préuniversitaire en 1984.

Le DP n’a suivi aucune formation supplémentaire depuis ce temps.

Le DP n’a déposé aucun document afin d’établir son expérience de travail.

Il semble que le DP ait été un fermier toute sa vie.

Un niveau de connaissances minimale de l’anglais est essentiel dans la vie de tous les jours au Canada. L’absence totale de connaissance en anglais pourrait également mettre en danger la santé et la sécurité du DP et des autres. Les documents déposés donnent à penser que le DP n’a aucune compétence dans une langue officielle.

En raison de sa famille, le DP pourrait être grandement tenté de rester au Canada après la date de son séjour autorisé.

Il y a un grand avantage économique qui pourrait pousser le DP à rester au Canada après la date de son séjour autorisé.

 

 

 

[8]               Le demandeur soutient que la conclusion de l’agent, selon laquelle le demandeur était incapable de s’acquitter des tâches liées au poste pour lequel il avait postulé, n’était pas raisonnable.

 

[9]               Je conviens avec le demandeur qu’il a bien fourni les documents nécessaires établissant qu’il était capable de s’acquitter du travail d’aide de construction, surtout étant donné que l’aptitude nécessaire était la capacité de transporter de lourdes charges.

 

[10]           Selon la preuve dont disposait l’agent, laquelle portait sur la capacité du demandeur de s’acquitter du travail, il est faux d’affirmer que le demandeur n’a présenté aucun document afin d’établir son expérience de travail.

 

[11]           En ce qui concerne la capacité du demandeur de s’acquitter du travail d’aide de construction sur le fondement des compétences en anglais, le seul document portant sur les compétences langagières en anglais dont disposait l’agent était l’affidavit du demandeur, dans lequel le demandeur déclarait que son employeur potentiel l’avait informé que la connaissance de la langue anglaise n’était pas nécessaire dans le cadre de cet emploi et que le demandeur pourrait s’acquitter de son travail sans avoir de compétences langagières en anglais. L’agent ne disposait d’aucun élément de preuve portant sur le niveau des compétences langagières du demandeur en anglais; par conséquent, il n’était pas raisonnable de conclure, sur le fondement des capacités langagières du demandeur en anglais, que le demandeur ne pourrait pas s’acquitter du travail d’aide de construction.

 

[12]           Le demandeur soutient également qu’il a fourni des documents financiers, des bons de caisse à échéance fixe, des rapports d’évaluation sur sa maison et sur ses terres agricoles ainsi que des renseignements selon lesquels il était marié et avait deux enfants. Je conviens avec le demandeur que ces éléments de preuve auraient dû permettre à l’agent d’évaluer les liens et l’établissement solides du demandeur en Inde.

 

[13]           En outre, même si l’agent fait allusion au haut salaire du demandeur au Canada dans sa remarque portant sur le [traduction] « grand avantage économique », l’agent n’a aucunement tenu compte des différences du coût de la vie et du niveau de vie entre le Canada et l’Inde.

 

[14]           Comme le demandeur l’a mentionné et comme il a été plaidé dans la décision Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2008] A.C.F. no 1625, 2008 CF 1284 (C.F.), paragraphe 24, la différence entre les salaires gagnés en Inde et au Canada peut se révéler un facteur incitant à rester au Canada seulement si le coût de la vie est également considéré. Le niveau de vie dans le pays d’origine est également important lorsque vient le temps de déterminer où le demandeur aurait une vie meilleure, comme la Cour l’a noté au paragraphe 39 de la décision Ogunfowora c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2007] A.C.F. no 637, 2007 CF 471 (C.F).

 

[15]           Sans élément de comparaison plus pertinent, tel que le coût de la vie en Inde et au Canada en fonction du faible salaire supposé du demandeur en Inde et de son salaire au Canada, il n’était pas raisonnable que l’agent suppose que le demandeur prolongerait indûment son séjour sur le fondement du facteur économique, surtout étant donné que les éléments de preuve dont disposait l’agent révélaient que le demandeur avait certains actifs à son nom en Inde.

 

[16]           En outre, bien qu’il soit raisonnable que l’agent tienne compte des motifs économiques pouvant inciter le demandeur à rester au Canada, la majorité des demandeurs ont un avantage économique à venir travailler au Canada et cet avantage ne peut donc pas être si facilement lié à un séjour indûment prolongé étant donné que cette prolongation ne cadre pas avec le régime de permis de travail. Étant donné la preuve dont l’agent disposait, je ne peux pas croire qu’il a sérieusement essayé d’évaluer l’établissement et les liens du demandeur.

 

[17]           En résumé, je conclus que l’agent n’a pas tenu compte d’importants éléments de preuve qui avaient été déposés, ce qui fait en sorte que le refus de l’agent de délivrer le permis de travail était fondé sur une mauvaise analyse des faits. Par conséquent, la décision n’est pas raisonnable.

 

[18]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de l’agent datée du 15 octobre 2008, dans laquelle la demande de permis de travail du demandeur avait été rejetée, est annulée et la demande de permis de travail est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.

 

 

« Danièle Tremblay‑Lamer »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean‑François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5551‑08

 

INTITULÉ :                                                   GURDIP SINGH MINHAS c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER (C.‑B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 2 JUILLET 2009

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE TREMBLAY‑LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 3 JUILLET 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Deepak Gautam

 

POUR LE DEMANDEUR

Kimberly Shane

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Murchison, Thomson & Clarke LLP

Surrey (C.‑B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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