Vancouver (Colombie-Britannique), le 3 juillet 2009
En présence de madame la juge Tremblay-Lamer
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
INTRODUCTION
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), portant sur la décision d’un agent posté au consulat général du Canada à Chandigarh, en Inde (l’agent), représentant du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, dans laquelle la demande de permis de travail du demandeur a été refusée.
[2] Le demandeur est un citoyen et résident de l’Inde âgé de 31 ans. Sa famille comprend un frère, ses parents, ses grands-parents, une femme avec laquelle il est marié depuis huit ans ainsi qu’un fils de 7 ans. Tous sont résidents de l’Inde et n’ont jamais résidé à l’extérieur de ce pays. Il n’a pas de parenté au Canada.
[3] Le demandeur a obtenu en 1999 un baccalauréat en arts de l’Université du Pendjab, en Inde. il a alors commencé à travailler sur la ferme de sa famille, emploi qu’il a continuellement occupé et occupe toujours à ce jour.
[4] La ferme familiale est enregistrée au nom du père du demandeur et est évaluée à 294 000 $ en devises canadiennes; le demandeur s’attend à en recevoir la moitié, comme le veut la coutume indienne, s’il continue à travailler à la ferme. Dans l’éventualité où il serait dans l’impossibilité de travailler sur la ferme, le droit sur celle-ci serait dévolu à son frère, et le demandeur ainsi que sa famille n’auraient droit qu’à une partie minime du revenu produit par la ferme, montant qui, selon le demandeur, serait suffisant pour lui permettre de répondre aux besoins quotidiens de sa famille.
[5] Le demandeur est admissible à recevoir 20 % de plus de la superficie de la ferme familiale, s’il pouvait rembourser un prêt de 11 000 $ en devises canadiennes contracté par son père afin d’investir dans l’entreprise agricole familiale.
[6] Le demandeur possède aussi des terres agricoles à son nom en Inde évaluées à 34 000 $. De plus, il détient de l’or évalué à 10 000 $ en devises canadiennes.
[7] Le demandeur a appris qu’il avait été choisi pour un poste d’aide en construction au sein d’une entreprise canadienne de construction en Colombie-Britannique pour une période de deux ans. Ses tâches consisteraient à charger et à décharger des matériaux de construction, à assister dans la construction de murs, de toits et des charpentes de ceux-ci, à empiler des matériaux à des fins de recyclage, à nettoyer les lieux des travaux, à alimenter la machinerie et à utiliser d’autres pièces d’équipement.
[8] Le demandeur prévoyait prendre le poste de deux ans d’aide en construction afin de gagner assez d’argent dans une courte période de temps pour rembourser le prêt de 11 000 $ de son père, dans le but de recevoir les 20 % supplémentaires des terres de la ferme familiale.
[9] Le demandeur a demandé un permis de travail au consulat général du Canada le 15 octobre 2008. L’agent a rejeté la demande, parce qu’il n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à l’expiration du permis de travail, et parce qu’il n’estimait pas que le demandeur était suffisamment établi en Inde, ou avait des liens suffisants avec l’Inde pour démontrer qu’il quitterait le Canada après la période de deux ans.
[10] En me fondant sur les notes au STIDI et sur les informations fournies par le demandeur dans sa demande, j’estime qu’il n’était pas raisonnable pour l’agent de conclure que le demandeur n’était pas suffisamment établi en Inde ou n’avait pas de liens suffisants avec ce pays.
[11] En ce qui concerne le premier doute soulevé dans les notes au STIDI, l’agent a noté de façon erronée que le demandeur n’avait pas présenté de documents qui étayaient les sommes à son nom. Le demandeur avait fourni les documents suivants ainsi qu’un affidavit connexe à l’appui : une évaluation foncière de la terre ancestrale appartenant à son père et une explication sur son expectative d’en recevoir la moitié, une évaluation de la terre au nom du demandeur, une évaluation de l’or, ainsi que des documents bancaires faisant état des prêts contractés pour soutenir les opérations agricoles, accompagnés d’explications relatant que le demandeur pourrait recevoir une plus grande partie de la terre ancestrale s’il remboursait le prêt de son père.
[12] Il est possible que l’agent ait circonscrit les « fonds » strictement aux maigres économies déposées dans une banque. Que le demandeur ait des économies déposées dans une banque est un facteur dont l’agent peut tenir compte. Cependant, l’agent aurait dû tenir compte en l’espèce des actifs autres que les économies à la banque au sujet desquels le demandeur a donné une preuve de possession.
[13] En ce qui concerne les notes au STIDI portant sur le faible revenu du demandeur et le contraste frappant entre les conditions de vie et de travail entre l’Inde et le Canada, le demandeur prétend que l’agent n’a pas évalué les liens selon les directives prévues au Manuel 11 du traitement des demandes à l’étranger, n’a pas tenu compte du fait que le demandeur a réussi à économiser assez d’argent dans le passé afin d’acheter une terre à son nom et s’est fondé sur des généralisations et des hypothèses sur la condition des fermiers en Inde. Je suis d’accord.
[14] Comme l’a avancé le demandeur et comme il a été discuté dans la décision Tang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 1625, 2008 CF 1284 (C.F.) au paragraphe 24, les différences de salaires entre l’Inde et le Canada ne peuvent révéler l’existence d’un incitatif à demeurer au Canada que si le coût de la vie était aussi pris en considération. La qualité de vie dans le pays d’origine est aussi importante lorsqu’il s’agit de déterminer si le demandeur améliorerait son sort au Canada, comme il est mentionné au paragraphe 39 de Ogunfowora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. no 637, 2007 CF 471 (C.F.)
[15] Sans l’aide d’une méthode de comparaison plus fiable, telle que le coût de la vie, entre le revenu présumément faible du demandeur en Inde et son revenu au Canada, l’agent n’aurait pas dû présumer que celui-ci prolongerait sa période de séjour en raison de ce facteur, surtout vu que la preuve présentée à l’agent démontrait que le demandeur a réussi à acquérir, dans le passé, assez d’argent afin d’acheter des terres additionnelles.
[16] De plus, même s’il était raisonnable de la part de l’agent de tenir compte de l’incitatif économique à demeurer au Canada, la plupart des demandeurs auraient un quelconque incitatif économique à venir travailler au Canada, et il n’est pas nécessairement souhaitable d’établir une corrélation entre cet incitatif économique et la durée prolongée du séjour, puisque cela ne respecterait pas l’économie du régime des permis de travail.
[17] En somme, la décision de refuser le permis de travail était fondée sur des conclusions de faits erronées qui ne tenaient pas compte des éléments de preuve présentés, et était par conséquent déraisonnable.
[18] Pour les motifs ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision datée du 16 octobre 2008 par laquelle l’agente a refusé au demandeur le permis de travail est annulée et la demande de permis de travail est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision.
« Danièle Tremblay-Lamer »
Juge
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes, LL.B., B.A.Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5552-08
INTITULÉ : DEVINDER SINGH BRAR c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 juillet 2009
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT: La juge Tremblay-Lamer
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 3 juillet 2009
COMPARUTIONS :
Deepak Gautam
|
POUR LE DEMANDEUR |
Kimberly Shane
|
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Murchison, Thomson & Clarke LLP Surrey (Colombie-Britannique)
|
POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Vancouver (Colombie-Britannique)
|
POUR LE DÉFENDEUR |