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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court


Date : 20090708

Dossier : IMM-4688-08

Référence : 2009 CF 712

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2009

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

MARAT MOUMAEV

ROUSLAN MOUMAEV

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, (la Loi) en vue du contrôle judiciaire d’une décision (la décision), par laquelle une agente d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR) (l’agente) a rejeté, le 5 septembre 2008, la demande d’asile que les demandeurs avaient présentée à titre de réfugiés ou de personnes à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Les demandeurs sont un père et son fils; ils sont tous deux citoyens russes d’origine tchétchène. Ils ont habité à Chypre, en tant que résidents temporaires, de 1995 jusqu’au mois d’octobre 1999. Au mois de juillet 1999, ils ont obtenu des visas canadiens de visiteur de l’ambassade du Canada, à Moscou.

 

[3]               Les demandeurs sont arrivés au Canada en avion le 13 octobre 1999; ils ont demandé l’asile le 20 octobre 1999. Leurs demandes ont été réunies et ont été entendues par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) les 29 août et 4 décembre 2002 ainsi que le 27 janvier 2003. La SPR a rejeté les demandes d’asile le 29 juillet 2003, parce que les demandeurs n’avaient pas établi leur identité tchétchène. Le demandeur principal (Marat) n’a pas produit son certificat de naissance original et n’a pas donné d’explication raisonnable au sujet de son omission de le faire. La SPR a également évalué les risques auxquels étaient exposés les demandeurs et elle a conclu que Marat n’était pas un témoin crédible et digne de foi. Le 17 décembre 2003, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR.

 

[4]               Les demandeurs ont demandé leur premier ERAR en 2004. Leur demande a été rejetée le 31 novembre 2004 pour le motif qu’ils n’avaient pas établi leur identité tchétchène. La demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée le 21 décembre 2004.

 

[5]               Le 5 janvier 2005, les demandeurs ont omis de se présenter pour leur renvoi. Au mois de mars 2005, ils ont demandé à résider en permanence au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire (les CH). Cette demande a été approuvée au mois de janvier 2008.

 

[6]               Au mois de novembre 2005, Marat a été placé sous la garde de l’immigration, et ce, jusqu’au mois de juin 2006. Rouslan a également été détenu aux mois d’avril et de mai 2006. Les demandeurs ont demandé un deuxième ERAR au mois de décembre 2005; la demande a été rejetée le 17 janvier 2006, parce que la preuve établissant leur identité ethnique n’était pas [traduction] « un nouvel élément de preuve ».

 

[7]               La demande de contrôle judiciaire de la deuxième décision relative à l’ERAR a été accueillie le 6 juillet 2007 et l’affaire a été renvoyée pour réexamen au mois de juillet 2007. Une demande d’ERAR mise à jour a ensuite été soumise au mois de juillet 2007. Le 13 août 2007, les demandeurs ont remis à l’agente d’ERAR des observations et des éléments de preuve supplémentaires, notamment une trousse d’information à jour sur la situation dans le pays en cause.

 

[8]               Le 4 janvier 2008, l’agente a accueilli la demande CH des demandeurs. Le même jour, elle a fermé le dossier d’ERAR, en refusant de rendre une décision au sujet de la demande d’ERAR des demandeurs.

 

[9]               Les demandeurs ont demandé le contrôle judiciaire de la décision de l’agente de fermer le dossier d’ERAR, et ce, même si leur demande CH avait été accueillie. Ils ont fait valoir que l’agente n’avait pas pris de décision au sujet des risques auxquels ils étaient exposés. Ils affirment qu’il est important pour eux d’être reconnus à titre de réfugiés au sens de la Convention ou de personnes protégées. L’autorisation a été accordée et le défendeur a consenti à ce que la décision d’ERAR soit réexaminée par l’agente qui avait rendu la décision dans la demande CH. Le 5 septembre 2008, le réexamen de la troisième demande d’ERAR a été refusé. Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette troisième décision.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

 

[10]           L’agente a conclu que les demandeurs n’avaient soumis aucun élément de preuve permettant d’établir qu’ils faisaient face à plus qu’une simple possibilité d’être persécutés en Russie. De plus, il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve permettant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les demandeurs seraient personnellement exposés au risque d’être soumis à la torture, à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’ils étaient renvoyés en Russie.

 

[11]           L’agente a conclu qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience, étant donné que les facteurs énoncés à l’article 167 du Règlement n’étaient pas présents. La preuve ne soulevait pas de questions importantes en ce qui concerne la crédibilité de Marat, mais elle était insuffisante pour réfuter les conclusions que la SPR avait tirées au sujet de la crédibilité.

 

[12]           Quant au risque d’avoir à effectuer le service militaire obligatoire auquel Rouslan était exposé, l’agente a conclu que cette question n’avait été soulevée qu’au moment où la deuxième demande d’ERAR avait été présentée et qu’elle aurait raisonnablement pu être soulevée devant la SPR ou dans le cadre de la première demande d’ERAR. Aucune explication de la raison pour laquelle la question n’avait pas été antérieurement soulevée n’a été donnée. L’agente a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un nouveau fait et elle n’en a pas tenu compte dans son examen de la troisième demande d’ERAR.

 

[13]           L’agente a noté les conclusions que la SPR avait tirées au sujet de la crédibilité. Elle a examiné les renseignements que le conseil des demandeurs avait fournis afin de répondre aux préoccupations exprimées par la SPR. La preuve révélait que Marat avait effectué plusieurs voyages à Moscou après s’être installé à Chypre, au mois de juillet 1995. L’agente estimait qu’aucune explication raisonnable n’avait été donnée au sujet des voyages, et qu’aucun nouvel élément de preuve ni aucune nouvelle explication n’avaient été fournis en sus de ceux que la SPR avait déjà rejetés.

 

[14]           L’agente a également noté qu’il n’avait pas été fait mention du voyage que Marat avait effectué en Tchétchénie pour épouser sa seconde femme pendant qu’il faisait un séjour en Russie, au mois de juillet 1999. Il s’agit du voyage au cours duquel il a également reçu son visa canadien de visiteur. Aucune explication n’a été fournie au sujet de la raison pour laquelle les demandeurs ne s’étaient pas réclamés de la protection internationale au cours des quatre années où ils étaient à Chypre. Aucun nouvel élément de preuve ni aucune nouvelle explication n’avaient été fournis à l’encontre des conclusions tirées par la SPR.

 

[15]           Marat a produit son carnet de travail en vue de tenter de prouver que les demandeurs n’étaient allés à Chypre qu’au mois de juillet 1995. Toutefois, le carnet de travail n’avait pas été produit lors de l’audience initiale; l’excuse donnée était que le carnet était à Moscou à ce moment‑là. Toutefois, Marat aurait pu présenter le carnet de travail à l’audience suivante, au mois de janvier 2003, mais il ne l’a pas fait. L’agente a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’explications au sujet de la raison pour laquelle le carnet de travail n’avait pas été présenté dans le cadre de la demande initiale d’ERAR. Par conséquent, le carnet de travail ne satisfaisait pas aux exigences relatives à la présentation de nouveaux éléments de preuve.

 

[16]           Bien que le carnet de travail n’eût pas satisfait aux exigences en tant que nouvel élément de preuve, l’agente en a bel et bien tenu compte dans son évaluation. Les demandeurs ont déclaré que les deux dernières inscriptions, dans le carnet de travail, confirmaient que Marat avait travaillé à Moscou jusqu’au 25 mai 1995. L’agente a trouvé une inscription indiquant que Marat avait volontairement mis fin à son emploi à Moscou, le 8 novembre 1994. Rien n’indiquait qu’il avait travaillé à Moscou du mois de décembre 1994 au mois de mai 1995. Même si l’agente a reconnu que le carnet de travail prouvait que Marat avait travaillé à Moscou jusqu’au 25 mai 1995, cela n’avait malgré tout pas pour effet de le placer à Moscou au moment où il avait censément été persécuté, au mois de juin 1995. L’agente a conclu que le carnet de travail de Marat et les explications que celui‑ci avait données étaient insuffisants pour réfuter les conclusions que la SPR avait tirées au sujet de la crédibilité.

 

[17]           En ce qui concerne l’article 96 de la Loi, l’agente a conclu qu’elle ne disposait pas d’un nombre suffisant d’éléments de preuve pour réfuter les conclusions que la SPR avait tirées au sujet de la crainte subjective des demandeurs.

 

[18]           En ce qui concerne le risque d’être soumis à la torture, la menace à la vie ou le risque de traitements ou peines cruels et inusités, l’agente a conclu qu’il était raisonnable de conclure que, si les demandeurs étaient renvoyés en Russie (ce qui était peu probable étant donné qu’ils avaient obtenu un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi et que leur demande de résidence permanente en était à la seconde étape du processus à deux étapes), compte tenu de la preuve, la discrimination dont les demandeurs seraient victimes parce qu’ils étaient d’origine tchétchène constituerait une difficulté démesurée, mais que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y avait pas de risque d’être soumis à la torture, de menace à la vie ou de risque de traitements ou peines cruels et inusités.

 

[19]           L’agente a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés ni des personnes à protéger.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[20]           Dans le cadre de la présente demande, les demandeurs soumettent les questions suivantes :

1)                  L’agente a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la question de l’identité tchétchène des demandeurs n’était pas un facteur déterminant pour la SPR?

2)                  L’agente a‑t‑elle violé les droits à l’équité procédurale reconnus aux demandeurs en refusant de tenir une audience?

3)                  L’agente a‑t‑elle omis de tenir compte du nouveau risque de conscription auquel faisait face Rouslan?

4)                  L’agence a‑t‑elle commis une erreur en concluant qu’en Russie, les demandeurs font uniquement face à des difficultés plutôt qu’aux risques énoncés aux articles 96 et 97?

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[21]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

Examen de la demande

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

 

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

 

 

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

Consideration of application

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

[22]           La disposition suivante de la Charte canadienne des droits et libertés, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11, s’applique en l’espèce :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[23]           Le défendeur affirme que la Cour peut uniquement intervenir si une décision est rendue d’une façon abusive ou arbitraire ou sans qu’il soit tenu compte des éléments dont le décideur disposait. Il fait valoir que les demandeurs n’ont pas démontré que l’agente avait omis de tenir compte de la preuve, qu’elle avait interprété la preuve d’une façon erronée ou qu’elle avait tiré des conclusions abusives ou arbitraires.

 

[24]           Le défendeur affirme qu’en l’espèce, la norme de contrôle à appliquer est la raisonnabilité. Toutefois, les conclusions tirées par l’agente justifient une déférence considérable. La décision est justifiée, transparente et intelligible et appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), paragraphe 47.

 

[25]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a reconnu que, bien que les normes de la décision raisonnable simpliciter et de la décision manifestement déraisonnable soient en théorie différentes, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » : Dunsmuir, paragraphe 44. Par conséquent, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il y avait lieu de fondre en une seule les deux normes de raisonnabilité.

 

[26]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a également conclu que l’analyse relative à la norme de contrôle n’a pas à être effectuée dans chaque cas. Lorsque la norme de contrôle applicable à la question particulière dont la cour est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision doit procéder à l’examen des quatre facteurs dont est composée l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[27]           Dans la décision Fi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1125, la Cour a conclu, au paragraphe 6, que la norme de contrôle d’une décision d’ERAR est la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, les conclusions de fait particulières ne devraient être modifiées que si elles ont été tirées d’une manière abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments de preuve dont l’agent d’ERAR était saisi. Des conclusions de fait erronées qui sont tirées « de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments » doivent être examinées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, [2004] 3 R.C.F. 523 (C.F.), paragraphe 51; Powell c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [2000] A.C.F. no 1008 (C.A.F.); Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 325, paragraphe 25; Harb c. Canada  (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, paragraphe 18.

 

[28]           Dans la décision Elezi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 240, il a été dit ce qui suit au paragraphe 22 :

Dans l’appréciation des faits nouveaux dont il est question à l’alinéa 113a), il faut considérer deux questions distinctes. La première est celle de savoir si l’agent a commis une erreur lorsqu’il a interprété la disposition elle‑même. C’est là une question de droit, à laquelle s’applique la norme de la décision correcte. Si l’agent n’a commis aucune erreur dans l’interprétation de la disposition, alors la Cour doit encore se demander s’il a commis une erreur dans sa manière d’appliquer la disposition aux circonstances particulières de l’espèce. C’est là une question mixte de droit et de fait, à laquelle s’applique la norme de la décision raisonnable simpliciter.

 

 

[29]           Quant aux questions de crédibilité, la norme de contrôle, avant que le jugement eût été rendu dans l’affaire Dunsmuir, était la décision manifestement déraisonnable : Hou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1586, paragraphe 13, et Aguebor c. Canada (Ministère de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.), paragraphe 4.

 

[30]           Par conséquent, compte tenu de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’affaire Dunsmuir  et de la jurisprudence de la présente cour, je conclus qu’en l’espèce, la norme de contrôle applicable aux questions (1) et (4) est la raisonnabilité. Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse se rapportera « [...] à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, paragraphe 47. Autrement dit, la Cour doit uniquement intervenir si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[31]           Le demandeur a également soulevé une question d’équité procédurale à l’égard de laquelle la norme de contrôle applicable est la décision correcte : Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1.

 

[32]           La question (3) exige que la Cour se demande, en se fondant sur la norme de la décision correcte, si l’agente a interprété l’alinéa 113a) d’une façon erronée et si elle a commis une erreur dans la façon dont elle a appliqué la disposition en question aux faits particuliers de l’affaire, ce qui fait appel à la norme de la raisonnabilité.

 

LES ARGUMENTS

            Les demandeurs

L’identité tchétchène

 

[33]           Les demandeurs soutiennent que l’agente a commis une erreur en concluant que la conclusion tirée par la SPR, à savoir qu’ils n’avaient pas établi leur identité tchétchène, n’était pas déterminante. Ils affirment que l’identité d’un demandeur est cruciale dans une demande d’asile. Les préoccupations exprimées par la SPR au sujet de l’identité tchétchène des demandeurs ont servi de contexte pour le reste de la décision. Selon les demandeurs, l’agente a minimisé l’importance de cette conclusion afin de justifier le fait qu’elle se fondait sur les autres conclusions que la SPR avait tirées au sujet de la crédibilité. Toutefois, ils disent que l’agente se trompe en mettant l’accent sur le caractère indépendant de ces conclusions. Puisqu’ils ont établi leur identité tchétchène devant l’agente d’ERAR, toutes les conclusions que la SPR avait tirées au sujet de la crédibilité devraient être considérées avec suspicion.

 

L’équité procédurale; le refus de tenir une audience

 

[34]           Les demandeurs affirment que le refus de l’agente de procéder à une audience violait leur droit à l’équité procédurale, étant donné que l’agente a tiré, dans toute sa décision, d’importantes conclusions au sujet de la crédibilité.

 

[35]           La décision de l’agente constitue une nouvelle appréciation de la preuve dont disposait la SPR et, en appréciant à nouveau cette preuve, l’agente tire ses propres conclusions quant à la crédibilité. En tirant ces conclusions, l’agente a examiné la transcription de l’audience relative à la demande d’asile et elle a choisi certaines parties du témoignage du demandeur qui étayaient la conclusion défavorable qu’elle avait tirée au sujet de la crédibilité, notamment des extraits de la transcription dont il n’était pas fait mention dans la décision de la SPR. L’agente rejette comme suit les explications données par les demandeurs, en particulier par le demandeur principal dans sa demande d’ERAR :

 

1)                  L’agente compare les observations de Marat avec la transcription de l’audience relative à la demande d’asile afin de rejeter la preuve expliquant pourquoi il était retourné à Moscou afin d’obtenir des titres de voyage;

2)                  L’agente analyse la preuve contenue dans la transcription, et dont la SPR n’a pas fait mention dans ses propres motifs, pour justifier ses propres préoccupations au sujet du fait que Marat s’était censément de nouveau réclamé de la protection du pays;

3)                  L’agente apprécie les nouveaux éléments de preuve et conclut que, contrairement à la conclusion tirée par la SPR, si les demandeurs étaient encore à Moscou jusqu’au mois de juillet 1995 comme ils l’affirmaient, ils ont tardé à quitter Moscou. L’agente ne croit pas à l’existence de la présumée crainte de persécution fondée sur un nouveau motif.

 

[36]           Les demandeurs soutiennent que l’agente a tenté de caractériser leur preuve comme essentiellement semblable à celle qu’ils avaient fournie à la SPR afin de se fonder sur la conclusion tirée par la SPR au sujet de leur crainte subjective. Toutefois, l’agente ne se fonde pas simplement sur la conclusion tirée par la SPR, mais elle apprécie à nouveau la preuve et elle tire de nouvelles conclusions quant à la crédibilité.

 

[37]           L’agente a rejeté les explications que Marat avait données uniquement pour ce qui est de la preuve soumise à l’audience relative à la demande d’asile et des observations écrites qui ont été soumises dans le cadre de l’ERAR. Elle n’a pas donné au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations au moyen d’une audience, de sorte qu’elle a violé le droit du demandeur à l’équité procédurale. Voir : Zokai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1103, paragraphe 12.

 

Le nouveau risque auquel le fils du demandeur est exposé

 

[38]           Les demandeurs soutiennent également que Rouslan est exposé à de nouveaux risques s’il est renvoyé en Russie parce qu’il a maintenant atteint l’âge de la conscription et qu’il sera obligé d’effectuer son service militaire. En sa qualité de Tchétchène, il risque gravement d’être exposé à de mauvais traitements dans l’armée. Les demandeurs allèguent que la preuve documentaire corrobore les graves mauvais traitements infligés aux Tchétchènes dans l’armée russe. L’agente a refusé de tenir compte de ces nouveaux risques étant donné qu’à son avis, la question aurait dû être soulevée devant la SPR.

 

[39]           Les demandeurs affirment que l’agente a commis une erreur de droit en refusant de tenir compte des nouveaux risques auxquels Rouslan était exposé. Au moment où les demandeurs ont demandé l’asile, en 1999, Rouslan avait uniquement onze ans. Si le risque de conscription avait été allégué à ce moment‑là, la SPR aurait considéré ce risque comme [traduction] « conjectural et prématuré ». En 2005, lorsque les demandeurs ont présenté leur deuxième demande d’ERAR, la conscription dans l’armée russe était une possibilité réelle et immédiate, étant donné que Rouslan avait dix-sept ans. Il était raisonnable pour les demandeurs de soulever la question en tant que nouveau risque lors du deuxième ERAR.

 

[40]           Les demandeurs signalent l’objet de la Loi en ce qui concerne les réfugiés, lequel est énoncé au paragraphe 3(2) :

 

(2) S’agissant des réfugiés, la présente loi a pour objet :

 

a) de reconnaître que le programme pour les réfugiés vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution;

 

b) de remplir les obligations en droit international du Canada relatives aux réfugiés et aux personnes déplacées et d’affirmer la volonté du Canada de participer aux efforts de la communauté internationale pour venir en aide aux personnes qui doivent se réinstaller;

 

c) de faire bénéficier ceux qui fuient la persécution d’une procédure équitable reflétant les idéaux humanitaires du Canada;

 

 

d) d’offrir l’asile à ceux qui craignent avec raison d’être persécutés du fait de leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques, leur appartenance à un groupe social en particulier, ainsi qu’à ceux qui risquent la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités;

 

e) de mettre en place une procédure équitable et efficace qui soit respectueuse, d’une part, de l’intégrité du processus canadien d’asile et, d’autre part, des droits et des libertés fondamentales reconnus à tout être humain;

(2) The objectives of this Act with respect to refugees are

 

(a) to recognize that the refugee program is in the first instance about saving lives and offering protection to the displaced and persecuted;

 

(b) to fulfill Canada’s international legal obligations with respect to refugees and affirm Canada’s commitment to international efforts to provide assistance to those in need of resettlement;

 

 

 

 

(c) to grant, as a fundamental expression of Canada’s humanitarian ideals, fair consideration to those who come to Canada claiming persecution;

 

(d) to offer safe haven to persons with a well-founded fear of persecution based on race, religion, nationality, political opinion or membership in a particular social group, as well as those at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment;

 

(e) to establish fair and efficient procedures that will maintain the integrity of the Canadian refugee protection system, while upholding Canada’s respect for the human rights and fundamental freedoms of all human beings;

 

 

 

[41]           Les demandeurs citent également l’article 14.1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui prévoit que « [d]evant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ».

 

[42]           Les demandeurs citent en outre l’article 115 de la Loi, sur lequel ils se fondent :

115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

115. (1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment.

 

 

[43]           Les demandeurs signalent le traitement différent réservé aux réfugiés, en vertu de la Loi, par rapport aux immigrants :

1)                  Le paragraphe 38(1) de la Loi prévoit qu’emporte notamment interdiction de territoire pour motifs sanitaires l’état de santé de l’étranger « risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé ». Toutefois, ce motif d’interdiction de territoire ne s’applique pas aux personnes qui ont demandé un visa de résident permanent comme réfugiés ou qui sont des personnes protégées;

2)                  L’article 42 de la Loi prévoit qu’emporte interdiction de territoire l’interdiction de territoire frappant tout membre de la famille qui accompagne l’étranger qui les accompagne (et parfois tout membre qui ne l’accompagne pas). Toutefois, ce motif d’interdiction de territoire ne s’applique pas aux personnes protégées;

3)                  L’article 63 de la Loi accorde aux personnes protégées (parmi d’autres catégories précises) le droit d’interjeter appel devant la Section d’appel de l’immigration des mesures de renvoi dont elles font l’objet;

4)                  L’article 64 de la Loi limite les droits d’appel à la Section d’appel de l’immigration, mais il ne limite pas ces droits dans le cas des personnes protégées;

5)                  L’article 133 de la Loi stipule que les personnes protégées ne peuvent pas être accusées d’avoir utilisé de faux documents pour venir au Canada;

6)                  Le paragraphe 50(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, (le Règlement) exempte les personnes protégées de l’obligation de fournir des titres de voyage, tels que des passeports, lorsqu’elles demandent la résidence permanente, dans les cas où il leur est impossible d’en obtenir;

7)                  Le paragraphe 229(2) du Règlement prévoit que les alinéas 229(2)b), 300(2)b), 303(2)c) et 305(2)c) exemptent les personnes protégées du paiement de frais de traitement pour obtenir des permis de travail, des permis d’études et des permis de séjour temporaire ainsi que du paiement des frais relatifs au droit de résidence permanente.

 

[44]           Les demandeurs font valoir qu’étant donné que le principe fondamental du non‑refoulement s’applique aux personnes protégées au Canada et que ces personnes bénéficient d’un traitement différent en leur qualité de personnes protégées en vertu de la Loi et du Règlement, les personnes qui demandent un ERAR ont droit à ce qu’il soit statué sur leurs demandes. Par conséquent, Rouslan a droit à ce qu’il soit statué sur la question de savoir si les nouveaux risques auxquels il est exposé en Russie permettent de conclure qu’il est une personne protégée au Canada.

 

[45]           Les demandeurs affirment que le refus de l’agente d’examiner la demande d’ERAR de Rouslan viole l’article 7 de la Charte des droits et libertés (la Charte) et ils citent l’arrêt Singh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 1 R.C.S. 177, paragraphes 41, 44, 47, 52 et 57 :

41 [...] La Loi accorde [...] à un réfugié au sens de la Convention certains droits qu’elle ne confère pas à d’autres, notamment le droit de demander au Ministre de décider, en vertu de principes appropriés, s’il y a lieu de délivrer un permis l’autorisant à entrer au Canada et à y demeurer (par. 4(2) et art. 37), le droit de ne pas être renvoyé dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées (art. 55) et le droit d’interjeter appel d’une ordonnance de renvoi ou d’une ordonnance d’expulsion rendue contre lui (al. 72(2)a), al. 72(2)b) et par. 72(3)).

 

[...]

 

44     Pour revenir aux faits soumis à la Cour, on se rappellera qu’un réfugié au sens de la Convention est par définition une personne qui craint avec raison d’être persécutée dans le pays qu’elle fuit. À mon avis, si on la prive des moyens que lui offre la Loi d’échapper à cette crainte d’être persécutée, cela a pour effet tout au moins de porter atteinte à son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne suivant le sens strict proposé par l’avocat du Ministre. Il s’agit cependant de savoir si une telle atteinte constitue une « atteinte » au sens de l’art. 7.

 

[...]

 

47 [...] Il me semble que même si on adopte l’interprétation stricte préconisée par l’avocat du Ministre, l’expression « sécurité de sa personne » doit englober tout autant la protection contre la menace d’un châtiment corporel ou de souffrances physiques, que la protection contre le châtiment lui‑même. Je constate, en particulier, qu’un réfugié au sens de la Convention a le droit, en vertu de l’art. 55 de la Loi, de ne pas « [...] être renvoyé dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées [...] » À mon avis, la négation d’un tel droit ne peut que correspondre à une atteinte à la sécurité de sa personne au sens de l’art. 7.

 

[...]

 

52     Il me semble que les appelants en l’espèce disposent d’un argument encore plus solide que celui de l’appelant dans l’affaire Mitchell. M. Mitchell avait droit tout au plus à ce que la Commission des libérations conditionnelles tienne une audition concernant la révocation de sa libération conditionnelle et à ce qu’elle décide, à partir de considérations pertinentes, si elle devait maintenir sa libération conditionnelle. La Loi ne lui accordait aucun droit à la libération conditionnelle elle‑même; il avait plutôt droit à un examen approprié de la question de savoir s’il pouvait demeurer en liberté conditionnelle. Par contre, si les appelants avaient été déclarés réfugiés au sens de la Convention suivant la définition du par. 2(1) de la Loi sur l’immigration de 1976, ils auraient eu droit aux privilèges de ce statut prévus dans la Loi. Étant donné les conséquences que la négation de ce statut peut avoir pour les appelants si ce sont effectivement des personnes « craignant avec raison d’être persécutée[s] », il me semble inconcevable que la Charte ne s’applique pas de manière à leur donner le droit de bénéficier des principes de justice fondamentale dans la détermination de leur statut.

 

[...]

 

57     Tous les avocats s’entendent pour dire que la notion de « justice fondamentale » qui figure à l’art. 7 de la Charte englobe au moins la notion d’équité en matière de procédure énoncée par le juge en chef Fauteux dans l’arrêt Duke c. La Reine, [1972] R.C.S. 917. Celui‑ci affirme, à la p. 923:

En vertu de l’art. 2e) de la Déclaration des droits, aucune loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer de manière à le priver d’une « audition impartiale de sa cause selon les principes de justice fondamentale ». Sans entreprendre de formuler une définition finale de ces mots, je les interprète comme signifiant, dans l’ensemble, que le tribunal appelé à se prononcer sur ses droits, doit agir équitablement, de bonne foi, sans préjugé et avec sérénité, et qu’il doit donner à l’accusé l’occasion d’exposer adéquatement sa cause.

 

 

[46]           Les demandeurs affirment qu’en refusant d’examiner les nouveaux risques auxquels Rouslan est exposé, l’agente a refusé à Rouslan [traduction] « le droit de vivre au Canada à titre de personne protégée, ce qui comprend une meilleure protection contre la menace d’expulsion que celle dont bénéficient les immigrants au Canada ».

 

Les difficultés ainsi que les articles 96 et 97 de la Loi

 

[47]           Les demandeurs affirment en outre que l’agente a commis une erreur en concluant qu’ils ne seraient pas exposés, en Russie, aux risques énoncés à l’article 97 sans examiner la preuve qu’ils avaient soumise, laquelle démontrait le contraire; en particulier, ils signalent la lettre d’Amnistie Internationale, qui est libellée comme suit :

[traduction]

Amnistie Internationale estime que les Tchétchènes risquent d’être victimes de graves violations des droits de l’homme à cause de la violation générale des droits de l’homme associée au conflit armé. Amnistie Internationale estime également que les Tchétchènes risquent d’être victimes d’un traitement discriminatoire et de violations des droits de l’homme, et notamment d’être détenus,  torturés et maltraités arbitrairement, partout dans la Fédération de Russie, et ce, à cause de leur origine ethnique. Amnistie Internationale estime que rien ne montre qu’il existe une protection interne ou une possibilité de refuge intérieur pour les Tchétchènes où que ce soit dans la Fédération de Russie lorsqu’ils fuient le conflit armé. Il en est ainsi même pour les personnes d’origine tchétchène qui sont inscrites à titre de résidents dans des régions de la Fédération de Russie à l’extérieur de la République tchétchène, ou qui n’ont jamais vécu dans la République tchétchène.

 

 

 

[48]           Les demandeurs affirment que la preuve susmentionnée ainsi que d’autres éléments de preuve que l’agente n’a pas mentionnés dans sa décision laissent planer un doute sur la question de savoir si une [traduction] « évaluation soupesée d’une façon adéquate a été effectuée » par l’agente. Les demandeurs citent la décision Castillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 56, paragraphe 9, sur laquelle ils se fondent :

[...] Lorsqu’une preuve qui a trait à la question principale est soumise, le fardeau d’explication qui incombe à la Commission augmente quand celle‑ci n’accorde que peu ou pas de poids à cette preuve ou quand elle retient une certaine preuve documentaire de préférence à une autre. [...]

 

[49]           En omettant de tenir compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait, ainsi que de certains éléments contredisant ses conclusions, l’agente a commis des erreurs susceptibles de révision.

 

Le défendeur

            L’identité ethnique

 

[50]           Le défendeur affirme qu’il était loisible à l’agente de se fonder sur les conclusions que la SPR avait tirées au sujet de la crédibilité, et ce, même si l’agente a reconnu l’origine tchétchène des demandeurs. La SPR a tiré deux conclusions au sujet de la preuve soumise par les demandeurs : (1) ils n’avaient pas établi qu’ils étaient d’origine tchétchène; (2) le demandeur principal n’était pas un témoin crédible ou digne de foi. Le défendeur fait remarquer que la SPR considère ces questions comme des questions distinctes. La SPR examine ces questions séparément, elle se fonde sur des faits différents et elle effectue une analyse distincte pour chaque question.

 

[51]           Le défendeur affirme que la première conclusion était fondée sur l’omission du demandeur principal de produire des documents originaux et que la seconde conclusion était fondée sur la preuve soumise par le demandeur principal, et plus précisément sur les incohérences et contradictions contenues dans son FRP, ainsi que sur les invraisemblances de la preuve qu’il a soumise.

 

[52]           Le défendeur fait valoir que ces deux questions ont été traitées séparément par la SPR et que les conclusions concernant une question ne sont pas déterminantes pour l’autre. Par conséquent, il était loisible à l’agente de se fonder sur la seconde conclusion, selon laquelle Marat n’était pas un témoin crédible et digne de foi, lorsqu’elle est arrivée à sa décision dans la demande d’ERAR.

 

La tenue d’une audience

 

[53]           Le défendeur affirme que l’agente n’a pas apprécié à nouveau la demande d’asile, mais qu’elle s’est fondée sur les conclusions que la SPR avait tirées au sujet de la crédibilité. L’agente a conclu que les nouveaux éléments de preuve ne répondaient pas aux préoccupations de la SPR. Par conséquent, il n’existait aucune obligation envers les demandeurs de tenir une audience.

 

[54]           Le défendeur se fonde sur l’alinéa 113b) de la Loi, qui prévoit qu’une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires. L’article 167 du Règlement énonce ces facteurs comme suit :

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

[55]           Le défendeur signale que l’agente a noté les conclusions suivantes que la SPR avait énoncées dans sa décision au sujet de la crédibilité :

1)                  Des incohérences concernant la question de savoir si Marat était en Russie en 1995, lorsqu’il a censément été persécuté. La SPR a conclu que Marat n’avait jamais été en Russie en 1995;

2)                  Compte tenu du contexte des relations tchétchènes‑russes, il était invraisemblable que Marat s’adresse à la police parce qu’il craignait l’animosité entre les deux groupes;

3)                  Les voyages aller‑retour que Marat a effectués entre la Russie et Chypre (quatre voyages entre le mois de mai 1998 et le mois d’octobre 1999) étaient incompatibles avec une crainte subjective de retourner en Russie.

 

[56]           Quant à la question de savoir si le demandeur s’était de nouveau réclamé de la protection du pays, l’agente a noté que les explications données dans les observations soumises dans le cadre de l’ERAR étaient essentiellement semblables à celles qui avaient été fournies à la SPR et que [traduction] « peu de nouveaux éléments de preuve ou d’explications ont été fournis en sus de ceux qui l’avaient déjà été, et qui avaient été rejetés par la Commission ».

 

[57]           Le défendeur signale que la SPR se demandait si Marat était retourné en Russie afin d’établir une entreprise, alors qu’il avait affirmé devant la SPR qu’on ne l’avait pas vu lorsqu’il était retourné en Russie. Cela a été jugé invraisemblable. Dans les observations qu’il a soumises dans le cadre de l’ERAR, Marat a indiqué qu’il ne comprenait pas la question. Toutefois, l’agente a noté que cette explication n’était pas étayée par la preuve fournie à la SPR et qu’il était clair que l’une des raisons mentionnées par Marat en ce qui concerne son retour en Russie était qu’il voulait lancer une entreprise.

 

[58]           De l’avis du défendeur, l’agente n’a pas apprécié à nouveau la demande d’asile; elle a soupesé la preuve fournie (ainsi que les nouvelles explications) et elle a conclu que cette preuve n’était pas compatible avec la preuve soumise dans le cadre de la demande d’asile.

 

[59]           Le défendeur fait remarquer que l’agente a examiné la preuve du carnet de travail russe du demandeur et qu’elle a noté qu’il ne s’agissait pas d’un nouvel élément de preuve, parce que cet élément était disponible lors de l’audience tenue par la SPR et qu’il n’y avait aucune explication raisonnable au sujet de la raison pour laquelle le carnet n’avait pas été fourni plus tôt. Toutefois, l’agente a apprécié cette preuve et elle a conclu qu’elle ne réfutait pas la conclusion selon laquelle Marat n’était pas en Russie au moment où il avait censément été persécuté, au mois de juin 1995. Par conséquent, les inscriptions figurant dans le carnet de travail n’établissent pas que Marat avait travaillé à Moscou jusqu’au 25 mai 1995 et, même s’il y avait travaillé, la période pertinente était le mois de juin 1995.

 

[60]           Le défendeur affirme que l’agente n’a pas énoncé de nouveaux motifs expliquant pourquoi elle ne croyait pas le témoignage du demandeur, mais qu’elle appuyait les conclusions tirées par la SPR au sujet de l’absence de crainte subjective de Marat. Il incombait aux demandeurs de fournir de nouveaux éléments de preuve en vue de réfuter la conclusion tirée par la SPR et, puisqu’ils ont omis de le faire, l’agente s’est à juste titre fondée sur cette conclusion en rejetant la demande d’ERAR.

 

[61]           Selon le défendeur, l’agente n’a pas commis d’erreur en appréciant ainsi la preuve. L’agente a dit que [traduction] « la preuve ne soulevait pas de questions sérieuses au sujet de la crédibilité du demandeur. Toutefois, il a été jugé que la preuve était insuffisante pour réfuter les conclusions figurant dans la décision de la Commission quant à la crédibilité ». Par conséquent, l’agente n’était pas obligée de procéder à une entrevue, étant donné qu’elle ne tirait pas de nouvelles conclusions au sujet de la crédibilité. Les facteurs énoncés à l’article 167 du Règlement n’étaient pas présents. Voir : Doumbouya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1187.

 

L’absence de risque de conscription

 

[62]           Rouslan est né au mois de mars 1988; il avait 15 ans lorsque la demande d’asile a été rejetée, il avait 16 ans lors du premier ERAR et il avait 17 ans lors du deuxième ERAR. Le défendeur fait remarquer que la question du risque auquel il était exposé (à cause de la conscription) a été soulevée pour la première fois lors du deuxième ERAR. L’agente a également noté que cette question se posait lors du premier ERAR. Il était loisible à l’agente de conclure qu’il ne s’agissait pas d’un nouveau risque.

 

L’agente n’a pas omis de tenir compte de la preuve

 

[63]           Le défendeur soutient que l’agente n’a pas omis de tenir compte de la preuve en arrivant à sa décision au sujet des risques auxquels les demandeurs étaient exposés en leur qualité de personnes d’origine tchétchène. L’évaluation de la preuve dont l’agente a tenu compte en ce qui concerne les risques auxquels les Tchétchènes sont exposés a été notée comme suit :

1)                  Un grand nombre d’articles traitent de la situation en Tchétchénie, mais il y avait bien des années que les demandeurs ne vivaient pas à cet endroit;

2)                  Il n’avait pas été établi que la preuve concernant les difficultés personnelles éprouvées par les demandeurs était crédible;

3)                  Marat a des traits slaves et n’a pas une apparence tchétchène;

4)                  Dans la preuve documentaire, il est fait mention d’actes fortuits de violence contre les étrangers, mais l’apparence physique de Marat ne l’exposerait pas à un risque;

5)                  Il n’est pas fait mention d’incidents dont l’ancienne femme ou la femme actuelle de Marat, ou le fils de Marat, auraient été victimes en Russie;

6)                  Les demandeurs peuvent s’attendre à faire face à un certain degré de discrimination qui pourrait constituer une difficulté démesurée, mais non un risque d’être soumis à la torture, une menace à la vie ou un risque de traitements ou de peines cruels et inusités.

 

[64]           Selon le défendeur, l’agente n’a pas commis d’erreur en omettant de mentionner la lettre d’Amnistie Internationale dans laquelle il est question de la situation générale des Tchétchènes en Russie. L’agente a pris cet élément de preuve en considération, mais il ne se rapportait pas expressément à la situation personnelle des demandeurs et il n’était pas nécessaire d’en faire expressément mention dans la décision. Voir : Kaba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 647 (Kaba).

 

ANALYSE

            L’identité tchétchène

 

[65]           Les demandeurs font valoir que leur identité tchétchène était la question qui se posait dans la demande présentée à la SPR et que la conclusion que la SPR a tirée sur ce point était [traduction] « essentiellement une conclusion défavorable quant à la crédibilité » qui ne peut pas être considérée isolément par rapport aux autres conclusions tirées par la SPR. Par conséquent, l’agente d’ERAR n’aurait pas dû accorder une si grande importance aux conclusions que la SPR a tirées au sujet de la crédibilité pour ce qui est de la crainte subjective de persécution éprouvée par les demandeurs.

 

[66]           Il est possible de répondre simplement à cette assertion en disant que les conclusions que la SPR a tirées au sujet de l’identité tchétchène et de la crédibilité sont des conclusions distinctes. C’est ce qui ressort clairement de la décision de la SPR et de la décision de l’agente d’ERAR. Le fait que l’identité tchétchène a été établie aux fins de la décision d’ERAR n’influe pas sur les conclusions défavorables que la SPR a tirées au sujet de la crédibilité en ce qui concerne la preuve présentée par Marat.

 

[67]           Dans sa décision, l’agente a clairement dit que les conclusions que la SPR avait tirées au sujet de la crédibilité avaient été énoncées [traduction] « séparément et indépendamment des conclusions se rapportant à la preuve de l’identité (tchétchène) du demandeur principal ».

 

[68]           L’agente se fonde sur les conclusions que la SPR a tirées au sujet de la crédibilité de Marat en tant que témoin, plus précisément quant à la question de savoir où il était au cours des années en question et à quel moment il a commencé à avoir des problèmes ainsi qu’au sujet de ses voyages en Russie pendant qu’il résidait à Chypre. Aucun des éléments de preuve sur lesquels l’agente s’est fondée dans cette partie de la décision ne se rapportait à l’identité tchétchène des demandeurs. Plus loin, lorsqu’elle traite de la question de l’identité tchétchène des demandeurs, l’agente note que [traduction] « l’absence de documents ou le manque d’authenticité des documents concernant leur origine ethnique n’était pas ce sur quoi portait la décision de la Commission et n’était pas l’élément crucial des conclusions relatives à la crédibilité, lesquelles se rapportaient plutôt à des invraisemblances et à des incohérences relevées dans le témoignage du demandeur principal ». L’agente souligne encore une fois que [traduction] « la Commission a traité de ces deux questions (identité et crédibilité) séparément et d’une façon indépendante dans la décision qu’elle a rendue au sujet de la demande d’asile des demandeurs ».

 

[69]           Je ne puis rien trouver qui étaye les prétentions des demandeurs sur ce point et aucune erreur susceptible de révision n’a été commise à cet égard.

 

L’équité procédurale; le refus de tenir une audience

 

[70]           Les demandeurs affirment que le refus de l’agente de tenir une audience violait leur droit à l’équité procédurale, étant donné que l’agente a tiré des conclusions importantes au sujet de la crédibilité partout dans sa décision.

 

[71]           L’agente d’ERAR peut uniquement tenir compte des nouveaux éléments de preuve comme le prévoit l’alinéa 113b) de la Loi. L’article 167 du Règlement indique les facteurs à prendre en compte aux fins d’une audience tenue en vertu de l’alinéa 113b) de la Loi.

 

[72]           L’examen de la décision m’amène à conclure que les demandeurs ont mal qualifié le raisonnement de l’agente. Celle‑ci n’a pas apprécié à nouveau la demande d’asile des demandeurs. Elle a simplement soupesé les nouveaux éléments de preuve et les nouvelles explications, et elle a conclu qu’ils ne réglaient pas les problèmes décelés par la SPR. À mon avis, l’agente n’a pas introduit un nouveau motif de ne pas croire les demandeurs. Par conséquent, rien ne justifiait une audience en vertu de l’article 167 du Règlement. Je ne puis constater aucune erreur susceptible de révision sur ce point.

 

Les difficultés ainsi que les articles 96 et 97 de la Loi

 

[73]           Les demandeurs affirment que l’agente a commis une erreur en concluant qu’en Russie, les demandeurs ne feraient pas face à la persécution visée à l’article 96 et ne seraient pas exposés aux risques énoncés à l’article 97, et ce, sans tenir compte de la preuve qu’ils avaient soumise, laquelle démontrait le contraire, en particulier la lettre d’Amnistie Internationale.

 

[74]           L’agente n’avait pas à mentionner chaque élément de preuve dont elle tenait compte. Si la preuve ne se rapporte pas expressément à la situation personnelle du demandeur, il n’est pas nécessaire d’en faire mention dans la décision : Kaba.

 

[75]           L’agente a mentionné les nombreux [traduction] « articles soumis par le conseil, traitant de la situation en Tchétchénie ». L’agente note qu’il ne s’agit [traduction] « pas de la situation à laquelle les demandeurs feraient maintenant face », mais que cela [traduction] « indique certains sentiments anti‑tchétchènes et anti‑Caucase qui existent partout en Russie, comme l’indique une bonne partie de la preuve documentaire ».

 

[76]           L’agente dit en toute franchise que les rapports sur la situation dans le pays parlent [traduction] « d’attitudes discriminatoires et xénophobes [...] d’incidents de discrimination, de harcèlement et de violence contre les minorités religieuses et ethniques [...] d’une discrimination gouvernementale et sociétale générale ainsi que d’agressions de nature raciale de membres de minorités ethniques et d’immigrants à la peau foncée ». L’agente n’omet pas de tenir compte de cet élément de preuve, mais elle l’applique à la situation particulière des demandeurs.

[77]           L’agente effectue une appréciation claire de la preuve concernant les risques auxquels les Tchétchènes sont exposés. Compte tenu de cette appréciation, j’estime que l’agente n’a pas commis d’erreur en omettant de faire expressément mention de la lettre d’Amnistie Internationale dans laquelle il est question d’une façon plus générale de la situation des Tchétchènes en Russie. L’agente a tenu compte de cet élément de preuve dans son analyse, mais étant donné qu’il ne se rapportait pas expressément à la situation personnelle des demandeurs, il n’était pas nécessaire d’en faire expressément mention dans la décision.

 

[78]           Lors de l’audition de la présente demande, les demandeurs ont en outre soutenu que l’agente n’avait pas tenu compte de la lettre d’Amnistie Internationale lorsqu’elle s’était demandé si la discrimination dont il était question dans cette lettre pouvait, pour des motifs cumulatifs, constituer de la persécution en vertu de l’article 96 de la Loi.

 

[79]           Les conclusions que l’agente a tirées au sujet de l’article 96 étaient [traduction] qu’« il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour réfuter les conclusions que la Commission avait tirées au sujet de la crainte subjective du demandeur ». Comme l’agente le signale, une [traduction] « crainte fondée de persécution exige à la fois un élément subjectif et un élément objectif ». Le problème auquel faisaient face les demandeurs était que ceux‑ci ne pouvaient pas établir l’existence d’une crainte subjective. Je ne puis donc pas dire que l’agente a commis une erreur susceptible de révision en ne mentionnant pas expressément des motifs cumulatifs ou la lettre d’Amnistie Internationale en ce qui concerne la persécution mentionnée à l’article 96, en particulier lorsque cela ne semble pas être une question que les demandeurs ont soulevée devant elle. La décision montre clairement que l’agente a tenu compte des risques auxquels les demandeurs faisaient face, qu’elle a tenu compte de la preuve avancée et qu’elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour réfuter les conclusions que la Commission avait tirées au sujet de la crainte subjective de persécution éprouvée par les demandeurs.

 

L’existence d’un nouveau risque pour Rouslan – la conscription

 

[80]           L’agente mentionne expressément ce risque en tant que risque additionnel invoqué par les demandeurs. Elle conclut qu’il ne s’agit pas d’un nouveau risque, parce que [traduction] « cette question aurait raisonnablement pu être soulevée devant la Commission ou lors de la première demande d’ERAR et [qu’]aucune explication n’a été fournie au sujet de la raison pour laquelle la question n’avait pas été soulevée antérieurement ».

 

[81]           Comme le défendeur le signale, Rouslan est né au mois de mars 1988 et il avait 16 ans lors du premier ERAR et 15 ans lors de l’audience tenue par la SPR. Je ne puis trouver aucun élément de preuve indiquant à quel moment Rouslan est devenu assujetti à la conscription. Il m’est impossible de dire que les conclusions que l’agente a tirées sur ce point étaient déraisonnables et qu’elles n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.      La demande est rejetée.

 

2.      Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4688-08

 

INTITULÉ :                                                   MARAT MOUMAEV

                                                                        ROUSLAN MOUMAEV

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 20 MAI 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 8 juillet 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Carole Simone Dahan

POUR LES DEMANDEURS

 

Sally Thomas

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Carole Simone Dahan

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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