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Date : 20090710

Dossier : IMM-162-09

Référence : 2009 CF 718

Toronto (Ontario), le 10 juillet 2009

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE :

MAYELIN ABREU BELEN

demanderesse

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Mayelin Abreu Belen (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 23 septembre 2008. Dans cette décision , la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas qualité de réfugiée au sens de la Convention, ni de personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

 

[2]               La demanderesse est une citoyenne de Cuba. Avocate de formation, elle a occupé la fonction de juge à Cuba de 1993 à 1998, jusqu’à ce qu’elle parte en congé pour des raisons de santé. Elle a été démise de ses fonctions de juge en 2000.

 

[3]               En septembre 2000, la demanderesse s’est mariée avec un citoyen du Mexique dans l’intention de quitter Cuba. Ce mariage de convenance a duré jusqu’en 2004, lorsque la demanderesse et son époux ont divorcé. Elle a commencé à cohabiter avec un autre citoyen du Mexique en 2003.

 

[4]               La demanderesse est retournée à Cuba en 2001 afin d’obtenir un « permis de résidence à l’étranger » (PRÉ). Elle y est retournée en janvier 2007 pour rendre visite à sa mère qui était malade. La demanderesse n’a pas eu de problèmes à quitter Cuba en 2001 et en 2007.

 

[5]               En mars 2007, la demanderesse est venue au Canada avec son partenaire, pour des vacances. Elle affirme que celui-ci a décidé de mettre fin à la relation après leur arrivée au Canada. Elle est restée au Canada et, plusieurs mois plus tard, elle a demandé l’asile. Elle a produit une déclaration portant qu’elle serait en danger à Cuba en raison de ses opinions politiques et de son mariage à un étranger.

 

[6]               La Commission a rejeté la crainte de persécution de la demanderesse aux mains du gouvernement cubain fondée sur la prolongation de son visa de sortie, en concluant qu’elle n’avait pas établi un motif valable pour sa demande d’asile sur place. Elle a aussi rejeté sa crainte alléguée de persécution de la part d’une ancienne superviseure ou des autorités au motif qu’au fil des années, ni la superviseure ni les autorités n’auraient encore un quelconque intérêt envers la demanderesse. La Commission a traité de ces questions dans son analyse de l’article 96.

 

[7]               Dans sa réponse à la demande de protection présentée par la demanderesse en vertu de l’article 97 de la Loi, la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à présenter suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour démontrer qu’elle serait personnellement exposée à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque d’être soumise à la torture si elle devait retourner à Cuba.

 

[8]               Suivant l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, les décisions des tribunaux administratifs sont assujetties au contrôle selon l’une de deux normes : la norme de la décision correcte et la norme de la raisonnabilité. La jurisprudence antérieure peut servir de guide lorsqu’il s’agit de déterminer la norme de contrôle appropriée, compte tenu de la nature de la question en litige : voir Dunsmuir, au paragraphe 54.

 

[9]               En l’espèce, la question en litige exige que la preuve soit évaluée en fonction du régime de la Loi. Il s’agit d’un exercice portant principalement sur les faits et, auparavant, une telle question était révisable selon la norme de la décision manifestement déraisonnable : Moreb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 48 Imm. L.R. (3d) 37, au paragraphe 11. À la suite de l’arrêt Dunsmuir, cette norme de contrôle est maintenant assimilée à celle de la raisonnabilité : voir Dunsmuir, au paragraphe 45.

 

[10]           J’estime que la Commission a commis une erreur susceptible de révision en ne traitant pas de la prétention de la demanderesse selon laquelle son statut de Cubaine mariée à un étranger lui ferait un risque de persécution à Cuba. La Commission a visiblement négligé ou mal compris cette partie de la prétention de la demanderesse et fait fi de la preuve objective présentée à l’appui. Comme l’enseigne la décision Meneses c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 179, au paragraphe 22, lorsque la Commission néglige un élément de preuve qui est crucial à la revendication d’un demandeur et qui contredit les conclusions de la Commission, il y a erreur. Une telle erreur justifie l’intervention de la Cour.

 

[11]           Compte tenu de cette conclusion, il ne m’est pas nécessaire de commenter les autres arguments invoqués par la demanderesse.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire. Il n’y a pas de question à certifier.

 

                                                                                                                « E. Heneghan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-162-09

 

INTITULÉ :                                       MAYELIN ABREU BELEN c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 juillet 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Heneghan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 10 juillet 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Patricia Wells

Erin Roth

 

POUR LA DEMANDERESSE

Margherita Braccio

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Patricia Wells

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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