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Date : 20090811

Dossier : T-1520-08

Référence : 2009 CF 818

Ottawa (Ontario), le 11 août 2009

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

HILBERT HONEY CO. LTD.

demanderesse

et

 

AGENCE CANADIENNE

D’INSPECTION DES ALIMENTS

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté par la demanderesse en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. 1985, ch. F-7 (Loi) d’une décision (la décision), en date du 24 septembre 2008, par laquelle l’Agence canadienne d’inspection des aliments (la défenderesse ou l’Agence) a refusé d’admettre au Canada le produit agricole de la demanderesse, qui consistait en 62 barils de miel cru (le produit) qui faisaient apparemment l’objet, aux États-Unis, d’un ordre de destruction de la Food and Drug Administration (la FDA).

 

CONTEXTE

 

[2]               La demanderesse est une entreprise apicole située à Humboldt, en Saskatchewan.

 

[3]               En août 2007, la demanderesse a exporté 62 barils de miel cru d’une valeur approximative de 56 000 $ aux États-Unis pour traitement et conditionnement complémentaires.

 

[4]               Le 21 septembre 2007, à leur entrée aux États-Unis à Sweetgrass (Montana), la FDA a prélevé des échantillons de la cargaison de miel et a constaté que celui-ci contenait des quantités inacceptables de saletés et de débris, y compris des éclats de peinture. La FDA a prélevé au hasard d’autres échantillons après que le produit fut parvenu à sa destination à Anaheim, en Californie, et a constaté des concentrations élevées de plomb dans les éclats de peinture présents dans le miel.

 

[5]               Le 1er novembre 2007, la FDA a retenu le produit et a expliqué qu’outre les saletés et les débris dont la présence avait été constatée, les éclats de peinture exsudaient du plomb. L’Agence a été contactée le 21 novembre 2007 au sujet des circonstances entourant les tests et la retenue.  L’Agence s’est renseignée au sujet de la provenance possible du plomb en écrivant à Mark Mammen, vice-président de la Sioux Honey Association, mais n’a pas obtenu de réponse.

 

[6]               La FDA a fourni à la demanderesse des renseignements supplémentaires au sujet de son refus d’admettre le produit, en signalant le risque de solubilisation qui existe dans le cas de produits alimentaires acides comme le miel à la suite d’une exposition au plomb. La FDA a expliqué à la demanderesse qu’il était possible de traiter le miel de façon à extraire les corps étrangers solides, mais on ne pourrait enlever le plomb qui s’était incrusté dans le miel et qui était présent sous forme de sel dissous.

 

[7]               La demanderesse s’est arrangée pour faire tester le produit par une entreprise indépendante. Les tests ont révélé que le miel contenait des niveaux de plomb de loin inférieurs à ce que la demanderesse prétend être [traduction] « le seuil de 0,02 ppm couramment accepté dans l’industrie ».

 

[8]               Le 15 et le 20 mai 2008, la FDA a reproduit sa décision dans deux avis de mesures prises par la FDA.

 

[9]               Le 2 juin 2008 et le 16 juillet 2008, la demanderesse a réclamé le retour au Canada des 62 barils de miel en faisant valoir que le produit était conforme à la législation canadienne sur les aliments. Le 3 et le 22 juillet 2008 l’Agence a refusé la demande au motif qu’il y avait eu contravention au paragraphe 4.1(1) et à l’alinéa 16f) du Règlement sur le miel, C.R.C., ch. 287 (le Règlement) et à l’article 17 de la Loi sur les produits agricoles au Canada, 1985, ch. 20 (4e suppl.) (la Loi sur les produits agricoles). Le produit ne pouvait être rapatrié que pour servir d’aliment pour les abeilles ou pour être détruit. La demanderesse a fourni à l’Agence des copies de ses résultats de tests indépendants.

 

[10]           Le 9 septembre 2008, la demanderesse a réclamé le retour du produit au Canada en vue de son utilisation comme aliment non irradié pour les abeilles. La demanderesse n’a pas trouvé aux États-Unis ou au Canada des installations d’irradiation disposées à irradier les barils de miel. Le 18 septembre 2008, l’Agence a expliqué que la demande d’importation du miel comme aliment pour les abeilles était refusée à moins que le miel ne soit irradié. Le 23 septembre 2008, la demanderesse a informé l’Agence que la procédure d’irradiation était ingérable. Le 24 septembre 2008, l’Agence a confirmé sa décision de refuser le retour du miel de la demanderesse pour l’utiliser comme aliment pour les abeilles s’il n’était pas irradié.

 

[11]           La demanderesse allègue qu’elle n’a jamais eu l’intention, au cours de l’instance, de commercialiser le produit. Elle affirme qu’elle voulait [traduction] « simplement faire revenir le  produit au Canada pour le faire inspecter sous la supervision et la direction de l’Agence. »

 

[12]           La demanderesse a introduit une requête en mesure provisoire visant à rapatrier le produit au Canada en attendant l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire. La requête en mesure provisoire a été rejetée par le juge Beaudry de notre Cour le 15 octobre 2008.

 

[13]           Ayant été déboutée de sa requête en mesure provisoire, la demanderesse a été contrainte de faire détruire le produit aux États-Unis à ses frais. La destruction a été effectuée à la fin de 2008.

 

[14]           La demanderesse n’a pas tenté d’exercer de recours en justice pour contester les décisions de la FDA aux États-Unis.

 

[15]           La demanderesse a introduit la présente demande de contrôle judiciaire le 2 octobre 2008.

 

LA DÉCISION VISÉE

 

[16]           La défenderesse a rejeté la requête présentée par la demanderesse en vue de faire réadmettre le produit au Canada. La défenderesse explique qu’elle ne pouvait être certaine de l’authenticité des résultats des tests indépendants que la demanderesse avait fait faire puisqu’on ne lui avait pas fourni de renseignements au sujet de la méthodologie employée pour procéder à ces tests.

 

[17]           La demanderesse a prié la défenderesse de reconsidérer sa décision et elle lui a fourni des renseignements complémentaires au sujet des résultats des tests indépendants, y compris des renseignements au sujet de la méthodologie suivie pour recueillir, transporter et tester les échantillons.

 

[18]           La défenderesse a de nouveau refusé la demande présentée par la demanderesse en vue de rapatrier le produit au Canada. Dans sa décision, la défenderesse a expliqué que le produit pouvait être admis au Canada soit pour être utilisé comme aliment pour les abeilles soit pour être détruit.

 

[19]           La défenderesse s’est dite d’avis que le produit contrevenait à l’alinéa 17a) de la Loi sur les produits agricoles et au paragraphe 4.1(1) et à l’alinéa 16f) du Règlement.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[20]           La demanderesse a initialement soumis les questions suivantes :

a.                   La présente demande est-elle prescrite en raison de l’expiration du délai de 30 jours prévu à l’article 18 de la Loi?

b.                   La présente demande est-elle théorique et, dans l’affirmative, la Cour devrait-elle l’instruire quand même en vertu de la doctrine du caractère théorique?

c.                   Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la défenderesse?

d.                   La décision de la défenderesse était-elle incorrecte ou déraisonnable parce que :

                                                               i.      La défenderesse n’avait pas le pouvoir légal, dans le cadre de sa loi habilitante, pour rendre la décision en question;

                                                             ii.      La décision n’était pas raisonnable;

                                                            iii.      La décision était entachée d’une iniquité procédurale.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

[21]           Les dispositions suivantes de la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments, 1997, ch. 6 (Loi sur l’inspection des aliments) s’appliquent à la présente demande :

 

Action en justice

 

15. À l’égard des droits et obligations qu’elle assume sous le nom de Sa Majesté du chef du Canada ou sous le sien, l’Agence peut ester en justice sous son propre nom devant tout tribunal qui serait compétent si elle n’avait pas la qualité de mandataire de Sa Majesté.

 

Legal proceedings

 

15. Actions, suits or other legal proceedings in respect of any right or obligation acquired or incurred by the Agency, whether in its own name or in the name of Her Majesty in right of Canada, may be brought or taken by or against the Agency in the name of the Agency in any court that would have jurisdiction if the Agency were not an agent of Her Majesty.

 

[22]           Les dispositions suivantes du Règlement s’appliquent à la présente demande :

4.1 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), est interdite la commercialisation — soit interprovinciale, soit liée à l’importation ou l’exportation — du miel en tant qu’aliment, sauf si le miel :

 

a) n’est pas falsifié;

b) n’est pas contaminé;

c) est comestible;

d) est conditionné hygiéniquement;

e) satisfait à toutes les autres exigences de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les aliments et drogues.

 

...

 

16. Un établissement agréé doit être exploité de façon que

 

...

 

f) le miel ne vienne pas en contact avec une substance qui puisse avoir un effet délétère sur la qualité du miel.

 

...

 

 

INSPECTION ET CERTIFICATION

 

38. (1) Quiconque souhaite faire inspecter ou classer du miel doit :

 

 

a) en faire la demande à l’inspecteur au moins 48 heures à l’avance ou, à défaut d’inspecteur dans la région, au bureau d’inspection le plus proche au moins 72 heures à l’avance;

 

 

b) présenter le miel aux date, heure et lieu précisés par l’inspecteur;

 

c) rendre facilement accessible tout le miel duquel l’inspecteur prélèvera des échantillons et veiller à ce qu’il soit dans un état qui se prête à l’inspection ou au classement;

 

d) se mettre à la disposition de l’inspecteur, ou désigner un employé sur place qui soit à la disposition de celui-ci, pour l’aider à ouvrir et fermer les contenants et lui prêter toute autre aide qu’il peut demander pour la prestation du service;

 

 

e) si le miel n’est pas étiqueté au moment de sa présentation, indiquer les noms de catégorie et la classe de couleur qu’il est proposé d’inscrire sur les contenants, le cas échéant;

 

f) fournir une pièce pour l’inspection dans laquelle :

 

 

(i) la température est d’au moins 10 °C,

 

(ii) l’éclairage est suffisant pour permettre une inspection convenable;

 

g) payer le prix applicable prévu dans l’Avis sur les prix de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, selon les modalités qui y sont prévues.

 

(2) Quiconque a des intérêts pécuniaires dans du miel ayant été inspecté et pour lequel un certificat a été délivré aux termes du présent règlement peut demander par écrit à l’inspecteur une copie du certificat d’inspection.

4.1 (1) Subject to subsections (2) and (3), no person shall market honey in import, export or interprovincial trade as food unless the honey

 

 

 

(a) is not adulterated;

(b) is not contaminated;

(c) is edible;

(d) is prepared in a sanitary manner; and

(e) meets all other requirements of the Food and Drugs Act and the Food and Drug Regulations.

 

 

 

...

 

16. A registered establishment shall be operated in such a manner that

...

 

(f) honey does not come into contact with any substance that may have a deleterious effect on the quality of the honey.

 

...

 

 

INSPECTION AND CERTIFICATION

 

38. (1) A person who wishes to have honey inspected or graded shall

 

(a) make a request to an inspector at least 48 hours before the service is required or, if there is no inspector in the area, at the nearest inspection office at least 72 hours before the service is required;

 

(b) present the honey at a place and time designated by an inspector;

 

(c) make all honey from which samples  will be drawn by the inspector readily accessible and ensure that it is in a condition suitable for inspection or grading;

 

 

(d) be available to assist the inspector, or designate an employee on the premises who will be available to assist the inspector, to open and close the containers and provide such other assistance as the inspector may request in order to provide the service;

 

(e) indicate the grade names and colour class, if any, proposed to be placed on the containers, where the honey is unlabelled at the time it is presented;

 

 

(f) provide a room where the inspection can be performed in which

 

(i) the temperature is at least 10°C, and

 

(ii) there is adequate lighting for a proper inspection; and

 

 

(g) pay the applicable fee prescribed by the Canadian Food Inspection Agency Fees Notice, in accordance with the conditions of payment set out in that Notice.

 

(2) A person who has a financial interest in honey that was inspected and certified under these Regulations may, on written request to an inspector, obtain a copy of the certificate of inspection.

 

 

[23]           Les dispositions suivantes de la Loi sur les produits agricoles s’appliquent à la présente demande :

Interdiction

 

17. Sont interdites, relativement à un produit agricole, toute commercialisation — soit interprovinciale, soit liée à l’importation ou l’exportation — effectuée en contravention avec la présente loi ou ses règlements de même que la possession à ces fins ou la possession résultant d’une telle commercialisation.

 

 

 

 

 

 

 

...

 

Saisie

 

23. L’inspecteur peut saisir et retenir tout produit agricole ou tout autre objet, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’ils ont servi ou donné lieu à une contravention à la présente loi ou à ses règlements, soit tout produit agricole, ou tous autres éléments, dont il a des motifs raisonnables de croire qu’ils peuvent servir à prouver la contravention.

 

 

 

 

 

 

 

...

 

30. (1) S’il a des motifs raisonnables de croire qu’un produit agricole est ou a été importé en contravention avec la présente loi ou ses règlements, l’inspecteur peut, qu’il y ait ou non saisie, en exiger le retrait par l’importateur en envoyant à celui‑ci, à son adresse commerciale au Canada, un avis à remettre à personne ou sous pli recommandé.

Prohibition

 

17. No person shall, except in accordance with this Act or the regulations,

 

(a) market an agricultural product in import, export or interprovincial trade;

 

(b) possess an agricultural product for the purpose of marketing it in import, export or interprovincial trade; or

 

(c) possess an agricultural product that has been marketed in contravention of this Act or the regulations.

...

 

Seizure

 

23. Where an inspector believes on reasonable grounds that this Act or the regulations have been contravened, the inspector may seize and detain any agricultural product or other thing

 

(a) by means of or in relation to which the inspector believes on reasonable grounds the contravention occurred; or

 

(b) that the inspector believes on reasonable grounds will afford evidence in respect of a contravention of this Act or the regulations.

...

 

30. (1) Where an inspector believes on reasonable grounds that an agricultural product is being or has been imported into Canada in contravention of this Act or the regulations, the inspector may, whether or not the product is seized, require the importer to remove it from Canada by delivering personally to the importer a notice for its removal or by sending the notice by registered mail to the importer’s business address in Canada.

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[24]           Suivant la demanderesse, si elle conclut que les faits de la présente espèce se rapprochent suffisamment de ceux des affaires Miel Labonté Inc. c. Canada (Procureur général), [2006] A.C.F. no 247 (C.F.) (Miel Labonté), BC Landscape & Nursery Assn. c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 1148  (C.F. 1re inst.) (BC Landscape) et Friends of Point Pleasant Park c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 2012 (C.F. 1re inst.) (Friends of Point Pleasant), et si la question n’est pas une question de compétence au sens de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), la Cour doit conclure que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

 

[25]           La défenderesse affirme que l’Agence a une compétence spécialisée dans le domaine des produits du miel dans le cadre du Programme national du miel, qui comporte entre autres des aspects de commerce international et de réglementation des produits étrangers et des produits nationaux. L’Agence a accès à des publications portant sur les normes internationales, la qualité des produits et la contamination alimentaire et consulte des experts en toxicologie. Il y a lieu de faire preuve de beaucoup de déférence lorsque la qualité des produits du miel est en cause.

 

[26]           La défenderesse cite les articles 23 et 30 de la Loi sur les produits agricoles et soutient que le libellé facultatif que l’on trouve partout dans la loi indique le degré élevé de pouvoir discrétionnaire que le législateur entendait accorder à l’Agence. La grande portée des dispositions relatives au contrôle de la qualité du Règlement témoigne aussi du pouvoir discrétionnaire conféré aux inspecteurs de l’Agence qui sont spécialement formés dans ce domaine.

 

[27]           La défenderesse cite la décision Miel Labonté à l’appui de sa proposition que, lorsqu’on a affaire à une décision de l’Agence portant sur la norme de qualité d’un produit du miel, l’expression « motifs raisonnables » signifie qu’« une certaine preuve [...] doit exister à l’appui de [la] décision » d’ordonner le rappel d’un produit en vertu de l’article 19 de la Loi sur l’inspection des aliments. La défenderesse cite également la décision Friends of Point Pleasant, dans laquelle la Cour explique, au paragraphe 49, que la norme des « motifs raisonnables » retenue par le législateur « exige davantage que de vagues soupçons, mais est moins rigoureuse que celle de la prépondérance des probabilités en matière civile ».

 

[28]           La défenderesse affirme que c’est la norme de la décision raisonnable, qui appelle un degré élevé de déférence, qui s’applique lorsqu’on contrôle les décisions de l’Agence fondées sur des questions de fait.

 

[29]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a reconnu que, bien que la norme de la décision raisonnable simpliciter et celle de la décision manifestement raisonnable soient en principe différentes, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » (Dunsmuir, au paragraphe 44). En conséquence, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il y avait lieu de fondre en une seule les deux normes de « raisonnabilité ».

 

[30]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a également précisé qu’il n’est pas nécessaire de se livrer dans chaque cas à une analyse de la norme de contrôle applicable. Si la jurisprudence établit déjà la norme de contrôle applicable pour une question déterminée, la cour de révision adopte cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision peut entreprendre l’analyse des quatre facteurs constituant l’analyse de la norme de contrôle.

 

[31]           Ainsi, à la lumière de l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada et de la jurisprudence de notre Cour, je conclus que la norme de contrôle à appliquer au sujet du bien-fondé de la décision est celle de la décision raisonnable. Le tribunal qui effectue le contrôle judiciaire d’une décision en fonction de la norme de la décision raisonnable procède à une analyse en se demandant si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité, laquelle « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47). En d’autres termes, la Cour n’intervient que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[32]           Le contrôle de la question soulevée au sujet de l’équité procédurale et de la justice naturelle s’effectue en fonction de la norme de la décision correcte (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CSC 1).

 

[33]           La demanderesse a laissé tomber la question de la compétence à l’audience et la défenderesse n’a soulevé ni la question de la prescription ni celle du caractère théorique. En conséquence, je n’ai pas examiné ces questions.

 

ARGUMENTS DES PARTIES

 

            La demanderesse

 

[34]           La demanderesse fait valoir que, lorsque l’Agence a examiné la demande formulée par la demanderesse en vue de faire réadmettre le produit au Canada, elle a accepté les conclusions, opinions et hypothèses de la FDA plutôt que les éléments de preuve contraires présentés par la demanderesse. Il s’ensuit que le produit d’un agriculteur peut se voir refuser l’admission au Canada sans avoir jamais été inspecté conformément aux normes canadiennes et sans avoir été traité selon les règles d’équité procédurale du droit canadien. Les droits économiques d’un producteur sont par conséquent susceptibles d’être affectés par des décisions émanant d’organismes étrangers, même si ces décisions ne sont pas justes ou équitables sur le plan procédural.

 

[35]           La demanderesse explique que, comme l’économie du Canada a toujours été largement tributaire de la commercialisation des produits canadiens à l’échelle mondiale, les exportateurs méritent que leurs droits bénéficient d’une solide protection sur les plans procédural et administratif. La demanderesse fait par conséquent valoir que la Cour devrait invalider et annuler la décision de la défenderesse.

 

La décision était-elle déraisonnable?

 

[36]           La demanderesse souligne que l’Agence a décidé qu’il serait contraire à la Loi sur les produits agricoles et au Règlement de permettre que le produit soit réadmis au Canada pour être testé, mais qu’on ne contreviendrait pas à la Loi et au Règlement si on le faisait revenir pour l’utiliser comme aliment pour les abeilles ou pour le détruire. La demanderesse estime que cette décision est déraisonnable et qu’elle est fondée sur une incompréhension fondamentale de la loi et du droit administratif.

 

[37]           La demanderesse fait valoir que la défenderesse a constamment prétendu dans le présent débat qu’il s’agit d’une question de sécurité publique et que le produit de la demanderesse ne respecte pas les exigences canadiennes en matière de salubrité alimentaire et qu’il contrevient en conséquence aux exigences commerciales. La demanderesse affirme toutefois que cette façon de voir est trompeuse et qu’elle n’a jamais affirmé qu’elle tentait de commercialiser ou de vendre le produit comme aliment sur le marché canadien. La demanderesse cherchait plutôt à faire revenir le produit au Canada et à lui faire subir de nouveaux tests pour dissiper les doutes exprimés au sujet de sa salubrité.

 

[38]           Bien que la demanderesse ait effectivement déclaré dans une lettre datée du 2 juin 2008 qu’elle croyait agir en conformité avec l’ensemble de la législation et de la réglementation canadiennes, elle a aussi affirmé qu’elle était disposée à faire tester de nouveau le produit si l’Agence l’exigeait. La demanderesse explique que son affirmation que le produit est conforme à la législation canadienne peut être interprétée comme une réponse à la thèse de la défenderesse que le produit devrait être traité aux États-Unis avant d’être admis au Canada. Comme la demanderesse considérait le traitement inutile, elle a demandé que le produit soit réadmis sans qu’il soit nécessaire de le traiter.

 

[39]           La demanderesse affirme que la thèse de la défenderesse était qu’on ne créerait pas de risques pour la sécurité en faisant revenir le produit au Canada en vue de le faire irradier ou de le détruire, mais qu’on créerait un risque pour la sécurité si on le ramenait au Canada pour le soumettre à des tests. Pourtant, l’administration de tests ne comporte pas plus de risques de distribution sur le marché libre que n’en comportent l’irradiation ou la destruction. La demanderesse soutient que la défenderesse n’a invoqué aucun motif valable pour expliquer en quoi le premier scénario était différent des deux autres.

 

[40]           La demanderesse affirme que la défenderesse a soumis une preuve abondante pour démontrer les risques d’infiltration de plomb dans les produits alimentaires, surtout dans le cas des produits acides. Elle n’a cependant pas présenté d’éléments de preuve au sujet de l’ampleur de l’exposition du produit de la demanderesse au plomb qui a pu être présent dans les barils. De plus, la Cour ne dispose d’aucun élément de preuve au sujet du nombre de barils qui auraient été exposés au plomb. Cette exposition ne concerne peut-être qu’un ou deux barils sur une cargaison totale de 62 barils.

 

[41]           La raison pour laquelle la Cour ne dispose pas de ces renseignements est que les barils ont d’abord été scellés par la FDA pour être ensuite détruits aux États-Unis. Si la défenderesse avait autorisé l’inspection des barils à leur retour au Canada, on aurait peut-être constaté que l’exposition au plomb se limitait à un ou deux barils. Par la suite, un prélèvement d’échantillons rigoureux et approfondi des barils restants aurait pu aider à déterminer si l’exposition au plomb provenait des barils eux-mêmes ou d’une autre source dans les installations de production ou d’embouteillage de la demanderesse ou d’ailleurs. Ces tests auraient permis d’éviter la destruction de jusqu’à 90 ou 95 pour 100 de la cargaison, épargnant ainsi à la demanderesse des pertes sur une partie importante de son chiffre d’affaires pour l’année 2008.

 

[42]           La demanderesse affirme que la défenderesse n’a présenté à la Cour aucun élément de preuve démontrant que le fait de soumettre les produits retournés à des tests imposerait un fardeau excessif. Même si la défenderesse devait prétendre que le fait de soumettre à de nouveaux tests toutes les cargaisons de produits alimentaires jugés dangereux à l’étranger imposerait un fardeau excessif, cette position serait contredite par le fait que l’Agence était disposée à réadmettre le produit au Canada pour qu’il soit utilisé comme aliment pour les abeilles. Une telle mesure aurait exigé de l’Agence une main-d’œuvre beaucoup plus importante et aurait nécessité la présence d’un inspecteur de l’Agence à l’installation d’irradiation pour superviser le traitement du produit et pour s’assurer qu’il ne soit utilisé que comme aliment pour animaux.

 

Application de la loi

 

[43]           La demanderesse souligne que le mot « commercialisation » est défini comme suit dans la Loi sur les produits agricoles :

[...] opérations de conditionnement, de promotion et de vente des produits agricoles et toute opération nécessaire à leur offre pour consommation ou utilisation. Y sont assimilés l’acheminement et l’achat de ces produits.

 

[44]           La demanderesse souligne que la thèse de la défenderesse est qu’en demandant que son produit soit admis au Canada pour y subir d’autres tests appropriés, la demanderesse cherchait en fait à commercialiser son produit, ce que la demanderesse nie. Celle-ci soutient que la Cour devrait interpréter le terme « commercialisation » en lui attribuant un autre sens que celui de vérifier si un produit est propre à la vente comme aliment. La thèse de la demanderesse est simplement que les conclusions de la FDA en ce qui concerne la contamination n’étaient pas déterminantes et que, s’il y avait un problème avec le produit, on aurait pu le résoudre en procédant à d’autres tests et, éventuellement, en le traitant au Canada. La demanderesse signale que le Règlement prévoit la décontamination de produits.

 

[45]           La demanderesse allègue que, si la thèse actuelle de la défenderesse est exacte, on commettrait une infraction à la Loi et au Règlement si l’on tentait de modifier de quelque façon que ce soit un produit contaminé, puisqu’une telle intervention contreviendrait aux dispositions relatives à la commercialisation. Il est vraisemblablement acceptable aux yeux de la défenderesse d’irradier le produit en vue d’en faire un aliment pour les abeilles, mais inacceptable de le tester d’abord pour déterminer s’il s’agit de la mesure appropriée.

 

La décision était-elle inéquitable sur le plan procédural?

 

[46]           La demanderesse fait également valoir que la décision n’était pas équitable sur le plan procédural. Elle invoque l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, dans lequel se trouvent les cinq facteurs dont on doit tenir compte pour déterminer le degré d’équité procédurale exigé dans une situation donnée. La demanderesse affirme qu’en l’espèce, il n’y avait pas de problème urgent de santé publique qui constituait un danger. Si la demanderesse avait demandé que le produit soit préparé en vue d’être commercialisé, la défenderesse aurait alors été justifiée d’invoquer des risques pour la santé publique. Mais les faits de l’espèce ne soulèvent pas de questions en matière de santé; la question en litige porte plutôt sur des enjeux économiques et relève du droit administratif.

 

La défenderesse

 

[47]           La défenderesse soutient qu’il ressort de l’économie générale de la Loi sur les produits agricoles et du Règlement que ceux-ci visent non seulement à réglementer la qualité des produits qui sont offerts aux consommateurs, mais aussi à réglementer la façon dont ces produits sont traités, fournis, entreposés et acheminés lors de leur importation et de leur exportation et des échanges commerciaux interprovinciaux. Le législateur a conféré aux inspecteurs de l’Agence le pouvoir d’assurer et de contrôler l’application des dispositions relatives à l’importation et à l’exportation des produits agricoles et alimentaires aux termes de l’article 11 de la Loi sur l’inspection des aliments, dont voici le libellé :

11. (1) L’Agence est chargée d’assurer et de contrôler l’application des lois suivantes : la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, la Loi sur les produits agricoles au Canada, la Loi relative aux aliments du bétail, la Loi sur les engrais, la Loi sur l’inspection du poisson, la Loi sur la santé des animaux, la Loi sur l’inspection des viandes, la Loi sur la protection des obtentions végétales, la Loi sur la protection des végétaux et la Loi sur les semences.

11. (1) The Agency is responsible for the administration and enforcement of the Agriculture and Agri-Food Administrative Monetary Penalties Act, Canada Agricultural Products Act, Feeds Act, Fertilizers Act, Fish Inspection Act, Health of Animals Act, Meat Inspection Act, Plant Breeders’ Rights Act, Plant Protection Act and Seeds Act.

 

                       

 

            Thèse de la demanderesse au sujet du rapatriement et de la réimportation

 

[48]           Suivant la défenderesse, la demanderesse parle de « réimportation » alors que ce terme n’est défini dans aucune loi et dans aucun règlement. Ou bien un produit est importé, ou bien il est exporté. La loi et les règlements s’appliquent tant aux produits d’origine nationale qu’aux produits étrangers. La défenderesse signale que l’Agence n’avait aucun contrôle sur le produit lorsqu’il était en transit entre le Montana et la Californie, et elle ajoute que la demanderesse n’a soumis aucun élément de preuve convaincant pour expliquer d’où provenaient les éclats de peinture. Si la définition d’« importer » dans un contexte de réglementation ne devait s’appliquer qu’aux aliments, animaux, plantes et autres produits provenant de l’étranger, l’objet visé par la réglementation de la sécurité des citoyens canadiens serait compromis dans un contexte de libre-échange. En conséquence, l’argument de la réimportation de la demanderesse imposerait un fardeau inutile aux inspecteurs de l’Agence et ferait planer de l’incertitude au sujet de l’observation des règlements, d’autant plus que la demanderesse n’a pas réclamé la certification du produit avant son exportation.

 

[49]           Suivant l’argument de la demanderesse, un citoyen canadien pourrait se présenter aux États‑Unis à une vente aux enchères avec une vache d’origine canadienne et éviter tout contrôle réglementaire lors du « rapatriement » de l’animal advenant le cas où celui-ci aurait contracté une maladie mortelle très contagieuse, mettant ainsi en danger les troupeaux canadiens à son retour. La défenderesse affirme que cette interprétation est « ridicule » et que toute marchandise doit être déclarée lorsqu’elle entre au Canada même s’il s’agit d’un produit d’origine canadienne. Une fois déclarés, les produits sont assujettis au contrôle réglementaire approprié.

 

            Compétence de la FDA

 

[50]           La FDA a pris des décisions au sujet de la qualité et de la salubrité du produit de la demanderesse. Elle a rejeté les offres de décontamination de la demanderesse, qui n’a jamais contesté la décision de la FDA aux États-Unis. La demanderesse a réclamé l’intervention de l’Agence en lui demandant de prendre une décision au sujet de la réadmission du produit au Canada et en ordonnant qu’il fasse l’objet d’une nouvelle inspection par les autorités canadiennes. La demanderesse invoque l’article 38 du Règlement au soutien de cette demande.

 

[51]           La défenderesse souligne que Mme Connie Zagrosh a déclaré, dans la réponse no 8 qu’elle a donnée lors de son contre-interrogatoire, que l’article 38 du Règlement visait à offrir aux producteurs un service permettant de vérifier les déclarations faites au sujet du classement et de la couleur des produits en vue de leur commercialisation. Il ne vise pas à tester des produits ciblés pour assurer et contrôler l’application des dispositions relatives aux substances falsifiées.

 

[52]           La défenderesse fait observer que les États-Unis sont un partenaire commercial important qui s’est doté de régimes de réglementation crédibles qui sont assujettis aux mêmes normes internationales de qualité et de salubrité que celles du Canada. Le mécanisme que préconise la demanderesse en proposant que de nouveaux tests soient effectués sur un produit qui a déjà été jugé impropre à la consommation par un organisme de réglementation compétent ne repose sur aucune assise législative. Il est de jurisprudence constante qu’une partie ne peut contester indirectement les décisions d’un organisme compétent par le biais d’une autre procédure (Toronto Ville) c. Syndicat canadien des employés de la fonction publique (S.C.F.P.), section locale 79, [2003] 3 R.C.S. 77, et Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, [2007] A.C.F. no 37 (C.A.F.)).

 

[53]           Le fait que le produit de la demanderesse était d’une qualité inférieure aux normes a été découvert aux États-Unis et la demande formulée par la demanderesse en vue de faire réinspecter le produit par les autorités canadiennes par le biais d’une instance en contrôle judiciaire constitue une contestation indirecte des méthodes d’inspection et des décisions prises par la FDA, laquelle est un organisme de réglementation ayant compétence sur le produit.

 

            Motifs raisonnables

 

[54]           Les éléments de preuve solides et convaincants de la FDA au sujet de la falsification et de la contamination du produit justifiaient de croire sincèrement à l’existence d’une sérieuse possibilité que le produit contrevenait aux normes canadiennes en matière de qualité et de salubrité. Ces éléments de preuve ne laissent que peu de doutes quant à la contamination, mais, évidemment, la norme applicable n’est que celle d’une « possibilité raisonnable ».

 

[55]           Il n’y a pas de définition ou assise législative selon laquelle il doit y avoir une réaction chimique pour qu’un produit soit « contaminé », « non comestible » ou « non conditionné hygiéniquement » au sens de l’article 4.1 du Règlement. On a trouvé du plomb dans les éclats de peinture, les éclats de peinture se trouvaient dans le miel, et il n’y avait aucun élément de preuve démontrant que la demanderesse aurait été en mesure de faire disparaître les microparticules de plomb.

 

[56]           La défenderesse affirme que les éléments de preuve présentés par la demanderesse au sujet de son propre prélèvement d’échantillons et de ses propres tests ne réfutent pas le témoignage de Mme Connie Zagrosh. Elle ajoute que l’Agence ne disposait d’aucun élément de preuve au sujet des barils qui avaient été testés, de la façon dont les échantillons avaient été prélevés et testés ou de la probabilité que les échantillons prélevés constituaient des échantillons représentatifs homogènes du produit. Le miel avait été exposé à du plomb et cette situation ne pouvait être corrigée. Au Canada, il n’y a pas de niveau de plomb acceptable réglementaire prévu dans le cas d’un produit comme le miel (voir l’alinéa 16f) et le paragraphe 4.1(1) du Règlement).

 

[57]           À défaut d’éléments de preuve contraires, il était raisonnable de la part de l’Agence qu’elle se fonde sur les éléments de preuve de la FDA pour prendre sa décision. Les pays qui adhèrent aux mêmes normes internationales en matière de salubrité alimentaire sont assujettis à des obligations réglementaires réciproques. Aucune limite n’est prévue à l’ampleur des éléments de preuve dont les inspecteurs de l’Agence peuvent tenir compte pour déterminer la qualité et la salubrité des aliments.

 

[58]           Dans la décision Miel Labonté, le juge Noël déclare, au paragraphe 31, que le point saillant de la jurisprudence est que l’Agence prend ses décisions dans l’intérêt public et la décision par laquelle l’agence choisit la mesure qui s’impose est une décision discrétionnaire qui commande un degré élevé de retenue judiciaire. L’Agence n’était donc pas obligée de déterminer avec certitude si le plomb s’était dissous en sel dans le miel aux fins du contrôle réglementaire. Le régime réglementaire confère à l’Agence un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer si un produit alimentaire satisfait aux normes de qualité et de salubrité imposées par les diverses lois et les divers règlements.

 

[59]           Le dossier indique clairement que la demanderesse avait l’intention de commercialiser son produit pour la consommation alimentaire humaine. On y trouve des allusions au paragraphe 22 de l’affidavit de M. John Hilbert et dans la conversation avec John Hilbert qui est relatée au paragraphe 9 de l’affidavit de Connie Zagrosh. La demanderesse est un établissement apicole agréé et son objectif est de commercialiser le produit final que constitue le miel pour la consommation alimentaire humaine. L’allégation qu’on ne rapatriait le produit de la demanderesse que pour l’inspecter ne reflète pas fidèlement la preuve dont disposait l’Agence lorsqu’elle a pris sa décision.

 

[60]           La défenderesse allègue que la demanderesse cherche à restreindre la portée de l’enquête de l’Agence en limitant la définition du mot « commercialisation » à quelque chose de distinct de la procédure consistant à vérifier si un aliment est apte à être vendu comme aliment. La définition a toutefois une portée plus large. La définition du mot « commercialisation » englobe « toute opération nécessaire à [l’]offre [de produits agricoles] pour consommation ou utilisation ». L’allégation de la demanderesse suivant laquelle l’Agence violerait sa propre définition de la « commercialisation » en admettant le produit au Canada en tant qu’aliment pour les abeilles est, selon la défenderesse, « absurde ». Le produit ne satisfaisait pas aux normes et aux exigences prescrites pour la consommation humaine ou l’alimentation des animaux.

 

[61]           La défenderesse conclut que les décisions de l’Agence étaient raisonnables.

 

            Équité procédurale

 

[62]           Suivant la défenderesse, il ressort de la correspondance entre tous les intéressés que l’Agence avait clairement l’intention d’offrir à la demanderesse la possibilité de soumettre des éléments de preuve pour démontrer qu’elle se conformait aux normes de salubrité alimentaire canadiennes. Rien ne permet de penser que l’Agence a écarté les demandes de la demanderesse ou qu’elle n’a pas tenu compte de la correspondance ou des documents soumis par la demanderesse. L’Agence a examiné les résultats des prélèvements d’échantillons et les offres de traitement du produit soumis par la demanderesse en tenant compte de l’ensemble de la preuve et elle est parvenue à une décision raisonnable.

 

[63]           La défenderesse fait observer que, comme la décision Miel Labonté rendue par notre Cour le démontre, en l’espèce, l’économie de la loi vise ultimement à protéger l’intérêt public; or, la demanderesse a toujours eu l’intention d’utiliser son miel pour la consommation humaine. Bien qu’il s’agisse d’un facteur dont on doit tenir compte, les intérêts économiques de la demanderesse ne sauraient l’emporter sur l’intérêt qu’a le public à consommer des produits alimentaires salubres et comestibles. Ainsi, même en appliquant la norme élevée proposée par la demanderesse, force est d’admettre que l’Agence a respecté son obligation d’agir avec équité en l’espèce.

 

Conclusion

 

[64]           La défenderesse conclut que l’Agence était habilitée à prendre la décision de refuser d’admettre le produit de la demanderesse au motif que ce produit était falsifié et contaminé ou contrevenait autrement aux lois et règlements applicables. L’Agence disposait d’éléments de preuve crédibles amplement suffisants pour prendre sa décision dans l’intérêt public en ce qui concerne l’utilisation finale du produit. Le produit ne satisfaisait pas aux normes de qualité de la FDA et il n’était pas conforme aux normes de qualité et de salubrité de l’Agence. La décision de l’Agence était donc raisonnable.

 

ANALYSE

 

            La décision

 

[65]           La décision est contenue dans quatre lettres adressées par l’Agence au conseiller juridique de la demanderesse.

 

[66]           La première lettre, qui est datée du 3 juillet 2008, refuse de permettre à la demanderesse de faire revenir le produit au Canada « pour consommation humaine ». La conclusion que le produit contrevient à l’alinéa 17a) de la Loi sur les produits agricoles et au paragraphe 4.1(1) et à l’alinéa 16f) du Règlement sur le miel est fondée sur les deux avis émis par la FDA.

 

[67]           Le premier avis de la FDA est daté du 1er novembre 2007. Il y est précisé qu’on a décidé de retenir le produit parce qu’il [traduction] « semble contenir une substance toxique ou délétère qui peut le rendre nuisible pour la santé. On y trouve des éclats de peinture qui exsudent du plomb » et qu’il [traduction] « semble consister en tout ou en partie en une substance sale, putride ou en décomposition ou est autrement inapte à la consommation comme aliment étant donné qu’il semble contenir des corps étrangers. On y trouve une quantité excessive de bois et d’éclats de peinture ».

 

[68]           La FDA a rejeté les propositions que la demanderesse lui avait faites en vue de corriger la situation et, dans un avis daté du 15 mai 2008, a déclaré que [traduction] « les éclats de peinture au plomb se sont désintégrés, ce qui a augmenté la surface sur laquelle une extraction peut être pratiquée. Le miel est un aliment acide et est donc un milieu propice à la solubilisation du plomb dans la peinture. Une certaine quantité de plomb est devenue du miel à la suite de l’application de peinture contenant du plomb sur le bois utilisé pour les ruches. La proposition vise à extraire les corps étrangers, mais ne peut enlever le plomb qui s’est incrusté dans le miel et qui est présent dans le miel sous forme de sel dissous [...] ».

 

[69]           La FDA a par conséquent décidé que le produit [traduction] « semble contenir une substance toxique ou délétère qui peut le rendre nuisible pour la santé » et [traduction] « une certaine quantité de plomb est devenue du miel à la suite de l’application de peinture contenant du plomb sur le bois utilisé pour les ruches ».

 

[70]           L’Agence n’a pas pu accepter les échantillons prélevés par Midwest Laboratories Inc. pour les motifs déjà exposés et a conclu qu’elle n’avait [traduction] « aucune raison de ne pas souscrire aux conclusions tirées par la FDA dans les avis de mesures prises par la FDA ».

 

[71]           Dans sa deuxième lettre, qui porte la date du 22 juillet 2008, l’Agence a refusé la demande de la demanderesse visant à [traduction] « faire décontaminer le produit et à le faire revenir au Canada pour servir d’aliment destiné à la consommation humaine » pour les motifs déjà exposés dans la lettre du 3 juillet 2008, tout en soulignant que le produit pouvait [traduction] « être importé au Canada comme aliment pour les abeilles » à condition de se conformer aux exigences applicables (il faudrait irradier le produit au Canada ou aux États-Unis avant de pouvoir l’utiliser comme aliment pour les abeilles). Elle a indiqué qu’on [traduction] « peut également faire revenir le produit au Canada pour le détruire ou pour le transporter sous scellés jusqu’à une décharge autorisée ».

 

[72]           En ce qui a trait à l’importation du produit pour consommation humaine, la lettre du 22 juillet 2008 confirme simplement la décision déjà prise et communiquée à la demanderesse dans la lettre du 3 juillet 2008.

 

[73]           La lettre du 18 septembre 2008 refuse simplement la demande formulée par la demanderesse en vue de faire revenir le produit au Canada pour l’utiliser comme aliment pour les abeilles sans irradiation parce que cette mesure [traduction] « contreviendrait à l’article 57 du Règlement sur la santé des animaux ».

 

[74]           La lettre du 18 septembre 2008 résume les choix qui s’offrent à la demanderesse :

[traduction]

 

Le miel qui a été retenu ne peut être retourné au Canada que si l’une ou l’autre des conditions suivantes est remplie :

 

                                                               i.      Le miel est irradié à l’extérieur du Canada et est rapatrié au Canada comme aliment pour les abeilles;

 

                                                             ii.      Le miel est admis au Canada tout en continuant à être retenu, est acheminé jusqu’à une installation d’irradiation canadienne et est ensuite utilisé comme aliment pour les abeilles;

 

                                                            iii.      Le miel est admis au Canada tout en continuant à être retenu et doit être acheminé à une décharge approuvée pour y être enfoui en profondeur.

 

 

[75]           La lettre du 18 septembre 2008 ne dit rien au sujet de l’importation du produit au Canada pour servir à la consommation humaine parce cette décision avait déjà été prise dans la lettre du 3 juillet 2008 et avait été confirmée dans la lettre du 22 juillet 2008.

 

[76]           La dernière lettre est datée du 24 septembre 2008. Elle rejette simplement la demande adressée par la demanderesse à l’Agence pour qu’elle reconsidère sa décision de ne pas admettre le produit au Canada pour être utilisé comme aliment pour les abeilles à moins d’avoir d’abord été irradié. L’Agence réitère la position et les options déjà exposées dans sa lettre du 18 septembre 2008.

 

[77]           Il est donc évident que l’Agence a décidé le 3 juillet 2008 de ne pas permettre que le produit soit réadmis au Canada en vue de la consommation humaine et a confirmé cette décision le 22 juillet 2008. Cette décision était fondée sur les conclusions de la FDA énoncées dans les avis du 1er novembre 2007 et du 15 mai 2008 suivant lesquels le produit était impropre à la consommation humaine et la proposition de la demanderesse visant à corriger le problème ne permettrait pas de [traduction] « retirer le plomb qui s’est incrusté dans le miel et qui est présent dans le miel sous forme de sel dissous ».

 

[78]           En tout état de cause, aucune mesure n’a été prise au sujet du produit, de sorte que la conclusion initiale de la FDA, suivant laquelle le produit [traduction] « semble consister en tout ou en partie en une substance sale, putride ou en décomposition ou est autrement inapte à la consommation comme aliment étant donné qu’il semble contenir des corps étrangers. On y trouve une quantité excessive de bois et d’éclats de peinture », tient toujours, tout comme sa conclusion au sujet du problème d’exsudation. La demanderesse a choisi de ne pas contester les conclusions de la FDA. Elle a plutôt décidé d’essayer de faire revenir le produit au Canada et a entrepris des démarches auprès de l’Agence, lesquelles se sont soldées par les résultats déjà évoqués.

 

[79]           La position adoptée par la demanderesse auprès de l’Agence était que le produit devrait être réadmis au Canada pour subir d’autres tests en vue de déterminer s’il était possible de le soumettre à d’autres traitements et de le vendre comme aliment destiné à la consommation humaine, ce qui constitue le fondement de la demande de contrôle judiciaire dont je suis saisi. La demanderesse affirme que le refus de l’Agence d’admettre le produit au Canada en vue d’autres tests était déraisonnable et inéquitable sur le plan procédural.

           

            Fondement de la décision

 

[80]           Le motif invoqué par défenderesse pour justifier sa décision était qu’on ne pouvait faire revenir le produit au Canada pour consommation humaine parce que l’on estimait que le produit [traduction] « contrevient à l’alinéa 17a) de la Loi sur les produits agricoles et au paragraphe 4.1(1) et à l’alinéa 16f) du Règlement sur le miel ». Voici le texte de ces dispositions :

 

17. Sont interdites, relativement à un produit agricole, toute commercialisation — soit interprovinciale, soit liée à l’importation ou l’exportation — effectuée en contravention avec la présente loi ou ses règlements de même que la possession à ces fins ou la possession résultant d’une telle commercialisation.

 

...

 

4.1 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), est interdite la commercialisation — soit interprovinciale, soit liée à l’importation ou l’exportation — du miel en tant qu’aliment, sauf si le miel :

 

a) n’est pas falsifié;

b) n’est pas contaminé;

c) est comestible;

d) est conditionné hygiéniquement;

e) satisfait à toutes les autres exigences de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les aliments et drogues.

 

...

 

16. Un établissement agréé doit être exploité de façon que

 

...

 

f) le miel ne vienne pas en contact avec une substance qui puisse avoir un effet délétère sur la qualité du miel.

 

 

17. No person shall, except in accordance with this Act or the regulations,

 

(a) market an agricultural product in import, export or interprovincial trade

 

 

 

 

 

 

...

 

4.1 (1) Subject to subsections (2) and (3), no person shall market honey in import, export or interprovincial trade as food unless the honey

 

 

 

(a) is not adulterated;

(b) is not contaminated;

(c) is edible;

(d) is prepared in a sanitary manner; and

(e) meets all other requirements of the Food and Drugs Act and the Food and Drug Regulations.

 

 

...

 

16. A registered establishment shall be operated in such a manner that

...

 

(f) honey does not come into contact with any substance that may have a deleterious effect on the quality of the honey.

 

 

[81]           La demanderesse affirme qu’à aucun moment pertinent dans la présente instance elle n’a eu l’intention de commercialiser le produit. Elle déclare que son intention était simplement de rapatrier le produit au Canada pour le faire inspecter sous la surveillance et la direction de l’Agence.

 

[82]           J’interprète ces affirmations comme signifiant que la demanderesse voulait importer le produit au Canada en vue de le faire inspecter et éventuellement de le libérer au cas où les tests supplémentaires révéleraient qu’il pouvait servir à la consommation humaine. Au paragraphe 7 de son mémoire, la demanderesse relate les faits suivants :

[traduction]

 

7.         Après plusieurs mois de négociations infructueuses avec la FDA, la demanderesse a donné pour instruction à ses avocats de communiquer avec la défenderesse pour demander que le produit soit réadmis au Canada pour subir d’autres tests appropriés en vue de déterminer s’il était possible de soumettre le produit, en tout ou en partie, à d’autres traitements et de le vendre comme aliment destiné à la consommation humaine.

 

 

[83]           J’en déduis que la demanderesse souhaitait effectivement faire revenir le produit au Canada pour le vendre comme aliment destiné à la consommation humaine à condition que d’autres tests révèlent qu’il était [traduction] « possible de soumettre le produit en tout ou en partie à d’autres traitements et de le vendre comme aliment destiné à la consommation humaine ».

 

[84]           La demanderesse ne conteste plus la compétence de l’Agence pour rendre la décision en question. Ce qu’elle affirme maintenant, c’est que la décision de refuser d’admettre le produit au Canada à certaines conditions était déraisonnable. En d’autres termes, il était déraisonnable, selon la demanderesse, que l’Agence refuse d’admettre le produit au Canada : l’Agence aurait dû admettre le produit au Canada et le retenir jusqu’à ce qu’il respecte les exigences du Règlement. Il aurait par conséquent fallu procéder à d’autres tests aux frais de la demanderesse pour déterminer la nature et l’ampleur de la contamination et/ou de la falsification, puis une décision sur le sort du produit à la lumière des résultats ainsi obtenus.

 

[85]           Autrement dit, la demanderesse affirme qu’il était déraisonnable de la part de l’Agence de se fonder simplement sur les conclusions énoncées dans les avis de mesures prises par la FDA pour refuser d’admettre le produit au Canada.

 

[86]           Il me semble qu’un des problèmes que comporte cette affirmation est le fait que la demanderesse n’a pas contesté les conclusions et les décisions auxquelles la FDA est arrivée au sujet du produit aux États-Unis. Il n’y a rien qui me permette de penser que les conclusions de la FDA étaient déraisonnables ou inexactes. La demanderesse a produit ses propres résultats de tests obtenus à la suite des analyses effectuées par Midwest Laboratories Inc. sur les échantillons soumis par la Sioux Honey Association. Ce rapport a toutefois été rejeté par l’Agence pour les motifs exposés dans sa lettre du 3 juillet 2008 : [traduction] « Le présent rapport n’est accompagné d’aucun renseignement établissant la façon dont le prélèvement d’échantillons a été effectué. L’Agence n’est donc pas en mesure de déterminer que le produit qui a fait l’objet de cette analyse est bien celui qui a été retenu ». Je ne trouve rien dans le dossier qui démontre que l’Agence a agi de façon déraisonnable en écartant les résultats des tests de la demanderesse ou que l’Agence n’a pas accordé à la demanderesse l’occasion de démontrer que les conclusions de la FDA ne donnaient pas une image fidèle de l’état du produit.

 

[87]           Je ne dispose d’aucun élément qui me permettrait de penser que cet aspect de la décision était déraisonnable ou inexact. La thèse de la demanderesse est que, malgré les conclusions tirées par la FDA au sujet du produit, l’Agence aurait dû admettre le produit au Canada pour qu’ils subissent des tests et, selon les résultats obtenus, pour qu’ils soient peut-être soumis à d’autres traitements et vendus pour la consommation humaine.

 

[88]           Il faut se rappeler que la FDA avait conclu que le produit [traduction] « semble consister en tout ou en partie en une substance sale, putride ou en décomposition ou est autrement inapte à la consommation comme aliment étant donné qu’il semble contenir des corps étrangers » et qu’on ne pouvait résoudre le problème du plomb parce qu’une [traduction] « certaine quantité de plomb est devenue du miel [...] et est présent dans le miel sous forme de sel dissous [...] »

 

[89]           Lorsque la demanderesse a demandé que le produit soit admis au Canada pour qu’il puisse subir des tests et éventuellement pour faire l’objet d’autres traitements et être vendu pour la consommation humaine, on ignorait toute l’ampleur du problème. Il est possible que le produit ait été contaminé en entier ou en partie.

 

[90]           La demanderesse semble penser que le produit aurait dû être réadmis au Canada pour subir d’autres tests parce qu’il a été exporté du Canada. Cependant, pour les raisons exposées par la défenderesse, il est difficile de comprendre comment ou pourquoi un produit que les autorités américaines avaient jugé contaminé devrait bénéficier de concessions sur le plan de la règlementation de la part de l’Agence.

 

            Fondement de la thèse de la demanderesse

 

[91]           La thèse de la demanderesse au sujet du caractère déraisonnable repose sur son interprétation de l’article 50 du Règlement sur le miel (qui a été pris en application de la Loi sur les produits agricoles et dans le cadre du régime établi sous le régime de la Loi sur les produits agricoles et du Règlement pour assurer la conformité au régime réglementaire).

 

[92]           L’article 50 du Règlement dispose :

50. Le miel qui ne répond pas aux exigences du présent règlement

 

a) ne doit pas être admis au Canada; ou

 

b) s’il est admis, doit être placé sous retenue jusqu’à ce qu’il réponde aux exigences du présent règlement.

 

50. Honey that does not meet the requirements of these Regulations

 

(a) shall be refused entry into Canada; or

 

(b) where entry is permitted, that honey shall be placed under detention until it meets the requirements of these Regulations.

 

 

[93]           Malgré ce qui semble être l’interdiction absolue énoncée à l’alinéa 50a) (« ne doit pas être admis au Canada ») la solution de rechange prévue  à l’alinéa 50b) semble laisser entendre que le miel qui ne répond pas aux exigences du Règlement peut être admis au Canada et être placé sous retenue jusqu’à ce qu’il réponde aux exigences du Règlement.

 

[94]           L’interdiction prévue au paragraphe 4.1(1) du Règlement et invoquée par l’Agence pour refuser d’accéder à la demande de la demanderesse interdit « la commercialisation — soit interprovinciale, soit liée à l’importation ou l’exportation — du miel en tant qu’aliment, sauf si le miel [...] ». La demanderesse soutient qu’elle ne demandait pas de pouvoir importer le produit en vue de le commercialiser en tant qu’aliment, mais qu’elle demandait qu’il soit admis au Canada pour subir des tests.

 

[95]           Je ne puis retenir cette affirmation. Je crois qu’il serait plus exact de dire que la demanderesse souhaitait effectivement importer le produit pour le commercialiser en tant qu’aliment, mais qu’avant de le soumettre à d’autres traitements ou de le vendre en tant qu’aliment destiné à la consommation humaine, elle a demandé de procéder à d’autres tests pour s’assurer de la conformité au Règlement.

 

[96]           À mon avis, ce n’est qu’une autre façon de dire que la demanderesse souhaitait effectivement importer le produit pour le commercialiser en tant qu’aliment à condition qu’il puisse être commercialisé en tant qu’aliment en vertu de la loi canadienne. J’estime donc que le paragraphe 4.1(1) du Règlement s’applique aux faits de la présente situation. La demanderesse ne souhaitait pas importer le produit uniquement pour pouvoir le soumettre à des tests. Les tests ne constituent pas une fin en soin. La demanderesse souhaitait importer le produit pour le commercialiser en tant qu’aliment, pour autant qu’elle réussisse à convaincre l’Agence de permettre ces autres tests au Canada.

 

[97]           J’estime donc que l’interdiction impérative énoncée au paragraphe 4.1(1) du Règlement ne dit pas que le miel qui a pu être contaminé, falsifié, etc. peut être importé en tant qu’aliment sous réserve des tests que le miel doit subir une fois admis au Canada. L’interdiction vise l’importation en soi et la seule question qui se pose est celle de savoir si le miel tombe sous le coup des motifs d’interdiction énumérés aux alinéas a) à e) du paragraphe 4.1(1).

 

[98]           Indépendamment de la latitude prévue à l’alinéa 50b) du Règlement, il ressort à mon avis de l’économie générale du Règlement qu’on ne peut admettre au Canada du miel contaminé ou falsifié en vue de le commercialiser. J’estime par ailleurs que ni la loi ni la réglementation n’obligent l’Agence à admettre du miel au Canada pour lui faire subir des tests visant à vérifier s’il est contaminé ou falsifié.

 

[99]           Si mon interprétation est erronée et si l’article 50 du Règlement accorde effectivement un certain pouvoir discrétionnaire à cet égard, il me semble alors qu’il faut quand même tenir compte de l’interdiction prévue au paragraphe 4.1(1) pour décider si ce pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon raisonnable.

 

[100]       Comme l’indique clairement l’affidavit souscrit par Mme Connie Zagrosh, agente du Programme du miel - Région de l’Ouest à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, la demanderesse n’a soumis à l’Agence aucune proposition permettant de savoir comment on pouvait régler le problème de la contamination attribuable à l’exsudation du plomb dans le miel ni aucun élément de preuve susceptible de remettre en question les résultats des tests et les conclusions de la FDA. À mon avis, la question que la Cour est appelée à répondre est donc celle de savoir si l’Agence a exercé de façon raisonnable la compétence que lui confèrent l’alinéa 17a) de la Loi sur les produits agricoles et le paragraphe 4.1(1) et l’alinéa 16f) du Règlement sur le miel lorsqu’elle s’est fondée sur les conclusions et les avis de la FDA pour rejeter la demande que lui avait adressée la demanderesse pour importer le produit au Canada en vue de le commercialiser en tant qu’aliment, à charge d’effectuer d’autres tests.

 

[101]       La demanderesse a fait valoir plusieurs arguments pour expliquer pourquoi il aurait pu être raisonnable de la part de l’Agence d’admettre le produit au Canada pour lui faire subir d’autres tests. Ce n’est toutefois pas la question qui est soumise à la Cour. Ainsi que l’arrêt Dunsmuir l’explique dans les termes les plus clairs, au paragraphe 47, la question à laquelle la Cour doit répondre est celle de savoir si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». L’arrêt Dunsmuir nous enseigne aussi que « le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ». En l’espèce, bien que la demanderesse ne soit pas d’accord avec la décision, et qu’elle affirme en conséquence que la décision présente des lacunes sur le plan de la justification et de l’intelligibilité, le dossier révèle de façon transparente et intelligible comment et pourquoi on a rejeté la demande présentée par la demanderesse en vue de l’admission du produit au Canada. L’Agence a par ailleurs écouté et évalué avec beaucoup de soin les propositions et les arguments de la demanderesse et elle a exposé des motifs intelligibles pour justifier chacune des mesures qu’elle a prises relativement à ce produit. La demanderesse affirme simplement qu’on devrait trouver une façon de sauver le produit et de le rapatrier au Canada. Elle soutient en particulier qu’il aurait été raisonnable de réadmettre le produit au Canada pour le soumettre à des tests parce que cette mesure n’aurait rien coûté au public canadien et aurait été sans danger pour lui. Advenant le cas où, après les tests, le produit n’aurait pas répondu aux exigences du Règlement, le produit aurait pu être retenu puis détruit en vertu des pouvoirs suffisants dont l’Agence est investie.

 

[102]       Même si je devais accepter que cette ligne de conduite aurait été raisonnable de la part de l’Agence et qu’elle aurait été conforme à la Loi sur les produits agricoles et au Règlement sur le miel, il ne s’ensuit pas pour autant que le refus de l’Agence d’admettre le produit était déraisonnable et qu’il n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[103]       Il y a lieu de présumer qu’en exportant son produit aux États-Unis, la demanderesse a accepté les normes et le régime de conformité en vigueur dans ce pays. La FDA a évalué le produit de la demanderesse et a conclu qu’il contrevenait à la réglementation et aux normes américaines. La FDA a notamment conclu que le produit semblait impropre à la consommation humaine et qu’il était contaminé au plomb. La demanderesse n’a pas contesté ces conclusions. Elle prétend maintenant que l’Agence a agi de façon déraisonnable en acceptant les conclusions de la FDA lorsqu’elle a pris sa décision au sujet de l’importation de ce produit. Là encore, la demanderesse n’a pas contesté ces conclusions. Or, non seulement la demanderesse affirme qu’il était déraisonnable de la part de l’Agence de se fonder sur des conclusions de la FDA que la demanderesse ne conteste pas, mais encore elle ajoute que l’Agence a agi de façon déraisonnable en n’admettant pas le produit au Canada, et ce, même si la demanderesse n’a produit aucun élément de preuve acceptable pour contester les conclusions de la FDA ou pour prouver qu’une partie du produit répondait aux exigences canadiennes relatives à la consommation humaine. La demanderesse n’a également produit aucun élément de preuve démontrant que, si le produit était admis au Canada, il y avait des mesures à prendre pour régler le problème de contamination au plomb constaté par la FDA.

 

[104]       On peut comprendre que la demanderesse soit lésée par la perte de son produit et qu’elle ait tenté de convaincre l’Agence de l’admettre au Canada, mais je ne crois pas que l’on puisse affirmer que la décision de l’Agence ne reposait sur aucun motif raisonnable ou qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[105]       À mon avis, il était raisonnable de la part de l’Agence de se fonder sur les éléments de preuve de la FDA pour rendre sa décision, à défaut d’éléments de preuve acceptables contraires. Ainsi que la défenderesse le souligne, les pays qui adhérent aux mêmes normes internationales en matière de salubrité alimentaire sont assujettis aux mêmes obligations réglementaires réciproques et aucune restriction n’est prévue en ce qui concerne les éléments de preuve dont les inspecteurs de l’Agence peuvent tenir compte pour se prononcer sur la qualité et la salubrité des aliments.

 

[106]       Le Règlement permet d’importer du miel s’il répond aux normes et aux exigences prescrites en ce qui concerne la consommation humaine ou son utilisation comme aliment pour les animaux. L’article 50 du Règlement sur le miel indique clairement qu’on peut refuser d’admettre au Canada le miel qui ne répond pas aux exigences du Règlement, et ce, même si l’alinéa 50b) semble en permettre l’admission à certaines conditions. Je ne trouve rien dans la Loi sur les produits agricoles ou le Règlement sur le miel qui permette de penser que l’on doive admettre du miel au Canada en vue de lui faire subir des tests lorsque la FDA a conclu que ce même miel n’est pas conforme aux normes et exigences de la FDA. Ainsi que la défenderesse le souligne, il n’y a aucune assise législative qui appuie, même par déduction, le mécanisme que préconise la demanderesse en proposant que de nouveaux tests soient effectués sur un produit qui a déjà été jugé impropre à la consommation par un organisme de réglementation compétent. Je trouve significatif que l’interdiction prévue au paragraphe 4.1(1) du Règlement sur le miel, qui interdit la « commercialisation — soit interprovinciale, soit liée à l’exportation — en tant qu’aliment », n’est pas atténuée par le paragraphe  4.1(2), du moins en ce qui concerne l’« importation » :

(2) Le miel falsifié ou contaminé peut faire l’objet d’une commercialisation — soit interprovinciale, soit liée à l’exportation — en tant qu’aliment si, avant sa commercialisation, il est conditionné de manière à satisfaire aux exigences des alinéas (1)a) à e).

 

 

(2) Honey that has been adulterated or contaminated may be marketed in export or interprovincial trade as food where the honey, before being marketed, is prepared in such a manner that it meets the requirements of paragraphs (1)(a) to (e).

 

Autrement dit, il n’existe pas d’exception qui permette de déroger au paragraphe 4.1(1) lorsque le miel fait l’objet d’une commercialisation « liée à l’importation », ce qui me donne à penser que la loi et la réglementation prévoient que le miel contaminé qui ne répond pas aux exigences du Règlement se verra refuser l’admission au Canada.

 

[107]       Je suis d’accord avec la défenderesse pour dire qu’il suffisait qu’il existe des éléments de preuve crédibles et convaincants de la FDA au sujet de la falsification et de la contamination du produit pour croire de bonne foi à l’existence d’une sérieuse possibilité que le produit contrevienne aux normes de qualité et de salubrité du Canada et pour en refuser l’admission au Canada, sauf pour les raisons précisées par l’Agence dans les lettres qu’elle a adressées à la demanderesse. Outre les saletés et la contamination signalées par la FDA, l’Agence a également tenu compte des normes internationales et des publications nationales au sujet de l’exposition au plomb. Le prélèvement d’échantillons effectué par la demanderesse elle-même n’était pas suffisant pour dissiper les craintes de l’Agence parce que rien ne permettait de savoir quels barils avaient fait l’objet de tests, comment les échantillons avaient été prélevés et testés, et si les échantillons testés représentaient de façon homogène le produit.

 

[108]       L’Agence s’est fondée en partie sur l’alinéa 16f) et le paragraphe 4.1(1) du Règlement sur le miel pour rendre sa décision. L’alinéa 16f) dispose :

16. Un établissement agréé doit être exploité de façon que

 

...

 

f) le miel ne vienne pas en contact avec une substance qui puisse avoir un effet délétère sur la qualité du miel.

16. A registered establishment shall be operated in such a manner that

...

 

(f) honey does not come into contact with any substance that may have a deleterious effect on the quality of the honey.

 

 

[109]       Pour l’application de l’alinéa 4.1(1)d) du Règlement sur le miel, l’article 2 de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F-27, définit comme suit l’expression « conditions non hygiéniques » :

« conditions non hygiéniques » Conditions ou circonstances de nature à contaminer des aliments, drogues ou cosmétiques par le contact de choses malpropres, ou à les rendre nuisibles à la santé.

“unsanitary conditions” means such conditions or circumstances as might contaminate with dirt or filth, or render injurious to health, a food, drug or cosmetic.

 

[110]       Pour l’application de l’alinéa 4.1(1)d) du Règlement sur le miel, le terme « contaminé » est défini comme suit :

« contaminé » Qualifie le miel qui contient un produit chimique, une drogue, un additif alimentaire, un métal lourd, un polluant industriel, un ingrédient, un médicament, un microbe, un pesticide, un poison, une toxine ou toute autre substance qui est interdite sous le régime de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, de la Loi sur les aliments et drogues et de la Loi sur les produits antiparasitaires, ou dont la quantité excède les limites de tolérance prescrites sous le régime de ces lois.

“contaminated”, in respect of honey, means containing a chemical, drug, food additive, heavy metal, industrial pollutant, ingredient, medicament, microbe, pesticide, poison, toxin or any other substance not permitted by, or in an amount in excess of limits prescribed under, the Canadian Environmental Protection Act, the Food and Drugs Act and the Pest Control Products Act;

 

[111]       Le terme « falsifié » est également défini dans le Règlement sur le miel :

« falsifié » S’entend au sens des articles B.01.046 et B.01.047 et du titre 15 de la partie B du Règlement sur les aliments et drogues.

“adulterated”, in respect of honey, means adulterated within the meaning of sections B.01.046 and B.01.047 and Division 15 of Part B of the Food and Drug Regulations;

 

[112]       Le juge Heald a formulé les observations suivantes au sujet du terme « falsifié » pour l’application de la Loi sur les aliments et drogues dans la décision Berryland Canning Co. c. Canada, [1974] 1 C.F. 91 (C.F.) à la page 101 :

En toute déférence, je ne saurais souscrire à un tel argument. Le juge en chef Cockburn a décidé dans l’arrêt Francis c. Maas (1877-78) 3 Q.B.D. 341 que « falsification » veut dire addition de quelque substance étrangère. Il me semble que l’expression « substance étrangère » est suffisamment large pour comprendre toute substance que l’on ne s’attendrait pas normalement à trouver dans un aliment.

 

 

[113]       Les barils de miel ne peuvent constituer une source de contamination, ainsi qu’il est précisé au titre 23 du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, à l’article B.23.001 pour l’application de l’alinéa 4.1(1)e) du Règlement sur le miel :

Est interdite la vente d’un aliment dont l’emballage peut transmettre à son contenu une substance pouvant être nuisible à la santé d’un consommateur de l’aliment.

 

No person shall sell any food in a package that may yield to its contents any substance that may be injurious to the health of a consumer of the food.

 

[114]       La demanderesse cherche à restreindre la portée de l’enquête et des pouvoirs discrétionnaires de l’Agence en limitant la définition du mot « commercialisation » à quelque chose de distinct de la procédure consistant à vérifier si un aliment est apte à être vendu comme aliment. La définition du mot « commercialisation » englobe toutefois « toute opération nécessaire à [l’]offre [de produits agricoles] pour consommation ou utilisation ».

 

[115]       Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, l’Agence a décidé que le miel ne pouvait servir que comme aliment pour les abeilles (article 4.2 du Règlement sur le miel), à défaut de quoi il devait être détruit (article 4.3 du Règlement sur le miel).

 

[116]       Dans la décision Friends of Point Pleasant Park, le juge MacKay conclut, au paragraphe 54, « qu’il n’existait pas que de vagues soupçons, mais des éléments de preuve à l’appui de la conviction de l’inspecteur qu’il existait une possibilité sérieuse [d’infection] ». La décision prise par l’inspecteur de l’Agence dans cette affaire était par conséquent raisonnable.

 

[117]       De même, dans l’affaire Miel Labonté, on trouvait, parmi les éléments de preuve soumis à la Cour, plusieurs avis de risques pour la santé publique qui avaient été diffusés sur Internet au sujet de la présence de nitrofurane dans l’échantillon de miel en cause. Le juge Noël a conclu que le produit du miel en question présentait un risque pour la santé publique au sens de l’article 19.1 de la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

 

[118]       Le juge Noël a également fait observer, au paragraphe 31 de la décision Miel Labonté, que le point saillant de la jurisprudence est que l’Agence prend ses décisions dans l’intérêt public et que ces décisions sont des décisions discrétionnaires qui commandent un degré élevé de retenue judiciaire.

 

[119]       Si l’on applique ces principes au cas qui nous occupe, il me semble que l’Agence n’était pas tenue de déterminer avec certitude si le plomb s’était dissous en sel dans le miel aux fins du contrôle réglementaire. Le régime réglementaire confère à l’Agence un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer si un produit alimentaire répond aux normes de qualité et de salubrité imposées par les diverses lois et les divers règlements applicables. À défaut d’éléments de preuve acceptables contraires, je ne puis dire que l’Agence a agi de manière déraisonnable en se fondant sur la conclusion de la FDA pour refuser d’admettre le produit au Canada, sauf aux conditions précisées dans sa correspondance avec la demanderesse.

 

            Équité

 

[120]       J’ai examiné le dossier et la correspondance entre l’Agence et la demanderesse et les autres intéressés. Je suis d’avis que la demanderesse a eu amplement l’occasion de soumettre des éléments de preuve au sujet de sa conformité et de faire valoir son point de vue devant l’Agence.

 

[121]       Rien ne permet de penser que l’Agence n’a pas pleinement tenu compte de la demande de la demanderesse et qu’elle ne s’est pas penchée sur les questions et les solutions proposées pour résoudre le problème. Au bout du compte, l’Agence n’était tout simplement pas en mesure d’accéder à la requête de la demanderesse et elle a motivé en détail sa décision. La demanderesse est de toute évidence en désaccord avec la décision et estime qu’on aurait pu en faire plus pour sauver sa cargaison de miel et pour l’admettre au Canada. Ce n’est toutefois pas parce qu’il existe un désaccord au sujet de la décision rendue et de la procédure suivie que celles-ci sont pour autant déraisonnables ou injustes.

 

[122]       L’Agence disposait d’éléments de preuve crédibles amplement suffisants pour rendre sa décision dans l’intérêt public. Le produit ne répondait pas aux normes de qualité de la FDA et il n’était pas déraisonnable de la part de l’Agence de conclure que le produit ne répondait pas aux normes de qualité et de salubrité prévues par la législation canadienne.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      La présente demande est rejetée.

2.      Les dépens de la présente demande sont adjugés à la défenderesse.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                            T-1520-08

 

INTITULÉ :                           HILBERT HONEY CO. LTD.

 

                                                c.

 

                                                AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 juillet 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 11 août 2009

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Me James Gillis                                                 POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Marlon Miller                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wardell Gillis                                                                POUR LA DEMANDERESSE

Saskatoon (Saskatchewan)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

                       

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