Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20090521

Dossier : IMM‑4686‑08

Référence : 2009 CF 512

Ottawa (Ontario), le 21 mai 2009

En présence de l’honorable Orville Frenette

ENTRE :

Antonio de Jesus PELLON FRICKE

Dolores ALARCON PORTILLA

Jose Daniel PELLON ALARCON

Miguel Alexis NUNEZ ALARCON

Francisco Emmanuelle NUNEZ ALARCON

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit de la demande de contrôle judiciaire présentée en application de l’article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) contre une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 15 septembre 2008, par laquelle la Commission a décidé que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

I. Les faits

 

[2]               Les demandeurs, originaires de Veracruz au Mexique, forment une famille de cinq personnes. Dolores Alarcon Portilla est la demanderesse principale. Son conjoint de fait est Antonio de Jesus Pellon Fricke. Ensemble ils ont un fils, Jose Daniel Pellon Alarcon, et deux enfants de son mariage précédent, Miguel Alexis et Francisco Emmanuelle Nunez Alarcon; ce sont les autres demandeurs d’asile.

 

[3]               Les demandeurs se sont enfuis du Mexique après avoir été verbalement et physiquement menacés pendant de nombreuses années par l’ex‑époux de Mme Alarcon, Miguel Angel Nunez Damian (Miguel).

 

[4]               Mme Alarcon allègue qu’en janvier 2003, elle s’est séparée de son époux en raison de violence conjugale physique et verbale.

 

[5]               En juin 2004, Miguel aurait comparu lors de la procédure pour la pension alimentaire. La violence a été avancée comme étant la raison de la rupture du mariage. Miguel a été remis en liberté à condition qu’il paie la pension alimentaire par l’entremise des tribunaux. Mme Alarcon allègue que Miguel s’est présenté à son lieu de travail et qu’il a été agressif envers elle. Elle déclare qu’elle fut obligée de démissionner de son emploi en août 2004.

 

[6]               M. Fricke allègue qu’il a été battu par deux hommes le 28 août 2004; selon lui, ils avaient l’air d’officiers de la police judiciaire. Il soutient qu’à une date ultérieure, il a vu Miguel dans la même voiture que ses assaillants.

 

[7]               M. Fricke et Mme Alarcon ont commencé à cohabiter lorsqu’ils ont découvert, en mai 2005, qu’elle était enceinte. Il n’y a pas eu de contact entre Miguel et les demandeurs du mois d’août 2004 au mois d’août 2005.

 

[8]               Mme Alarcon allègue que Miguel s’est présenté chez elle le 12 août 2005, pendant que M. Fricke était au travail, environ un an après l’agression alléguée. Elle déclare que Miguel l’a menacée, il brandissait une arme. Les voisins ont appelé la police, les policiers sont arrivés chez elle et son ex‑époux s’est enfui. Les policiers sont retournés chez elle et ils ont demandé de l’argent en échange de la poursuite de leur enquête.

 

[9]               En août 2005, les demandeurs ont décidé de vivre séparément, ainsi Mme Alarcon est retournée vivre chez ses parents.

 

[10]           Les demandeurs allèguent que Miguel est membre du Parti de la révolution démocratique et il y occupe un poste important.

 

[11]           En décembre 2005, M. Fricke a démissionné de son emploi et il a démarré une nouvelle entreprise.

 

[12]           En juin 2006, M. Fricke et Mme Alarcon ont de nouveau emménagé ensemble. Toutefois, Miguel aurait menacé Mme Alarcon par téléphone et, en septembre 2006, il se serait présenté à la maison des demandeurs. Ils allèguent que Miguel était armé et accompagné de deux hommes qui ont agressé M. Fricke. Lorsque les voisins se sont présentés, Miguel s’est enfui. Les demandeurs n’ont pas signalé cet incident à la police. Néanmoins, M. Fricke souligne que les policiers ont été contactés, mais que, en raison de la fuite de Miguel, les policiers ne sont pas venus mener leur enquête. Il déclare en outre que les assaillants l’auraient averti de ne pas contacter la police.

 

[13]           M. Fricke allègue qu’en septembre 2006, son lieu de travail a été saccagé et il attribue cet incident à Miguel en raison du langage utilisé dans les menaces écrites.

 

[14]           En octobre 2006, Mme Alarcon déclare qu’elle a reçu deux appels téléphoniques de menace.

 

[15]           M. Fricke est arrivé au Canada en octobre 2006, Mme Alarcon et les enfants sont arrivés au Canada en décembre 2006. Mme Alarcon était restée au Mexique pour demander de l’aide juridique afin d’obtenir la permission de la cour d’amener Miguel Alexis et Francisco Emmanuelle au Canada.

 

II. La décision contestée

 

[16]           La Commission a conclu que la crainte des demandeurs d’être persécutés n’était pas fondée. Les questions déterminantes avaient trait à l’existence de la protection de l’État et à la viabilité d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Guadalajara.

 

[17]           La Commission a admis que Mme Alarcon avait subi des agressions pendant qu’elle était mariée, et la Commission n’a pas tiré de conclusion défavorable quant à la crédibilité en ce qui concerne les incidents ultérieurs décrits par les demandeurs. Cependant, la Commission n’a pas cru que Mme Alarcon avait reçu des appels téléphoniques de harcèlement de la part de Miguel au cours des deux derniers mois où elle était au Mexique, contrairement à ce qu’elle a déclaré dans son témoignage.

 

[18]           En particulier, en ce qui a trait à la question de la protection de l’État, le commissaire a estimé que : « ceux-ci [les demandeurs] n’ont pas fait de démarches raisonnables pour tenter d’obtenir la protection de l’État du Mexique avant de venir au Canada ». La Commission a rejeté l’explication des demandeurs selon laquelle la protection de l’État ne serait pas efficace et elle a déclaré ce qui suit :

 

     La Commission considère comme déraisonnables et insatisfaisantes les réponses des demandeurs d’asile concernant l’efficacité de la protection de l’État, car leurs déclarations à l’égard de la police sont vagues et spéculatives, et celles-ci sont incompatibles avec les conclusions d’organismes indépendants qui observent les conditions de la protection offerte par la police au Mexique.

 

 

La Commission a conclu que : « la protection de l’État pourrait lui [la demanderesse principale] être raisonnablement assurée ».

 

[19]           En ce qui a trait à la PRI, le commissaire a correctement exposé l’analyse à deux volets tirée de Rasaratnam c. Canada (M.E.I.), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.), et il a conclu quant au premier volet que : « les demandeurs d’asile ne pourraient pas être facilement retrouvés à Guadalajara » et que Miguel ne poursuivrait pas la demanderesse principale là­bas, puisque « si Miguel voulait vraiment faire du mal à la demandeure d’asile, celui-ci l’aurait déjà fait ».

 

[20]           Il appert aussi que la Commission a conclu que la ville de Guadalajara est trop éloignée de la ville de Veracruz pour que Miguel se donne la peine de l’y poursuivre. Quoi qu’il en soit, selon la Commission, la protection de l’État existe, si Miguel retrouve la demanderesse principale.

 

[21]           En ce qui a trait au deuxième volet de l’analyse, la Commission a conclu que [traduction] « il ne serait pas déraisonnable » que les demandeurs se réfugient à Guadalajara.

 

III. Les questions en litige

 

[22]           Les demandeurs soulèvent les questions qui suivent :

a.       Partialité en ce qui a trait à l’agent de persécution : existe‑t‑il une crainte raisonnable de partialité quant à l’évaluation faite par le commissaire des actions de l’agent de persécution?

 

b.      Possibilité de refuge intérieur pour les enfants : le commissaire a‑t‑il commis une erreur de droit lorsqu’il n’a pas tenu compte de la question de savoir si une personne peut être localisée au moyen du droit parental d’un père à l’égard de ses enfants?

 

c.       Possibilité de refuge intérieur en général : le commissaire a‑t‑il tiré des inférences non étayées par la preuve en ce qui concerne la question de savoir si l’agent de persécution chercherait à retrouver les demandeurs et à ce qu’il pourrait leur faire?

 

d.      Protection de l’État : le commissaire a‑t‑il omis d’appliquer la jurisprudence de la Cour fédérale dans son analyse de la protection de l’État? A‑t‑il écarté la preuve portant précisément sur l’absence de protection de l’État? A‑t‑il omis de prendre en compte les documents étayant le témoignage des demandeurs?

 

IV. La Loi

 

[23]           Les articles 96 et 97 de la Loi sont libellés de la façon suivante :

 

  96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

  a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

  b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

  97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

  a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

  b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

  (2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

  96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

  (a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

  (b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

  97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

  (a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

 

  (b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

  (2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

V. La norme de contrôle

 

[24]           La jurisprudence a établi que la norme de contrôle pour l’examen portant sur les faits ou l’examen mixte des faits et du droit est la raisonnabilité et que, pour les questions de droit, il s’agit de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190). La Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des décisions portant sur des conclusions de fait (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Khosa, 2009 CSC 12). Les manquements aux règles de justice naturelle ou d’équité procédurale sont aussi régis par la décision correcte (Juste c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 670, aux paragraphes 23 et 24; Bielecki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 442, au paragraphe 28; Hasan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 1069, au paragraphe 8).

 

VI. Analyse

 

          A. La crainte de partialité

 

[25]           Les demandeurs affirment que la Commission a adopté une conduite qui a donné lieu à une crainte de partialité en raison du fait qu’elle a mal utilisé l’information donnée par le représentant désigné en ce qui avait trait aux intentions de l’agent de persécution. Les demandeurs déclarent qu’ils n’avaient aucune raison de croire que la Commission avait un parti pris lors de l’audience, et que cela est seulement devenu évident après un examen des motifs de la décision. Selon les demandeurs, ce parti pris a eu un effet direct sur les questions clés de leur demande.

 

[26]           Le défendeur s’oppose à une telle observation, il soutient qu’aucun élément de preuve ne l’étaye.

 

[27]           Le critère pour la crainte raisonnable de partialité a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. l’Office national de l’énergie [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 :

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique ».

 

 

[28]           Le degré élevé du critère de crainte de partialité doit être basé sur la preuve afin qu’on puisse réfuter la forte présomption d’impartialité judiciaire (Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259; Ferrari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 1334, aux paragraphes 24 à 29).

 

[29]           En l’espèce, les demandeurs reconnaissent qu’ils n’ont perçu aucun signe justifiant une crainte raisonnable de partialité lors de l’audience. Je ne trouve aucun élément de preuve dans la décision de la Commission qui pourrait étayer une conclusion de crainte raisonnable de partialité. Même si la Commission a interprété la preuve ou a tiré des inférences défavorables aux demandeurs, cela n’étaye pas, en soi, une telle conclusion. Le défendeur soutient que l’allégation de partialité est sans fondement et que la Commission exerçait simplement son obligation d’évaluer la preuve.

 

[30]           Il incombait à la Commission de tirer les inférences qui, selon elle, émanaient de la preuve. Par conséquent, selon moi, la question de partialité n’est pas fondée.

 

          B. La possibilité de refuge intérieur

 

[31]           Les demandeurs résidaient à Veracruz au Mexique; apparemment, l’ex‑époux vit à Mexico, soit à environ 600 km de là.

 

[32]           Il a été question de l’existence d’une PRI à Guadalajara, qui se trouve à 1 200 km de Veracruz. Pendant les deux derniers mois, la demanderesse principale vivait à Mexico, mais elle se cachait parce qu’elle avait peur du père biologique de ses enfants, qui les avait menacés.

 

[33]           Les demandeurs allèguent que la Commission a tiré, à partir de la preuve, des inférences déraisonnables selon lesquelles ils pouvaient vivre ailleurs au Mexique, par exemple à Guadalajara. Les demandeurs déclarent qu’ils pouvaient être retrouvés là‑bas en raison des droits de visite parentale pour les enfants. Toutefois, le défendeur rétorque que dans un tel cas, on peut obtenir de la cour des arrangements pour qu’elle ne rende pas publique leur adresse résidentielle.

 

[34]           Le défendeur soutient qu’il était raisonnable que la Commission suggère une PRI dans des villes telles que Mexico ou Guadalajara sans qu’il y ait de grandes possibilités de persécution. En outre, la Commission a examiné les éléments de preuve relativement aux critères énoncés dans la jurisprudence (décision Rasaratnam, précitée; Thirunavukkarasu c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.)).

 

[35]           La Commission a examiné la probabilité que le père biologique des enfants soit en mesure de retrouver les demandeurs s’il le voulait. Toutefois, comme le défendeur l’a souligné, dans les procédures de garde parentale au Mexique, les parents donnent leurs adresses, mais dans les cas de violence conjugale, la cour peut permettre à la victime de lui donner son adresse oralement.

 

[36]           Selon moi, le raisonnement de la Commission est basé sur son évaluation des faits et du droit applicable; par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle quant à cette question.

 

          C. La protection de l’État

 

[37]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’ils n’avaient pas sollicité la protection de l’État de façon diligente, parce que, lorsqu’ils l’avaient fait au Mexique, c’était adéquat et [traduction] « raisonnablement immédiat ». La Commission a reproché à la demanderesse principale de ne pas avoir contacté la police à de nombreuses occasions pendant des années, quand elle avait été agressée par Miguel. En ce qui concerne M. Fricke, la Commission a conclu qu’il n’avait jamais signalé à la police les agressions physiques qu’il avait subies le 16 septembre 2006 ni le fait que son entreprise avait été saccagée.

 

[38]           Le défendeur rétorque que la Commission a correctement interprété les éléments de preuve et que les demandeurs n’ont pas établi par « une preuve claire et convaincante » que l’État n’était pas en mesure ou ne voulait pas les protéger; il se basait sur Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689; Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CAF 171; Carrillo c. Canada, [2008] 1 R.C.F. 3 (C.F.); Granados c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 210, au paragraphe 19.

 

[39]           Le Mexique est considéré comme étant un « pays démocratique » et une preuve claire est requise pour réfuter la présomption de la protection de l’État selon le niveau de démocratie de ce pays (décision Carrillo, précitée). Toutefois, les demandeurs ont l’obligation d’établir qu’ils ont demandé la protection de l’État dans leur pays avant de présenter une demande d’asile au Canada (voir Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 324; Castro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 332; Canseco c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 73). Bien que le Mexique soit un pays démocratique en développement, il ressort des documents et de la décision de la Commission que le Mexique a des problèmes persistants de corruption, d’implication de l’État dans le crime organisé, de commerce de la drogue et de manque de soumission à la primauté du droit (De Leon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 1307; Zepeda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 491).

 

[40]           En l’espèce, les éléments de preuve révèlent que la violence contre les femmes demeure un problème important au Mexique et que le pays n’a pas de système efficace de protection des victimes même s’il fait des efforts pour remédier à la situation (Rapports de Human Rights Watch World pour 2007, 2008 et 2009).

 

[41]           Les demandeurs soutiennent que la Commission n’a pas tenu compte de la question de savoir si la protection de l’État était efficace au Mexique, un problème souligné dans la preuve documentaire. Le défendeur fait observer que la Commission a bien examiné ce problème et qu’elle s’est référée au droit applicable.

 

[42]           Selon le juge Richard G. Mosley, ce n’est pas tant la question même de savoir si la protection de l’État est « efficace » que de savoir si elle est « adéquate ». Il a écrit ce qui suit dans Mendez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 584 :

[19]     Dans un certain nombre de décisions, la Cour a conclu que la norme d’efficacité est trop élevée [. . .] le critère est de savoir si la protection est adéquate.

 

 

[43]           Par conséquent, la question de base est de savoir si le demandeur a demandé la protection de l’État et, le cas échéant, si elle était « adéquate ». Un grand nombre de décisions récentes de la Cour sur les questions de PRI et de protection de l’État au Mexique ont rejeté les demandes de contrôle judiciaire précisément sur cet aspect. Voir la décision Ferrari, précitée; Lozada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 397; Mendoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 376; décision Granados, précitée.

 

[44]           Les décisions de la Commission sur les questions de PRI et de protection de l’État sont susceptibles de contrôle selon la raisonnabilité. Les décisions des tribunaux administratifs commandent la retenue (arrêts Dunsmuir et Khosa, précités).

 

[45]           Les éléments de preuve dans la présente affaire ont révélé que la demanderesse principale était la victime de nombreux incidents de violence conjugale et de menaces de la part de son ex‑époux. Pendant son mariage, elle a bien signalé ces incidents à la police, au Mexique. Une fois, la police n’a pas fait d’enquête et une autre fois, les policiers sont venus, mais ils ont demandé des pots‑de‑vin avant de pouvoir mener leur enquête. À la suite d’une autre plainte, son ex‑époux a découvert ce fait et il l’a menacée. Cela a entraîné un manque de confiance envers la police et les autorités judiciaires.

 

[46]           Les demandeurs résidaient à Veracruz, mais ils ont déménagé fréquemment pour éviter d’être harcelés. Toutefois, ils n’ont jamais demandé de PRI dans des villes telle Guadalajara au Mexique. Je dois admettre que les cas des demandes dans lesquelles il est fait état d’agressions attirent la compassion, mais la Cour ne peut pas intervenir dans une décision de la Commission qui est fondée sur une analyse rigoureuse et documentée, à moins que la décision soit déraisonnable.

 

[47]           Vu les arrêts de la Cour suprême du Canada Dunsmuir et Khosa, je suis obligé de conclure que la décision de la Commission appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

VII. Conclusion

 

[48]           Sur la base des motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire présentée en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, contre la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 15 septembre 2008, est rejetée.

 

            Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                IMM-4686-08

 

INTITULÉ :                                               Antonio de Jesus PELLON FRICKE et al.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                        Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                       le 27 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                     le jugE suppléant Orville Frenette

 

DATE DES MOTIFS :                             le 21 mai 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Patricia Wells

 

POUR LES DEMANDEURS

Michael Butterfield

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Patricia Wells  

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.