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Date : 20090522

Dossier : IMM-2257-09

Référence : 2009 CF 543

Ottawa (Ontario), le 22 mai 2009

En présence de l’honorable Orville Frenette

 

ENTRE :

CHRISTOPHER MUWULYA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande concernant une requête en vue d’obtenir un sursis à l’exécution d’une mesure d’expulsion qui était prévue pour samedi le 23 mai 2009 à 14 h.

 

L’HISTORIQUE DES FAITS

[2]               Le demandeur, un citoyen de l’Ouganda, est entré au Canada à titre de visiteur pour participer à une conférence le 14 juillet 2002.

 

[3]               Le 25 juillet 2002, il a présenté une demande d’asile qui a été rejetée le 8 mars 2004.

[4]               Sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision susmentionnée a été rejetée le 25 mai 2004.

 

[5]               La demande d’examen des risques avant renvoi présentée le 2 janvier 2009 a été rejetée le 5 mai 2009.

 

[6]               Une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision relative à l’ERAR a été déposée le 5 mai 2009.

 

[7]               Lorsque le demandeur a reçu la décision relative à son renvoi le 23 mai 2009, il a accepté de quitter le Canada de son plein gré.

 

[8]               Le 21 mai 2009, il a signifié la présente demande en vue de surseoir à l’exécution de la mesure d’expulsion.

 

[9]               Le demandeur allègue que l’agent d’ERAR a commis une erreur susceptible de contrôle en tenant compte de nouveaux éléments de preuve, à savoir deux courriels au sujet d’activités qu’il aurait exercées en Ouganda. De plus, il allègue que sa conjointe de fait est enceinte et qu’il doit prendre soin d’elle et de l’enfant à naître.

 

LES QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

            1) La présentation tardive de la requête en sursis

[10]           Le demandeur ne fournit aucune raison valable expliquant pourquoi la requête en sursis a été présentée seulement deux jours avant la date prévue pour son renvoi. Le sursis constitue une mesure extraordinaire qui ne doit pas être utilisée comme une stratégie de dernière minute pour retarder un renvoi, sauf lorsque des motifs très sérieux le justifient. Shi c. Canada (SPPCC), 2007 CF 534, au paragraphe 6 :

6    J’ai rejeté la présente requête en raison de sa tardivité et du préjudice évident qui serait causé au défendeur si l’affaire était instruite sur le fond. La demanderesse ne devrait pas jouir d’un avantage stratégique en présentant à la dernière minute une requête en sursis. Il s’agit d’une réparation discrétionnaire extraordinaire que la Cour ne peut accorder que si elle dispose d’un solide dossier et après une mûre réflexion. C’est le type même de situation que la Cour d’appel fédérale a examiné dans l’affaire El Ouardi c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 189, 2005 CAF 42, dans laquelle le juge Marshall Rothstein a fait observer ce qui suit :

 

6 Je suis enclin à penser que, dans les circonstances de l’espèce, le juge Blais avait le droit de trancher, comme question initiale, celle de savoir s’il devait recevoir la requête en sursis et qu’il n’avait pas décliné compétence en rejetant la demande pour ce motif. Dans le cas d’une demande tardive visant à obtenir un sursis, le juge des requêtes doit jouir d’une grande latitude lorsqu’il examine l’affaire. Dans les cas de demandes de sursis tardives, exiger l’examen du bien‑fondé pourrait occasionner un sursis automatique en raison de la nécessité de donner au ministre le temps de répondre ou en raison du temps requis pour que la Cour statue sur l’affaire. Par conséquent, dans les cas de demandes de sursis tardives, je doute qu’il existe pour la Cour une obligation d’examiner le bien-fondé dans tous les cas, en particulier lorsque la demande est très tardive, comme en l’espèce. Le juge des requêtes devrait certes examiner la raison de la présentation tardive de la demande. En cas d’implication du ministre dans les circonstances ayant occasionné le retard, la décision pourrait alors être différente de celle où le demandeur en est responsable.

 

7 En l’espèce, dans les faits, la demande de sursis aurait pu être présentée le 7 janvier 2005, ou peu après cette date, lorsque l’appelante a été avisée de la date fixée pour son renvoi. Dans ces circonstances, j’ai tendance à penser que le juge Blais a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas recevoir la requête en sursis très tardive, qu’il avait la compétence pour ce faire, même s’il n’a peut-être pas examiné le bien-fondé de la demande et que l’affaire ne peut pas être portée en appel devant la présente Cour. Toutefois, le seuil à franchir pour qu’il y ait une question sérieuse est bas et je ne pense pas qu’il serait approprié pour moi, qui suis saisi d’une requête visant à obtenir un sursis.

 

            2) La présentation tardive de la demande d’autorisation

[11]           La décision relative à l’ERAR est datée du 22 janvier 2009, mais la demande d’autorisation de contrôle judiciaire n’a été signifiée que le 5 mai 2009, c’est-à-dire plus de quatre mois plus tard.

 

[12]           Une requête en sursis est subordonnée au dépôt d’une demande principale d’autorisation. Le paragraphe 72(2) de la LIPR exige qu’une demande d’autorisation soit déposée dans les quinze jours suivant la date où le demandeur est avisé de la décision.

 

[13]           Sauf s’il obtient la permission d’un juge de la Cour fédérale de proroger le délai en application de l’alinéa 72(2)c) de la LIPR, le demandeur éventuel ne peut présenter de demande. Pour obtenir une prorogation du délai prévu, il faut que les quatre conditions établies par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Hennelly (1998) 244 N.R. 399 soient remplies.

 

[14]           Ainsi, puisque le demandeur n’a pas satisfait à ces conditions dans les deux situations susmentionnées, la demande de sursis devrait être rejetée, mais je la rejetterai également pour absence de fondement.

 

3) Le critère pour obtenir un sursis au renvoi

[15]           Le critère à satisfaire pour obtenir un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi a été établi par la Cour d’appel fédérale dans Toth c. MCI (1988) 86 N.R. 302.

 

[16]           Le critère repose sur trois conditions conjonctives :

1.      Il y a une question sérieuse à trancher;

2.      Un préjudice irréparable sera causé si le sursis n’est pas accordé;

3.      La prépondérance des inconvénients milite en faveur du sursis.

 

LA QUESTION SÉRIEUSE À TRANCHER

[17]           Le critère applicable à cette condition consiste à déterminer s’il y a une question sérieuse à trancher qui n’est ni frivole ni vexatoire (Sowkey c. MCI, 2004 CF 67; Domingo c. MSPC, 2009 CF 425, aux paragraphes 38 à 41).

 

[18]           Le demandeur allègue qu’il a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision d’ERAR parce que l’agent a pris en compte de « nouveaux éléments de preuve », c’est-à-dire deux courriels qui lui étaient adressés au sujet de la situation des droits de la personne en Ouganda et du lien du demandeur avec un parti politique d’opposition.

 

[19]           Le défendeur soutient qu’il n’y a pas de question sérieuse à trancher. L’interprétation de cette condition signifie que la Cour doit décider si, sur le fond, la demande principale est susceptible d’être accueillie. Simy Yu. c. Canada (MCI) 2009 CF 41, aux paragraphes 21 et 22.

 

[20]           Le demandeur conteste la décision relative à l’ERAR parce que l’agent a pris en considération des courriels. Le demandeur ne pouvait pas les consulter. En lisant la décision relative à l’ERAR, on constate que l’agent a examiné toute la preuve, et il n’était pas obligé de mentionner chaque détail de cette preuve.

 

[21]           À mon avis, non seulement la décision était la bonne, mais la CISR a jugé que le demandeur n’était pas crédible. Le demandeur allègue également que sa présence au Canada est nécessaire parce que sa conjointe de fait est enceinte et que l’enfant à naître aura besoin de lui. Il ne s’agit pas là d’une question sérieuse à trancher en l’espèce.

 

LE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[22]           Le demandeur soutient qu’il subira un préjudice irréparable s’il est renvoyé en Ouganda, pays où sa vie sera en danger. Il soutient également que sa situation actuelle ne lui permet pas de présenter une demande fondée sur des considérations humanitaires. Le demandeur prétend que son renvoi nuira à sa capacité de communiquer avec son conseil à partir de l’Ouganda. Ces allégations sont hypothétiques et ne sauraient satisfaire aux exigences de cette condition.

 

La PERTURBATION DE LA VIE FAMILIALE

[23]           Il est établi dans la jurisprudence de la Cour que la perturbation de la vie familiale, la perte d’emploi, le stress émotif et la perte d’un soutien financier d’un conjoint sont toutes des conséquences qui découlent d’un renvoi et ne peuvent donc être considérées comme un préjudice irréparable (Malyy c. Canada (SPPCC), 2007 CF 388, 156 A.C.W.S. (3d) 1150; Sofela c. Canada (MCI) – 2006 CF 245, 146 A.C.W.S. (3d) 306; Chetary c. MPEP , 2009 CF 436).

 

[24]           Il a été jugé que le fait d’être séparé d’une conjointe qui est enceinte et de deux enfants peut comporter des inconvénients personnels et peut même occasionner des difficultés, mais cela n’établit pas l’existence d’un préjudice irréparable (Castro c. MCI IMM-2729-97, 4 juillet 1997; Kwan c. Canada (MCI) (1998), 159 F.T.R. 262, au paragraphe 25).

 

[25]           Dans la présente affaire, la première condition n’a pas été remplie.

 

LA PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[26]           Selon le paragraphe 48(2) de la Loi, le défendeur est tenu d’exécuter une mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent. Suivant la jurisprudence, l’affaire d’intérêt public doit être considérée comme satisfaisant à cette condition (Membrano-Garcia c. Canada (MCI) (1998) 3 C.F. 306, 55 F.T.R. 104; Blum c. Canada (MCI), 90 F.T.R. 54; 52 A.C.W.S. (3d) 1099).

 

[27]           Dans l’affaire qui nous occupe, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision relative à l’ERAR n’a pas encore été accordée. La question concernant la demande CH est hypothétique étant donné que celle-ci n’a pas encore été déposée.

 

[28]           La prépondérance des inconvénients milite donc en faveur du défendeur.

 

[29]           Pour conclure, la demande de sursis a échoué. La Cour ordonne que la demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

  1. La présente demande en vue de surseoir à l’exécution d’une mesure d’expulsion est rejetée.

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2257-09

 

INTITULÉ :                                       CHRISTOPHER MUWULYA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 mai 2008           

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Juge suppléant Frenette

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 mai 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Jacques Bahimanga

POUR LE DEMANDEUR

CHRISTOPHER MUWULYA

 

Claudine Patry

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jacques Bahimanga

613-739-7734

POUR LE DEMANDEUR

CHRISTOPHER MUWULYA

 

 

Ministère de la Justice

Section du contentieux des affaires civiles

234, rue Wellington, Tour Est

Ottawa (Ontario)  K1A 0H8

613-957-4855

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

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