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Date : 20090914

Dossier : IMM-34-09

Référence : 2009 CF 907

Ottawa (Ontario, le 14 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

PATRICIA IRABOR

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision datée du 23 décembre 2008 par laquelle un agent d’exécution de la loi a rejeté la demande de la demanderesse visant le sursis à l’exécution de son renvoi au Nigeria. Lorsque la Cour a été saisie de la présente affaire pour audition, le défendeur a exprimé l’avis que la demande était théorique et qu’il fallait la rejeter. Après avoir entendu les deux avocats, j’ai indiqué aux parties qu’à mon avis la demande était théorique mais que j’entendrais des observations sur la question de savoir s’il fallait que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et que j’entende la demande sur le fond. Après avoir pris en considération les observations des avocats, j’ai décidé de ne pas exercer mon pouvoir discrétionnaire pour entendre la demande sur le fond. Voici les brefs motifs pour lesquels j’ai conclu que la demande était théorique et j’ai refusé de l’entendre sur le fond.

 

[2]               Le 18 août 2005, Mme Irabor a demandé un permis de travail dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants. Cette demande a été refusée le 18 août 2005 et, le 28 décembre 2006, la Cour a rejeté une demande d’autorisation de soumettre cette décision à un contrôle judiciaire.

 

[3]               Néanmoins, Mme Irabor est entrée au Canada le 12 juillet 2006. Un rapport d’interdiction de territoire a été établi et signé le 16 août 2006, en application du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, au motif qu’elle était entrée au Canada dans le but d’y établir sa résidence permanente, et ce, sans demander ou obtenir au préalable le visa approprié, comme l’exige la Loi. Une mesure d’interdiction de séjour a été prise et, le même jour, Mme Irabor a déposé une demande d’asile.

 

[4]               La demande d’asile reposait sur des allégations de violence aux mains de son conjoint de fait. Mme Irabor a constamment réitéré ces allégations dans une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) ultérieure, de même que dans la présente demande de contrôle judiciaire. Elle soutient avoir été victime à de multiples reprises de violence physique et sexuelle de la part de son conjoint de fait, le chef Chinedu Ugo. Elle prétend ne pas avoir pu bénéficier de la protection de l’État, malgré de multiples plaintes à la police. Elle a fui le Nigeria parce qu’elle craignait que le chef Chinedu Ugo la tuerait. Elle ajoute qu’elle a contracté le VIH à cause de sa relation avec ce dernier.

 

[5]               La Section de la protection des réfugiés (SPR) a jugé que la preuve de Mme Irabor au sujet de sa relation avec le chef Chinedu Ugo était indigne de foi, tout comme ses allégations de violence. Elle a conclu que Mme Irabor n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. La Cour a refusé le 8 avril 2008 une demande de contrôle judiciaire concernant cette décision.

 

[6]               Le 30 juin 2008, Mme Irabor a déposé une demande d’ERAR, qui a été rejetée le 20 octobre 2008. L’agent a pris en considération les allégations de violence que Mme Irabor avait réitérées, de même que les nouvelles observations concernant le VIH qu’elle avait contracté et le risque que son retour au Nigeria posait pour sa santé. L’agent a décidé que dans ce pays les personnes atteintes du VIH sont victimes de discrimination et de réprobation mais que ce fait, dans les circonstances données, ne constitue pas forcément de la persécution. Il a décidé aussi que Mme Irabor n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État. La demande d’ERAR a donc été rejetée.

 

[7]               Le 1er décembre 2008, Mme Irabor a signé une directive lui ordonnant de se présenter en vue de son renvoi, fixé au 10 janvier 2009. Une demande visant à surseoir à la mesure de renvoi en attendant l’issue d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de la décision d’ERAR a été déposée le 23 décembre 2008. Cette demande a été rejetée le même jour, et c’est sur cette décision-là que porte la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse.

 

[8]               Le 7 janvier 2009, le juge O’Keefe a fait droit à une requête en sursis d’exécution du renvoi de Mme Irabor jusqu’à ce que sa demande d’autorisation concernant l’ERAR soit rejetée ou, si cette autorisation est accordée, jusqu’à ce que la Cour ait examiné la demande.

 

[9]               Le 10 juin 2009, la Cour a accordé l’autorisation de soumettre à un contrôle judiciaire le refus de la demande de sursis – il s’agit de la demande dont la Cour est actuellement saisie. Le 22 juin 2009, le juge Mandamin a rejeté la demande d’autorisation et de prorogation de délai de Mme Irabor en vue de soumettre à un contrôle judiciaire la décision d’ERAR défavorable; de ce fait, l’ordonnance de sursis accordée par le juge O’Keefe n’est plus exécutoire car l’autorisation de contrôler la décision d’ERAR a été rejetée. L’autorisation ayant été refusée, il n’y a aucune ordonnance en instance qui fait obstacle au renvoi de la demanderesse.

 

[10]           La demande de la demanderesse avait trait à un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi la concernant en attendant l’issue de la demande d’autorisation d’ERAR (étayée par la « nouvelle » preuve médicale). La demande d’autorisation d’ERAR étant maintenant réglée – elle a été rejetée – je suis d’avis que la demande dont il est question en l’espèce est théorique. La mesure de réparation sollicitée dans cette dernière consiste à renvoyer l’affaire à un agent d’exécution de la loi afin qu’il statue à nouveau sur la demande de sursis. Étant donné que la demande de sursis était subordonnée à la survenance d’un fait qui a maintenant eu lieu, il n’y a plus de raison de trancher la présente affaire. La demande est donc théorique.

 

[11]           La demanderesse soutient que, même s’il n’y a plus de litige actuel entre les parties, il demeure entre ces dernières une relation de nature contradictoire et que la Cour se doit d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’entendre la demande sur le fond. Dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, la Cour suprême a déclaré ce qui suit : pour décider s’il convient d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire en vue d’instruire une affaire, même si cette dernière est théorique, le juge doit tenir compte de trois facteurs : 1) l’existence d’une relation de nature contradictoire entre les parties, 2) le souci de l’économie judiciaire, et 3) le fait que la Cour ne doit pas s’ingérer dans le domaine législatif. La demanderesse soutient qu’au vu des faits, seuls les deux premiers de ces facteurs sont présents.

 

[12]           La demanderesse soutient qu’il subsiste une relation de nature contradictoire entre les parties, en ce sens qu’elles sont d’avis qu’il existe une preuve « nouvelle », soit la lettre concernant la séropositivité de la demanderesse, qui n’a pas été soumise à l’agent d’ERAR, que la demanderesse peut, sur la foi de cette lettre, demander un second ERAR et qu’une décision de la Cour sur le bien-fondé de la demande actuelle permettrait de court-circuiter une telle demande et d’économiser des ressources judiciaires.

 

[13]           Malgré les observations de l’avocat à cet égard, je ne suis pas convaincu que l’une quelconque des conditions établies dans l’arrêt Borowski sont remplies.

 

[14]           Il ressort clairement de la décision de l’agent d’exécution de la loi que ce dernier a pris en considération cette preuve « nouvelle ». Il a fait remarquer que celle-ci n’est pas nouvelle et que son authenticité est douteuse.

[traduction

Selon l’avocat, la note est une preuve qui n’était pas disponible au moment du dépôt de la demande d’ERAR. Cependant, il n’y a pas eu assez de preuves présentées pour indiquer pourquoi l’intéressée, si elle est diagnostiquée comme séropositive depuis décembre 2006 et soignée au Centre depuis février 2007, n’a pas pu obtenir une telle note pour la présenter avec sa demande d’ERAR. Je signale en outre que la copie de la note que l’avocat a fournie n’est pas signée et n’indique pas qui l’a écrite, ce qui amène à douter de l’identité de son auteur.

 

[15]           Je ne vois pas en quoi le fait de se prononcer sur la demande dont la Cour est actuellement saisie changera ces faits. Que la demanderesse dépose une nouvelle demande d’ERAR ou non, et que ce soit avec la note existante ou avec une nouvelle, la question du retard se posera quand même. Aucune des mesures que prendra la Cour dans la présente demande ne changera ce fait. En conséquence, il ne convient pas en l’espèce que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour statuer sur le fond d’une demande qui est théorique.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est théorique et elle est par la présente rejetée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-34-09

 

 

INTITULÉ :                                       PATRICIA IRABOR c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LES 3 ET 11 SEPTEMBRE 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 14 SEPTEMBRE 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dov Maierovitz

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Marina Stefanovic

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler, Etienne

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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