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Date : 20091006

Dossier : IMM-1313-09

Référence : 2009 CF 1006

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2009

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

ANIL SHARMA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               Le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire afin de contester la décision du 30 janvier 2009 par laquelle l’agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR) a rejeté sa demande, soumise en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), de dispense pour considérations humanitaires de l’obligation de présenter depuis l’extérieur du Canada sa demande de résidence permanente.

 

II.  Les faits pertinents

[2]               Le demandeur, M. Anil Sharma, est un citoyen de l’Inde qui habite au Canada depuis septembre 2002. M. Sharma a présenté une demande d’asile, demande qui a été rejetée le 18 décembre 2003. Il a soumis à l’encontre de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) une demande d’autorisation que la Cour fédérale a refusée le 11 juin 2004. Le 30 janvier 2009, la demande d’ERAR de M. Sharma a également été rejetée.

 

[3]               M. Sharma a principalement fait valoir au soutien de sa demande pour considérations humanitaires, comme suit, les facteurs de risque liés à son retour en Inde ainsi que son degré d’établissement au Canada :

Les motifs invoqués par le demandeur

Dans sa demande initiale, le demandeur a soutenu qu’il possédait sa propre société et produit des documents attestant sa situation financière et d’emploi. Il déclare en outre ne pouvoir se rendre dans aucun autre pays pour y présenter sa demande. Il estime qu’on devrait lui accorder le privilège de présenter sa demande depuis le Canada pour des considérations humanitaires. Le demandeur a également soutenu qu’on ne devrait pas le contraindre à retourner en Inde, et a fait valoir la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) comme preuve confirmant qu’il serait exposé à des risques dans ce pays.

 

Dans la mise à jour de septembre 2008, le demandeur répète les mêmes récit et allégations que ceux initialement présentés au tribunal de la CISR. Le demandeur craint la persécution ainsi que les menaces portées à son endroit par des criminels, le gang Tyagi, et il prétend ne pas pouvoir être protégé en raison de la corruption de la police. Le demandeur soutient aussi qu’il s’est réellement établi, qu’il paie ses impôts et qu’il a réussi à s’intégrer et à s’adapter à la société canadienne.

 

(Dossier du demandeur, demandes pour considérations humanitaires – Note versée au dossier, page 7).

 

[4]               Une fois présentée la preuve de M. Sharma, l’agent a conclu que ce dernier n’avait pas démontré qu’il y avait des considérations humanitaires justifiant que lui soit accordée une dispense. M. Sharma n’avait pas démontré qu’il subirait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il devait obtenir un visa de la manière habituelle, soit depuis l’extérieur du Canada.

 

III.  L’analyse

[5]               La Cour partage entièrement le point de vue du défendeur.

 

[6]               La LIPR prévoit que l’étranger qui souhaite résider au Canada doit, avant d’y entrer, demander et obtenir un visa de résident permanent. La LIPR prévoit également qu’un agent d’immigration peut dispenser un étranger de cette obligation s’il estime (ou si le ministre estime) cela justifié par des circonstances d’ordre humanitaire (paragraphe 11(1) et article 25 de la LIPR).

 

[7]               Le juge Yves de Montigny a déclaré ce qui suit à cet égard dans la décision Serda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 356, 146 A.C.W.S. (3d) 1057 :

[20]      L’une des pierres angulaires de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est l’obligation, pour les personnes qui souhaitent s’établir de manière permanente au Canada, de soumettre avant leur arrivée au Canada une demande hors du Canada, de satisfaire aux critères relatifs au statut de résident permanent et d’obtenir un visa de résidence permanente. L’article 25 de la Loi donne au ministre la possibilité d’autoriser certaines personnes, dans les cas qui le justifient, à déposer leur demande depuis le Canada. Cette mesure se veut clairement une mesure d’exception, comme l’indique le libellé de cette disposition. [...]

[Non souligné dans l’original.]

 

[8]               En outre, « [l]e processus de décision pour les demandes CH est tout à fait discrétionnaire et sert à déterminer si l’octroi d’une exemption est justifié » (Kawtharani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 162, 146 A.C.W.S. (3d) 338, paragraphe 15).

 

[9]               C’est à M. Sharma qu’incombe le fardeau de démontrer que les difficultés qu’il subirait, s’il devait présenter sa demande de résidence permanente de la manière habituelle, constitueraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives, soit le critère adopté, notamment, dans les décisions qui suivent : Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 94, 228 F.T.R. 19 (C.A.F.); Monteiro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1322, 166 A.C.W.S. (3d) 556, paragraphe 20; Samsonov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1158, 157 A.C.W.S. (3d) 822; Hamzai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1108, 152 A.C.W.S. (3d) 137, paragraphe 21; Liniewska c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 591, 152 A.C.W.S. (3d) 500, paragraphe 9; Ruiz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 465, 147 A.C.W.S. (3d) 1050, paragraphe 35; Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 C.F. 358 (C.A.), paragraphes 23 et 28.

 

[10]           Dans la décision Serda, précitée, le juge de Montigny a déclaré ce qui suit :

[21]      Il serait clairement à l’encontre de l’objet de la Loi de prétendre que plus un demandeur reste longtemps au Canada en situation illégale, meilleures sont ses chances d’être autorisé à s’établir de manière permanente et ce, même si ce demandeur ne satisfait pas aux critères lui permettant d’obtenir le statut de réfugié ou de résident permanent. Cet argument circulaire a effectivement été examiné par l’agente d’immigration mais il n’a pas été retenu. Cette conclusion ne m’apparaît pas déraisonnable.

 

[11]           Par ailleurs, « [i]l est de jurisprudence constante que les difficultés causées au demandeur doivent être plus sévères que les simples inconvénients ou coûts prévisibles qu’entraînerait son départ du Canada, tels que la vente d’une maison ou d’une voiture ou le fait de devoir se séparer des membres de sa famille ou de ses amis (Hamzai, précitée; se reporter également à Monteiro, précitée, paragraphe 20, et à Liniewska, précitée, paragraphe 9).

 

[12]           La Cour ne devrait pas intervenir dans la décision d’un agent à moins que celle-ci ne soit déraisonnable, l’agent n’ayant pas, dans ses motifs, procédé à une analyse intrinsèquement logique fondée sur la preuve dont il disposait et pouvant conduire à la conclusion qui a été la sienne (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 174 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.); Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 R.C.S. 247).

 

[13]           La Cour n’a pas pour rôle de reconsidérer la valeur probante qu’a reconnue un agent aux divers facteurs qu’il a pris en compte pour décider s’il devait ou non accorder à un étranger une dispense fondée sur des considérations humanitaires (Legault, précité).

 

La norme de contrôle

[14]           Depuis le récent arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 de la Cour suprême, la norme de contrôle qui doit recevoir application est celle de la raisonnabilité :

[51]      Après avoir examiné la nature des normes de contrôle, nous nous penchons maintenant sur le mode de détermination de la norme applicable dans un cas donné.  Nous verrons qu’en présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, et lorsque le droit et les faits ne peuvent être aisément dissociés, la norme de la raisonnabilité s’applique généralement.  De nombreuses questions de droit commandent l’application de la norme de la décision correcte, mais certaines d’entre elles sont assujetties à la norme plus déférente de la raisonnabilité.

 

[...]

 

[53]      En présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, la retenue s’impose habituellement d’emblée (Mossop, p. 599-600; Dr Q, par. 29; Suresh, par. 29-30).  Nous sommes d’avis que la même norme de contrôle doit s’appliquer lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent aisément être dissociés. [Non souligné dans l’original.]

 

[15]           L’agent a fait remarquer que M. Sharma avait avancé les mêmes allégations de risque que celles qu’il avait présentées à la CISR; or, la CISR a rejeté sa demande d’asile car il pouvait, en Inde, se réclamer de la protection de l’État. Le 11 juin 2004, en outre, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de M. Sharma à l’encontre de cette décision. L’agent a également souligné que, dans le cadre d’une demande pour considérations humanitaires, le risque était apprécié d’une manière plus large compte tenu de l’ampleur des difficultés que pourrait subir le demandeur.

 

[16]           L’agent a conclu comme suit son analyse :

[traduction]

Après analyse de la preuve produite par le demandeur au soutien de ses allégations, je conclus que ce dernier n’a pas démontré qu’il courrait personnellement un risque s’il devait retourner en Inde. Le demandeur n’a pas présenté une preuve permettant de démontrer qu’il serait une personne d’intérêt ou une cible pour le gang Tyagi, un gang de criminels, ni de corroborer les faits et les événements allégués en lien avec sa situation personnelle.

 

Même si l’examen des risques dans le cadre d’une demande de dispense aux fins de la délivrance d’un visa est d’une plus large portée que l’analyse des risques effectuée pour une demande d’asile par la SPR, ou dans le cadre d’une demande d’ERAR, je ne suis pas convaincu, après examen attentif de tous les éléments de preuve présentés par le demandeur, que ce dernier serait exposé à un risque advenant son retour en Inde, ni que sa situation personnelle justifie qu’il soit dispensé de l’obligation imposée quant à la délivrance d’un visa de résident permanent. Le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau lui incombant d’établir l’existence d’un risque en cas de retour dans son pays qui équivaille à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

(Dossier du demandeur, demandes pour considérations humanitaires – Note versée au dossier, page 8).

 

[17]           Dans la récente décision Jakhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 159, [2009] A.C.F. n° 203 (QL), où était contesté le rejet d’une demande fondée sur des considérations humanitaires, la Cour a déclaré ce qui suit quant au fait pour un demandeur de s’appuyer sur la preuve documentaire générale :

[27]      Quoi qu’il en soit, il ne suffit pas que le demandeur fasse référence à la preuve documentaire objective, relative à la situation du pays en général, dans sa tentative de prouver un risque personnalisé; voir par exemple Nazaire c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 416; Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 719. Il incombait au demandeur d’établir un lien entre les faits propres à son affaire et la preuve documentaire objective. Il ne l’a pas fait. [Non souligné dans l’original.]

 

[18]           Les critères utilisés pour l’analyse de la demande pour considérations humanitaires de M. Sharma servaient à établir si la présentation, depuis l’extérieur du Canada, d’une demande de résidence permanente le soumettrait à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Manifestement, l’agent n’a ni fait abstraction d’éléments de preuve dont il disposait, ni mal compris la question qu’il avait à trancher (de Guevara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1115, 141 A.C.W.S. (3d) 807, paragraphe 12).

 

[19]           L’agent a évalué les facteurs de risque allégués par M. Sharma et pris en compte la preuve documentaire pertinente. La décision et les motifs de l’agent dénotaient une analyse détaillée des observations de M. Sharma et ses conclusions étaient étayées par la preuve.

 

[20]           L’agent a démontré qu’il avait bien tenu compte des facteurs de risque dans l’évaluation des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Sa conclusion a été défavorable.

 

[21]           L’agent a apprécié en fonction du critère approprié la demande pour considérations humanitaires de M. Sharma.

 

[22]           Dans son mémoire, M. Sharma a prétendu que l’agent avait évalué erronément son degré d’établissement au Canada ainsi que le temps qu’il y avait passé.

 

[23]           Dans la décision Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 413, 138 A.C.W.S. (3d) 350, le juge Pierre Blais a déclaré que, si le temps passé au Canada et le degré d’établissement dans la collectivité étaient des facteurs importants, ils n’étaient pas déterminants aux fins d’une demande de résidence permanente pour considérations humanitaires :

[9]        À mon avis, l’agent n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a indiqué que le temps passé au Canada par les demandeurs et leur établissement dans la communauté étaient des facteurs importants, mais non déterminants. Si la durée du séjour au Canada devait devenir le principal facteur dont il faut tenir compte dans le cadre de l’examen d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, cela encouragerait les gens à tenter leur chance et à revendiquer le statut de réfugié en croyant que, s’ils peuvent rester au Canada suffisamment longtemps pour démontrer qu’ils sont le genre de gens que le Canada recherche, ils seront autorisés à rester [...] [Non souligné dans l’original.]

 

[24]           Dans une affaire similaire, le juge Edmond Blanchard a expliqué qu’il ne s’agissait vraiment pas de se demander, dans le cadre d’une demande pour considérations humanitaires, si les demandeurs étaient devenus ou pas des modèles de comportement au sein de la société canadienne. La norme applicable consistait plutôt à établir si le fait de demander un visa de résident permanent depuis l’étranger occasionnerait des difficultés inhabituelles, injustes ou indues :

[21]      Le demandeur affirme aussi que l’agente n’a pas examiné la totalité de la preuve relative à son niveau d’établissement. Le demandeur soutient que l’agente avait devant elle des preuves suffisantes pour l’amener à conclure que le demandeur était établi au Canada. Sur ce point, l’agente a estimé que le demandeur justifiait d’un certain niveau d’établissement, mais qu’elle n’était pas persuadée que ce niveau d’établissement l’emportait sur d’autres facteurs considérés dans l’évaluation des difficultés.

 

[22]      Il appartient au demandeur de prouver que la règle l’obligeant à demander un visa depuis l’extérieur du Canada entraînerait pour lui des difficultés inhabituelles, injustes ou indues. Le demandeur a pris le risque de s’établir au Canada alors que son statut d’immigrant était incertain, et en sachant qu’il pourrait avoir l’obligation de partir. Maintenant qu’il peut être tenu de partir et de demander le droit d’établissement depuis l’extérieur du Canada, le demandeur ne peut aujourd’hui, puisqu’il a pris ce risque, et compte tenu des faits, prétendre que les difficultés sont inhabituelles, injustes ou indues. Les propos de M. le juge Pelletier, dans l’affaire Irmie c. M.C.I. (2000), 10 Imm. L.R. (3d) 206 (C.F. 1re inst.), sont applicables à la présente affaire :

 

Je reviens à l’observation que j’ai faite, à savoir que la preuve donne à entendre que les demandeurs s’intégreraient avec succès dans la collectivité canadienne. Malheureusement, tel n’est pas le critère. Si l’on appliquait ce critère, la procédure d’examen des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire deviendrait un mécanisme d’examen ex post facto l’emportant sur la procédure d’examen préalable prévue par la Loi sur l’immigration et par son règlement d’application. Cela encouragerait les gens à tenter leur chance et à revendiquer le statut de réfugié en croyant que s’ils peuvent rester au Canada suffisamment longtemps pour démontrer qu’ils sont le genre de gens que le Canada recherche, ils seront autorisés à rester. La procédure applicable aux demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire n’est pas destinée à éliminer les difficultés; elle est destinée à accorder une réparation en cas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Le refus de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire causera sans doute des difficultés aux demandeurs, mais eu égard aux circonstances de leur présence au Canada et à l’état du dossier, il ne s’agit pas d’une difficulté inhabituelle, injustifiée ou excessive [...] [Non souligné dans l’original.]

 

(Uddin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 937, 116 A.C.W.S. (3d) 930).

 

[25]           Dans le même ordre d’idée, l’on pourra consulter Mann c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 567, 114 A.C.W.S. (3d) 508 :

[11]      Je tiens à signaler le plaidoyer éloquent qu’a fait l’avocate du demandeur et à souligner la sympathie qu’inspire, à mon avis, le cas du demandeur. Cette sympathie découle en particulier de la longue période que le demandeur a passée au Canada, des difficultés qu’il a rencontrées et qu’il a, selon toute vraisemblance, surmontées pendant qu’il se trouvait au Canada, de la nouvelle relation qu’il a nouée au Canada et de l’enfant canadien qui est issu de cette relation et du fait que le demandeur est évidemment maintenant plus près de ses parents et amis canadiens qu’il ne l’est probablement des membres de sa famille qui vivent en Inde, compte tenu surtout de sa longue absence de l’Inde et de la procédure de divorce qu’il a entamée en Inde. Ceci étant dit, je ne puis conclure que la fonctionnaire de l’Immigration a ignoré ou mal interprété les éléments de preuve portés à sa connaissance, qu’elle a tenu compte d’éléments non pertinents ou qu’elle n’a pas tenu compte de l’intérêt de l’enfant né au Canada du demandeur. Je suis convaincu qu’il ressort des notes de la fonctionnaire de l’Immigration dont j’ai déjà cité des extraits que celle-ci a tenu compte de tous les facteurs portés à sa connaissance par le demandeur et dont elle devait tenir compte. Le fait que j’aurais pu apprécier différemment ces facteurs ne constitue pas une raison qui justifierait de faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire. [Non souligné dans l’original.].

 

(Se reporter également à la décision, Serda, précitée).

 

[26]           En outre, le degré d’établissement au Canada n’est qu’un facteur parmi d’autres dont l’agent, dans le cadre d’une demande pour considérations humanitaires, doit tenir compte pour en arriver à sa décision. Ce n’est pas un facteur déterminant à lui seul (Samsonov, précitée, paragraphe 18).

 

[27]           Le demandeur qui souhaite être dispensé de l’application du paragraphe 11(1) de la LIPR doit satisfaire à un critère très exigeant. L’objet du processus de demande pour considérations humanitaires n’est pas d’éliminer les difficultés subies, par nature, lorsqu’il nous est demandé de quitter un lieu où l’on se trouve depuis un certain temps déjà, mais plutôt d’accorder réparation à un demandeur qui subirait des « difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives » s’il devait quitter le Canada et présenter sa demande à l’étranger, tel que le veut la règle habituelle. Le fait pour M. Sharma de devoir quitter un emploi ou sa famille n’occasionne pas nécessairement des difficultés injustifiées ou excessives; c’est plutôt là une conséquence du risque couru par lui en demeurant au Canada sans disposer du droit d’établissement (Monteiro, précitée; Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1474, 154 A.C.W.S. (3d) 689, paragraphe 9).

 

[28]           Les motifs de l’agent satisfont au critère du caractère suffisant car ils permettent à M. Sharma de savoir pour quelles raisons sa demande a été rejetée, et ne font pas obstacle à une demande de contrôle judiciaire.

 

[29]           Il est de jurisprudence constante que l’exposé vise des motifs a deux objets principaux, soit de permettre aux parties, d’une part, de constater que les points soulevés ont bien été examinés, et d’autre part, d’exercer leur droit d’appel ou de révision judiciaire (Via Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25, 100 A.C.W.S. (3d) 705 (C.A.); Townsend c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 371, 231 F.T.R. 116; Fabian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1527, 244 F.T.R. 223).

 

[30]           Dans l’arrêt R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869, la Cour suprême du Canada a statué que l’insuffisance des motifs ne créait pas un droit d’appel distinct car cela ne constituait pas automatiquement une erreur susceptible de révision. La partie qui sollicite l’annulation d’une décision pour insuffisance des motifs doit démontrer que celle-ci a porté atteinte à l’exercice d’un droit d’appel qui lui est conféré par la loi (se reporter également à R. c. Kendall (2005), 75 O.R. (3d) 565, 66 W.C.B. (2d) 633, paragraphe 44 (C.A. Ont.)).

 

[31]           Dans la décision Siman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1283, [2008] A.C.F. n° 1624 (QL), la Cour a rejeté comme suit l’argument de la demanderesse concernant l’insuffisance des motifs formulés par l’agent quant au refus d’une demande fondée sur des considérations humanitaires :

[45]      Selon le défendeur, l’agent a clairement dit que le niveau d’établissement de la demanderesse au Canada n’allait pas au-delà de ce à quoi l’on pouvait raisonnablement s’attendre de la part d’une personne qui a vécu au Canada durant moins de quatre ans, et les difficultés normales entraînées par l’obligation de rompre des liens avec la collectivité et avec un emploi pour se prévaloir d’un programme de la manière envisagée par la loi n’équivaut pas à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. L’agent a aussi relevé que les prétendues difficultés économiques que causerait à la demanderesse l’obligation de solliciter un visa de résidente permanente depuis les Philippines ne dépassaient pas les difficultés habituelles qu’avait à l’esprit le législateur. Les motifs de l’agent répondent donc suffisamment à l’argument de la demanderesse relatif aux difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives, et ils sont suffisants pour qu’elle puisse exercer son droit de déposer une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

[46]      La Cour juge que l’agent a rédigé des motifs convaincants et suffisants pour expliquer son refus de faire droit à la demande fondée sur des considérations humanitaires. La demanderesse n’a pas prouvé que l’agent s’est fourvoyé.

[Non souligné dans l’original.]

 

IV.  Conclusion

[32]           Pour tous les motifs susmentionnés, l’agent a convenablement pris en compte la situation de M. Sharma, et la tentative faite par ce dernier pour que la Cour apprécie à nouveau la preuve n’est pas justifiée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER                                           IMM-1313-08

 

INTITULÉ :                                       ANIL SHARMA

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 6 octobre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrea C. Snizynsky

 

POUR LE DEMANDEUR

Lisa Maziade

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Andréa C. Snizynsky

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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