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Date : 20091016

Dossier : IMM-2183-09

Référence : 2009 CF 1057

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 16 octobre 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

LUCIA AVILA ORTEGA

MARIA CAROLINA AVILA ORTEGA

 

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission a conclu que Mme Lucia Avila Ortega et Mme Maria Carolina Avila Ortega n’avaient ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens de la Loi. La question déterminante était de savoir si les demanderesses avaient déployé des efforts adéquats pour essayer de se prévaloir de la protection de l’État avant de demander la protection internationale et si ces efforts et la preuve déposée avaient réfuté la présomption de la protection de l’État.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Résumé des faits

[3]               Mme Lucia Avila Ortega et sa sœur Mme Maria Carolina Avila Ortega, respectivement âgées de 27 et 25 ans, sont citoyennes du Mexique et vivent dans le quartier de Tultitlan, dans le district fédéral de Mexico.

 

[4]               À la fin de l’année 2004, les demanderesses ont commencé à se faire harceler par deux trafiquants de drogue qui avaient déménagé dans le logement à côté dans leur résidence familiale. Un de ces hommes était surnommé El Tigre. Au début, le harcèlement se limitait à des agressions verbales, à du harcèlement sexuel et à des menaces de violence. Le harcèlement et les menaces ont fait en sorte que les demanderesses craignaient de quitter leur maison et, par conséquent, elles ont abandonné leurs études en avril 2006. Les demanderesses n’ont pas informé leur famille des problèmes que ces hommes leur causaient de crainte que la réaction des membres de leur famille ne les expose à la violence de ces hommes.

 

[5]               Le 25 février 2007, la situation s’est grandement envenimée. El Tigre et un autre homme ont approché les demanderesses par derrière et, sous la menace d’un pistolet, les ont agressées sexuellement. Les hommes ont menacé les demanderesses de les agresser de nouveau si elles portaient plainte à la police. Les demanderesses ont discuté de cet incident avec leur sœur aînée, mais elles ont décidé de ne pas s’adresser à la police parce qu’elles pensaient que cela ne ferait qu’empirer la situation et parce que leurs agresseurs avaient auparavant affirmé être responsables de la mort d’un agent de police.

 

[6]               Le 6 avril 2007, les demanderesses ont encore été attaquées. Cette fois­ci elles ont été entraînées de force dans le logement voisin, où elles ont toutes deux été agressées sexuellement. Les demanderesses ne se souviennent pas très bien de cet incident. Ni leurs Formulaires de renseignements personnels ni la décision de la Commission ne semblent mentionner que l’un des deux hommes était El Tigre, mais cela semble ressortir de leur témoignage. Les demanderesses ont par la suite informé leur famille de l’incident. Il a été convenu que les demanderesses iraient à Veracruz pendant quelques jours. Personne ne s’est adressé à la police en ce qui concerne l’une ou l’autre des agressions sexuelles.

 

[7]               Les demanderesses sont allées à Veracruz, qui se trouve dans un autre État et à des centaines de kilomètres de leur résidence, afin de vivre chez un ami de la famille. Elles ont vu El Tigre à l’extérieur de la maison où elles demeuraient. Après avoir révélé ce renseignement à l’ami de la famille, les demanderesses se sont laissé convaincre de déposer une plainte au poste de police local. Les demanderesses s’y sont rendues le 8 avril 2007. Elles affirment ne pas avoir été interrogées par la police, mais avoir rédigé une déclaration écrite et on leur a dit qu’on communiquerait avec elles plus tard. Aucune forme de protection immédiate ne leur a été offerte.

 

[8]               Les demanderesses ont affirmé que, le soir même, l’ami de la famille a vu la même auto que conduisait El Tigre le jour précédent et qu’une personne qu’elles n’ont pas pu identifier a été entendue près de la maison. Les demanderesses ont conclu qu’elles n’étaient plus en sécurité à Veracruz et elles sont retournées chez elles. Elles avaient déjà acheté des billets pour se rendre à Vancouver le 12 avril 2007. Après leur arrivée au Canada, les demanderesses ont appris que leur frère avait été attaqué le 28 avril 2007 par les trafiquants de drogue allégués. Cet incident a incité les demanderesses à présenter des demandes d’asile le 1er mai 2007.

 

[9]               En septembre 2007, les demanderesses ont été informées que l’enquête de la police sur la plainte qu’elles avaient déposée à Veracruz avait été suspendue entre autres parce que l’identité du suspect ne pouvait pas être confirmée. On mentionnait également dans l’avis que les demanderesses avaient 10 jours pour interjeter appel. Aucun appel n’a été interjeté; les demanderesses étaient déjà au Canada.

 

[10]           La Commission a conclu que les demanderesses étaient de manière générale crédibles et elle a accepté leurs explications concernant toutes les incohérences qui existaient entre leur témoignage et la preuve documentaire au dossier. La Commission a affirmé que la question déterminante en l’espèce était la protection de l’État. Elle a noté que les demanderesses avaient sollicité de la protection à une seule occasion en ce qui concerne les faits qui s’étaient produits entre la fin de l’année 2004 et avril 2007. La Commission a mentionné ce qui suit :

Les demanderesses d’asile n’ont jamais déposé de plainte à la police dans le quartier où elles vivaient, là où elles ont été harcelées pendant des années, où les hommes menaient prétendument leurs activités de trafic de stupéfiants et où les deux sœurs ont subi les deux agressions sexuelles violentes. La police locale aurait pu non seulement recevoir les détails des événements, mais également être dirigée vers la porte voisine, où les agresseurs vivaient. L’omission de demander la protection dans le quartier où elles vivaient était déraisonnable.

 

La conduite susmentionnée ne cadre pas avec une crainte fondée des demanderesses d’asile de subir d’autres préjudices ni ne démontre une réelle tentative d’obtenir la protection de l’État. Les demanderesses d’asile n’ont pas fait tout ce qu’elles pouvaient raisonnablement faire pour aviser ou informer la police. Elles ont également mentionné que la police n’avait jamais demandé de pot‑de‑vin pour offrir sa protection.

 

[11]           La Commission a renvoyé à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Kadenko (1996), 143 D.L.R. (4th) 532 (C.A.F.), pour appuyer l’affirmation que le « fardeau de la preuve qui incombe à un demandeur d’asile pour réfuter la présomption de protection de l’État est directement proportionnel au degré de démocratie atteint chez l’État en cause ». La Commission a noté que le Mexique était une « nouvelle démocratie » et qu’on était donc en droit de s’attendre à ce que les demanderesses aient sollicité la protection des autorités.

 

[12]           La Commission, qui renvoyait à l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca (1992), 99 D.L.R. (4th) 334, a déclaré qu’une protection efficace ne voulait pas dire que la protection serait garantie en tout temps. Suivant la décision Smirnov c. Canada (Secrétaire d’État), [1995] 1 C.F. 780 (C.F. 1re inst.), la Commission a affirmé qu’il ne faut pas fixer le degré d’efficacité de la protection trop haut. La Commission a ainsi conclu que, « dans la mesure où le gouvernement entreprend des démarches sérieuses, avec un niveau d’efficacité acceptable, pour assurer ou accroître la protection des personnes, celles‑ci doivent demander cette protection ».

 

[13]           La Commission a résumé les mesures que le Mexique avait prises afin d’accroître la protection. Elle a conclu que, même si l’appareil judiciaire pénal du Mexique n’était pas parfait, « il n’y a pas d’éléments de preuve convaincants qui m’amènent à conclure […] à l’effondrement complet de l’appareil étatique ou au refus de la police d’enquêter sur des agressions sexuelles graves non perpétrées par un membre de la famille ». Sur le fondement de l’arrêt Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, la Commission a déclaré qu’il incombait aux demanderesses de réfuter la présomption de la protection de l’État par le dépôt d’éléments de preuve pertinents, dignes de foi et convaincants établissant que la protection de l’État était inadéquate.

 

[14]           La Commission a noté que la question de la protection de l’État permettrait de trancher les deux demandes suivant les articles 96 et 97 de la Loi. Sur ce fondement, la Commission a conclu que les demanderesses n’avaient ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger et elle a rejeté leurs demandes.

 

LA QUESTION EN LITIGE

[15]           Les demanderesses ont soulevé la question en litige suivante : La Commission a­t­elle commis une erreur en appliquant le critère de la protection de l’État aux faits?

 

ANALYSE

[16]           Les demanderesses ont soulevé un certain nombre de points qui, selon elles, révèlent que la décision est déraisonnable.

 

[17]           Elles soutiennent que la décision était déraisonnable pour les motifs suivants :

a.       la Commission n’a pas utilisé une approche contextuelle lors de l’analyse de la protection de l’état;

b.      la preuve documentaire dont disposait la Commission étayait une conclusion selon laquelle la protection de l’État ne leur était pas offerte;

c.       la Commission a seulement mentionné des éléments de preuve documentaire datant de 2004 à 2006 et a omis de tenir compte d’éléments de preuve plus récents;

d.      la Commission n’a pas expliqué pourquoi elle avait privilégié la preuve sur laquelle elle s’était fondée et non la preuve contradictoire;

e.       la Commission n’a pas tenu compte de la réponse donnée par la police de Veracruz, laquelle, selon les demanderesses, était révélatrice de la réponse qu’elles auraient reçue à Mexico;

f.        la Commission n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle la police au Mexique n’était pas capable d’assurer sa propre protection, et encore moins celle des citoyens ordinaires.

 

[18]           Le défendeur soutient que la Commission a correctement mentionné les critères relatifs à la protection de l’État et qu’elle a appliqué les critères de façon raisonnable. Il soutient que la Commission a bien considéré et apprécié l’ensemble de la preuve parce qu’elle a mentionné qu’elle avait « examiné l’ensemble de la preuve […] ». Le défendeur affirme que la mention par la Commission de cinq documents précis tirés de la preuve documentaire donne également à penser que la Commission a effectué un examen détaillé et minutieux du dossier de preuve, et il qualifie la contestation des demanderesses à cet égard de tentative injustifiée de faire réexaminer la preuve : Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178.

 

[19]           Le défendeur avance que le raisonnement de la Commission était clair et transparent et que la Commission a adéquatement expliqué ses motifs. Il plaide que l’analyse des faits effectuée par la Commission était raisonnable et qu’il était logique de supposer que, si les demanderesses s’étaient adressées à la police de Mexico, cette dernière aurait été plus efficace et plus encline à prendre des initiatives en ce qui concerne le traitement de la plainte des demanderesses que la police Veracruz.

 

[20]           Les parties conviennent dans une grande mesure du droit applicable en matière de protection de l’État, mais elles ne s’entendent pas sur la question de savoir si ce droit a été appliqué de façon adéquate en l’espèce. La question de savoir si les demanderesses auraient pu bénéficier d’une protection de l’État adéquate constitue une question mixte de fait et de droit et, par conséquent, la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité : Zepeda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 491, paragraphes 8 à 10.

 

[21]           Il existe une présomption que tous les États peuvent et veulent assurer la protection de leurs citoyens : Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, page 725. Cette présomption cadre bien avec la notion que la protection des réfugiés est un régime auxiliaire de protection, et elle la renforce : Ward, page 726. La présomption établit une charge de présentation dont doit s’acquitter le demandeur en déposant une preuve claire et convaincante qui soit aussi pertinente que digne de foi et qui convainc la Commission, selon la prépondérance de la preuve, que la protection de l’État est inadéquate : Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.), 2008 CAF 94.

 

[22]           Un demandeur n’a pas à solliciter la protection de l’État s’il est objectivement raisonnable de présumer qu’elle ne serait pas assurée. « [L]’omission du demandeur de s’adresser à l’État pour obtenir sa protection fera échouer sa revendication seulement dans le cas où la protection de l’État [traduction] « aurait pu raisonnablement être assurée » [non souligné dans l’original] : Ward, page 724.

 

[23]           Aux pages 724 et 725 de l’arrêt Ward, le juge LaForest a décrit deux types d’éléments de preuve qu’un demandeur pourrait fournir afin de réfuter la présomption de la protection de l’État : (1) la preuve que le demandeur a bien essayé d’obtenir la protection de l’État et qu’il ne l’a pas obtenue, (2) la preuve que des personnes se trouvant dans une situation semblable ont été incapables d’obtenir la protection de l’État. Il ne voulait pas que ces exemples soient exhaustifs; cependant, ces exemples illustrent bien les types d’éléments de preuve les plus souvent présentés par les demandeurs.

 

[24]           La protection de l’État ne peut pas être déterminée isolément. La volonté et la capacité des États de protéger leurs citoyens peuvent être liées à la nature de la persécution en question. En résumé, le contexte est important. Citant la décision Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 79, les demanderesses soutiennent que la Commission n’a pas utilisé une approche contextuelle dans l’examen visant à déterminer si une protection de l’État efficace aurait pu être raisonnablement assurée si elles avaient déployé d’autres efforts pour obtenir de la protection. Je conviens qu’une approche contextuelle doit être appliquée lors de l’examen de la protection de l’État, mais je ne conviens pas que la Commission a omis de l’appliquer en l’espèce. La Commission a reconnu la nature de la persécution en question, et il est évident que c’est au regard de cette conclusion que la Commission a examiné l’existence de la protection de l’État. La Commission a conclu que rien ne donnait à penser, selon la prépondérance de la preuve, que, si les demanderesses avaient communiqué avec la police de façon plus concertée, la police « [aurait refusé] d’enquêter sur des agressions sexuelles graves non perpétrées par un membre de la famille». Dans cet extrait, la Commission montre sa connaissance du contexte de la situation, c’est­à­dire les agressions sexuelles graves non perpétrées par des membres de la famille; c’est ce que la Commission devait faire et cela ne révèle pas d’erreur susceptible de contrôle.

 

[25]           Avant de me pencher sur la seule réelle tentative des demanderesses d’obtenir la protection de l’État, j’aborderai la preuve présentée par les demanderesses à la Commission. Dans leur mémoire des faits et du droit, les demanderesses ont affirmé ce qui suit en ce qui concerne la preuve qui avait été déposée :

[traduction]

Environ 100 pages d’éléments de preuve documentaire ont été déposées en ce qui concerne la capacité des forces de police du Mexique de protéger ses citoyens contre les crimes. La preuve documentaire portait en particulier sur la capacité de l’État à protéger ses citoyens des menaces de violence proférées par les trafiquants de drogue et sur les problèmes particuliers auxquels sont exposées les femmes victimes d’agression sexuelle ou de violence familiale. L’article et les rapports étaient tous très récents : ils avaient été publiés entre mai 2006 et novembre 2008, soit un mois avant l’audience.

 

[26]           Je fais remarquer que le commissaire a bien affirmé dans sa décision qu’il avait lu l’ensemble de la preuve déposée et en avait tenu compte, y compris la preuve qui n’avait pas été expressément mentionnée et qui, selon les demanderesses, n’aurait donc pas été examinée par le commissaire.

 

[27]           Les documents présentés portent sur les sujets suivants : le fait que l’on ne reconnaisse pas suffisamment la violence familiale contre les femmes; que les cartels de la drogue au Mexique seraient responsables de l’écrasement d’un avion transportant des fonctionnaires mexicains participant aux procédures judiciaires contre les trafiquants de drogue; que les Nord-Américains qui veulent partir en vacances évitent le Mexique en raison des dangers posés par le trafic de la drogue; que des personnes que l’on croit liées au trafic de la drogue ont embusqué des membres de la police de l’État et ont fait feu sur eux; que le chef de police de Mexico a démissionné en raison d’allégations de corruption dans les forces de la police; que des têtes tranchées ont été envoyées à un poste de police près de la frontière des États­Unis; que des écoliers à Tijuana ont été traumatisés après avoir vu un endroit où un certain nombre d’hommes avaient été tués par des membres d’un cartel de la drogue; que l’on craint d’être kidnappé au Mexique; que des agents de police ont été arrêtés pour leurs liens avec les cartels de la drogue et que des femmes arrêtées par la police dans le cadre d’une mesure de répression visant les revendeurs faisant affaire dans la rue ont allégué que plusieurs d’entre elles avaient été violées par des agents de police, et d’autres récits semblables.

 

[28]           Bien que tous ces récits, s’ils sont véridiques, soient tragiques, ils ne renvoient pas à la situation personnelle des demanderesses en l’espèce. Ils ne fournissent pas d’élément de preuve portant sur des personnes qui se trouvent dans une situation semblable et qui n’ont pas réussi à obtenir la protection de l’État. Les personnes se trouvant dans une situation semblable dans le présent contexte seraient des femmes qui auraient été harcelées et victimes d’agression sexuelle non perpétrée par des membres de leur famille. En l’espèce, les agressions auraient été perpétrées par des personnes qui seraient des revendeurs de drogue. Rien dans la preuve présentée par les demanderesses ne révèle que les trafiquants de drogue sont à l’abri des enquêtes de la police, malgré leurs efforts visant à intimider les forces de police. En fait, la preuve témoignant des meurtres d’agents de police et de fonctionnaires donne à penser que la police s’attaque aux trafiquants de drogue; autrement, de telles actions ne seraient pas nécessaires. En outre, lorsque les demanderesses se sont adressées à la police à Veracruz, la police n’a pas refusé de les aider (même si les demanderesses remettent en question le caractère adéquat de l’aide), malgré que les personnes dont elles se plaignaient étaient des trafiquants de drogue.

 

[29]           En résumé, rien dans la preuve présentée par les demanderesses ne donne à penser que la conclusion de la Commission, selon laquelle « [la police refuserait] d’enquêter sur des agressions sexuelles graves non perpétrées par un membre de la famille », n’est pas raisonnable. En outre, le dossier ne révèle pas qu’il y avait des éléments de preuve récents au dossier qui étaient contraires à ceux sur lesquels le commissaire s’était fondé et qui auraient dû être examinés et mentionnés et dont l’inapplicabilité aurait dû être établie par le commissaire.

 

[30]           L’autre type d’éléments de preuve qui, suivant le juge LaForest, pourrait réfuter la présomption de la protection de l’État est la preuve que le demandeur a bien essayé d’obtenir la protection de l’État et qu’il ne l’a pas obtenue.

 

[31]           En l’espèce, pour tenter d’obtenir la protection de l’État, les demanderesses se sont adressées à la police à Veracruz. Elles ont allégué que la police ne leur aurait pas fourni de protection. Cependant, cette omission doit être examinée au regard de la plainte présentée à la police. Premièrement, aucune copie de la plainte n’a été déposée à la Commission. Deuxièmement, le seul document présenté en preuve décrit leur plainte comme portant sur le crime suivant : « menaces et tout ce qui en découlait ». Troisièmement, la police a bien enquêté sur la plainte, mais a décidé de ne pas y donner suite parce que [traduction] « les conditions prévues à l’article 16 de la Constitution générale de la République n’étaient pas remplies; en outre, l’identité des défendeurs allégués n’a pas été établie ».

 

[32]           Il ressort du rapport de police que les demanderesses ne se sont plaintes que des menaces qui leur ont été proférées par El Tigre et qu’aucune plainte n’avait été présentée en ce qui concerne les agressions sexuelles qu’elles avaient subies. En fait, on ne peut pas déterminer avec certitude ce qui avait été signalé à la police. Par conséquent, on ne peut affirmer que la plainte présentée aux autorités de Veracruz et leur réponse constituent une preuve claire et convaincante que les demanderesses avaient tenté en vain d’obtenir la protection de l’État.

 

[33]           On ne peut contester que la situation au Mexique est difficile ni que le degré de protection de l’État n’est pas aussi élevé qu’on pourrait l’espérer; cependant, les demanderesses n’ont pas établi que la protection de l’État n’était pas raisonnablement offerte dans la présente situation. Les demanderesses allèguent que la preuve révélant que des agents de police ont été tués aux mains des trafiquants de drogue montre que la police n’est pas capable d’assurer sa propre protection. Elles avancent ensuite que, si la police n’est pas capable d’assurer sa propre protection, comment peut­on affirmer qu’elle est capable d’offrir de la protection aux citoyens qu’elle est censée protéger? Je ne crois pas que la seconde proposition puisse être inférée de la première, même si la première est vraie. Les criminels ciblent souvent ceux qui souhaitent nuire à leurs activités criminelles; cela se produit partout, y compris au Canada, quoi que moins souvent qu’au Mexique.

 

[34]           Je conclus donc que la preuve dont disposait la Commission n’étayait pas une conclusion selon laquelle les demanderesses n’auraient pas pu obtenir une protection de l’État efficace.

 

[35]           La présente demande sera rejetée. Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification. Vu les faits, il n’y a aucune question à certifier.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE :

  1. que la demande de contrôle judiciaire est rejetée;
  2. qu’aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2183-09

 

INTITULÉ :                                                   LUCIA AVILA ORTEGA ET AL. c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER (C.‑B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 14 OCTOBRE 2009

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 16 OCTOBRE 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lobat Sadrehashemi

 

POUR LES DEMANDERESSES

Jennifer Dagsvik

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pivot Legal LLP

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (C.‑B.)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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