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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20091116


Dossier : T-562-09

Référence : 2009 CF 1156

Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Boivin

 

ENTRE :

SHERIDAN GARDNER

demanderesse

 

et

 

L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse et visant la décision de dernier palier du 3 mars 2009, par laquelle Paul Burkholder, vice-président, Ressources humaines, de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) (le décideur) a rejeté le grief au moyen duquel la demanderesse contestait le recouvrement en juin 2007, par la défenderesse, des paiements en trop que celle-ci lui avait faits en 1998 et en 2001.

 

Le contexte factuel

[2]               Mme Sheridan Gardner, la demanderesse, est une employée de la défenderesse et elle a été une employée de l’organisme l’ayant précédé, l’Agence des douanes et du revenu du Canada. Elle a été en congé sans solde pour motif médical pendant environ huit années et demie, à compter du 31 octobre 1998 jusqu’à son retour au travail le 4 juin 2007.

 

[3]               Le 10 novembre 1998, la demanderesse a reçu un chèque de paye ordinaire pour la période du 29 octobre au 11 novembre 1998. Par ce chèque, la demanderesse était payée pour huit jours ouvrables où elle n’avait en fait pas travaillé et qui ne pouvaient être rémunérés. Le montant du chèque de paye du 10 novembre 1998 comprenait un paiement en trop de 1 276,64 $.

 

[4]               Le 14 janvier 1999, par suite d’une augmentation de salaire obtenue pour son unité de négociation en octobre 1999, la demanderesse a reçu un paiement de 781,82 $ en salaire rétroactif pour la période du 17 août 1998 au 30 octobre 1998. La défenderesse a porté le montant total de 781,82 $ en révision de salaire en diminution du paiement en trop qui a résulté de l’émission du chèque de paye du 10 novembre 1998.

 

[5]               Par suite d’une seconde révision de salaire en novembre 2000, la demanderesse a reçu le 11 janvier 2001 la somme de 1 519,09 $ visant la période du 22 juin 2000 au 17 janvier 2001. Le montant net du chèque, encaissé par la demanderesse le 13 février 2001, s’élevait à 310,48 $. Le talon de paiement précisait que la défenderesse avait recouvré la somme de 494,82 $ au regard d’un paiement en trop versé antérieurement.

 

[6]               Le 6 mars 2001, la défenderesse a écrit à la demanderesse pour l’informer que le paiement en révision de salaire du 11 janvier 2001 avait été effectué par erreur, la demanderesse n’ayant droit à aucune augmentation de salaire rétroactive, parce qu’elle était en congé sans solde pendant la période en cause. On priait la demanderesse dans la lettre de communiquer avec un représentant de la défenderesse pour rectifier la situation. La demanderesse n’a pas donné suite à la lettre parce qu’elle était malade.

 

[7]               La demanderesse a ensuite reçu un feuillet T-4 pour l’année 2001 précisant qu’elle avait gagné un revenu de 1 519,09 $. Elle a écrit à la défenderesse pour l’informer que le feuillet T‑4 était inexact, et lui a demandé de modifier soit le formulaire, soit le montant du paiement. Un autre feuillet T‑4 a été émis, mais la demanderesse soutient qu’il renfermait encore des erreurs, le montant de 1 519,00 $ figurant par exemple encore à titre de rémunération assurable.

 

[8]               Par lettre datée du 14 mars 2002, la défenderesse a répondu à la demanderesse que celle-ci avait reçu par erreur le revenu dont faisait état son feuillet T‑4 et qu’elle n’avait pas droit au paiement effectué le 11 janvier 2001. Une note mentionnait [traduction] « Paiement en trop en suspens – 494,82 $ » et donnait des précisions sur les montants déduits du chèque de 2001. Dans cette lettre, on informait également la demanderesse que le paiement serait contre‑passé et qu’il en résulterait un paiement en trop révisé.

 

[9]               Le 21 mars 2002, un paiement en trop de 955,30 $ a été inscrit au dossier de la demanderesse. Pour en arriver à ce montant, on s’était fondé sur le fait qu’en raison du versement de janvier 2001 pour révision de salaire, la demanderesse devait à la défenderesse 115,82 $ à titre d’impôt irrécouvrable, 34,18 $ en cotisations d’assurance-emploi ainsi que 310,48 $, correspondant à la somme nette reçue par suite du paiement de janvier 2001.

 

[10]           Le 3 mai 2004, la demanderesse a reçu une trousse de renseignements en vue d’une éventuelle retraite pour raison médicale. On y indiquait que la demanderesse devait 955,30 $ à la Couronne, qui pourrait déduire cette somme de la pension de retraite si la demanderesse choisissait d’en toucher une pour raison d’ordre médical.

 

[11]           Le 31 octobre 2004, Mme Maureen O’Hara a écrit à la défenderesse au nom de la demanderesse pour obtenir des renseignements sur le montant de 955,30 $ dû par celle-ci à la Couronne. Le 3 février 2005, la défenderesse a transmis à Mme O’Hara, par courriel, des précisions à l’égard de cette dette.

 

[12]           La demanderesse est retournée travailler le 4 juin 2007, et a de nouveau demandé des renseignements sur la somme qu’elle devait prétendument à la Couronne. On l’a d’abord informée que son dossier ne permettait de constater l’existence d’aucune dette envers la Couronne. Le 7 juin 2007, toutefois, le premier chèque de paye de la demanderesse a été émis et, sur celui-ci, la défenderesse avait recouvré la somme de 955,30 $ due par la demanderesse à la Couronne.

 

[13]           Le 5 mai 2008, la demanderesse a déposé un grief par lequel elle contestait le recouvrement par la défenderesse de la somme de 955,30 $ sur son chèque de paye du 7 juin 2007. Le 3 mars 2009, le vice-président, Ressources humaines, de l’ASFC a rejeté le grief au dernier palier, au motif que l’employeur s’était conformé à la politique du Conseil du Trésor intitulée Recouvrement des montants dus à la Couronne (la Politique) et qu’il avait agi de manière à proroger le délai de prescription prévu à l’article 32, reproduit ci-après, de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50 (la LRCECA).

32. Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s’appliquent lors des poursuites auxquelles l’État est partie pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure se prescrit par six ans.

32. Except as otherwise provided in this Act or in any other Act of Parliament, the laws relating to prescription and the limitation of actions in force in a province between subject and subject apply to any proceedings by or against the Crown in respect of any cause of action arising in that province, and proceedings by or against the Crown in respect of a cause of action arising otherwise than in a province shall be taken within six years after the cause of action arose.

 

[14]           Le 8 avril 2009, la demanderesse a présenté une demande de contrôle judiciaire afin que soit annulée la décision du 3 mars 2009 de rejeter son grief.

 

La décision contestée

[15]           L’article 2.1 de la Politique prévoit que les paiements en trop au titre des traitements, des salaires ou de la paie et des allocations doivent être recouvrés intégralement sur les premières sommes dues à l’employé concerné. Par conséquent, selon le décideur, le recouvrement final effectué par l’employeur sur les premières sommes dues à la demanderesse après son retour au travail était conforme à cette politique.

 

[16]           La demanderesse a soutenu que l’employeur ne pouvait exiger un remboursement une fois expiré le délai de prescription de six ans prévu à l’article 32 de la LRCECA; en l’occurrence, le recouvrement a été effectué en juin 2007, soit six ans après le versement initial du paiement en trop. L’employeur n’avait donc pas le droit de procéder au recouvrement. Le délai de prescription prévu à l’article 32 peut toutefois être prorogé si le débiteur reconnaît l’existence de la dette ou si, à l’intérieur du délai, la Couronne engage une poursuite en recouvrement de la dette qui démontre qu’elle n’a pas renoncé à ce recouvrement. Le décideur a conclu qu’avait entraîné pareille prorogation l’envoi par les conseillers en rémunération de plusieurs lettres, datées des 6 mars 2001, 14 mars 2002, 3 mai 2004 et 3 février 2005, se rapportant au paiement en trop. Le grief de la demanderesse a donc été rejeté.

 

Les questions en litige

[17]           La présente demande soulève les questions suivantes :

1.      Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

2.      Le décideur a-t-il commis une erreur en rejetant le grief de la demanderesse et en concluant qu’il n’y avait pas eu prescription, de sorte que la défenderesse pouvait recouvrer de la demanderesse le salaire payé en trop de 955,30 $?

 

[18]           Les parties n’ont pas présenté à l’audience, comme elles l’avaient fait dans leurs observations écrites, des arguments sur la question de la compétence à l’égard du contrôle judiciaire. Il ne sera par conséquent pas nécessaire d’examiner cette question.

 

1.         Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

L’argumentation de la demanderesse

[19]           La demanderesse soutient qu’une décision de dernier palier de la procédure de grief est, de par l’article 214 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la LRTFP), assujettie à une clause privative de très faible portée, de telle sorte qu’une retenue judiciaire restreinte est requise à son égard. Aux termes de l’article 214 de la LRTFP, une décision au dernier palier de la procédure de grief est considérée « définitive et obligatoire et aucune mesure ne peut être prise sous le régime de la [LRTFP] à l’égard du grief en cause », et aux termes du paragraphe 233(1) de la LRTFP, « [l]a décision de l’arbitre de grief est définitive et ne peut être ni contestée ni révisée par voie judiciaire » (Hagel c. Canada (Procureur général), 2009 CF 329, [2009] A.C.F. n° 417 (QL), paragraphes 23 et 24) :

 

Décision definitive et obligatoire

214. Sauf dans le cas du grief individuel qui peut être renvoyé à l’arbitrage au titre de l’article 209, la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable en la matière est définitive et obligatoire et aucune autre mesure ne peut être prise sous le régime de la présente loi à l’égard du grief en cause.

Binding effect

214. If an individual grievance has been presented up to and including the final level in the grievance process and it is not one that under section 209 may be referred to adjudication, the decision on the grievance taken at the final level in the grievance process is final and binding for all purposes of this Act and no further action under this Act may be taken on it.

 

 

 

Caractère définitif des décisions

233. (1) La décision de l’arbitre de grief est définitive et ne peut être ni contestée ni révisée par voie judiciaire.

 

 

Interdiction de recours extraordinaires

(2) Il n’est admis aucun recours ni aucune décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action de l’arbitre de grief exercée dans le cadre de la présente partie.

Decisions not to be reviewed by court

233. (1) Every decision of an adjudicator is final and may not be questioned or reviewed in any court.

 

No review by certiorari, etc.

(2) No order may be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any of the adjudicator’s proceedings under this Part.

 

[20]           Toutefois, selon la demanderesse, la question du critère permettant d’établir s’il y a prescription quant au recouvrement de sommes sur le salaire d’un employé est une question de droit liée à l’interprétation des dispositions législatives applicables. Et, ajoute la demanderesse, le décideur au dernier palier de la procédure de grief ne dispose pas de l’expertise requise pour examiner cette question de droit.

 

[21]           Comme il est déclaré dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 55 et 60, les questions de droit étrangères au domaine d’expertise du décideur administratif appellent la norme de la décision correcte. C’est cette norme, en outre, qui est habituellement applicable aux questions de droit nécessaires au règlement d’un grief au sein de la fonction publique fédérale. Dans l’arrêt Aubert c. Canada (Transports), 2008 CAF 386, 387 N.R. 140, la Cour d’appel fédérale a déclaré, au paragraphe 11, qu’un « débat sur le régime de prescription applicable porte généralement sur une question de droit », et dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Assh, 2006 CAF 358, [2007] 4 R.C.F. 46, paragraphes 37, 38 et 40, la Cour d’appel fédérale a fait remarquer que les tribunaux étaient « plus disposés à considérer l’interprétation de la loi comme étant une question sur laquelle ils [avaient] au moins autant d’expertise que le tribunal qui fait l’objet du contrôle ».

 

[22]           La demanderesse soutient que, dans le cadre des demandes de contrôle judiciaire récemment présentées à l’encontre de décisions par lesquelles un décideur au dernier palier de la procédure de grief rejetait le grief d’un fonctionnaire tel que la demanderesse, la norme de contrôle jugée applicable a été celle de la décision correcte (Blais c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1638, 263 F.T.R. 151, paragraphe 16; Endicott c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CF 253, 270 F.T.R. 220, paragraphe 9).

 

L’argumentation de la défenderesse

[23]           La défenderesse soutient qu’un montant de salaire a été payé en trop à la demanderesse en janvier 2001, montant qu’elle a le pouvoir de recouvrer en vertu du paragraphe 155(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11 (la LGFP) :

 

Recouvrement

155. (3) Le receveur général peut recouvrer les paiements en trop faits sur le Trésor à une personne à titre de salaire, de traitements ou d’allocations en retenant un montant égal sur toute somme due à cette personne par Sa Majesté du chef du Canada.

 

Recovery of over-payment

155. (3) The Receiver General may recover any over-payment made out of the Consolidated Revenue Fund on account of salary, wages, pay or pay and allowances out of any sum of money that may be due or payable by Her Majesty in right of Canada to the person to whom the over-payment was made.

 

 

[24]           La défenderesse est d’avis, tout comme la demanderesse, qu’une clause privative de faible portée est énoncée à l’article 214 de la LRTFP, de sorte qu’une certaine déférence serait de mise à l’égard du décideur (Cox c. Canada (Procureur général), 2008 CF 596, 78 W.C.B. (2d) 196, paragraphe 10; Assh, paragraphe 35; Vaughan c. Canada, 2003 CAF 76, [2003] 3 C.F. 645, paragraphes 125 à 130 (Vaughan (CAF)). En ce qui concerne l’expertise relative du décideur, le décideur en l’espèce n’était pas indépendant de l’employeur, ce qui laisserait croire par ailleurs qu’un degré moindre de déférence est requis à son endroit (Assh, paragraphe 44).

 

[25]           La défenderesse rappelle que l’objet de la LRTFP et du mécanisme de règlement des griefs est de créer un régime complet de règlement des différends de travail. L’objet plus particulier des articles 208 et 209 de la LRTFP est de régler les griefs au moyen d’une procédure interne de l’employeur et, le cas échéant, par recours à un arbitre externe, de sorte que la déférence est appropriée à l’endroit du décideur (Vaughan v. Canada, 2005 CSC 11, [2005] 1 R.C.S. 146, paragraphes 38 et 39 (Vaughan (CSC)) :

 

Droit du fonctionnaire

208. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

 

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

 

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

 

 

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

 

 

Réserve

(2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

Réserve

(3) Par dérogation au paragraphe (2), le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel relativement au droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

 

Réserve

(4) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application à son égard de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale qu’à condition d’avoir obtenu l’approbation de l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle s’applique la convention collective ou la décision arbitrale et d’être représenté par cet agent.

 

Réserve

(5) Le fonctionnaire qui choisit, pour une question donnée, de se prévaloir de la procédure de plainte instituée par une ligne directrice de l’employeur ne peut présenter de grief individuel à l’égard de cette question sous le régime de la présente loi si la ligne directrice prévoit expressément cette impossibilité.

 

 

 

 

Réserve

(6) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur une mesure prise en vertu d’une instruction, d’une directive ou d’un règlement établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui-ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

 

Force probante absolue du décret

(7) Pour l’application du paragraphe (6), tout décret du gouverneur en conseil constitue une preuve concluante de ce qui y est énoncé au sujet des instructions, directives ou règlements établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui-ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

 

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

 

 

 

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

 

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

 

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

 

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

 

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

 

Application de l’alinéa (1)a)

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

 

 

 

Désignation

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

Right of employee

208. (1) Subject to subsections (2) to (7), an employee is entitled to present an individual grievance if he or she feels aggrieved

 

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

 

(i) a provision of a statute or regulation, or of a direction or other instrument made or issued by the employer, that deals with terms and conditions of employment, or

 

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award; or

 

(b) as a result of any occurrence or matter affecting his or her terms and conditions of employment.

 

Limitation

(2) An employee may not present an individual grievance in respect of which an administrative procedure for redress is provided under any Act of Parliament, other than the Canadian Human Rights Act.

 

Limitation

(3) Despite subsection (2), an employee may not present an individual grievance in respect of the right to equal pay for work of equal value.

 

 

 

Limitation

(4) An employee may not present an individual grievance relating to the interpretation or application, in respect of the employee, of a provision of a collective agreement or an arbitral award unless the employee has the approval of and is represented by the bargaining agent for the bargaining unit to which the collective agreement or arbitral award applies.

 

 

 

Limitation

(5) An employee who, in respect of any matter, avails himself or herself of a complaint procedure established by a policy of the employer may not present an individual grievance in respect of that matter if the policy expressly provides that an employee who avails himself or herself of the complaint procedure is precluded from presenting an individual grievance under this Act.

 

Limitation

(6) An employee may not present an individual grievance relating to any action taken under any instruction, direction or regulation given or made by or on behalf of the Government of Canada in the interest of the safety or security of Canada or any state allied or associated with Canada.

 

Order to be conclusive proof

(7) For the purposes of subsection (6), an order made by the Governor in Council is conclusive proof of the matters stated in the order in relation to the giving or making of an instruction, a direction or a regulation by or on behalf of the Government of Canada in the interest of the safety or security of Canada or any state allied or associated with Canada.

 

 

Reference to adjudication

209. (1) An employee may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

 

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award;

 

(b) a disciplinary action resulting in termination, demotion, suspension or financial penalty;

 

(c) in the case of an employee in the core public administration,

 

(i) demotion or termination under paragraph 12(1)(d) of the Financial Administration Act for unsatisfactory performance or under paragraph 12(1)(e) of that Act for any other reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct, or

 

 

 

 

(ii) deployment under the Public Service Employment Act without the employee’s consent where consent is required; or

 

(d) in the case of an employee of a separate agency designated under subsection (3), demotion or termination for any reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct.

 

 

 

Application of paragraph (1)(a)

(2) Before referring an individual grievance related to matters referred to in paragraph (1)(a), the employee must obtain the approval of his or her bargaining agent to represent him or her in the adjudication proceedings.

 

 

Designation

(3) The Governor in Council may, by order, designate any separate agency for the purposes of paragraph (1)(d).

 

 

[26]           La défenderesse soutient qu’en l’espèce, le décideur a admis la prétention de la demanderesse selon laquelle la LRCECA s’appliquait au recouvrement du paiement en trop. Or, la question de savoir si, sous le régime de cette loi, la défenderesse a pris des mesures qui auraient eu pour effet de proroger le délai de prescription prévu à son article 32 est une question d’application du droit aux faits. À ce titre, une certaine déférence est de mise à l’endroit du décideur, et c’est la norme de la raisonnabilité qui devrait être appliquée.

 

Analyse

[27]           La question de savoir si la prescription empêchait la défenderesse de recouvrer les sommes dues par la demanderesse est une question de droit, qui requiert une analyse de l’article 32 de la LRCECA et de son application, en l’espèce, au décideur. C’est là un exercice d’interprétation législative hors du domaine d’expertise du décideur, et c’est donc la norme de la décision correcte qui est applicable (Bullock c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1117, 336 F.T.R. 73, paragraphe 15). Les tribunaux ont généralement tendance à faire preuve de déférence à l’égard des organismes administratifs quand ceux-ci appliquent la loi aux faits, mais ils sont plus disposés à considérer l’interprétation de la loi comme étant une question sur laquelle ils ont au moins autant d’expertise que le tribunal qui fait l’objet du contrôle (Assh, paragraphe 37).

 

[28]           J’estime comme les parties que l’article 214 constitue une faible clause privative (Assh, paragraphe 35) et que le décideur n’était pas indépendant de l’employeur. Il semble qu’une grande déférence ne serait donc pas de mise dans les circonstances (Assh, paragraphe 44). Toutefois, j’estime aussi, comme la demanderesse, que le critère permettant d’établir s’il y a prescription quant au recouvrement de sommes sur le salaire d’un employé est une question de droit liée à l’interprétation des dispositions législatives pertinentes et que, cette question, le décideur au dernier palier de la procédure de grief n’a pas l’expertise requise pour l’examiner.

 

[29]           Tel qu’en a récemment décidé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir, si, comme en l’espèce, la jurisprudence a déjà établi de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier, alors nul n’est besoin de procéder à ce qui est maintenant connu comme étant l’« analyse relative à la norme de contrôle » (Macdonald c. Canada (Procureur général), 2008 CF 796, 330 F.T.R. 261). Je suis donc d’avis que la norme de la décision correcte est celle applicable à une décision au dernier palier de la procédure de grief mettant en cause l’interprétation de l’article 32 de la LRCECA.

 

2.         Le décideur a-t-il commis une erreur en rejetant le grief de la demanderesse et en concluant qu’il n’y avait pas eu prescription, de sorte que la défenderesse pouvait recouvrer de la demanderesse le salaire payé en trop de 955,30 $?

 

L’argumentation de la demanderesse

[30]           La demanderesse soutient que la défenderesse ne pouvait recouvrer le paiement en trop pour cause de prescription, le délai de six ans prévu dans la LRCECA s’appliquant dans les circonstances. Plus particulièrement, le pouvoir de la défenderesse de recouvrer les paiements en trop faits à titre de salaire est conféré par le paragraphe 155(3) de la LGFP. Aux termes du paragraphe 3(2) de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada, L.C. 2005, ch. 38, l’ASFC exerce ses pouvoirs uniquement à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada; ainsi, le pouvoir de recouvrer un paiement en trop en vertu du paragraphe 155(3) de la LGFP est applicable en l’espèce. L’article 32 de la LRCECA énonce le délai de prescription pertinent de six ans et, en vertu de l’article 35 de cette loi, il s’applique aux mandataires de la Couronne tels que l’Agence des services frontaliers du Canada.

 

[31]           La Cour suprême du Canada a fait remarquer dans l’arrêt Markevich c. Canada, 2003 CSC 9, [2003] 1 R.C.S. 94, paragraphes 11 et 20, qu’il fallait présumer que l’article 32 de la LRCECA s’appliquait à toutes les poursuites auxquelles l’État était partie, sauf disposition contraire d’une loi fédérale. Pour que le délai de prescription prévu à l’article 32 soit applicable, il faut une « poursuite[s] [...] pour [un] fait générateur ». Or selon la demanderesse, la décision de l’ASFC de recouvrer son salaire payé en trop constituait manifestement une « poursuite », tel que cette expression a clairement été définie par la Cour suprême. L’expression « fait générateur » a également été définie de manière large en tant qu’« état de fait qui fonde une action en justice » (Markevich, paragraphe 27), et il y avait bien un « fait générateur » en l’espèce, soutient la demanderesse, comme l’ASFC aurait pu tenter d’obtenir par action en justice le remboursement de sa prétendue dette.

 

[32]           Le délai de prescription devra être considéré échu, selon la demanderesse, à moins que la défenderesse ne puisse démontrer avoir pris des mesures d’exécution avant son expiration ou qu’il n’y ait eu reconnaissance expresse de la dette par la débitrice. Pour bénéficier d’une prorogation, la Couronne devra avoir fait diligence raisonnable, et démontrer qu’à l’intérieur du délai de prescription, des actions concrètes ont été posées en vue du recouvrement (Gibson c. Canada, 2004 CF 809, 254 F.T.R. 54, paragraphes 17 et 18, inf. pour d’autres motifs, 2005 CAF 180, 334 N.R. 288).

 

[33]           La demanderesse ajoute que les lettres échangées depuis 2005 entre les parties ne démontrent pas, de sa part, la reconnaissance d’une dette quelconque envers la Couronne. D’après la demanderesse, la défenderesse ne peut démontrer avoir pris des actions concrètes, ni qu’il y a eu reconnaissance de dette de sa part, d’une manière assurant la prorogation du délai de prescription jusqu’à juin 2007, l’époque où la défenderesse a finalement recouvré le montant restant de 955,30 $. La défenderesse ne pouvait donc recouvrer cette somme pour motif de prescription, soutient la demanderesse, et permettre que le délai de prescription soit prorogé en sa faveur, en l’espèce, irait à l’encontre de l’objet, énoncé dans l’arrêt Markevich, de l’article 32 de la LRCECA.

 

L’argumentation de la défenderesse

[34]           La défenderesse soutient avoir procédé au recouvrement du paiement en trop en conformité avec la Politique et que l’arrêt Markevich n’est pas applicable en l’espèce. La défenderesse conteste également que le recouvrement d’un paiement en trop mentionné au paragraphe 155(3) de la LGFP puisse constituer une poursuite au sens de l’article 32 de la LRCECA.

 

[35]           La défenderesse insiste sur le fait que le décideur a fait état des lettres envoyées à la demanderesse pour lui expliquer les motifs de sa dette de 955,30 $ envers la Couronne et a conclu que celle-ci avait, à l’intérieur du délai de prescription, engagé une poursuite en recouvrement démontrant qu’elle n’avait pas renoncé à recouvrer le paiement en trop. En particulier, on a conclu que les lettres mentionnées dans la décision de dernier palier du 3 mars 2009 démontraient l’absence de renonciation par la défenderesse au paiement en trop du 11 janvier 2001.

 

[36]           La défenderesse soutient également que, même si l’article 32 de la LRCECA s’appliquait au recouvrement d’un paiement en trop visé au paragraphe 155(3) de la LGFP, la seule question restant à trancher est de savoir s’il était raisonnable pour le décideur de conclure qu’il y avait eu prorogation du délai de prescription prévu à l’article 32 de la LRCECA du fait qu’en engageant une poursuite en recouvrement avant l’expiration de ce délai, la Couronne avait démontré ne pas avoir renoncé au recouvrement. D’après la jurisprudence, la Couronne n’a qu’à démontrer avoir posé des actes positifs pour recouvrer sa dette dans le délai prescrit par l’article 32 de la LRCECA pour que soit prorogé le délai de prescription (Gibson; Ross c. Canada, 2002 CFPI 401, 218 F.T.R. 276, conf. par 2002 CAF 359, 301 N.R. 23).

 

[37]           La preuve soumise au décideur (les lettres datées des 6 mars 2001, 14 mars 2002, 3 mai 2004 et 3 février 2005) révélait que la défenderesse n’avait cessé de rappeler à la demanderesse sa dette envers la Couronne et avait mis à jour son système de manière à ce que le paiement en trop puisse être recouvré à la première occasion. Selon la défenderesse, il était par conséquent raisonnable pour le décideur de conclure qu’elle n’était pas empêchée par prescription de recouvrer le paiement en trop de 955,30 $ sur le salaire de la demanderesse une fois celle-ci de retour au travail en juin 2007.

 

Analyse

[38]           L’article 32 de la LRCECA est une disposition législative qui, sauf incompatibilité avec toute disposition d’une autre loi fédérale, se veut d’application générale. Ce qui y est prévu en matière de prescription s’applique donc tant aux mesures légales de recouvrement qu’à celles qui sont prises devant les tribunaux et, après l’expiration du délai de prescription pertinent, le droit d’action est éteint (Ross, paragraphe 31).

 

[39]           Le paragraphe 155(3) de la LGFP confère à la défenderesse le pouvoir de recouvrer les paiements faits en trop, en prévoyant ce qui suit : « Le receveur général peut recouvrer les paiements en trop faits sur le Trésor à une personne à titre de salaire, de traitements ou d’allocations en retenant un montant égal sur toute somme due à cette personne par Sa Majesté du chef du Canada ». En outre, la Politique donne des précisions sur le recouvrement des montants dus à la Couronne et prévoit à son article 2 que les paiements, lorsque cela est possible, peuvent être déduits de nombreuses sources, notamment des paiements ultérieurs au titre du traitement ou sur toute autre somme payable à l’employé. Il est également prévu dans la Politique que si ce mode de recouvrement est possible, les paiements en trop au titre du traitement doivent être recouvrés intégralement sur les premières sommes dues à l’employé, à savoir sur le salaire.

 

[40]           Ainsi, si le recouvrement d’un paiement en trop est possible à l’intérieur du délai de prescription, la Politique donne des indications quant à son mode (p. ex. une retenue salariale). Si toutefois l’intéressé estime que le mode de recouvrement prévu par la Politique ne pourrait être utilisé parce que, comme en l’espèce, l’employé concerné est en congé sans solde depuis une période supérieure au délai de prescription de six ans (prévu à l’article 32 de la LRCECA), il pourrait recourir à d’autres modes de recouvrement à sa disposition; sinon, il devra agir en conséquence en prenant des mesures correctives dans le délai prescrit et en exigeant d’être payé. Il ne faut pas attendre que le droit d’action s’éteigne, puis soutenir que le paiement en trop a été recouvré conformément à la Politique. Une politique d’application restreinte ne peut déroger à une loi.

 

[41]           Même si l’arrêt Markevich mettait plutôt en cause la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.), la Cour suprême y a conclu que la Couronne pouvait proroger le délai de prescription de diverses façons (paragraphe 18). Dans la décision Ross, en outre, on a statué que l’enregistrement d’un certificat conformément au paragraphe 223(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu prorogeait le délai de prescription, tandis que dans la décision MacKinnon c. Canada, 2002 CFPI 824, 222 F.T.R. 306, conf. par 2003 CAF 158, 303 N.R. 109, la Cour a conclu que la reconnaissance de dette du contribuable dont attestait un contrat de nantissement conclu avec le ministre, de même que le paiement partiel de la dette fiscale, avaient eu pour effet de reporter le délai de prescription. En l’espèce, la défenderesse avait pris des mesures correctives en vue de recouvrer la dette à l’intérieur du délai de prescription de six ans (prévu à l’article 32 de la LRCECA).

 

[42]           Le décideur a conclu que la défenderesse avait démontré, par les lettres datées des 6 mars 2001, 14 mars 2002, 3 mai 2004 et 3 février 2005, son intention constante de recouvrer la dette de la demanderesse :

[traduction]

Votre représentante estime que l’employeur ne peut exiger un remboursement une fois échu le délai de prescription de six ans prévu à l’article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif (la LRCECA). Elle se fonde sur le fait que, comme en l’espèce les mesures de recouvrement ont été prises en 2007, soit plus de six ans après qu’a été effectué le paiement en trop, l’employeur n’avait pas le droit de procéder au recouvrement. On m’a avisé que le délai prévu à l’article 32 de la LRCECA pouvait être prorogé s’il y avait reconnaissance de dette de la part du débiteur, ou si la Couronne engageait une poursuite en recouvrement à l’intérieur de ce délai, d’une manière démontrant l’absence de renonciation au recouvrement. Par conséquent, je suis d’avis que l’envoi de plusieurs lettres des conseillers en rémunération relatives au paiement en trop, datées des 6 mars 2001, 14 mars 2002, 3 mai 2004 et 3 février 2005, a eu pour effet de proroger le délai de prescription.

 

Cela étant, votre grief est rejeté et les mesures rectificatives que vous sollicitez ne seront pas prises.                                       [Je souligne.]

 

[43]           Au vu du dossier, la Cour n’accepte pas la prétention selon laquelle les lettres susmentionnées des conseillers en rémunération ont eu pour effet de proroger le délai de prescription. La Cour conclut plutôt, compte tenu de la correspondance entre les années 2001 et 2005, que, même si on a fait allusion à plusieurs reprises dans les lettres de la défenderesse à la dette de la demanderesse, nulle mention n’y était faite de la prise d’une quelconque mesure concrète ou future en vue du recouvrement du paiement en trop. La demanderesse a en outre déclaré qu’à son retour au travail, on l’avait informée qu’aucune dette ne figurait à son dossier, et cette déclaration n’a pas été contestée. La défenderesse a eu amplement l’occasion de démontrer qu’elle entendait recouvrer la somme réclamée, et de préciser le mode de ce recouvrement, mais elle n’en a rien fait (Ross, paragraphe 36; Gibson, paragraphe 8). De plus, la correspondance entre les parties ne permet pas de constater la reconnaissance par la demanderesse d’une dette envers la Couronne.

 

[44]           Selon une règle de droit bien connue, « une cause d’action prend naissance, aux fins de la prescription, lorsque les faits importants sur lesquels repose cette cause d’action ont été découverts par le demandeur ou auraient dû l’être s’il avait fait preuve de diligence raisonnable [...] » (Central Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147, 69 N.R. 321, paragraphe 77). Dans l’arrêt Société canadienne des pneux Michelin Ltée c. Canada, 2001 CAF 145, [2001] 3 C.F. 552, la Cour d’appel fédérale a statué, aux paragraphes 33 et 34, que le délai de prescription commençait à courir, en principe, à partir de la date du paiement en trop, et que seule une preuve montrant que la demanderesse n’aurait pu découvrir plus tôt le paiement en trop en faisant preuve de diligence raisonnable aurait pu repousser le point de départ de ce délai. Sur la foi de la correspondance entre 2001 et 2005, par conséquent, on peut établir que le fait générateur est survenu en l’espèce le 11 janvier 2001, soit lorsqu’un chèque a été émis pour la demanderesse par suite d’une révision salariale visant la période du 22 juin 2000 au 17 janvier 2001. En mars 2001, ensuite, on a informé la demanderesse que le montant en cause avait été remis par erreur et qu’elle n’avait pas droit au paiement.

 

[45]           Par conséquent, la Cour conclut que le délai de prescription de six ans a commencé à courir en janvier 2001 et est venu à expiration en janvier 2007. La simple réitération de l’existence de la dette de la demanderesse dans les lettres de 2002, 2004 et 2005, en l’absence d’une intention raisonnable de recouvrement, ne pouvait avoir pour effet de proroger le délai de prescription. S’il en était autrement, il en résulterait une prorogation continuelle et illimitée du délai de prescription, qui perdrait alors toute raison d’être.

 

[46]           Le recouvrement final du paiement en trop de 955,30 $ a été effectué en juin 2007; à ce moment-là, toutefois, il était interdit à la défenderesse de recouvrer la dette parce que le délai de six ans était expiré, le droit au recouvrement ayant pris naissance en janvier 2001.

 

[47]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                           La demande de contrôle judiciaire est accueillie sans frais.

2.                           L’affaire est renvoyée au décideur pour un nouvel examen, conformément à la décision de la Cour.

 

 

 

    « Richard Boivin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-562-09

 

INTITULÉ :                                       SHERIDAN GARDNER c. L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 9 NOVEMBRE 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 17 NOVEMBRE 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Isabelle Roy

 

POUR LA DEMANDERESSE

Talitha Nabbali

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Institut professionnel de la fonction publique du Canada

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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