Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour fédérale

Federal Court

 

Date : 20091119

Dossier : IMM‑1249‑09

Référence : 2009 CF 1193

 

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 19 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Mainville

 

 

ENTRE :

ELOISE VERONICA ADAMS

demanderesse

 

 

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente décision concerne une demande de contrôle judiciaire, présentée par Eloise Veronica Adams (la demanderesse), de la décision datée du 3 mars 2009 par laquelle un agent d’immigration agissant pour le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) a rejeté sa demande de résidence permanente depuis l’intérieur du Canada pour des motifs humanitaires et de compassion.

 

Faits

 

[2]               La demanderesse est née à Saint‑Vincent le 19 juin 1978 et est arrivée au Canada en tant que visiteur, le 30 juillet 1999. Elle vit au Canada depuis lors.

 

[3]               En avril 2005, elle a présenté une demande de résidence permanente depuis l’intérieur du Canada pour des motifs humanitaires et de compassion qui a été mise à jour et complétée en janvier 2008. Dans sa demande mise à jour, la demanderesse a indiqué qu’elle n’entretenait aucun lien familial à Saint‑Vincent, où elle n’a eu aucun contact avec sa mère. En outre, un vieil ami avec lequel la demanderesse avait vécu à Saint‑Vincent dans le passé est maintenant décédé. Elle a affirmé que la seule famille qu’elle a est sa sœur Alisha et ses deux neveux qui vivent au Canada avec elle. Elle a également affirmé recevoir un fort soutien de son cousin vivant également au Canada. Enfin, elle a invoqué une étroite relation avec les enfants de la famille où elle travaille comme gouvernante et aide domestique. Elle a également travaillé comme bénévole pour l’Armée du Salut, et elle est membre d’une église locale.

 

La décision

 

[4]               Dans la décision rejetant la demande en date du 3 mars 2009, l’agent d’immigration a noté dans son exposé des faits que la demanderesse avait fait référence à une autre demande en instance pour des motifs humanitaires et de compassion soumise par sa sœur, et a ajouté que [traduction] « d’autres vérifications indiquent que la sœur de la demanderesse vit au Canada sans statut et fait actuellement l’objet d’une mesure de renvoi ».

 

[5]               L’agent d’immigration a aussi noté que la preuve ne permettait pas de conclure que la demanderesse ne pourrait pas maintenir une relation avec sa famille au Canada si elle devait retourner à Saint‑Vincent, et il a conclu que les difficultés qu’entraînerait inévitablement la séparation d’avec sa famille et ses amis au Canada ne seraient pas des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[6]               L’agent d’immigration a considéré l’intérêt supérieur des deux neveux de la demanderesse nés au Canada. Bien qu’il ait reconnu qu’un lien étroit puisse se former entre les personnes qui résident dans un même foyer, il a noté que rien ne permettait de déterminer quel était le niveau de dépendance entre les neveux et la demanderesse ou dans quelle mesure elle était présente dans leur vie quotidienne. Il a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la demanderesse ou ses neveux éprouveraient des difficultés si elle devait quitter le Canada.

 

[7]               Enfin, l’agent d’immigration a examiné dans quelle mesure la demanderesse est établie au Canada. Il a reconnu qu’elle s’y était en effet établie, mais il était d’avis qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve montrant qu’elle avait atteint un niveau d’intégration et d’établissement pouvant justifier une dispense pour des motifs humanitaires ou de compassion.

 

Thèses des parties

 

[8]               Le premier argument de la demanderesse est que l’agent d’immigration s’est appuyé de façon irrégulière sur les informations négatives qu’il a recueillies concernant la demande de sa sœur, en particulier sur le fait que sa sœur faisait l’objet d’une ordonnance de renvoi, et qu’il a utilisé cette information dans son évaluation de la demande pour motifs humanitaires et de compassion de la demanderesse. La demanderesse prétend que cela constitue un manquement à l’équité procédurale. Elle fait valoir qu’elle aurait dû être notifiée du fait que l’agent allait s’appuyer sur la demande de sa sœur et qu’elle aurait dû avoir l’occasion de répondre à cette nouvelle information.

 

[9]               La demanderesse a également fait valoir que, prise dans son ensemble, la décision n’était pas raisonnable. La demanderesse a spécifiquement fait remarquer qu’il était particulièrement déraisonnable que l’agent ait conclu qu’elle ne s’était pas établie au Canada, étant donné qu’elle avait un emploi stable, qu’elle participait aux activités de divers organismes communautaires, qu’elle avait fait des études au Canada et qu’elle avait un bon dossier civil.

 

[10]           Pour sa part, le ministre a fait valoir qu’il incombe à la demanderesse de prouver au décideur que son cas particulier fait en sorte que les difficultés qu’entraînerait l’obtention d’un visa de résident permanent depuis l’extérieur du Canada seraient inhabituelles, injustifiées ou excessives. Or, elle n’a pas convaincu l’agent d’immigration. Il faut faire preuve de déférence envers la décision de l’agent d’immigration, et la Cour ne devrait pas intervenir si l’agent a examiné les facteurs pertinents.

 

[11]           Le ministre a en outre fait valoir que l’agent d’immigration avait examiné les facteurs pertinents, y compris le degré d’établissement au Canada, les liens familiaux au Canada et à Saint‑Vincent et l’intérêt supérieur des neveux de la demanderesse. Il n’est donc pas justifié que la Cour substitue sa propre opinion à la décision de l’agent d’immigration.

 

[12]           En ce qui concerne l’argument de l’équité procédurale soulevée par la demanderesse, le ministre a souligné que c’était la demanderesse elle‑même qui avait mentionné le fait que sa sœur résidait au Canada comme facteur à l’appui de sa demande, et qu’elle avait clairement indiqué dans sa demande initiale que sa sœur n’avait pas de statut au Canada en matière d’immigration, celle‑ci étant en attente des résultats d’une demande fondée sur des motifs humanitaires et de compassion. Il était donc opportun que l’agent d’immigration vérifie cette information, et il n’y a pas de problème de preuve extrinsèque en l’espèce.

 

La législation

 

[13]           Le paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi) dispose :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative ou sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative or on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

 

Norme de contrôle

 

[14]           La norme de contrôle applicable à une décision relative à une demande de résidence permanente au Canada pour des motifs humanitaires et de compassion est celle de la décision raisonnable. Comme l’a relevé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2009] ACF no 713, au paragraphe 18 :

 

Il n’est pas nécessaire de se lancer dans une analyse complète lorsque la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante la norme de contrôle applicable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 62). Les parties conviennent que la norme applicable à une décision relative à des raisons d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable, ainsi que le confirment tant la jurisprudence antérieure que la jurisprudence postérieure à l’arrêt Dunsmuir (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Thandal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 489; Gill c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 613, (2008), 73 Imm.L.R. (3d) 1).

 

 

[15]           D’autre part, aussi bien l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, que l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43, énoncent que les cours de justice doivent (sous réserve d’une disposition dérogatoire valide) examiner les questions de procédure selon la norme de la décision correcte. Cette approche a été appliquée dans les cas où des questions d’équité procédurale ont été soulevées dans le cadre de procédures relatives à des demandes de résidence permanente effectuées depuis le Canada pour des motifs humanitaires et de compassion : voir, notamment, Buio c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 157, [2007] ACF no 205, au paragraphe 16.

 

Analyse

[16]           La demanderesse soulève pour l’essentiel deux questions, dont l’une concerne une allégation de manquement à l’équité procédurale au motif que l’agent d’immigration a pris en compte l’ordonnance de renvoi prise contre la sœur de la demanderesse, et l’autre, le caractère déraisonnable de la décision prise dans son ensemble.

 

[17]           Je vais d’abord trancher la question de l’équité procédurale. Les avocats de la demanderesse et du ministre étaient d’avis que cette question devrait être examinée selon la norme de la décision correcte.

 

 

La question de l’équité procédurale

 

[18]           En l’espèce, l’agent d’immigration a examiné les faits pertinents qui ont été soumis par la demanderesse, y compris le fait qu’elle avait déclaré que sa sœur était sans statut et avait également présenté une demande de résidence permanente depuis l’intérieur du Canada pour des motifs humanitaires et de compassion. La demanderesse n’attaque pas le fait que l’agent d’immigration ait fait des vérifications à ce sujet, mais plutôt le fait qu’elle n’en a pas été notifiée et qu’il ne lui a pas donné l’occasion de répondre quand il a découvert que sa sœur faisait l’objet d’une mesure de renvoi, ce qu’elle ignorait jusqu’à ce qu’elle lise la décision refusant sa propre demande.

 

[19]           La demanderesse craint que l’agent ait procédé à un examen de tout ou partie du dossier d’immigration de sa sœur, et qu’il ait pu fonder sa décision sur des informations contenues dans ce dossier. Étant donné que l’agent d’immigration n’a pas présenté d’affidavit indiquant les informations qu’il a prises en compte dans le dossier de la sœur de la demanderesse, celle‑ci n’a aucun moyen de savoir quels renseignements supplémentaires ont été considérés par l’agent. À tout le moins, l’agent a pris en compte la mesure de renvoi dont faisait l’objet la sœur de la demanderesse sans l’en informer ni lui donner l’occasion de formuler des observations à cet égard. C’est ce qui, du point de vue de la demanderesse, constitue une violation de l’équité procédurale. La demanderesse soutient que la Cour doit envoyer un message clair aux agents d’immigration qu’ils sont tenus, dans les cas où ils entendent utiliser des informations contenues dans les dossiers de tiers lors de la prise d’une décision, d’informer les demandeurs concernés des faits sur lesquels ils ont l’intention de s’appuyer afin de leur permettre de présenter des observations appropriées quant à ceux‑ci.

 

[20]           Pour étayer cette thèse, la demanderesse se fonde sur trois décisions : Baptiste c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1382, [2006] ACF no 1751; Batica c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 762, [2006] ACF no 951; et Level c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 227, [2008] ACF no 297. Bien que ces décisions exposent correctement l’état du droit quant à l’utilisation d’une preuve extrinsèque dans la prise de décisions administratives liées à l’immigration, le contexte factuel de ces jugements a peu de rapport avec la présente affaire. En effet, dans la décision Batiste, précitée, aux paragraphes 12, 16 et 21, la preuve extrinsèque en cause a été jugée « très importante », et considérée comme un « élément essentiel » de la décision attaquée. De même, dans les affaires Batica et Level, la preuve extrinsèque en jeu a également joué un rôle déterminant dans les décisions. Comme nous le verrons, ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

[21]           Il est bien établi en droit que le contenu de la notion d’équité procédurale est variable et tributaire du contexte particulier de chaque affaire (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 21). Le point central de l’analyse est la question de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances, les personnes dont les intérêts étaient en jeu ont eu une occasion valable de présenter leur position pleinement et équitablement (Baker, précité, au paragraphe 30). La prise de mesures, lorsque l’équité procédurale est mise en cause, est régie par les principes de common law, qui prévoient notamment l’abstention d’accorder réparation si l’erreur procédurale est un vice de forme et n’entraîne aucun préjudice important ni déni de justice (Khosa, précité, au paragraphe 43).

 

[22]           Les principaux arrêts portant sur la question de l’utilisation de la preuve extrinsèque dans les décisions administratives relatives à l’immigration sont les arrêts Muliadi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 2 CF 205 (C.A.), et Haghighi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 407 (C.A). Dans ces deux jugements, la Cour d’appel fédérale a conclu à l’existence d’un manquement à l’équité procédurale parce que des faits significatifs essentiels ou potentiellement cruciaux à la décision avaient été utilisés pour étayer une décision administrative sans fournir l’occasion à la partie concernée de répondre ou de commenter les faits en question. En effet, dans l’arrêt Muliadi, précité, à la page 214, les faits ont constitué un « facteur crucial dans la décision de l’agent des visas », et de même dans l’arrêt Haghighi, précité, au paragraphe 37, on a estimé que les rapports d’évaluation des risques en cause étaient « susceptibles de jouer un rôle vital dans la décision finale ».

 

[23]           Dans la présente affaire, la preuve extrinsèque concerne une mesure de renvoi contre la sœur de la demanderesse. La demanderesse se réfère aux extraits suivants de la décision de l’agent d’immigration pour étayer sa thèse :

 

[traduction] « Les informations soumises indiquent que la sœur de la demanderesse fait l’objet d’une demande de résidence permanente présentée au Canada pour des raisons humanitaires et de compassion. Après vérification, il appert que la sœur de la demanderesse est sans statut au Canada et fait actuellement l’objet d’une mesure de renvoi. [...] Il n’y a également aucune garantie que la demande de résidence permanente de la sœur de la demanderesse, soumise au Canada, soit acceptée. »

 

[24]           Ces énoncés sont entièrement factuels et découlent du libellé même de la demande de la demanderesse pour des motifs d’ordre humanitaire et de compassion. En effet, dans sa demande initiale, présentée en avril 2005, la demanderesse a indiqué qu’elle vivait avec sa sœur et a déclaré, en ce qui concerne le statut de sa sœur : « pas de statut – demande CH en cours » (page 78 du compte rendu de décision). En outre, cette demande a été accompagnée d’une lettre d’un consultant en immigration datée du 4 avril 2005, dans laquelle il indique ce qui suit : [traduction] « Eloise [la demanderesse] vit actuellement avec sa sœur, Mme Alisha Adams, qui a également déposé une demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires et de compassion, ainsi qu’avec deux neveux nés au Canada » (page 74 du compte rendu de décision).

 

[25]           Par conséquent, les faits susmentionnés, à savoir que la sœur de la demanderesse fait l’objet d’une demande en instance de résidence permanente, présentée depuis le Canada pour des motifs humanitaires et de compassion, qu’elle est sans statut au Canada, et qu’il n’y a aucune garantie que sa demande sera accueillie, proviennent tous des renseignements fournis par la demanderesse ou pour son compte, ou encore découlent de ceux‑ci. L’agent d’immigration a vérifié ces renseignements et les a mis à jour comme il était en droit de le faire. Il aurait été inapproprié de la part de l’agent d’immigration de ne pas vérifier les faits présentés par la demanderesse. La mise à jour des renseignements a aussi permis de savoir que la sœur de la demanderesse faisait l’objet d’une ordonnance de renvoi. Étant donné que la demanderesse a elle‑même fait mention de la demande de sa sœur, elle devait s’attendre à ce que les autorités de l’immigration vérifient l’état de cette demande. Je ne vois rien d’incorrect dans la procédure que l’agent d’immigration a suivie.

 

[26]           D’ailleurs, il n’y a en effet aucune preuve au dossier permettant de conclure que l’agent d’immigration s’est fondé sur le fait que la sœur de la demanderesse faisait l’objet d’une mesure de renvoi pour refuser la demande de la demanderesse. Dans de telles circonstances, la mention de cette mesure de renvoi par l’agent d’immigration dans sa décision n’est rien de plus qu’un simple énoncé factuel faisant état du résultat de la mise à jour des informations qui avaient été initialement invoquées par la demanderesse elle‑même. Par conséquent, aucune obligation d’équité procédurale n’entre en jeu en l’espèce.

 

[27]           Je rejette en outre l’argument de la demanderesse selon lequel l’agent d’immigration pourrait avoir utilisé d’autres informations contenues dans la demande de sa sœur afin d’évaluer et de rejeter la demande de la demanderesse. Encore une fois, rien dans la décision elle‑même ou dans les documents présentés ne donne à penser que ce fût le cas. Je ne suis pas disposé à conclure à la présence d’irrégularités dans les motifs de l’agent d’immigration en l’absence de preuve contraire.

 

[28]           Ma décision aurait peut‑être été différente s’il avait été établi que l’agent d’immigration avait utilisé des informations contenues dans un autre dossier d’immigration afin de parvenir à sa décision dans cette affaire sans en informer la demanderesse. Toutefois, aucun élément de preuve n’étaye cette prétention.

 

Le caractère raisonnable de la décision prise dans son ensemble

 

 

[29]           Dans le cas des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire et de compassion, il est de jurisprudence constante qu’il incombe au demandeur d’établir que la dispense est justifiée, et que l’agent n’est pas tenu de signaler les lacunes de la demande et de demander que des observations supplémentaires lui soient présentées : Kisana, précité, au paragraphe 45; Thandal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 489, [2008] ACF no 623, au paragraphe 9.

 

[30]           De plus, la dispense visée au paragraphe 25(1) de la Loi est une mesure d’exception, discrétionnaire par surcroît : Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] ACF no 457, au paragraphe 15; Abdirisaq c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 300, [2009] ACF no 377, au paragraphe 3; Kawtharani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 162, [2006] ACF no 220, au paragraphe 15; Serda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 356, [2006] ACF no 425, au paragraphe 20.

 

[31]           Enfin, il est clairement de la responsabilité du ministre ou de son délégué d’évaluer les facteurs pertinents et de déterminer le poids à accorder à chaque facteur en fonction des circonstances de chaque cas : Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), précité, au paragraphe 11; Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2002] 1 RCS 3, au paragraphe 34.

 

[32]           Dans la présente espèce, l’agent d’immigration a examiné les liens familiaux et personnels de la demanderesse au Canada et à Saint‑Vincent et, d’après les faits qui lui avaient été présentés, il n’a pu conclure que des difficultés inhabituelles, injustifiées ou disproportionnées découleraient du renvoi de la demanderesse à Saint‑Vincent. Il a également examiné les intérêts des neveux de la demanderesse et a constaté qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la demanderesse subirait un préjudice si elle devait quitter le Canada. Il est utile de noter à cet égard que ni la sœur de la demanderesse ni ses neveux n’ont présenté de document à l’appui des allégations relatives aux difficultés qu’éprouverait la demanderesse. L’agent d’immigration a également constaté que la preuve ne permettait pas de conclure que la demanderesse ne serait pas en mesure de se réétablir à Saint‑Vincent.

 

[33]           Enfin, l’agent d’immigration a conclu qu’il n’avait pas été démontré que la demanderesse s’était établie au Canada dans une mesure suffisante pour justifier une dispense pour des motifs humanitaires ou de compassion. La demanderesse s’est particulièrement insurgée contre cette conclusion sachant que l’agent d’immigration avait relevé qu’elle occupait un emploi au Canada depuis plusieurs années, qu’elle s’était inscrite à des cours, et qu’elle avait fait du bénévolat au sein d’organismes communautaires. À la lumière de ces conclusions, la demanderesse soutient que la décision de l’agent sur cette question était particulièrement déraisonnable.

 

[34]           À cet égard, comme indiqué ci‑dessus, la dispense visée au paragraphe 25(1) de la Loi est une mesure exceptionnelle qui ne doit pas devenir une solution de rechange pour obtenir le statut de résident permanent, sauf si des raisons humanitaires et de compassion justifient cette mesure. Le simple fait d’avoir un emploi au Canada et d’agir en citoyen responsable ne suffit pas, et d’autres facteurs doivent être présents pour que des motifs humanitaires et de compassion entrent en jeu. En outre, comme noté précédemment, l’évaluation de la preuve et le poids accordé à chaque facteur dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs humanitaires et de compassion sont des questions qui relèvent du ministre. La Cour aurait pu apprécier différemment les preuves ou donner plus de poids à certains facteurs, mais là n’est pas son rôle.

 

[35]           Au vu de ce qui précède, la décision de l’agent d’immigration en l’espèce appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

Dispositif

[36]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Question certifiée

[37]           À l’audience, les parties ont demandé qu’on leur offre la possibilité de présenter des observations sur une question à certifier après que cette décision leur sera communiquée. Chaque partie aura jusqu’au lundi 30 novembre 2009 pour proposer par écrit à la Cour, si elles le jugent approprié, une question grave de caractère général aux fins de certification au titre de l’alinéa 74d) de la Loi.

 

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1249‑09

 

INTITULÉ :                                      ELOISE VERONICA ADAMS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 16 novembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Mainville

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 19 novembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mary Lam

 

POUR LA DEMANDERESSE

Kareena R. Wilding

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mary Lam

Avocate‑procureure

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.