Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Federal Court

Cour fédérale


 


Date : 20090928

Dossier : T-1266-08

Référence : 2009 CF 971

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

 

ENTRE :

JEFF EWERT

 

demandeur

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               Par ordonnance datée du 28 mai 2009, rendue conformément à l’article 220 des Règles des Cours fédérales, j’ai inscrit pour audience et décision, dans la présente demande de contrôle judiciaire, deux questions préliminaires de droit, à savoir :

 

1)   La décision rejetant la proposition rend-elle théorique la demande de contrôle judiciaire déposée par le demandeur?

 

2)   Si la demande de contrôle judiciaire n’est pas théorique, la procédure de règlement des griefs établie par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et son règlement d'application constitue-t-elle un autre recours valable de sorte que, exerçant son pouvoir discrétionnaire, la Cour devrait s’abstenir d’entendre la demande de contrôle judiciaire?

 

[2]               Jeff Ewert (le demandeur) est un détenu de l’établissement Kent, une prison à sécurité maximale. À l’époque considérée, il était président du Comité des détenus de l’Unité n° 2. Il est l’auteur de la demande de contrôle judiciaire dont il s’agit ici, dans laquelle il dépose plusieurs recours contre le défendeur, le Service correctionnel du Canada (le SCC), en liaison avec ce qu’il appelle [traduction] « la décision finale du SCC, en date du 14 mai 2008, de refuser aux détenus purgeant des peines fédérales le droit d’acheter des films que le grand public peut acheter sous forme de DVD, pour les projeter à l’intérieur des pénitenciers, un refus contraire au droit et aux règlements du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadienne (le CRTC) ».

 

Les faits

[3]               Le 8 mars 2008, le demandeur, en sa qualité de président du Comité des détenus de l’Unité n° 2, à l’établissement Kent, a écrit au commissaire du SCC (le commissaire) une longue lettre dans laquelle il soulevait plusieurs points. L’un d’eux concernait le retrait des deux chaînes Movie Central 1 et Movie Central 2 du contrat alors en vigueur conclu avec Shaw Cable, chaînes qui étaient facturées aux détenus, et le remplacement de ces deux chaînes par deux entreprises de diffusion de DVD en circuit fermé (la proposition). Il précisait que le Comité des détenus de l’Unité n° 1 de l’établissement Kent appuyait lui aussi la proposition.

 

[4]               Dans sa lettre au commissaire, M. Ewert écrivait que l’administration régionale du SCC pour la région du Pacifique (l’administration régionale) croyait à tort qu’il y avait des questions de droit d’auteur susceptibles de faire obstacle à la proposition. En conséquence, il ne fallait pas que l’établissement Kent adhère à la politique établie en 1998 par P.H. de Vink, le sous-commissaire pour la région du Pacifique, qui interdisait la location ou le visionnement de cassettes vidéo dans les pénitenciers de la région du Pacifique.

 

[5]               Le demandeur faisait valoir que les entreprises de diffusion de DVD proposées sont parfaitement légales, signalant l’avis public CRTC 2000-10, qui concerne les révisions définitives apportées à certaines ordonnances d’exemption du CRTC. Il insistait sur la partie de l’avis public qui visait explicitement les entreprises d’émissions vidéo en circuit fermé, leur permettant de fournir un service de programmation, à des tarifs distincts ou  non, uniquement aux résidents temporaires d’hôtels, de motels et d’hôpitaux et/ou aux détenus de pénitenciers (je souligne). L’avis public du CRTC expliquait ensuite que la programmation consiste uniquement en longs métrages produits pour les salles de cinéma, en services de programmation de jeux vidéo et en services de diffusion d’informations ou de nouvelles.

 

[6]               Dans sa lettre du 8 mars 2008, le demandeur ajoutait que l’avis public CRTC 2000-10 mentionnait clairement qu’il n’y avait aucun problème de droit d’auteur [traduction] « dans la mesure où nous ne tirons aucun bénéfice de la projection de DVD sur nos chaînes en circuit fermé ».

 

[7]               Le 14 mai 2008, Elizabeth Van Allen, alors directrice exécutive au secrétariat exécutif du SCC, a répondu à la lettre du 8 mai 2008 du demandeur. Elle a présenté un affidavit dans la présente demande de contrôle judiciaire. Elle n’a pas été contre-interrogée. Dans cet affidavit, elle explique que ses fonctions de directrice exécutive consistaient notamment à répondre à la correspondance reçue au Bureau du commissaire. Elle déclarait qu’elle n’avait aucun pouvoir décisionnel ou pouvoir délégué concernant les plaintes ou griefs des détenus, y compris la question de savoir si les détenus peuvent acheter des DVD ou le droit d’utiliser un réseau de télévision en circuit fermé à l’établissement Kent (je souligne). Au paragraphe 7 de son affidavit, elle écrit ce qui suit : [traduction] « En mentionnant ces points dans ma lettre, je transmettais simplement l’information que j’avais reçue de l’établissement Kent » (je souligne).

 

[8]               Elle faisait savoir ce qui suit au demandeur au sujet de la proposition :

 

[traduction]

Votre demande de remplacement des chaînes actuelles de films par des DVD qui seraient projetés sur un réseau de télévision en circuit fermé ne peut pas être approuvée puisque ce serait une violation des lois sur le droit d’auteur. Par ailleurs, l’établissement n’a pas la capacité requise pour une chaîne autonome de télévision en circuit fermé.

 

Puisque les autres points soulevés dans votre lettre ont été traités dans des réponses antérieures, je n’en dirai pas davantage à leur sujet.

 

Pour conclure, je voudrais vous rappeler que les détenus peuvent écrire au commissaire sans craindre de représailles de la part des autorités de l’établissement, et je vous encourage à vous prévaloir du régime de recours des détenus pour régler les aspects qui ne peuvent être résolus par des échanges de vues avec la direction de l’établissement. (Non souligné dans l'original)

 

[9]               Le dossier de demande de M. Ewert contient son affidavit et plusieurs pièces. Il n’a pas été contre-interrogé. M. Ewert évoquait certains faits à l’origine des efforts déployés par les diverses unités de détenus de l’établissement Kent pour obtenir l’autorisation de projeter des DVD. Il se référait à sa lettre du 24 juillet 2006, dans laquelle il avait transmis une proposition pour examen par la direction de l’établissement. Il avait joint aussi à cette lettre plusieurs documents qu’il avait obtenus du CRTC quelques semaines auparavant. Il faisait valoir que les risques d’une violation du droit d’auteur, qui avaient conduit la direction à interdire dorénavant la location de cassettes vidéo, n’existaient plus, par suite de l’avis public 2000-10-1 du CRTC sur la programmation d’émissions vidéo en circuit fermé. Selon lui, la proposition ne posait plus de difficultés sur le plan du droit d’auteur.

 

[10]           Dans son affidavit, le demandeur écrit que, le 17 août 2006, le directeur de l’établissement Kent à l’époque avait rejeté la proposition, mais sans préciser que c’était à cause du droit d’auteur. Au paragraphe 8, le demandeur écrit que, lors de rencontres ultérieures avec le directeur de l’établissement, le directeur Lubimiv lui avait dit que la projection de longs métrages sur un réseau de diffusion de DVD en circuit fermé constituait une violation des lois sur le droit d’auteur.

 

[11]           On peut lire dans son affidavit que, le 22 septembre 2006, il a envoyé une proposition remaniée afin de dissiper les craintes du directeur de l’établissement. Il évoquait à nouveau l’avis public du CRTC, affirmant : [traduction] « il n’y a pas non plus de problème de droit d’auteur quel qu’il soit quand nous achetons les DVD puisque les redevances de la société cinématographique sont incluses dans le prix des DVD ».

 

[12]           Le demandeur écrit, à propos de cette proposition révisée, au paragraphe 10 de son affidavit :

 

[traduction] 10. La proposition est tombée dans l’oubli durant quelque temps, puisqu’elle n’avait été officiellement ni refusée ni approuvée, mais elle n’a eu aucune suite. Les cadres dirigeants de l’établissement Kent disaient qu’ils attendaient un avis juridique.

 

[13]           Le dossier de demande de M. Ewert était également appuyé de plusieurs autres affidavits, notamment celui de James Doherty, un détenu de l’établissement Kent depuis 1994, qui affirmait qu’à l’époque il existait un réseau en circuit fermé qui permettait à chaque détenu de visionner, dans sa cellule, sur le canal 10, des vidéocassettes de films de long métrage à grande diffusion. Les films loués étaient les mêmes que ceux que le grand public pouvait se procurer dans les magasins de location de films. M. Doherty donnait d’autres détails sur le fonctionnement des appareils de projection de vidéocassettes à l’établissement Kent. Un autre affidavit est celui de Robert Johnstone, qui a été détenu à la prison provinciale de Wilkinson Road, à Victoria, en Colombie-Britannique. Il y écrit qu’il possédait une Playstation 2 et de nombreux DVD de longs métrages qu’il avait achetés avec son argent à lui. David Poirier a lui aussi produit un affidavit où il écrit que l’on pouvait se procurer des films sur DVD au Centre correctionnel régional Fraser. Il y dit que les DVD étaient projetés par un réseau en circuit fermé qui était relié aux sorties de câble de chaque cellule.

 

[14]           Le contexte des événements ultérieurs qui ont conduit le demandeur à contester la « décision » du 14 mai 2008 d’Elizabeth Van Allen est évoqué dans l’affidavit de Gordon Mattson, signé le 21 octobre 2008. Il est le directeur adjoint, Services de gestion à l’établissement Kent. Dans son affidavit, sur lequel il n’a pas été contre-interrogé, il témoignait de ce qui suit :

 

a.       Le demandeur a proposé que les détenus de l’établissement Kent soient autorisés à acheter des films pour diffusion sur un réseau de télévision en circuit fermé.

 

b.      Avant le 6 mai 2008, la direction de l’établissement Kent estimait ne pas pouvoir accepter la proposition au motif qu’elle entraînerait une violation des lois sur le droit d’auteur.

 

c.       Le 6 mai 2008, il a conféré avec des membres de la direction de l’établissement Kent et des représentants du Comité des détenus de l’Unité n° 2, et c’est alors que la proposition a été débattue et que le demandeur a évoqué l’avis public du CRTC.

 

[15]           Les paragraphes 6, 7 et 8 de son affidavit sont ainsi rédigés :

 

                        [traduction]

                                            i.              Au cours de cette réunion, Heidi Wall, spécialiste de l’approvisionnement et des marchés au Centre régional d’approvisionnement du SCC, a informé le demandeur que le point de savoir si sa proposition entraînerait une violation du droit d’auteur serait soumis à plus ample examen et consultation. À ma connaissance, la question du droit d’auteur est encore étudiée par le SCC.

 

                                           ii.              Si l’on arrive à la conclusion que la proposition du demandeur n’entraînerait pas une violation du droit d’auteur, alors d’autres aspects de la proposition devront être étudiés. Il s’agit notamment de la capacité d’installer un réseau de diffusion en circuit fermé à l’intérieur de l’établissement Kent (avec les équipements électriques que cela suppose), des coûts d’une telle installation et du niveau d’appui de la population carcérale à la proposition du demandeur.

 

                                         iii.              Si le demandeur n’est pas satisfait de la réponse de l’établissement Kent à sa proposition, il lui sera possible de la contester au moyen du processus de recours des détenus. (Non souligné dans l'original.)

 

[16]           Lorsque cette affaire m’a été présentée à Vancouver, le 6 février 2009, j’ai été informé que l’opinion longtemps attendue du SCC sur la question de savoir si la proposition contrevenait aux lois canadiennes sur le droit d’auteur [traduction] « avait été rédigée sous forme de version préliminaire, mais avait été laissée en l’état jusqu’à l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire ». J’ai alors exprimé l’avis que l’opinion du SCC devrait être mise en forme finale puis communiquée avant que la demande de contrôle judiciaire soit traitée. Avec l’assentiment des parties, la demande de contrôle judiciaire déposée par M. Ewert a été ajournée.

 

[17]           Le 27 février 2009, Heidi Wall a écrit à la directrice de l’établissement Kent pour lui dire son sentiment sur la proposition. Ce même jour, la directrice écrivait au Comité des détenus de l’Unité n° 2 qu’elle avait [traduction] « examiné votre proposition soumise en février 2008 […] de supprimer deux chaînes de films par câble du contrat en vigueur conclu avec Shaw Cable et de les remplacer par des DVD achetés qui seraient projetés sur le réseau de télévision en circuit fermé de l’établissement Kent ». Elle joignait à sa missive une copie de la note de service que Heidi Wall lui avait envoyée, et elle écrivait qu’elle était en accord avec l’évaluation de Mme Wall et qu’elle faisait sien son raisonnement. La directrice Diane Knopf concluait ainsi :

 

[traduction]

Par conséquent, votre proposition de remplacement des chaînes de films par des DVD achetés qui seraient projetés sur le réseau de télévision en circuit fermé de l’établissement est rejetée.

 

Si vous n’êtes pas satisfait de cette décision, vous pouvez déposer un grief auprès du sous-commissaire régional, deuxième palier, conformément à la Directive 081 du commissaire. (Non souligné dans l'original.)

 

[18]           Je résume ici les conclusions de Heidi Wall, qui sont fondées sur [traduction] « les recherches et consultations qu’elle a menées auprès du SCC ».

 

1.    Elle s’est référée à la définition du droit d’auteur, dans l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur, définition qui comporte le droit exclusif « de présenter publiquement l’œuvre en tant qu’œuvre cinématographique » et « de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre […] » Se fondant sur ses recherches et ses consultations, elle a conclu que la projection de DVD sur le réseau de télévision en circuit fermé de l’établissement Kent vers un grand nombre de cellules de détenus relevait de l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur. Elle ajoutait :

 

[traduction] Par conséquent, pour que le SCC ne soit pas en situation de violation de l’article 27 de la Loi, il lui faudrait passer des accords de licence distincts avec divers distributeurs de films avant que des DVD puissent être achetés et diffusés sur des réseaux de télévision en circuit fermé. C’est pour cette raison que, avant l’introduction de services de communication par câble ou par satellite à l’intérieur des pénitenciers, le SCC avait conclu des accords de licence avec plusieurs sociétés canadiennes de diffusion de films pour permettre la projection de films VHS aux cellules des détenus via des réseaux de télévision en circuit fermé.

 

2.    Elle s’est exprimée sur le point soulevé par le Comité des détenus de l’Unité n° 2 pour qui il n’existait aucun problème de droit d’auteur puisqu’une partie du prix d’achat des DVD sert à payer les redevances pour droit d’auteur. Elle écrivait ce qui suit :

 

[traduction] Je crois savoir que les redevances qui sont peut-être incluses dans le prix d’achat d’un DVD s’appliquent uniquement aux visionnements privés, par exemple la projection d’un film dans une habitation, et ne constituent pas des redevances pour diffusion dans le public.

 

et elle concluait ainsi sur cette question :

 

[traduction]

Par conséquent, les redevances comprises dans le prix d’achat d’un DVD ne dissiperaient pas les craintes liées au droit d’auteur suscitées par la proposition du Comité des détenus, et un accord distinct conclu avec chacune des sociétés de diffusion de films serait nécessaire pour garantir le respect de la Loi sur le droit d’auteur.

 

Les circonstances ci-dessus doivent être distinguées de la diffusion de signaux vidéo (y compris les chaînes de films offertes par les fournisseurs de services de communication par câble ou par satellite) dans les prisons, étant donné que les redevances applicables à la diffusion de films sont payées par les fournisseurs de services. Par conséquent, s’agissant des services de communication par câble ou par satellite, les redevances pour diffusion dans le public sont comprises dans le coût de l’abonnement.

 

3.    Elle a ensuite abordé un autre point soulevé par le Comité des détenus de l’Unité n° 2 de M. Ewert, à savoir le fait que les détenus ne tireraient aucun bénéfice de la projection des DVD ni ne vendraient de messages publicitaires dans le cadre de leur proposition. Elle écrivait ce qui suit :

 

[traduction] Cette position est indéfendable en droit parce que les droits conférés par l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur sont des droits autonomes.

 

À son avis, cet article est applicable, qu’une tierce partie tire ou non un bénéfice de la présentation publique ou de la télécommunication d’une œuvre cinématographique.

 

4.    Elle a ensuite examiné l’un des points principaux soulevés par le Comité des détenus de l’Unité n° 2 : l’affirmation selon laquelle l’avis public du CRTC en 2000 autorisant la diffusion dans les prisons sur des réseaux de télévisions en circuit fermé entraîne une dispense d’application des lois canadiennes sur le droit d’auteur. Elle écrivait ce qui suit :

 

[traduction] J’ai examiné l’avis et ceux qui l’ont précédé, et, me fondant sur mes recherches et mes consultations, je puis affirmer que l’avis du CRTC est sans rapport avec les questions de droit d’auteur évoquées plus haut. L’avis du CRTC confère une dispense d’application de la partie II de la Loi sur la radiodiffusion, qui traite de manière générale des pouvoirs du CRTC de réglementer et surveiller le réseau canadien de radiodiffusion. En résumé, la dispense accordée fait qu’il est inutile d’obtenir du CRTC une autorisation pour la diffusion de certains programmes de télévision dans des cas définis. Cependant, l’avis ne s’applique qu’aux questions qui pourraient être soulevées dans le cadre de la Loi sur la radiodiffusion et ne résout pas les possibles violations relevant de la Loi sur le droit d’auteur. Comme je le disais plus haut, c’est par des accords de licence que doit être réglée la question des possibles violations relevant de la Loi sur le droit d’auteur.

 

5.    Heidi Wall évoquait aussi des considérations opérationnelles, en exposant la question dans les termes suivants :

 

[traduction] Étant donné que des contrats additionnels seraient nécessaires pour régler les questions de droit d’auteur suscitées par la proposition du Comité des détenus, j’ai consulté l’Administration centrale sur la question de savoir si le SCC envisagerait de conclure de tels accords une nouvelle fois (les contrats de ce genre nécessiteraient une approbation nationale). En résumé, l’Administration centrale n’est pas favorable à cette approche, principalement pour les raisons qui avaient conduit le SCC à mettre fin en 1998 à ses accords antérieurs – et notamment le coût élevé du maintien de telles licences, et le fait que les services de diffusion par câble ou par satellite offrent un large éventail de programmes, notamment des films, et cela d’une manière qui pour l’heure est plus économique, plus souple et plus commode sur le plan opérationnel.

 

Les dossiers supplémentaires

[19]           Les deux parties ont saisi la possibilité que je leur ai donnée de produire des dossiers supplémentaires.

 

[20]           M. Ewert a déposé ce qui suit :

 

1)  l’affidavit de Donald Rivoire, actuel président du Comité des détenus de l’Unité n° 2 à l’établissement Kent, où il fait état de consultations avec des cadres dirigeants sur la possibilité de rouvrir le contrat Shaw Cable;

 

2) un exposé supplémentaire des faits et du droit;

 

3)   des précédents additionnels.

 

[21]           L’avocate du défendeur a déposé ce qui suit :

 

1)  l’affidavit de Ruth Paterson, une adjointe administrative de l’établissement Kent. Elle y écrit que M. Ewert n’a pas déposé de grief à l’encontre de la décision de la directrice, en date du 27 février 2009, qui rejetait la proposition;

 

2)  l’affidavit de Linda Stade, cheffe régionale (Région du Pacifique), Affaires des détenus, au SCC. Elle a informé la Cour que M. Ewert bénéficierait d’une prorogation de délai pour le dépôt d’un grief au deuxième palier à l’encontre de la décision de la directrice de rejeter la proposition, à condition s’il dépose le grief dans un délai de 20 jours après la date d’une éventuelle ordonnance de la Cour fédérale rejetant sa demande de contrôle judiciaire pour cause d’existence d’un autre recours valable;

 

3)  des documents additionnels;

 

4)   un exposé supplémentaire des arguments.

 

Analyse

a) La question du caractère théorique de l’instance

[22]           Il ne m’est pas nécessaire de décider ce point. L’avocate du SCC a insisté sur le fait que la lettre d’Elizabeth Van Allen n’était pas une décision et que, si elle l’était, elle avait été supplantée par la décision de la directrice Knopf de rejeter la proposition de l’Unité n° 2. J’ai informé l’avocate du SCC que, si tel était le cas, l’intérêt de la justice appellerait, en réponse à cette objection procédurale, un redressement qui consisterait à autoriser, avec les changements additionnels pouvant devoir être apportés aux affidavits déposés, une modification de la demande de contrôle judiciaire de M. Ewert, de sorte que la prétendue décision du 14 mai 2008 soit remplacée par la décision du 27 février 2009 de la directrice Knopf rejetant la proposition. L’avocate du SCC a admis que cette modification éliminerait la question du caractère théorique de l’instance, laissant subsister la question de l’existence d’un autre recours valable.

 

b) La question de l’existence d’un autre recours valable

(i) Les dispositions légales et réglementaires

[23]           Je reproduis, dans l’annexe des présents motifs, l’article 90 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la Loi) et les articles 74 à 82 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (le Règlement), qui établissent la procédure de règlement des griefs imposée par la Loi.

 

[24]           En outre, aux dispositions de la Loi et du Règlement relatives aux plaintes des délinquants s'ajoute la Directive 081 du Commissaire, établie pour favoriser le règlement juste et équitable des plaintes et griefs des délinquants. Entre autres choses, cette directive classe les griefs en fonction de leur degré de priorité et prévoit de courts délais pour le traitement des griefs prioritaires.

 

(ii) Les arguments de M. Ewert

[25]           M. Ewert a exposé les raisons pour lesquelles la procédure de règlement des griefs prévue par la Loi et le Règlement n’offrait pas un autre recours valable pouvant se substituer à un contrôle judiciaire de la décision rejetant la proposition. Je résume ici ses arguments.

 

[26]           D’abord, il a fait valoir que la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt May c. Établissement Ferndale, [2005] 3 R.C.S. 809, avait déjà conclu que le régime de règlement des griefs prévu dans la Loi, dans le Règlement et dans les Directives du Commissaire, ne constituait pas un autre recours valable pouvant se substituer à un contrôle judiciaire.

 

[27]           Deuxièmement, il soutient qu’il a déjà épuisé la procédure interne de règlement des griefs parce que, en fait, sa lettre du 8 mars 2008 adressée au commissaire, à laquelle a répondu Mme Van Allen le 14 mai 2008, équivalait à une plainte au troisième palier et que la décision relative à cette plainte pouvait être l’objet d’un recours devant la Cour fédérale par voie de contrôle judiciaire. Il se fonde sur la décision Markevich c. Canada, [1999] 3 C.F. 28, aux paragraphes 10 à 13.

 

[28]           Troisièmement, il se réfère à la note de service de 1998 adressée par le sous-commissaire de Vink aux directeurs d’établissements du SCC et aux directeurs exécutifs de la région du Pacifique, note de service intitulée [traduction] « Non-renouvellement du contrat Criterion – pas de projection/location/achat de cassettes vidéo ». Selon M. Ewert, une simple lecture de cette note montre que le rejet de la proposition de projection de DVD était une question de politique nationale du SCC, décidée aux plus hauts niveaux de l’organisation. D’après lui, il est couru d’avance que son grief échouera parce qu’il ferait appel aux personnes mêmes qui ont établi la politique nationale. Il invoque la décision Caruana c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1355, au paragraphe 36.

 

[29]           Quatrièmement, le point principal qui sépare les parties est un point de droit qui a été décidé à son détriment. La Cour fédérale est mieux à même de trancher la question.

 

[30]           Cinquièmement, la procédure de règlement des griefs ne convient pas ou n’est pas appropriée pour la contestation de politiques nationales. Elle n’offre pas un véritable recours. Il a cité le grief, à la page 105 de son dossier de demande, qui concerne l’ajout de gants de sport à la Liste nationale du SCC énumérant les biens personnels. Ce grief a été confirmé au troisième palier le 28 janvier 2008, mais n’a pas encore été suivi de mesures correctives. Il a donné un autre exemple de la médiocrité de la procédure de règlement des griefs en alléguant sa lenteur. Il s’est référé à une affaire où il était concerné, et dans laquelle était contesté l’emploi par le SCC de certains instruments d’évaluation du risque (voir Ewert c. Canada (Procureur général), 2007 CF 13). Il s’était écoulé cinq ans avant que son cas soit traité par le régime de règlement des griefs des détenus, et il cite la décision Caruana, au paragraphe 45.

 

Conclusions

 

[31]           Je ne puis accepter l’affirmation de M. Ewert selon laquelle la procédure de règlement des griefs dont il peut se prévaloir ne constitue pas un autre recours valable. Je conclus de la sorte pour les raisons suivantes, qui ont été pour l’essentiel présentées à la Cour par l’avocate du défendeur.

 

[32]           Il a été bien établi par la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale que, en adoptant la Loi et le Règlement, le législateur et le gouverneur en conseil ont institué un régime complet régissant le traitement des griefs déposés par les détenus incarcérés dans des établissements fédéraux, et ce régime de règlement des griefs constitue un autre recours valable, qui conduira en général la Cour fédérale à se déclarer incompétente pour entendre une demande de contrôle judiciaire tant que le détenu n’aura pas épuisé cet autre recours (voir Condo c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. n° 310; Giesbrecht c. Canada, [1998] A.C.F. n° 621 (Giesbrecht); Marek c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 224; Collin c. Canada (Procureur général), [2006] A.C.F. n° 729; McMaster c. Canada (Procureur général), 2008 CF 647 (McMaster)). Il n’est pas nécessaire que l’autre recours soit parfait; il doit être approprié (voir Froom c. Canada (Ministre de la Justice), 2004 CAF 352).

 

[33]           M. Ewert fait valoir que l’arrêt May c. Ferndale a supplanté cette jurisprudence. Je ne suis pas de cet avis, et mes collègues non plus. Je reproduis ici par exemple l’analyse faite par ma collègue la juge Dawson dans la décision McMaster, précitée, aux paragraphes 29 et 32 :

 

29     À mon avis, l’avocat a tort d’invoquer l’arrêt May. Dans cette affaire, la question portait sur la disponibilité du recours de l’habeas corpus auprès des cours supérieures provinciales en présence de l’existence du droit de solliciter un contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale. La majorité des juges de la Cour suprême a conclu que les détenus peuvent décider de contester la légalité d’une décision touchant leur liberté résiduelle soit devant une cour supérieure provinciale par voie d’habeas corpus, soit devant la Cour fédérale par voie de contrôle judiciaire. En tirant cette conclusion, la Cour suprême s’est appuyée, du moins en partie, sur le fait qu’historiquement, le bref d’habeas corpus n’a jamais été un recours discrétionnaire. Contrairement à un autre recours extraordinaire et au jugement déclaratoire, le bref d’habeas corpus est délivré de plein droit. À mon avis, l’arrêt May ne modifie pas l’obligation d’un détenu de recourir à la procédure interne de règlement des griefs avant de solliciter un jugement déclaratoire ou un contrôle judiciaire discrétionnaire.

 

[…]

 

32     Le paragraphe 81(1) entraîne la suspension de la procédure de règlement des griefs pendant qu’un détenu se prévaut d’un autre recours. Cette suspension prévue par le Règlement ne peut agir pour éliminer ou restreindre le pouvoir discrétionnaire de la Cour en matière de contrôle judiciaire. De même, la Cour suprême n’a rien fait de plus que reconnaître que l’existence de la procédure de règlement des griefs n’empêchait pas un détenu de se prévaloir d’un recours juridique. La cour n’a pas modifié la jurisprudence existante concernant la manière qu’une cour de révision traiterait une demande de contrôle judiciaire lorsque des procédures de grief existantes ne sont pas suivies.

 

[34]           Il n’en reste pas moins que, dans certains cas, un juge de la Cour pourra être persuadé de ne pas se déclarer incompétent pour instruire une demande de contrôle judiciaire : situation d’urgence et lacunes manifestes de la procédure de règlement des griefs.

 

[35]           Je ne puis souscrire à l’argument de M. Ewert selon lequel la réponse de Mme Van Allen du 14 mai 2008 constituait une décision sur le bien-fondé de la proposition relative aux DVD, prise aux plus hauts niveaux de l’Administration centrale et que, à ce titre, il serait vain pour lui de s’en rapporter à la procédure de règlement des griefs. La preuve que j’ai devant moi montre que Mme Van Allen n’avait pas le pouvoir de se prononcer sur des plaintes ou griefs et qu’elle ne faisait que réitérer les vues qui lui avaient été transmises à l’établissement Kent, sans connaître la décision qui serait prise en février 2009 par la directrice de l’établissement. Aucune révision n’a encore été faite de la décision de la directrice Knopf prise en février, qui rejetait la proposition. M. Ewert me dit que les politiques établies par le commissaire, de même que les politiques nationales promulguées, ne se prêtent pas à la procédure de règlement des griefs. Dans l’arrêt May c. Ferndale, au paragraphe 63, la Cour suprême du Canada a effleuré cet aspect. Dans l’affaire dont je suis saisi, je ne suis pas persuadé qu’un examen public et impartial du rejet de la proposition ne sera pas accordé à M. Ewert. Au reste, l’avocate du défendeur m’a signalé, durant l’audience, plusieurs exemples où des politiques nationales ont fait l’objet d’une procédure de règlement des griefs. L’espèce Schaefler c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 517, est l’un de ces exemples, et, soit dit en passant, elle semble présenter une certaine similitude, en fait et en droit, avec les points soulevés dans la présente affaire.

 

[36]           J’ai réfléchi à l’argument de M. Ewert selon lequel la question soulevée dans sa proposition est une pure question de droit. Il n’en est rien. Comme le faisait observer Heidi Wall dans sa recommandation adressée à la directrice Knopf, il y a des questions opérationnelles découlant de la proposition, comme il y en avait dans l’espèce Schaefler. La question juridique du droit d’auteur et les questions opérationnelles soulevées par Heidi Wall devraient être examinées ensemble dans la procédure de règlement des griefs. M. Ewert devrait être renseigné sur les doutes de l’Administration centrale, évoqués par Heidi Wall, pour qu’il puisse être en état d’y réagir adéquatement durant la procédure de règlement des griefs.

 

[37]           Je reconnais avec l’avocate du défendeur que la procédure de règlement des griefs présente maints avantages que n’offre pas la procédure de contrôle judiciaire. Le juge Rothstein, maintenant juge à la Cour suprême, faisait état de certains de ces avantages dans la décision Giesbrecht, au paragraphe 10 :

 

10     À première vue, le régime législatif régissant les griefs constitue une autre voie de recours appropriée par rapport au contrôle judiciaire. Les griefs doivent être traités rapidement et les directives du commissaire fixent des délais. Rien ne laisse croire que ce processus est coûteux. Il est probablement même moins coûteux et plus simple qu'une procédure de contrôle judiciaire. Un détenu peut interjeter appel d'une décision sur le fond au moyen de la procédure de grief et un tribunal d'appel peut substituer sa décision à celle du tribunal dont la décision est contestée. Le contrôle judiciaire ne vise pas le fond de la décision et une issue favorable au détenu aurait simplement pour conséquence de renvoyer l'affaire pour que le tribunal dont la décision a été contestée en rende une nouvelle.

 

[38]           J’ajoute que, en l’espèce, M. Ewert connaît le fondement juridique des conclusions de Mme Wall sur la question du droit d’auteur relatif aux DVD; il pourra répondre à ces conclusions après avoir obtenu un avis juridique, et il pourra déposer une information complémentaire à chaque palier de la procédure de règlement des griefs. Il pourra aussi examiner l’expérience provinciale concernant la projection de DVD dans les prisons, une expérience dont a témoigné David Poirier.

 

[39]           J’aborderai un dernier point. M. Ewert a dit que la procédure de règlement des griefs est lente, et que tel serait le cas lorsque serait revu le rejet de la proposition dans une telle procédure. Il invoque la décision Caruana, aux paragraphes 40 à 45. Comme l’a fait observer l’avocate du défendeur, la question de savoir si le régime de règlement des griefs est acceptable du point de vue des délais dépendra des circonstances propres à chaque cas particulier. Il peut fort bien y avoir des facteurs de nature à compliquer le processus décisionnel. Je reconnais avec le défendeur que, vu la preuve que j’ai devant moi, le régime établi par le SCC pour les griefs des détenus ne saurait a priori être qualifié de déficient pour cause de lenteur indue dans le traitement des griefs. M. Ewert n’a du reste pas encore engagé la procédure portant sur le rejet de sa proposition par la directrice de l’établissement Kent.

 

[40]           Pour conclure, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée au motif qu’il existe un autre recours valable, à savoir la procédure de règlement des griefs des détenus qui figure dans la Loi et le Règlement. Il n’est pas adjugé de dépens.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’est pas adjugé de dépens.

 

                                                                                                            « François Lemieux »

                                                                                                _____________________________

                                                                                                                        Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


ANNEXE

 

 

 

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition 1992, ch. 20

 

Procédure de règlement

 

90. Est établie, conformément aux règlements d’application de l’alinéa 96u), une procédure de règlement juste et expéditif des griefs des délinquants sur des questions relevant du commissaire.

 

 

Corrections and Conditional Release Act

1992, c. 20

 

Grievance procedure

 

90. There shall be a procedure for fairly and expeditiously resolving offenders’ grievances on matters within the jurisdiction of the Commissioner, and the procedure shall operate in accordance with the regulations made under paragraph 96(u).

 

 

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (DORS/92-620)

 

Procédure de règlement de griefs des délinquants

 

74. (1) Lorsqu'il est insatisfait d'une action ou d'une décision de l'agent, le délinquant peut présenter une plainte au supérieur de cet agent, par écrit et de préférence sur une formule fournie par le Service.

 

 

(2) Les agents et le délinquant qui a présenté une plainte conformément au paragraphe (1) doivent prendre toutes les mesures utiles pour régler la question de façon informelle.

 

(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), le supérieur doit examiner la plainte et fournir copie de sa décision au délinquant aussitôt que possible après que celui-ci a présenté sa plainte.

 

(4) Le supérieur peut refuser d'examiner une plainte présentée conformément au paragraphe (1) si, à son avis, la plainte est futile ou vexatoire ou n'est pas faite de bonne foi.

 

(5) Lorsque, conformément au paragraphe (4), le supérieur refuse d'examiner une plainte, il doit fournir au délinquant une copie de sa décision motivée aussitôt que possible après que celui-ci a présenté sa plainte.

 

 

75. Lorsque, conformément au paragraphe 74(4), le supérieur refuse d'examiner la plainte ou que la décision visée au paragraphe 74(3) ne satisfait pas le délinquant, celui-ci peut présenter un grief, par écrit et de préférence sur une formule fournie par le Service :

 

a) soit au directeur du pénitencier ou au directeur de district des libérations conditionnelles, selon le cas;

 

b) soit, si c'est le directeur du pénitencier ou le directeur de district des libérations conditionnelles qui est mis en cause, au responsable de la région

 

76. (1) Le directeur du pénitencier, le directeur de district des libérations conditionnelles ou le responsable de la région, selon le cas, doit examiner le grief afin de déterminer s'il relève de la compétence du Service.

 

(2) Lorsque le grief porte sur un sujet qui ne relève pas de la compétence du Service, la personne qui a examiné le grief conformément au paragraphe (1) doit en informer le délinquant par écrit et lui indiquer les autres recours possibles.

 

 

77. (1) Dans le cas d'un grief présenté par le détenu, lorsqu'il existe un comité d'examen des griefs des détenus dans le pénitencier, le directeur du pénitencier peut transmettre le grief à ce comité.

 

(2) Le comité d'examen des griefs des détenus doit présenter au directeur ses recommandations au sujet du grief du détenu aussitôt que possible après en avoir été saisi.

 

(3) Le directeur du pénitencier doit remettre au détenu une copie de sa décision aussitôt que possible après avoir reçu les recommandations du comité d'examen des griefs des détenus.

 

78. La personne qui examine un grief selon l'article 75 doit remettre copie de sa décision au délinquant aussitôt que possible après que le détenu a présenté le grief.

 

79. (1) Lorsque le directeur du pénitencier rend une décision concernant le grief du détenu, celui-ci peut demander que le directeur transmette son grief à un comité externe d'examen des griefs, et le directeur doit accéder à cette demande.

 

 

(2) Le comité externe d'examen des griefs doit présenter au directeur du pénitencier ses recommandations au sujet du grief du détenu aussitôt que possible après en avoir été saisi.

 

(3) Le directeur du pénitencier doit remettre au détenu une copie de sa décision aussitôt que possible après avoir reçu les recommandations du comité externe d'examen des griefs.

 

80. (1) Lorsque le délinquant est insatisfait de la décision rendue au sujet de son grief par le directeur du pénitencier ou par le directeur de district des libérations conditionnelles, il peut en appeler au responsable de la région.

 

(2) Lorsque le délinquant est insatisfait de la décision rendue au sujet de son grief par le responsable de la région, il peut en appeler au commissaire.

 

 

(3) Le responsable de la région ou le commissaire, selon le cas, doit transmettre au délinquant copie de sa décision motivée aussitôt que possible après que le délinquant a interjeté appel.

 

 

 

81. (1) Lorsque le délinquant décide de prendre un recours judiciaire concernant sa plainte ou son grief, en plus de présenter une plainte ou un grief selon la procédure prévue dans le présent règlement, l'examen de la plainte ou du grief conformément au présent règlement est suspendu jusqu'à ce qu'une décision ait été rendue dans le recours judiciaire ou que le détenu s'en désiste.

 

(2) Lorsque l'examen de la plainte ou au grief est suspendu conformément au paragraphe (1), la personne chargée de cet examen doit en informer le délinquant par écrit.

 

 

82. Lors de l'examen de la plainte ou du grief, la personne chargée de cet examen doit tenir compte :

 

 

a) des mesures prises par les agents et le délinquant pour régler la question sur laquelle porte la plainte ou le grief et des recommandations en découlant;

 

b) des recommandations faites par le comité d'examen des griefs des détenus et par le comité externe d'examen des griefs;

 

c) de toute décision rendue dans le recours judiciaire visé au paragraphe 81(1).

 

 

Corrections and Conditional Release Regulations (SOR/92-620)

 

 

Offender Grievance Procedure

 

 

74. (1) Where an offender is dissatisfied with an action or a decision by a staff member, the offender may submit a written complaint, preferably in the form provided by the Service, to the supervisor of that staff member

 

(2) Where a complaint is submitted pursuant to subsection (1), every effort shall be made by staff members and the offender to resolve the matter informally through discussion.

 

(3) Subject to subsections (4) and (5), a supervisor shall review a complaint and give the offender a copy of the supervisor's decision as soon as practicable after the offender submits the complaint.

 

(4) A supervisor may refuse to review a complaint submitted pursuant to subsection (1) where, in the opinion of the supervisor, the complaint is frivolous or vexatious or is not made in good faith.

 

(5) Where a supervisor refuses to review a complaint pursuant to subsection (4), the supervisor shall give the offender a copy of the supervisor's decision, including the reasons for the decision, as soon as practicable after the offender submits the complaint.

 

75. Where a supervisor refuses to review a complaint pursuant to subsection 74(4) or where an offender is not satisfied with the decision of a supervisor referred to in subsection 74(3), the offender may submit a written grievance, preferably in the form provided by the Service,

 

(a) to the institutional head or to the director of the parole district, as the case may be; or

 

(b) where the institutional head or director is the subject of the grievance, to the head of the region.

 

 

76. (1) The institutional head, director of the parole district or head of the region, as the case may be, shall review a grievance to determine whether the subject-matter of the grievance falls within the jurisdiction of the Service.

 

(2) Where the subject-matter of a grievance does not fall within the jurisdiction of the Service, the person who is reviewing the grievance pursuant to subsection (1) shall advise the offender in writing and inform the offender of any other means of redress available.

 

77. (1) In the case of an inmate's grievance, where there is an inmate grievance committee in the penitentiary, the institutional head may refer the grievance to that committee.

 

(2) An inmate grievance committee shall submit its recommendations respecting an inmate's grievance to the institutional head as soon as practicable after the grievance is referred to the committee.

 

(3) The institutional head shall give the inmate a copy of the institutional head's decision as soon as practicable after receiving the recommendations of the inmate grievance committee.

 

78. The person who is reviewing a grievance pursuant to section 75 shall give the offender a copy of the person's decision as soon as practicable after the offender submits the grievance.

 

79. (1) Where the institutional head makes a decision respecting an inmate's grievance, the inmate may request that the institutional head refer the inmate's grievance to an outside review board, and the institutional head shall refer the grievance to an outside review board.

 

(2) The outside review board shall submit its recommendations to the institutional head as soon as practicable after the grievance is referred to the board.

 

 

(3) The institutional head shall give the inmate a copy of the institutional head's decision as soon as practicable after receiving the recommendations of the outside review board.

 

80. (1) Where an offender is not satisfied with a decision of the institutional head or director of the parole district respecting the offender's grievance, the offender may appeal the decision to the head of the region.

 

(2) Where an offender is not satisfied with the decision of the head of the region respecting the offender's grievance, the offender may appeal the decision to the Commissioner.

 

(3) The head of the region or the Commissioner, as the case may be, shall give the offender a copy of the head of the region's or Commissioner's decision, including the reasons for the decision, as soon as practicable after the offender submits an appeal.

 

81. (1) Where an offender decides to pursue a legal remedy for the offender's complaint or grievance in addition to the complaint and grievance procedure referred to in these Regulations, the review of the complaint or grievance pursuant to these Regulations shall be deferred until a decision on the alternate remedy is rendered or the offender decides to abandon the alternate remedy.

 

(2) Where the review of a complaint or grievance is deferred pursuant to subsection (1), the person who is reviewing the complaint or grievance shall give the offender written notice of the decision to defer the review.

 

82. In reviewing an offender's complaint or grievance, the person reviewing the complaint or grievance shall take into consideration

 

(a) any efforts made by staff members and the offender to resolve the complaint or grievance, and any recommendations resulting therefrom;

 

(b) any recommendations made by an inmate grievance committee or outside review board; and

 

(c) any decision made respecting an alternate remedy referred to in subsection 81(1).

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1266-08

 

INTITULÉ :                                       JEFF EWERT c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Affaire instruite par téléconférence entre Ottawa et Vancouver

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 SEPTEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 SEPTEMBRE 2009

 

 

COMPARUTIONS PAR TÉLÉCONFÉRENCE :

 

 

Jeff Ewert

LE DEMANDEUR

 

(pour son propre compte)

 

Liliane Bantourakis

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Jeff Ewert

Agassiz (C.-B.)

 

LE DEMANDEUR

 

(pour son propre compte)

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.