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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court


Date : 20091221

Dossier : T-1039-09

Référence : 2009 CF 1296

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2009

En présence de l’honorable juge Mactavish

 

 

Entre :

LE GRAND CHEF TIMOTHY THOMPSON,

 LE CONSEIL MOHAWK D’AKWESASNE ET

 LES MOHAWKS D’AKWESASNE

demandeurs

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA

PROTECTION CIVILE,

 LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES

FRONTALIERS DU CANADA, ET

 LE MINISTRE DES TRANSPORTS,

 DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS

défendeurs

 

ORDONNANCE ET MOTIFS

 

  • [1] En 2006, il a été décidé que les agents des services frontaliers qui travaillaient à des points d’entrée maritime et terrestre de l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») devaient commencer à porter des armes à feu dans l’exercice de leurs fonctions. Après deux reports de la mise en œuvre de cette initiative d’armement au bureau des douanes sur l’île Cornwall, l’ASFC a informé les Mohawks d’Akwesasne que les agents des services frontaliers à ce point d’entrée commenceraient à porter des armes à feu le 1er juin 2009.

 

  • [2] Cette décision a suscité de multiples manifestations sur l’île Cornwall dans les jours qui ont précédé la date prévue de la mise en œuvre. Dans la nuit du 31 mai 2009, une foule nombreuse s’est rassemblée à proximité de l’installation des douanes. L’ASFC relate que pour maintenir la sécurité de ses employés, elle a décidé d’évacuer le personnel de l’ASFC et de fermer le bureau des douanes de l’île Cornwall. L’installation de l’ASFC sur l’île Cornwall demeure toujours fermée, même si des installations douanières temporaires ont depuis été ouvertes dans la ville de Cornwall.

 

  • [3] En raison des particularités géographiques des environs, les Mohawks d’Akwesasne subissent des difficultés qui sont causées par la fermeture et le déménagement subséquent du point d’entrée. Les demandeurs, qui représentent membres de la collectivité mohawk en leurs capacités respectives, sollicitent maintenant un ensemble de réparations provisoires pour atténuer ces difficultés qui, allèguent-ils, sont causées aux Mohawks d’Akwesasne, en attendant que soit entendue la demande de contrôle judiciaire sollicitée par les demandeurs sur la décision de fermer le bureau des douanes de l’île Cornwall.

 

 

 

  • [4] Pour les motifs ci-après, j’ai conclu que les demandeurs ne subiront pas de préjudice irréparable d’ici au moment où leur demande de contrôle judiciaire fera l’objet d’une décision, et que la prépondérance des inconvénients est favorable aux défendeurs. De ce fait, la motion est refusée.

 

 

Les parties

 

  • [5] Les Mohawks d’Akwesasne sont reconnus au Canada comme une « Bande » dont les membres sont reconnus comme des « Indiens » au sens donné à ces termes dans la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5. De plus, les Mohawks d’Akwesasne sont aussi considérés comme un « peuple autochtone » au sens donné à ce terme dans l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada 1982 (R.-U.), 1982, c 11.

 

  • [6] Le conseil mohawk d’Akwesasne (« CMA ») est un gouvernement communautaire élu par les Mohawks d’Akwesasne conformément au droit électoral coutumier. D’après les demandeurs, il s’agit d’un « conseil de la bande » au sens donné à ce terme dans la Loi sur les Indiens. Le CMA administre les affaires intérieures des Mohawks d’Akwesasne, et les représente dans leurs relations avec les organes du gouvernement du Canada.

 

  • [7] Le grand chef Timothy Thompson était le grand chef élu des Mohawks d’Akwesasne à la date de délivrance de la présente demande de contrôle judiciaire. Il a depuis été remplacé par le grand chef Michael Kanentakeron Mitchell.

 

  • [8] Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est responsable de l’Agence des services frontaliers du Canada conformément à l’article 6 de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada (« LASFC »), L.C. 2005, ch. 38. L’article 5 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) confère au ministre le pouvoir d’établir les bureaux de douane à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada, et de les supprimer, les rétablir ou les modifier à tout moment.

 

  • [9] La mission de l’ASFC est définie dans le paragraphe 5(1) de la LASFC, lequel énonce que l’« Agence est chargée de fournir des services frontaliers intégrés contribuant à la mise en œuvre des priorités en matière de sécurité nationale et de sécurité publique et facilitant le libre mouvement des personnes et des biens — notamment les animaux et les végétaux — qui respectent toutes les exigences imposées sous le régime de la législation frontalière. »

 

  • [10] L’ASFC est chargée d’appliquer des textes réglementaires qui forment le régime de la législation, notamment la Loi sur les douanes et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

  • [11] Le président de l’ASFC a pour responsabilité la gestion de l’ASFC et de toutes les questions qui lui sont liées, sous la direction du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

 

  • [12] Le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités est responsable de la sûreté et de la sécurité des ponts et tunnels internationaux, conformément à l’article 17 de la Loi sur les ponts et tunnels internationaux, L.C. 2007, c.1 (« LPTI »).

 

  • [13] Sans être nommée comme partie à la présente procédure, la Corporation du pont international de la voie maritime Ltée (CPIVM) est aussi partie prenante aux événements qui ont précédé l’émergence de la question. La CPIVM est une filiale de la Société des ponts fédéraux Limitée, une société de transport d’État qui appartient au portefeuille du ministre des Transports. La CPIVM exploite et gère le réseau international de ponts à péage qui relient la rive Nord du fleuve Saint-Laurent, l’île Cornwall et l’État de New York. L’un des volets de l’énoncé de mission de la CPIVM est d’assurer la traversée sécuritaire et efficace aux véhicules commerciaux et privés.

 

 

Caractéristiques géographiques des lieux

 

  • [14] Dans le but de bien comprendre les enjeux visés par motion, il est nécessaire de connaître les caractéristiques géographiques des lieux. C’est pourquoi une carte de la région est jointe en annexe aux présents motifs.

 

  • [15] En résumé, la ville de Cornwall se trouve sur la rive Nord du fleuve Saint-Laurent. L’île Cornwall se trouve dans le fleuve Saint-Laurent au sud de la ville de Cornwall. Les deux se trouvent au Canada. La rive Sud du fleuve Saint-Laurent, directement au sud de l’île Cornwall, se trouve dans l’État de New York à proximité de la ville de Rooseveltown. Les trois régions sont reliées par deux ponts et un corridor autoroutier qui traverse l’île Cornwall.

 

  • [16] Comme son nom l’indique, le Pont international traverse la frontière entre le Canada et les États-Unis, et relie la rive Sud du fleuve Saint-Laurent à l’île Cornwall. À son extrémité Nord, le Pont international rejoint le corridor autoroutier qui traverse l’île Cornwall. Jusqu’au 31 mai 2009, le point d’entrée de l’île Cornwall se trouvait sur ce corridor.

 

  • [17] Le pont Three Nations relie ensuite l’île Cornwall à la rive Nord du fleuve Saint-Laurent. Depuis le 13 juillet 2009, une installation douanière temporaire se trouve sur le pied Nord du pont Three Nations.

 

Mohawks d’Akwesasne

 

  • [18] Les Mohawks d’Akwesasne appartiennent à la grande collectivité mohawk d’Akwesasne, dont les membres comprennent aussi la tribu mohawk St. Regis des États-Unis. Les Mohawks d’Akwesasne disposent de réserves qui leur sont exclusivement destinées dans les provinces de l’Ontario et de Québec. Les terres de réserve en Ontario sont dénommées sous le nom de Réserve Akwesasne n° 59, et comprennent l’île Cornwall (ou « Kawehnoke »). Les terres de réserve au Québec sont dénommées Réserve Akwesasne n° 15, et se composent de deux districts – « Tsi-Snaihne », aussi dénommé « le Chenail », et le village St. Regis (ou « Kanatakon »). Environ 10 800 personnes vivent sur les deux réserves Akwesasne au Canada.

 

  • [19] La réserve Akwesasne se trouve dans l’État de New York, sur la rive Sud du fleuve Saint-Laurent, directement au sud de l’île Cornwall, et rejoint la portion continentale de la réserve d’Akwesasne n° 15 à l’est et au nord. Le grand chef Mitchell a déclaré dans son affidavit que, d’après les renseignements dont il disposait, environ 4 000 personnes vivent sur la réserve d’Akwesasne, bien qu’il reconnaisse que certaines de ces personnes pourraient aussi être comptabilisées dans les relevés démographiques des Mohawks d’Akwesasne.

 

 

Contexte

 

  • [20] L’installation douanière de l’île Cornwall est le 11e poste frontalier terrestre le plus achalandé au Canada, d’après le nombre de personnes qui y traversent la frontière chaque année. L’ASFC a aussi identifié ce poste frontalier terrestre comme étant exposé à un risque élevé d’activités illégales telles que la contrebande.

 

  • [21] Qu’ils résident en Ontario, au Québec ou dans l’État de New York, les Mohawks d’Akwesasne se considèrent comme membres d’une seule et même collectivité. Il existe une grande fluidité de déplacements entre les multiples districts qui composent la collectivité d’Akwesasne. Des membres peuvent vivre dans une partie de la collectivité, travailler dans une autre, et visiter des membres de leur famille dans la troisième.

 

  • [22] Il est impossible de se rendre en voiture de la réserve d’Akwesasne n° 15 au Québec à l’île Cornwall sans passer par les États-Unis. Les déplacements entre la réserve Akwesasne dans l’État de New York et l’île Cornwall exigent toujours de traverser une frontière internationale. De ce fait, la circulation transfrontalière par les membres de la collectivité Akwesasne est très fréquente et régulière, et les Mohawks d’Akwesasne utilisent beaucoup les ponts. En effet, on estime que les membres de la collectivité Akwesasne représentent environ 70 % de la circulation sur les ponts.

 

  • [23] L’établissement d’une frontière internationale qui avait l’effet de diviser la collectivité Akwesasne, et la réglementation applicable à la circulation des personnes et des biens par cette frontière a, au fil des ans, suscité des conflits et des litiges importants.

 

  • [24] Entre autres sujets de litige, le droit des Mohawks d’Akwesasne de transporter des biens au Canada depuis les É.-U. à des fins commerciales sans payer de droits de douane a fait l’objet d’une procédure devant la Cour suprême du Canada : voir Mitchell c. Canada (Ministre du Revenu National - M.N.R.), 2001 CSC 33, [2001] 1 L.C.R. 911. La légalité de l’expropriation de terres de l’île Cornwall pour créer le corridor autoroutier l’installation douanière de l’ASFC fait l’objet de litiges depuis des années, et est toujours examinée dans le cadre d’une procédure devant la Cour (dossier de la Cour numéro T-2210-76).

 

  • [25] Plus récemment, des allégations de profilage racial et d’autres formes de discrimination par les agents de l’ASFC des installations douanières de l’île Cornwall ont été soulevées, et ont donné lieu au dépôt de plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne. D’autres voix de la collectivité Akwesasne se sont opposées à l’expansion proposée des installations de l’ASFC sur l’île Cornwall.

 

 

Initiative d’armement de l’ASFC

 

  • [26] D’après les défendeurs, les agents des services frontaliers sont confrontés à des difficultés grandissantes, surtout aux frontières terrestres, liées à l’interception de menaces potentielles, notamment les individus à haut risque, les armes à feu, les explosifs, les drogues et la contrebande illégale. Avant de recevoir des armes à feu, les agents des services frontaliers n’avaient aucun moyen de contrôler les individus identifiés comme « armés et dangereux » qui tentaient de traverser la frontière. Les agents avaient reçu pour consigne de laisser ces individus entrer au Canada et d’alerter immédiatement les autorités policières.

 

  • [27] Sans aide policière immédiate et vu le nombre de voyageurs armés et dangereux ou de vigies qui traversaient la frontière, il est arrivé à plusieurs reprises que des agents des services frontaliers aient abandonné leurs postes après avoir perçu qu’ils n’étaient plus en sécurité au travail. En août 2006, ces situations ont mené à la décision de remettre des armes à feu aux agents des services frontaliers aux points d’entrée terrestres, notamment à l’île Cornwall.

 

  • [28] Des discussions sur la mise en œuvre de l’initiative d’armement à la frontière située de l’île Cornwall ont eu lieu entre des représentants des Mohawks d’Akwesasne et l’ASFC entre août 2006 et mai 2009. Les Mohawks d’Akwesasne se sont vigoureusement opposés à l’armement des agents des services frontaliers, qui empiétait selon eux sur la notion d’autonomie gouvernementale mohawk. Ils souhaitaient aussi que soient résolues d’autres questions avant que les agents des services frontaliers soient autorisés à porter des armes sur l’île Cornwall.

 

  • [29] De plus, de nombreux Mohawks percevaient aussi le déploiement d’une force armée qui n’était pas assujettie à la gouvernance de la collectivité mohawk comme une forme d’ [Traduction] « agression intersociétale ». En effet, le CMA a informé le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile que le déploiement d’armes serait considéré par la collectivité mohawk comme un [Traduction] « acte de guerre ».

 

  • [30] La mise en œuvre de l’initiative d’armement a été reportée deux fois. Malgré d’autres discussions entre l’ASFC et des membres des Mohawks d’Akwesasne, la question n’a pas été résolue, et l’ASFC est arrivée à la conclusion qu’il était peu probable d’arriver à une résolution. En effet, le grand chef Thompson a confirmé en contre-interrogatoire que pour la CMA, la question était, et demeurait [Traduction] « non négociable ».

 

  • [31] Par conséquent, le 6 mars 2009, le premier vice-président de l’ASFC a informé le grand chef Thompson et deux chefs de district mohawk de St. Regis Village que l’ASFC entendait déployer des agents armés des services frontaliers au point d’entrée de l’île Cornwall le 1er juin 2009.

 

Manifestations au point d’entrée de l’île Cornwall

 

  • [32] Après avoir été informé que l’initiative d’armement serait mise en œuvre à l’installation douanière de l’île Cornwall le 1er juin 2009, le grand chef Thompson a informé l’ASFC que le CMA manifesterait pacifiquement à partir du 1er mai 2009. Les parties ont tenté de négocier sur le lieu et le moment des manifestations afin de réduire au minimum la perturbation des services frontaliers.

 

  • [33] Les parties sont en désaccord sur la nature des manifestations qui ont suivi. Toutefois, il n’est pas contesté que le 25 mai 2009, un individu plus tard identifié comme « R.N. » est entré dans le bâtiment de l’ASFC sur l’île Cornwall. R.N. avait déjà été identifié comme une personne potentiellement interdite de territoire au Canada. R.N. était accompagné de 14 individus, dont certains s’identifiaient comme [Traduction] « guerriers ». Un individu du groupe a informé le personnel de l’ASFC que le groupe était sur place pour protéger la traversée de R.N. au Canada, puisqu’ils ne reconnaissaient pas la frontière entre le Canada et les É.-U., ni l’autorité de l’ASFC ou celle du gouvernement du Canada de refuser à R.N. l’entrée au pays.

 

  • [34] Au cours de cet échange, le groupe a vu un autre individu, dénommé « T.H. » se faire interroger par le personnel de l’ASFC. T.H. avait manifestement des antécédents criminels graves, et son admissibilité au Canada était incertaine. Entourés par le groupe, R.N. et T.H. ont pu quitter le bâtiment de l’ASFC et entrer au Canada.

 

  • [35] Bien qu’il demeure incertain si R.N. tentait d’entrer au Canada ou était déjà au Canada, je ne comprends pas qu’il demeure des désaccords sur le fait que T.H. tentait en effet d’entrer au Canada depuis les É.-U.

 

  • [36] Lance Markell était le directeur de district au point d’entrée de l’île Cornwall à l’époque des faits. Il déclare dans son affidavit qu’il a choisi de ne pas intervenir sur l’entrée au Canada de R.N. et de T.H. afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu d’une situation déjà tendue.

 

  • [37] Le 29 mai 2009, une centaine de manifestants s’est rassemblée à l’installation de l’ASFC. Le grand chef Thompson a dirigé un groupe d’une quarantaine de manifestants dans le bâtiment de l’ASFC. Il a récité une résolution du CMA s’opposant à l’armement des agents des services frontaliers, et un manifestant a informé M. Markell et d’autres qu’il s’agissait du [Traduction] « premier avertissement » pour l’ASFC.

 

  • [38] L’un des individus qui accompagnaient le grand chef Thompson a vu quatre hommes se faire interroger par des agents de l’ASFC. À la question de savoir qui ils étaient, les hommes ont répondu être des Autochtones de l’Oklahoma. Les quatre hommes ont ensuite quitté l’installation de l’ASFC entourés de manifestants et sont entrés au Canada.

 

  • [39] Les quatre individus étaient interrogés par l’ASFC en raison de préoccupations sur leur interdiction possible de territoire au Canada pour motif de grande criminalité. De nouveau, M. Markell déclare avoir choisi de ne pas intervenir immédiatement sur l’entrée de ces individus au Canada afin de ne pas aggraver la situation. Il a toutefois demandé l’aide des agents du renseignement et de l’exécution de la loi (ASFC) pour retrouver les quatre individus au Canada par crainte que leur présence au pays ait un impact négatif sur la santé et la sécurité de la collectivité locale.

 

  • [40] Le 30 mai 2009, une foule d’environ 200 manifestants s’est rassemblée à l’installation de l’ASFC. Le grand chef Thompson a de nouveau récité la résolution du CMA s’opposant à l’armement des agents des services frontaliers, et a informé M. Markell et les autres qu’il s’agissait du [Traduction] « deuxième avertissement » pour l’ASFC.

 

 

Manifestations du 31 mai 2009 et fermeture de l’installation de l’ASFC

 

  • [41] Il existe aussi un désaccord entre les parties sur la nature des événements qui se sont déroulés le 31 mai 2009. Les demandeurs affirment qu’il s’agissait d’une manifestation politique pacifique contre l’armement des agents de l’ASFC des services frontaliers qui devait être rendu effectif le lendemain. Les demandeurs soulignent qu’aucune personne n’a été arrêtée pour des actions qui se sont déroulées ce soir-là pour appuyer leur prétention que la manifestation est demeurée pacifique. En revanche, les témoins de l’ASFC affirment que les manifestations le soir du 31 mai 2009 présentaient une menace pour la sécurité des agents de l’ASFC qui étaient en poste.

 

  • [42] Alors que les deux parties interprètent différemment les incidents qui se sont déroulés à l’installation de l’ASFC sur l’île Cornwall le soir du 31 mai 2009, je ne comprends pas qu’il soit contesté que plusieurs centaines de manifestants se soient rassemblés sur les lieux. Certains manifestants portaient des vêtements de combat, et certains des balaclavas et des bandanas pour dissimuler leur visage. Une grande rétrocaveuse avait aussi été apportée sur les lieux.

 

  • [43] Vers 20 h, le grand chef Thompson et d’autres ont présenté à M. Markell le « troisième et dernier avis » de la résolution du CMA. M. Markell a discuté avec le chef Cheryl Jacobs, qui a demandé si l’armement des agents des services frontaliers pouvait être reporté. Le chef Jacobs a aussi informé M. Markell qu’elle tentait de faire au mieux pour contrôler les manifestants, mais que [Traduction] « il y avait un groupe d’hommes en colère prêts à prendre les choses en main ».

 

  • [44] Pendant la soirée, des individus portant des insignes « Warrior » sur leurs vêtements ont pointé de la lumière vers les caméras de surveillance sur les lieux, rendant difficile de surveiller les environs de l’installation de l’ASFC. Des feux ont aussi été allumés à de nombreux endroits à proximité de l’installation de l’ASFC.

 

  • [45] Vers 23 h, M. Markell a parlé à Jerry Swamp, le chef des services de la police d’Akwesasne. Il est sans conteste que le chef de police Swamp a dit à M. Markell qu’il craignait que ses agents ne puissent pas arriver à contrôler la foule, et qu’il était peut-être dans le meilleur intérêt de l’ASFC que le personnel de l’ASFC quitte l’île Cornwall.

 

  • [46] Environ 40 minutes plus tard, M. Markell a été informé que les employés de la CPIVM qui travaillaient aux postes de péage à l’extrémité Nord de l’île Cornwall étaient évacués pour des raisons de sécurité.

 

  • [47] Richard Comerford, directeur général régional de l’ASFC pour le Nord de l’Ontario, surveillait la situation par vidéo. Peu avant minuit, M. Comerford a parlé au téléphone au chef de police Swamp, qui l’a informé qu’une foule nombreuse se rassemblait à l’installation de l’ASFC sur l’île Cornwall, et qu’il ne pouvait garantir la sécurité des agents des services frontaliers. Les demandeurs ne contestent pas le fait que le chef de police Swamp ait suggéré à M. Comerford que les employés de l’ASFC devraient quitter le bâtiment.

 

  • [48] M. Comerford a ensuite ordonné à M. Markell d’évacuer le personnel de l’ASFC hors de l’installation de l’île Cornwall et le point d’entrée a été fermé.

 

  • [49] Le lendemain matin, M. Comerford a parlé au grand chef Thompson et au chef de police Swamp, qui se sont tous les deux dit préoccupés pour la sécurité des agents de l’ASFC s’ils revenaient sur l’île Cornwall en portant des armes à feu. Dans les jours qui ont suivi, le service de police mohawk d’Akwesasne a continué de conseiller à M. Comerford qu’il n’était pas sécuritaire pour les employés de l’ASFC de revenir à l’île Cornwall, même si l’objectif de leur visite était uniquement de récupérer du matériel qu’ils y avaient laissé.

 

 

Période entre le 1er juin 2009 et l’ouverture du bâtiment temporaire

 

  • [50] La fermeture des installations douanières de l’île Cornwall a entraîné la fermeture immédiate des ponts International et Three Nations. Le blocage du pont Three Nations par des agents des services policiers de la collectivité de Cornwall signifiait que les Mohawks pouvaient quitter l’île Cornwall, mais ne pouvaient pas y revenir.

 

  • [51] De la même manière, le blocage du pont International par la police de l’État de New York et les agents douaniers et de la protection des frontières des États-Unis signifiait que les Mohawks pouvaient quitter l’île Cornwall pour entrer aux États-Unis, mais ne pouvaient pas y revenir. D’après les demandeurs, ces mesures ont forcé le conseil mohawk d’Akwesasne à organiser un transport d’urgence par bateau avec l’aide de membres individuels de la collectivité Akwesasne.

 

  • [52] Le 26 juin 2009, les demandeurs ont déposé leur demande de contrôle judiciaire de la décision de fermer point d’entrée international situé sur l’île Cornwall le 31 mai 2009.

 

  • [53] Une installation de l’ASFC et un point d’entrée temporaires ont été ouverts sur le pied Nord du pont Three Nations dans la ville de Cornwall le 13 juillet 2009. À l’ouverture de l’installation temporaire, la circulation dans deux sens a été rétablie sur les ponts International et Three Nations.

 

  • [54] Depuis le 13 juillet 2009, tous les voyageurs provenant des États-Unis qui arrivent à l’île Cornwall doivent déclarer leur entrée au Canada aux installations douanières temporaires dans la ville de Cornwall. De ce fait, des membres de la collectivité Akwesasne arrivant à l’île Cornwall depuis l’État de New York en voiture doivent parcourir trois kilomètres de plus vers la ville de Cornwall pour déclarer leur entrée, avant de revenir sur leurs pas vers l’île Cornwall. En plus de la distance additionnelle qu’ils doivent parcourir, les membres de la collectivité ont aussi dû attendre pendant de longues périodes aux installations douanières temporaires.

 

  • [55] Le 30 juillet 2009, le groupe de travail ASFC/Cornwall a été formé, et rassemble des représentants de l’ASFC, du CMA, du Conseil de tribu mohawk St. Regis, et du Conseil des chefs des nations mohawks. À partir du 30 juillet 2009, le groupe de travail s’est rassemblé régulièrement dans le but de tenter des résoudre les difficultés opérationnelles de l’ASFC qui se répercutent sur les membres de la collectivité Akwesasne, entre autres.

 

  • [56] Entre le 13 juillet 2009 et le 16 septembre 2009, l’ASFC n’a pas activement appliqué l’exigence de la loi que les personnes qui arrivent au Canada se déclarent à un bureau des douanes. Cependant, un processus d’évaluation mis en œuvre par l’ASFC pour mesurer le taux de conformité des voyageurs à l’obligation de se déclarer a permis d’établir qu’en moyenne, 42 % des véhicules qui traversaient le pont International en direction nord depuis l’État de New York ont omis de se déclarer à l’installation douanière temporaire dans la ville de Cornwall entre le 13 juillet et le 31 août 2009.

 

  • [57] L’ASFC a informé les représentants du CMA et d’autres autres groupes représentant les Mohawks d’Akwesasne qu’elle recommencerait à appliquer les exigences de se déclarer prévues par la Loi sur les douanes et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés à la mi-septembre 2009. D’après l’ASFC, cette mesure était nécessaire pour assurer la sécurité publique et la sûreté nationale.

 

  • [58] Le 18 septembre 2009, l’ASFC a commencé à saisir les véhicules qui avaient été utilisés pour transporter des personnes au Canada en infraction aux exigences de se déclarer prévues par la Loi sur les douanes. Depuis lors, le taux de conformité a considérablement augmenté.

 

 

 

 

 

Motion de mesure provisoire demandée par les demandeurs

 

  • [59] La motion des demandeurs vise à obtenir des « ordonnances provisoires, une injonction interlocutoire et d’autres mesures provisoires » en attendant que soit prise la décision finale sur leur demande de contrôle judiciaire. Plus particulièrement les demandeurs sollicitent [Traduction] :

a)   la suspension et l’interdiction de la saisie par les défendeurs ou l’Agence des services frontaliers du Canada de véhicules de tout demandeur ou tout Mohawk d’Akwesasne aux supposées nouvelles installations douanières [...] et au supposé nouveau point d’entrée international dans la ville de Cornwall [...] et la suspension et l’interdiction d’imposer des amendes et d’autres frais aux Mohawks d’Akwesasne qui ne se déclarent pas à l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») au nouveau point d’entrée lorsqu’ils se rendent uniquement à l’île Cornwall depuis les États-Unis en traversant le pont International qui relie Rooseveltown à l’île Cornwall dans le cadre de déplacements quotidiens et courants, ou pour des activités directement liées au mode de vie des Mohawks d’Akwesasne ou à leur vie collective, ce qui comprend le déplacement résidentiel, ou le transport scolaire des enfants mohawks, ou celui des patients Mohawks vers les services médicaux, ou les déplacements destinés à la prestation ou l’utilisation de services ou de programmes d’éducation, de santé, sociaux ou publics ou aux fins de la gouvernance mohawk.

 

b)   la suspension de l’application par les défendeurs aux demandeurs de la Loi sur les douanes, et de toute autres loi fédérale applicable qui se répercute sur les déplacements des demandeurs à l’intérieur des réserves d’Akwesasne ou entre ces dernières, sises au Canada et aux États-Unis et surtout à l’île Cornwall, laquelle fait partie de la réserve indienne n° 59;

 

c)    à titre liminaire, l’autorisation aux demandeurs les Mohawks d’Akwesasne de se déclarer à l’ASFC, à un emplacement situé sur l’île Cornwall, aux fins des exigences de la Loi sur les douanes et de toute autre loi fédérale, lorsque les demandeurs les Mohawks d’Akwesasne et le conseil mohawk d’Akwesasne se déplacent depuis les États-Unis vers l’île Cornwall;

 

d)    à titre plus liminaire, que l’ordre soit donné aux défendeurs de prendre des mesures alternatives concernant la déclaration des demandeurs en vertu de la Loi sur les douanes et d’autres lois fédérales applicables aux déplacements des demandeurs depuis les États-Unis vers des destinations sur l’île Cornwall;

 

e)    à titre liminaire, que l’ordre soit donné au défendeur le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de délivrer l’autorisation aux demandeurs, incluant tous les Mohawks d’Akwesasne, de se déclarer par tout moyen adéquat et pratique lorsqu’ils se déplacent depuis les États-Unis vers des destinations sur l’île Cornwall;

 

f)    au titre le plus liminaire, que l’ordre soit donné au président de l’ASFC de rouvrir l’installation de l’ASFC sur l’île Cornwall dans le but de permettre aux demandeurs qui se déplacent depuis les États-Unis vers l’île Cornwall à déclarer leur entrée au Canada à cette installation telle qu’elle était exploitée avant le 31 mai 2009, le tout sous réserve de la procédure portant le numéro dossier de Cour T-2210-76 concernant le droit à ces terres;

 

g)    tout ordre ou toute autre mesure que la Cour estimera équitable.

 

 

 

  • [60] L’argumentaire des demandeurs dans leurs observations orales se fonde principalement sur le fait que l’ASFC devait prévoir des mesures de déclaration selon un mode substitutif pour les Mohawks d’Akwesasne. En revanche, dans leurs observations présentées en réponse, l’argumentaire des demandeurs étaye surtout leur prétention que l’ASFC devrait être obligée de rouvrir l’installation douanière de l’île Cornwall et que les agents des services frontaliers devraient y travailler non armés en attendant la décision sur la demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs.

 

 

Critère applicable à la suspension d’instance

 

  • [61] Les parties conviennent que, pour décider si les demandeurs ont droit à la réparation demandée, notamment une injonction interlocutoire, le critère à appliquer est celui qui a été établi par la Cour suprême du Canada dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 L.C.R. 311 [RJR-MacDonald].

 

  • [62] D’après ce critère, les demandeurs doivent démontrer ce qui suit :

1)   Il existe une question sérieuse à juger dans la demande de contrôle judiciaire sous-jacente;

 

2)   Le maintien du nouveau règlement causera un préjudice irréparable; et

 

3)   La prépondérance des inconvénients est favorable au maintien du statu quo.

 

 

  • [63] Vu que le critère est conjonctif, les demandeurs doivent démontrer l’existence des trois composants pour faire déclarer la suspension.

 

 

Question sérieuse

 

  • [64] Dans RJR-MacDonald, la Cour suprême du Canada a observé que le seuil pour démontrer l’existence d’une question sérieuse n’est pas élevé. À ce sujet, la Cour suprême relève que :

Une fois convaincu qu’une réclamation n’est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s’il est d’avis que le demandeur sera probablement débouté au procès. Il n’est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire. (paragraphe 50)

 

 

  • [65] Les défendeurs affirment que la nature de la réparation demandée par les demandeurs (à savoir une exemption ou une modification de l’application de la Loi sur les douanes et de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés) accorderait plus de droits aux demandeurs que ne le ferait une décision finale prise d’après les fondements de leur demande de contrôle judiciaire. Les défendeurs affirment aussi que les demandeurs sollicitent une déclaration temporaire d’invalidité des dispositions de la Loi sur les douanes et de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés telles qu’elles s’appliquent aux demandeurs.

 

  • [66] Dans les circonstances, les défendeurs affirment que la Cour devrait considérer sérieusement le bien-fondé des fondements de la demande sous-jacente avant de conclure qu’elle soulève une question sérieuse. Tel qu’il le sera explicité en détail dans les présents motifs, je n’estime pas qu’il soit nécessaire de résoudre la question dans le présent dossier.

 

  • [67] Bien qu’ils aient reconnu qu’ils ne contestaient pas la décision de faire porter des armes aux agents des services frontaliers, les demandeurs ont présenté des arguments liés au manquement allégué de l’ASFC de mener des consultations adéquates sur la mise en œuvre de l’initiative d’armement de l’ASFC au point d’entrée sur l’île Cornwall.

 

  • [68] Dans leurs observations orales, les demandeurs ont aussi présenté des allégations sur l’illégalité d’avoir établi l’installation douanière temporaire sur des terres qui, aux dires des demandeurs, font l’objet de revendications territoriales, et sur le manquement des défendeurs à consulter les demandeurs sur l’usage de ces terres. En outre, les demandeurs ont présenté des observations pour alléguer l’illégalité de la saisie de véhicules motorisés par l’ASFC à partir de la mi-septembre 2009.

 

  • [69] Les demandeurs contestent aussi la légalité que des agents de l’ASFC des services frontaliers de l’installation douanière temporaire aient interrogé des membres de la collectivité Akwesasne qui entraient au Canada continental en provenance de l’île Cornwall. À cet effet, les demandeurs affirment que l’ASFC n’avait pas le pouvoir d’interroger les personnes voyageant d’un point de départ au Canada vers un point d’arrivée au Canada.

 

  • [70] Il n’est pas, à mon avis, nécessaire d’examiner si l’une ou l’autre de ces questions atteint le seuil établi pour qualifier une question sérieuse aux fins du critère tripartite pour accorder la suspension. Que ces situations soulèvent ou non des questions sérieuses se rapportant à l’une ou l’autre de ces questions, il ne s’agit pas de « questions sérieuses » aux fins de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente.

 

  • [71] Il convient de rappeler que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs a été déposée le 26 juin 2009, et qu’elle se rapportait à la décision de fermer le point d’entrée de l’île Cornwall le soir du 31 mai 2009. Les demandeurs n’ont pas présenté de demande de contrôle judiciaire se rapportant ni à la décision prise par l’ASFC en 2006 d’armer les garde-frontières, ni la décision communiquée au grand chef Thompson le 6 mars 2009 sur la mise en œuvre de l’initiative d’armement au point d’entrée de l’île Cornwall le 1er juin 2009.

 

  • [72] Ainsi, dans la mesure où la mise en œuvre de l’initiative d’armement au point d’entrée de l’île Cornwall est pertinente à la présente procédure, elle est pertinente dans la présentation du contexte factuel de la décision faisant l’objet du contrôle.

 

  • [73] De la même manière, l’ouverture d’une installation douanière temporaire dans la ville de Cornwall a eu lieu un mois et demi après le 31 mai 2009, et plus de deux semaines après que les demandeurs aient présenté leur demande de contrôle judiciaire. Même si les conséquences du déplacement du point d’entrée pour les membres de la collectivité Akwesasne sont pertinentes pour les questions du préjudice irréparable et de la prépondérance des inconvénients sur la présente motion, elles ne sont pas pertinentes dans l’examen de la légalité de la décision du 31 mai 2009 qui est en question dans la demande sous-jacente.

 

  • [74] Pour ce qui est de la saisie de véhicules automobiles par l’ASFC à partir de septembre 2009, ces saisies ont commencé trois mois et demi après qu’ait été prise la décision faisant l’objet du contrôle, et près de trois mois après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire. Donc, la saisie de véhicules automobiles n’est pas pertinente dans l’examen de la légalité de la décision de fermer le point d’entrée sur l’île Cornwall le 31 mai 2009.

 

  • [75] Je me permets aussi de souligner que les personnes affectées jouissaient d’une réparation administrative prévue en vertu des dispositions de la Loi sur les douanes si ces derniers souhaitaient contester la saisie de leurs véhicules.

 

  • [76] Enfin, bien que certains débats subsistent sur l’autorité des agents des services frontaliers d’interroger des individus traversant au Canada continental depuis l’île Cornwall, ces débats ne visent pas une question sérieuse dans le présent dossier, compte tenu de la nature de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente. En effet, j’ai été informé que la question fait actuellement l’objet d’un examen de la Cour en Ontario.

 

  • [77] Tel qu’il a précédemment été remarqué, il existe un désaccord entre les parties sur la question de savoir s’il suffisait aux demandeurs d’atteindre le seuil d’une demande qui n’est « ni futile ni vexatoire » identifié dans RJR-MacDonald, ou si la nature de la réparation suspensive demandée exige que la Cour mène un examen approfondi du fondement de la demande sous-jacente.

 

  • [78] Étant donné que les demandeurs n’ont pas répondu aux deux autres composants du critère de l’injonction, il ne me revient pas de résoudre la question aux fins de la présente motion. Il ne me revient pas non plus si les arguments présentés par les demandeurs se rapportant à leurs droits en vertu du droit international, du droit des Autochtones ou de ceux issus des traités de se déplacer librement sur leurs terres traditionnelles, ou leurs droits ancestraux de vivre comme une collectivité unique soulèvent des questions sérieuses vu la décision de la Cour suprême du Canada dans Mitchell c. Canada (Ministre du Revenu National - M.N.R.).

 

  • [79] Je n’estime pas non plus devoir examiner si les arguments des demandeurs se rapportant au manquement allégué des défendeurs d’avoir consulté les demandeurs sur la décision de fermer le point d’entrée de l’île Cornwall atteignent le seuil établi pour qualifier l’existence d’une question sérieuse aux fins du critère d’injonction. Il en va de même pour les arguments évoqués par les demandeurs en vertu des articles 6, 8, 15 et 26 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

 

Préjudice irréparable

 

  • [80] La suspension d’instance ne doit être accordée que lorsqu’il peut être démontré qu’un préjudice irréparable sera causé entre la date de l’audience de la motion pour mesures provisoires et la date où la demande de contrôle judiciaire sous-jacente est entendue, si la suspension n’est pas accordée : Lake Petitcodiac Preservation Assn. Inc. c. Canada (Ministre de l’Environnement) (1998), 149 F.T.R. 218, 81 A.C.W.S. (3 d) 88 au paragraphe 23.

 

  • [81] Un préjudice irréparableest celui qui ne peut être quantifié en termes monétaires et ne peut être réparé par aucun dommage-intérêt: RJR-MacDonaldau paragraphe59.

 

  • [82] Le fardeau revient à la partie qui sollicite réparation de présenter une preuve claire et non spéculative qu’elle subira un préjudice irréparable sera causé si la motion est déboutée : voir, par exemple, Aventis Pharma S.A. c. Novopharm Ltd., 2005 CF 815, 140 A.C.W.S. (3 d) 163 au paragraphe 59, confirmé dans 2005 CAF 390, 44 C.P.R. (4 th) 326.

 

  • [83] Ainsi, il ne suffit pas à la partie sollicitant la suspension d’instance de démontrer qu’il est possible qu’un préjudice irréparable soit causé si la réparation n’est pas accordée. De plus, les allégations de préjudice qui sont simplement hypothétiques ne suffisent pas. En effet, le fardeau revient à la partie qui demande la suspension de démontrer qu’un préjudice irréparable sera causé : voir International Longshore et Warehouse Union, Canada c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 3, 168 A.C.W.S. (3 d) 315 aux paragraphes 22-25.

 

  • [84] Avant d’examiner en détail les allégations de préjudice irréparable présentées par les demandeurs dans le présent dossier, il convient de relever que certains affidavits présentés par les demandeurs à l’appui de leurs allégations de préjudice irréparable ont été donnés sous serment en juillet 2009, et portent sur la situation qui était celle d’avant l’ouverture de l’installation douanière temporaire dans la ville de Cornwall. De ce fait, leur secours est limité pour l’examen du préjudice subi par les demandeurs à la lumière de la situation actuelle.

 

  • [85] De multiples autres affidavits présentés par les demandeurs ont été donnés sous serment à la fin septembre, 2009, et présentent une perspective actualisée sur la situation à cette date. Il est toutefois manifeste dans les affidavits présentés par les défendeurs et dans le contre-interrogatoire de divers témoins des deux parties que la situation des Mohawks d’Akwesasne demeure relativement fluide. En effet, la situation continue d’évoluer depuis la fin septembre, puisque des difficultés spécifiques causées par le déplacement du point d’entrée sont identifiées par les demandeurs et des mesures ont été prises pour les atténuer.

 

  • [86] Ces nouveaux développements factuels sont d’une importance particulière puisqu’ils se répercutent sur les difficultés rapportées dans les affidavits sur lesquels se fondent les demandeurs, et se rapportant à la capacité des véhicules d’urgence comme les ambulances, les voitures de police et les camions de pompiers de répondre aux appels d’urgence sur l’île Cornwall sans délais indus.

 

  • [87] En effet, le grand chef Mitchell a confirmé en contre-interrogatoire que même si les demandeurs se préoccupaient sincèrement, en été 2009, de la capacité des véhicules d’urgence de répondre rapidement aux appels d’urgence, les préoccupations qu’il avait exprimées dans l’affidavit du 30 septembre 2009 ont maintenant été examinées et fait l’objet de mesures d’atténuation. Il a aussi reconnu que les véhicules d’urgence sont maintenant dispensés de se déclarer au point d’entrée de la ville de Cornwall lorsqu’ils répondent aux appels d’urgence.

 

  • [88] Le témoignage de Sakakohe Pembleton était analogue. Mme Pembleton est directrice du ministère de la Santé du conseil mohawk d’Akwesasne. Mme Pembleton a témoigné que des mesures avaient été prises avec la CPIVM pour dégager la circulation sur le pont afin de laisser passer les ambulances sur l’île Cornwall rapidement.

 

  • [89] Barry Montour est le directeur de la commission scolaire mohawk d’Akwesasne (CSMA). La CSMA administre une école sur l’île Cornwall, une à Tsi-Snaihne, et une autre à St. Regis Village. Les élèves sont transportés par autobus depuis diverses régions de la collectivité mohawk pour se rendre dans ces écoles. Dans son affidavit, M. Montour exprime ses inquiétudes sur l’effet délétère d’obliger les autobus scolaires à se déclarer au point d’entrée dans la ville de Cornwall pour les élèves mohawks. Plus particulièrement, M. Montour déclare que les retards excessifs au passage frontalier prolongeront indûment la journée des élèves à l’école et aura un effet négatif sur leur scolarité et leur bien-être.

 

  • [90] Cependant, en contre-interrogatoire, M. Montour a reconnu que depuis la rentrée de septembre, les autobus scolaires ne se déclaraient plus à l’installation douanière temporaire. Le grand chef Mitchell a aussi reconnu en contre-interrogatoire que les inquiétudes sur la circulation des autobus scolaires ont fait l’objet de mesures qui ont permis, dans une très large mesure, d’y remédier.

 

  • [91] Il est aussi manifeste dans le contre-interrogatoire du grand chef Mitchell que devant les préoccupations exprimées par les membres de la collectivité Akwesasne, d’autres accommodements ont été pris l’ASFC se rapportant aux processions funéraires.

 

  • [92] Le grand chef Mitchell attribue le fait que l’ASFC était disposée à négocier des mesures pour répondre aux préoccupations sur les véhicules d’urgence, les autobus scolaires et les processions funéraires au fait que les demandeurs avaient initié la procédure judiciaire. Peu importe la raison qui a donné lieu aux accommodements pris par l’ASFC : au moment présent, les préoccupations de la collectivité Akwesasne à ces égards ont, dans une large mesure, été réglées.

 

  • [93] Les demandeurs se disent préoccupés par le fait que les accommodements pris par l’ASFC ne sont « inscrits » dans aucun texte, et qu’ils pourraient donc être modifiés ou retirés à tout moment. Cependant, aucun aspect de la preuve qui m’a été présentée ne permet d’entrevoir que l’ASFC a quelque intention que ce soit de modifier les mesures qui ont déjà été mises en œuvre pour faciliter la circulation des véhicules d’urgence, des autobus scolaires et des processions funéraires, et les arguments des défendeurs à ce sujet sont purement spéculatifs. Par ailleurs, si la situation venait à changer, les demandeurs pourraient initier des procédures juridiques qui leur sembleront opportunes.

 

  • [94] M. Montour et plusieurs autres déposants ont aussi exprimé des préoccupations se rapportant à l’effet délétère qu’aura l’exigence de se déclarer au point d’entrée de la ville sur les employés de multiples organismes qui apportent des services d’éducation, de santé et sociaux aux membres de la collectivité Akwesasne.

 

  • [95] Les employés de ces multiples organismes résident au Québec, en Ontario, et à New York, et apportent des services dans tous les trois secteurs d’Akwesasne. En résumé, leurs craintes portent sur les longs temps d’attente à l’installation douanière temporaire, qui grugent sur les heures de travail important que ces personnels pourraient passer à donner des services aux membres les plus vulnérables de la collectivité mohawk. Il est donc nécessaire d’examiner la preuve se rapportant aux temps d’attente à la frontière à l’installation douanière temporaire.

 

  • [96] De multiples témoins des demandeurs ont apporté des preuves anecdotiques dans leurs affidavits, et ont relaté avoir attendu jusqu’à deux heures à l’installation temporaire dans la ville de Cornwall.

 

  • [97] Cependant, le grand chef Mitchell a reconnu en contre-interrogatoire que les temps d’attente à l’installation douanière temporaire s’étaient écourtés depuis septembre du 2009, lorsque le dernier affidavit des demandeurs a été donné sous serment. De plus, des données statistiques déposées en preuve par les défendeurs se rapportant aux temps d’attente à la frontière semblent indiquer que les longs temps d’attente relevaient nettement de l’exception.

 

  • [98] En effet, les statistiques collectées par l’ASFC pour la période entre le 14 août 2009 et le 4 octobre 2009 indiquent que 86 % des passages n’étaient associés à aucun temps d’attente au point d’entrée, que 10 % des passages avaient été précédés d’un temps d’attente entre 20 et 55 minutes, et que l’attente avant le passage ne dépassait les 60 minutes que dans 3 % des cas. Bien que les méthodes statistiques de l’ASFC puissent ne pas être infaillibles, je n’en suis pas moins convaincue que les craintes se rapportant aux temps d’attente à la frontière qu’ont exprimées certains témoins des demandeurs relèvent de la possibilité d’exceptions.

 

  • [99] Je suis aussi convaincue que de nombreuses difficultés se rapportant au fardeau administratif alourdi pour les employés qui doivent maintenant se déclarer à l’installation douanière temporaire peuvent être atténuées à court terme par des mesures administratives telles que la modification des horaires pour leur éviter les heures de circulation de pointe.

 

  • [100] L’évitement des heures de circulation de pointe permettrait aussi de répondre aux craintes exprimées sur la résistance de certaines personnes à se présenter à leurs rendez-vous médicaux ou à visiter leur famille dans d’autres secteurs de la collectivité pour éviter les longs temps d’attente.

 

  • [101] Vu ce qui précède, les demandeurs n’ont pas su me convaincre avec des preuves claires et non spéculatives qu’un préjudice irréparable sera causé d’ici la date à laquelle la demande de contrôle judiciaire sous-jacente fera l’objet d’une décision, si l’injonction n’est pas accordée.

 

  • [102] Le critère de mise en sursis est conjonctif. De ce fait, le constat que les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils subiront un préjudice irréparable suffit à disposer de la motion. Or, par souci d’exhaustivité, j’examinerai aussi la question de la prépondérance des inconvénients.

 

Prépondérance des inconvénients

 

  • [103] Dans Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 L.C.R. 110, la Cour suprême a déclaré que ce troisième composant du critère d’application d’une mesure injonctive consiste à décider laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice si la mesure d’injonction interlocutoire était accordée ou refusée, dans l’attente d’une décision sur le fondement : voir le paragraphe 35.

 

  • [104] Tel qu’il a précédemment été remarqué, les demandeurs affirment que l’ASFC devrait être obligée de rouvrir l’installation douanière de l’île Cornwall, où devraient travailler des agents non armés des services frontaliers en attendant la décision sur la demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs.

 

  • [105] À titre liminaire, les demandeurs prétendent que l’exigence de se déclarer devrait être temporairement suspendue, ou que l’ASFC devrait être obligée de proposer des accommodements de déclaration alternatifs aux membres de la collectivité Akwesasne, afin de ne pas les obliger à se présenter en personne à l’installation douanière temporaire dans la ville de Cornwall.

 

  • [106] À mon avis, la prépondérance des inconvénients est nettement favorable aux défendeurs dans le présent dossier.

 

  • [107] Je reconnais que le déplacement du point d’entrée de l’île Cornwall à la ville de Cornwall a considérablement perturbé la vie de nombreux membres de la collectivité Akwesasne. Cependant, tel que précédemment expliqué dans les présents motifs, je ne suis pas persuadée que l’inconvenance résultant du déplacement du point d’entrée causera un préjudice irréparable aux membres de la collectivité entre la date d’aujourd’hui et le moment où la demande de contrôle judiciaire sous-jacente fera l’objet d’une décision. Je suis aussi convaincue que le préjudice qui serait causé en accordant la mesure provisoire sollicitée par les demandeurs est considérablement supérieur à l’inconvenance subie par ces personnes pendant la période visée.

 

  • [108] J’examinerai d’abord la demande que la Cour ordonne la réouverture de l’installation douanière de l’île Cornwall où travailleraient des agents non armés des services frontaliers. Il ne me revient pas, aux fins de la présente motion, de résoudre les divergences dans la preuve qui porte sur la nature des manifestations qui ont eu lieu sur l’île Cornwall à la fin mai 2009. Il est sans conteste que le 31 mai 2009, le chef des services policiers mohawk d’Akwesasne a exprimé aux représentants de l’ASFC ses inquiétudes que ses agents ne pourraient contrôler la foule qui s’était rassemblée à l’installation de l’ASFC, et qu’il serait dans l’intérêt de l’ASFC que le personnel de l’ASFC quitte l’île Cornwall.

 

  • [109] Il est aussi sans conteste que, pendant la période qui a suivi la fermeture du point d’entrée, le chef des services policiers mohawk d’Akwesasne a informé les représentants de l’ASFC à au moins trois reprises qu’il n’était pas sûr pour les employés de l’ASFC de revenir à l’île Cornwall, même pour le seul objectif de récupérer les matériels qu’ils y avaient laissés.

 

  • [110] De plus, ainsi que l’a déclaré le grand chef Mitchell dans son affidavit, et qu’il l’a réitéré dans son contre-interrogatoire, la situation à Akwesasne [Traduction] « demeure volatile et imprévisible ».

 

  • [111] De ce fait, j’estime qu’il serait inopportun d’ordonner la réouverture du point d’entrée sur l’île Cornwall dans les circonstances où la sécurité physique des agents des services frontaliers demeure incertaine.

 

  • [112] Entre autres demandes liminaires, les demandeurs demandent qu’il soit ordonné aux défendeurs de [Traduction] « suspendre l’application par les défendeurs aux demandeurs de la Loi sur les douanes, et d’autres textes de loi fédérale applicable aux déplacements des demandeurs à l’intérieur des réserves d’Akwesasne situées au Canada et aux États-Unis ou entre ces dernières, et surtout à l’île Cornwall, qui fait partie de la réserve indienne n° 59”.

 

  • [113] Dans l’examen de la prépondérance des inconvénients dans une instance où une partie cherche à empêcher une autorité publique de s’acquitter du mandat qui lui a été prescrit par la loi, la Cour doit présumer que la loi — dans le présent dossier l’obligation des individus de se déclarer à l’installation de l’ASFC à leur entrée au Canada tel que le prescrit le paragraphe 11(1) de la Loi sur les douanes — « a été adoptée pour le bien du public et qu’elle sert un objectif d’intérêt général valable ». De plus, la « présomption que l’intérêt du public demande l’application de la loi joue un grand rôle » : voir Harper c. Canada (Procureur général), 2000 CSC 57, [2000] 2 L.C.R. 764 au paragraphe 9.

  • [114] La prépondérance des inconvénients n’est pas favorable à la décision de suspendre l’application de l’exigence de déclaration pour les demandeurs. Les demandeurs cherchent à diminuer la capacité de l’ASFC de s’acquitter des responsabilités que lui confère la loi, et qui est de rendre des « services frontaliers intégrés contribuant à la mise en œuvre des priorités en matière de sécurité nationale et de sécurité publique » tout en facilitant la libre circulation des personnes et des biens. Un tel résultat serait contraire à l’intérêt public vu le préjudice possible qui pourrait être causé pour la sûreté du Canada si un tel recours provisoire était accordé. De ce fait, la prépondérance des inconvénients est nettement favorable aux défendeurs à cet égard.

 

  • [115] Enfin, les demandeurs sollicitent que soit donné l’ordre que les défendeurs proposent des mesures de déclaration selon un mode substitutif aux membres de la collectivité Akwesasne qui visitent l’île Cornwall dans leurs déplacements courants et quotidiens.

 

  • [116] Le paragraphe 11.1(1) de la Loi sur les douanes autorise le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à accorder à quiconque une autorisation lui permettant de se présenter selon un mode substitutif. Paul Porrior, directeur de l’ASFC pour le renseignement et l’application de la loi dans le Nord de l’Ontario, déclare dans son affidavit que la présentation par téléphone est autorisée dans les lieux où il n’existe aucun bureau des douanes permanent.

 

  • [117] Tout en reconnaissant l’existence d’un tel pouvoir discrétionnaire, les défendeurs affirment qu’il serait inopportun d’ordonner de telles modes de présentation substitutifs pour les demandeurs dans le présent dossier. À cet effet, les défendeurs rappellent que l’on dénombre entre 12 000 et 15 000 personnes dans la collectivité Akwesasne à qui ces mesures de déclaration selon un mode substitutif pourraient s’appliquer. Il serait absolument impossible pour l’ASFC de vérifier si des voitures provenant de l’État de New York et roulant vers l’île Cornwall contiennent ou non des membres de la collectivité Akwesasne, ou d’autres personnes. L’ASFC ne pourrait pas non plus vérifier la nature des déplacements de ces individus vers l’île Cornwall.

 

  • [118] Une telle pratique soulèverait aussi des préoccupations sur la capacité de l’ASFC de surveiller la conformité aux mesures de déclaration selon un mode substitutif autorisées des membres de la collectivité Akwesasne. À cet effet, il convient de rappeler le niveau élevé de non-conformité aux exigences de la loi par les membres de la collectivité Akwesasne jusqu’à ce que l’ASFC commence à saisir les véhicules à la mi-septembre de la présente année.

 

  • [119] De plus, bien que les avocats des demandeurs aient reconnu dans leurs observations que les Mohawks d’Akwesasne sont obligés par la loi de se déclarer à l’ASFC à leur entrée au Canada lorsqu’ils arrivent des États-Unis, ils ont aussi observé que [Traduction] «  la vaste majorité » des membres de la collectivité Akwesasne estiment ne pas être obligés de se déclarer à l’ASFC lorsqu’ils se déplacent en territoire mohawk. Cela a été confirmé par le chef James Ransom dans son contre-interrogatoire.

 

 

  • [120] Ainsi que l’a observé M. Porrior dans son affidavit, lorsque sont employés des modes de présentation substitutifs à la déclaration en personne, l’ASFC doit être en mesure de vérifier la conformité. Il a précisé que, vu qu’il était impossible pour les agents de l’ASFC de faire des vérifications au hasard de la conformité sur l’île Cornwall en toute sécurité, les modes de présentation substitutifs ne représentaient pas une solution viable. Je suis d’accord.

 

  • [121] Je suis donc convaincue que l’imposition des mesures de déclaration selon un mode substitutif que sollicitent les demandeurs ne serait pas opportune dans le présent dossier, puisque ces mesures diminueraient considérablement la capacité de l’ASFC de s’acquitter du mandat qui lui est conféré par la loi, et qui vise la mise en œuvre des priorités en matière de sécurité nationale et de sécurité publique.

 

  • [122] Je me permets aussi de relever que les demandeurs demandent à la Cour d’ordonner à la l’ASFC comment elle devrait gérer et surveiller les activités des services frontaliers du Canada dans la région de Cornwall. Cela ne revient pas à la Cour sur une motion telle que la présente : voir North of Smokey Fishermen’s Assn. c. Canada (Procureur général) 2003 FCT 33, 229 F.T.R. 1 au paragraphe 27.

 

  • [123] Compte tenu de toutes les circonstances, je conclus que la prépondérance des inconvénients est nettement favorable aux défendeurs dans le présent dossier.


ORDONNANCE

 

  LA COUR STATUE que la motion des demandeurs est rejetée, avec les frais de procédure.

 

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge



COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1039-09

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :  GRAND CHEF TIMOTHY THOMPSON, ET AUTRES C.

  LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE, ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 8, 9, 10 décembre 2009

 

 

JUGEMENT ET MOTIFS :  La juge Mactavish

 

DATE DES MOTIFS L  Le 21 décembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me James A. O’Reilly

Me Nathan Richards

Me Gary Carot

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Jeff Anderson

Me Lynn Marchildon

Me Myriam Firard

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

O’REILLY ET ASSOCIÉS

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, Q.C.

Vice-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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