Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Federal Court

 

Cour fédérale

 


Date : 20091222

Dossier : IMM‑2556‑09

Référence : 2009 CF 1300

Ottawa (Ontario), le 22 décembre 2009

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

 

ENTRE :

SHARAN PAUL

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Sharan Paul, est un citoyen bangladeshi de religion hindoue. Il est arrivé au Canada en août 2002, avec un visa d’étudiant. Avant son départ du Bangladesh, il aurait commencé à fréquenter la fille d’un puissant compatriote de confession musulmane. Il est retourné au Bangladesh en 2003 et en 2004, et, soutient-il, a continué à fréquenter cette femme. Il est ensuite revenu au Canada, où il a présenté le 27 août 2004 une demande d’asile fondée sur la persécution dont il déclarait faire l’objet de la part de la famille musulmane de son amie. Par décision en date du 18 août 2005, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande d’asile au motif qu’il n’était pas crédible.

[2]               En décembre 2006, le demandeur a déposé une demande d’examen des risques avant renvoi (la demande d’ERAR) et, en août 2007, il a présenté sous le régime de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), une demande de résidence permanente de l’intérieur du Canada, fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (la demande CH). Ces deux demandes ont été rejetées par deux décisions du même agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent d’ERAR). Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire des deux décisions. Notre Cour a examiné la décision d’ERAR dans le cadre du dossier no IMM‑2558‑09 et en a rejeté la demande de contrôle judiciaire. Les paragraphes qui suivent exposent les motifs pour lesquels je rejette la demande de contrôle judiciaire de la décision CH défavorable au demandeur.

 

[3]               Comme j’ai conclu que la demande de contrôle judiciaire de la décision d’ERAR devait être rejetée, la seule question qui reste en litige dans la présente espèce est celle de savoir si l’agent a appliqué un critère erroné à l’évaluation des risques.

 

[4]               S’il est vrai que le contrôle de la décision de l’agent considérée dans son ensemble est soumis à la norme de la décision raisonnable, le point de savoir s’il a appliqué le critère qui convient est une question de droit et doit donc être examiné suivant la norme de la décision correcte; voir Ramotar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 362, [2009] A.C.F. no 472 (Ramotar), paragraphe 12; et Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphes 47 et 50.

[5]               L’agent chargé d’examiner une demande CH doit établir si la preuve suffit à démontrer que le demandeur devrait faire face à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’il présentait sa demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada. Par conséquent, la demande d’ERAR et la demande CH peuvent reposer sur le même fondement factuel pour ce qui concerne les risques. Cependant, dans le cadre de la demande CH, le décideur doit examiner le point de savoir si l’obligation pour le demandeur de retourner dans son pays d’origine pour demander la résidence permanente entraînerait pour lui des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Si ce critère n’est pas énoncé à l’article 25 de la LIPR, il est solidement établi dans la jurisprudence; voir : Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, [2008] A.C.F. no 814, paragraphe 37; Ramotar, précitée, paragraphe 13; et Pinter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 296, 44 Imm. L.R. (3d) 118, paragraphe 3.

 

[6]               Dans la présente espèce, il ressort à l’évidence de l’exposé de ses motifs que l’agent était conscient du fait qu’un critère différent doit être appliqué aux demandes CH.

L’analyse du risque dans une demande CH repose sur des critères bien différents que ceux évalués par la SPR. On doit être satisfait que le risque peut être objectivement personnalisé pour la vie ou la sécurité et qu’il se transpose en difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives pour le demandeur.

 

[7]               Le demandeur fait observer que l’agent d’ERAR a conclu qu’il courait effectivement un risque général, soit celui qui est le lot des citoyens bangladeshis de confession hindoue. S’il est vrai, soutient le demandeur, que les risques visés par l’examen relevant de l’article 97 doivent être des risques personnels, il n’en va pas de même dans le cadre d’une demande CH. Autrement dit, poursuit le demandeur, on peut conclure à l’existence de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives même lorsque le risque couru est d’ordre général.

 

[8]               J’admets que l’existence d’un risque général peut mener à la conclusion que l’auteur de la demande CH subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Cependant, la jurisprudence récente de notre Cour établit qu’il doit y avoir plus qu’un risque général pour que cette conclusion se justifie. La décision Chand c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 964, [2009] A.C.F. no 1175, rendue par le juge Harrington, illustre bien ce point de vue. Dans cette décision, le juge Harrington examinait le rejet d’une demande CH présentée par une famille guyanienne qui invoquait le risque général couru par tous ses compatriotes d’origine indienne. Il écrivait ce qui suit au paragraphe 6 :

[...] l’agent a fait une remarque tout à fait raisonnable, selon laquelle il y a un grand nombre de victimes d’actes criminels au Guyana et que si, comme l’indique le dossier d’information sur le pays, les agressions sont fréquentes dans les écoles, les Chand ne se trouveraient pas dans une situation spéciale. Ils ne devraient pas être dans une meilleure posture parce qu’ils ont quitté le Guyana, alors que d’autres ont dû y rester. Comme il est dit dans [Ramotar, précitée], être la victime probable d’activités criminelles généralisées ne suffit pas. Il doit y avoir autre chose. [Non souligné dans l’original.]

 

[9]               Dans la présente espèce, comme les allégations de risque personnel du demandeur avaient été rejetées, il ne restait plus à son actif que le risque général couru en tant que membre de la minorité hindoue du Bangladesh. Pour ce qui concerne ce risque général, l’agent d’ERAR a formulé la conclusion suivante : « Bien qu’il y ait des problèmes de droits humains au Bangladesh, je conclus qu’il n’a pas démontré que le risque pourrait constituer une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive dans son cas en particulier. »

[10]           Si l’on considère sa décision dans son ensemble, l’agent a examiné tous les facteurs en cause (le risque allégué, l’établissement et la situation familiale) pour arriver à la conclusion que les difficultés que pourrait rencontrer le demandeur ne seraient pas « inhabituelles et injustifiées ou excessives selon son profil en particulier ». On ne m’a pas convaincue que cette conclusion soit entachée d’une erreur donnant lieu à révision.

 

[11]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[12]           Aucune des parties ne propose de question à la certification.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE COMME SUIT :

 

1.                  La demande d’autorisation et la demande de contrôle judiciaire sont rejetées.

 

2.                  Il n’est pas certifié de question d’importance générale.

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑2556‑09

 

INTITULÉ :                                                   SHARAN PAUL

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 1er décembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 22 décembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

 

POUR LE DEMANDEUR

Manuel Mendelzon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.