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Cour fédérale

Federal Court

Date : 20100122

Dossier : IMM-2720-09

Référence : 2010 CF 60

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

ENTRE :

AYAZ MALIK

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de Martin Ginsherman de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 24 avril 2009, dans le cadre de laquelle la Commission a rejeté la demande d’asile du demandeur, concluant que ce dernier n’est ni un « réfugié au sens de la Convention » ni une « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

[2]               Le demandeur a fondé sa demande sur le fait qu’il craint d’être persécuté par certaines personnes au Pakistan à cause de son appartenance au Pakistan Peoples Party (« PPP ») et de son rôle actif à l’intérieur de ce dernier. Il allègue qu’un mandat d’arrestation a été lancé contre lui pour diffamation contre un chef de parti politique.

 

[3]               Dès le début de l’audience, comme il ressort de la décision contestée, la Commission a énoncé les questions essentielles visées par l’audience, soit la crédibilité du demandeur, le fait qu’il dit craindre avec raison d’être persécuté et l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (« PRI ») à Islamabad, Pakistan. Dans sa décision, la Commission a établi que le demandeur n’est pas crédible et qu’il ne craignait pas avec raison d’être persécuté. La Commission ne s’est pas prononcée quant à l’existence d’une PRI.

 

[4]               Voici un extrait de la décision de la Commission :

[traduction]     M. Malik a présenté une attestation de lieu de résidence délivrée le 29 novembre 1998. J’ai des raisons de mettre en doute l’authenticité de ce document. La photo figurant sur cette attestation a été prise sur fond bleu. Selon les connaissances spécialisées auxquelles j’ai accès sur le sujet, l’arrière-plan officiel pour les photographies de ce type de document est rouge. Le demandeur a été interrogé sur la personne qui a pris cette photo et sur la question de savoir si l’utilisation finale de la photographie était connue. Il a déclaré qu’un photographe professionnel a pris la photo et que ce dernier ne savait pas qu’elle servirait pour ce type d’attestation. J’admets qu’un photographe professionnel a pris la photo et qu’il a pu ignorer l’utilisation qui en serait faite. Cependant, je ne peux concevoir qu’un fonctionnaire appose sur une attestation valide de l’État une photo ayant comme arrière-plan une autre couleur que celle qui est prévue. Il est possible que ce document soit authentique, mais qu’il ait été obtenu illégalement. En effet, il est établi que l’on peut se procurer facilement de faux documents au Pakistan (PAK102657.EF). Je n’accorde aucune valeur à ce document parce que la photo qui y est apposée ne satisfait pas aux normes officielles. Le simple fait que le demandeur ait fourni un faux document affaiblit de façon globale sa crédibilité.

 

     On nous dit que le document a été délivré parce que le demandeur en avait besoin pour s’inscrire au collège. Selon son témoignage sous serment dont il est fait état dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) (Question 6c)), il a été admis à l’université en 2001. En 1998, il aurait eu 14 ans. Dans son témoignage sous serment, il a déclaré qu’il avait 18 ans au moment où il a été admis au collège. Placé devant cette contradiction au sujet de son âge, le demandeur a affirmé qu’il s’est procuré ce document parce qu’il était exigé pour son immatriculation. Cette déclaration contredit sa réponse originale selon laquelle il en avait besoin en vue de son admission. Je tire une conclusion négative relativement à sa crédibilité à cause de cette modification dans son témoignage donné de vive voix.

 

 

 

[5]               Il semble donc que la principale conclusion négative concernant la crédibilité du demandeur vienne du fait que le demandeur a remis une attestation de lieu de résidence qui avait été délivrée le 29 novembre 1998. La Commission a déclaré dans ses motifs que [traduction] « la photographie sur l’attestation avait été prise sur fond bleu » et, selon les connaissances spécialisées que possédait la Commission sur le sujet, l’arrière-plan des photos figurant sur les documents de l’État pakistanais doit être rouge. La Commission n’a accordé aucune valeur à ce document et a considéré qu’il s’agissait d’un faux. Par conséquent, la Commission a conclu qu’en remettant un faux document, le demandeur avait affaibli de façon globale sa crédibilité.

 

[6]               Il semble aussi que le demandeur ait fourni des témoignages contradictoires concernant les fins auxquelles était destiné le document : au départ, le demandeur a déclaré qu’il en avait besoin pour s’inscrire dans un collège puis, il a affirmé qu’il en avait besoin en vue de son immatriculation. Selon la Commission, cette contradiction a miné la crédibilité du demandeur.

 

[7]               La question déterminante dont était saisie la Commission, qui a admis que le demandeur était membre du PPP, consistait à établir si le demandeur possédait suffisamment de caractéristiques d’un membre du PPP pour subir les agressions dont il aurait été victime. Le demandeur avait présenté deux lettres rédigées en anglais par des membres de la fédération étudiante du Pakistan [Pakistan Student Federation] et du comité exécutif central [Central Executive Committee] du PPP. Cette preuve documentaire a été soumise afin de démontrer que le demandeur était un militant actif du PPP et un de ses chefs connus. Les lettres, rédigées dans un anglais de piètre qualité, étaient censées avoir été écrites par des personnes ayant fait leurs études universitaires en anglais, la deuxième langue officielle du Pakistan. La Commission a jugé peu vraisemblable que ces personnes tolèrent autant d’erreurs dans leurs textes rédigés en anglais. Compte tenu de la preuve documentaire selon laquelle il est facile d’établir de faux documents au Pakistan, la Commission a statué que ces documents étaient probablement des faux. Pour arriver à cette décision, la Commission semble avoir tenu compte de sa conclusion antérieure selon laquelle le demandeur avait fourni une fausse attestation de lieu de résidence.

 

[8]               Pour un certain nombre de raisons, la Commission a jugé peu probable que les événements du 2 février 2007 aient vraiment eu lieu, soit que le demandeur aurait été pourchassé par les policiers et aurait dû se cacher. Premièrement, la Commission a établi qu’il était peu probable que le PPP ait distribué des dépliants à 200 mètres d’un poste de police. Questionné au sujet du nombre de dépliants que le demandeur devait distribuer, ce dernier a dit qu’il en avait entre 200 et 250. La Commission a jugé invraisemblable que le demandeur ignore le nombre exact de dépliants qu’il devait distribuer. De plus, la Commission a souligné que le demandeur avait de la difficulté à décrire les agents de police qui l’ont poursuivi ce jour-là. Il a donné un témoignage incohérent et contradictoire relativement à l’endroit où il se trouvait au rond-point et sur la distance qui le séparait du poste de police lorsqu’il a fait un croquis du secteur. Selon la Commission, compte tenu de la faible qualité des éléments de preuve, le demandeur n’aurait pu distribuer les dépliants de la façon décrite par ce dernier.

 

[9]               Pour confirmer son récit des événements du 2 février 2007, le demandeur a produit une lettre d’un avocat dont sa mère avait retenu les services; il est dit dans cette lettre qu’un mandat d’arrestation a été lancé contre le demandeur. Le demandeur a aussi produit le Premier rapport d’information sur l’incident du 2 février 2007 et une copie du mandat d’arrestation. La Commission a rejeté les trois documents parce qu’ils concernaient les événements survenus le 2 février 2007 dont il avait déjà été établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils ne s’étaient pas produits. Encore une fois, la Commission s’appuie sur ses connaissances spécialisées selon lesquelles il est facile de se procurer de faux documents au Pakistan. En ce qui concerne précisément la lettre de l’avocat, la Commission a souligné que ce dernier n’avait mentionné l’existence d’aucune procédure judiciaire ou tentative des autorités de retrouver l’endroit où se trouve le demandeur. La Commission a statué qu’il était raisonnable de conclure que si les autorités étaient encore intéressées à retrouver le demandeur, la lettre de l’avocat en aurait fait mention.

 

[10]           Le principal argument du demandeur est que la Commission a commis une erreur grossière en donnant les motifs pour lesquels elle a rejeté l’attestation de lieu de résidence du demandeur. En effet, la Commission dit clairement que l’arrière-plan de la photo était bleu et qu’il aurait dû être rouge. Cependant, la photographie remise à la Commission, telle qu’elle figurait sur l’attestation de lieu de résidence, avait été prise sur fond rouge. Les parties ne contestent pas ce fait. Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur fondamentale dans l’évaluation de la preuve. Cette erreur a débouché sur une conclusion générale négative quant à la crédibilité du demandeur qui a influencé les conclusions ultérieures de la Commission sur la probabilité que les autres documents aient été des faux. Pour ce seul motif, la décision devrait être cassée et l’affaire renvoyée devant la Commission pour qu’un nouvel examen soit effectué.

 

[11]           Cependant, le défendeur soutient que la Commission a simplement confondu les couleurs, écrivant bleu lorsqu’elle voulait dire rouge, au moment de la rédaction de ses motifs. Il ressort clairement de la transcription que la Commission était constamment préoccupée par le fait que l’arrière-plan était rouge alors qu’il aurait dû être bleu. Ce que le demandeur désigne comme une grave erreur d’appréciation des faits n’est, selon le défendeur, qu’une simple erreur de transcription.

 

[12]           Le Ministre a produit un extrait de la transcription où le commissaire disait que l’arrière-plan devait être bleu et non rouge dans le cas des documents produits par le gouvernement du Pakistan. Je reconnais avec le Ministre que, selon la transcription, une erreur se retrouvait dans les motifs écrits, erreur dont on peut dire qu’elle est, au pire, une faute grave d’inattention.

 

[13]           Invité à commenter les connaissances spécialisées de la Commission selon lesquelles les documents officiels du gouvernement du Pakistan doivent comporter une photo prise sur fond bleu, le demandeur a affirmé que les exigences relatives aux attestations de lieu de résidence sont différentes. Le demandeur n’a pas fourni d’autres éléments de preuve pour réfuter les connaissances spécialisées invoquées par la Commission. Cette dernière a estimé que ces éléments de preuve ne suffisaient pas à réfuter ce qu’elle savait relativement à la couleur de l’arrière-plan des photos apposées sur les documents officiels. Le document était probablement un faux et il était raisonnable que la Commission conclue que ce fait affaiblissait de façon générale la crédibilité du demandeur.

 

[14]           En ce qui concerne l’appréciation par la Commission de tous les autres faits, y compris les inférences qui en ont été tirées, je ne suis pas convaincu, après avoir passé la preuve en revue et entendu les avocats des parties, qu’elle était déraisonnable. Même si j’ai quelques réserves au sujet des inférences de la Commission concernant le caractère peu probable de la survenance des événements du 2 février 2007, qui constituent le fondement de la présente demande, la Cour ne doit pas s’immiscer dans une décision lorsque cette dernière se situe à l’intérieur d’un éventail d’issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190). Les conclusions de la Commission se justifient au vu du contenu du dossier et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 24 avril 2009, qui déboute la demande d’asile du demandeur est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

Copie certifiée conforme

Colette Dupuis

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2720-09

 

INTITULÉ :                                       AYAZ MALIK c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 janvier 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Eric Freedman                                            POUR LE DEMANDEUR

 

Me Evan Liosis                                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Eric Freedman                                                  POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r..                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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