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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date :  20100209

Dossier :  T-940-09

Référence :  2010 CF 132

Ottawa (Ontario), le 9 février 2010

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

ROBERT NORTON ALLAIRE

demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               [36]      Bien qu’il soit loisible à la Commission de se renseigner sur les relations de l’intimé avec d’autres personnes (criminalisées) qui ont comploté avec lui pour commettre des infractions pour lesquelles il a été condamné (et d’ailleurs de se renseigner sur la poursuite de quelque relation avec ce genre de personne), elle devrait éviter d’utiliser des termes qui, advenant une réponse affirmative, peuvent donner lieu à un aveu quant à la perpétration d’une infraction criminelle pour laquelle aucune condamnation n’a été obtenue, ou au moins être attentive à la difficulté posée par son choix de mots.

 

(Extrait du jugement majoritaire dans Canada (Procureur général) c. Coscia, 2005 CAF 132, [2006] 1 R.C.F. 430).

[2]               La Commission nationale des libérations conditionnelles (la CNLC) peut, après réexamen, parvenir à la même conclusion; elle doit cependant faire très attention à la manière dont ses questions sont formulées, comme le rappelle l’extrait des motifs majoritaires reproduit ci-dessus.

 

II.  Introduction

[3]               Il s’agit en l’espèce d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Section d’appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Section d’appel de la CNLC) a confirmé la décision de la CNLC refusant, conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLC), d’accorder la semi-liberté au demandeur.

 

III.  Contexte

[4]               Le 3 mai 2007, le demandeur a plaidé coupable à une accusation d’importation d’une substance inscrite à l’annexe 1, infraction pour laquelle il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 10 ans.

 

[5]               Le 21 novembre 2004, le demandeur avait été arrêté pour ne pas avoir obéi aux instructions d’agents des douanes américaines à un poste frontalier dans l’État de Washington. Les douaniers américains avaient fait savoir au demandeur que son véhicule ferait l’objet d’une fouille. Le demandeur a alors démarré et frappé le douanier avec la porte du véhicule. Le demandeur a ensuite franchi à nouveau la frontière canadienne, où il a été arrêté pour possession de 149 kilogrammes de cocaïne d’une valeur marchande d’environ 12 millions de dollars.

[6]               Le 6 janvier 2009, la CNLC, après avoir étudié le dossier du demandeur dans le cadre de la procédure d’examen expéditif prévue au paragraphe 126(4) de la LSCMLC, n’a pas ordonné la semi-liberté accélérée du demandeur.

 

[7]               Au cours de l’audience, la CNLC s’est penchée sur diverses questions concernant la participation du demandeur à des activités criminelles organisées. Bien que le demandeur ait nié avoir été directement impliqué dans des activités du crime organisé, la CNLC est parvenue à un certain nombre de conclusions défavorables et a estimé qu’il existait des motifs raisonnables de croire que, s’il était libéré, le demandeur commettrait une infraction accompagnée de violence.

 

IV.  Décision visée par la demande de contrôle judiciaire

[8]               Le demandeur a interjeté appel de la décision de la CNLC auprès de la Section d’appel conformément au paragraphe 147(1) de la LSCMLC, faisant valoir que les questions que lui avait posées la CNLC violaient les principes d’équité procédurale. La Section d’appel de la CNLC a confirmé la décision par laquelle la CNLC avait refusé d’accorder au demandeur la semi-liberté.

 

[9]               La Section d’appel de la CNLC a conclu que les questions que la CNLC avait posées au demandeur concernant les liens qu’il entretenait avec le crime organisé étaient justifiées et raisonnables compte tenu des renseignements dont disposait la CNLC. Elle a en outre estimé que la CNLC n’avait aucunement inféré que le demandeur appartenait à une organisation criminelle, mais qu’elle s’était simplement penchée sur les liens qu’il entretenait avec de tels groupes. La Section d’appel a également conclu que la CNLC a mis en question la crédibilité du demandeur lorsque celui-ci a affirmé ne pas appartenir à une organisation criminelle, alors que le dossier qui lui avait été transmis contenait des éléments indiquant le contraire.

 

V.  Question en litige

[10]           La Section d’appel a-t-elle commis une erreur en concluant que la CNLC n’a pas agi contrairement à l’équité procédurale en posant au demandeur des questions concernant sa présumée participation aux activités d’une organisation criminelle?

 

VI.  Dispositions législatives applicables

[11]           Aux termes des articles 125, 126 et 126.1 de la LSCMLC, le délinquant qui en est à sa première infraction doit se voir accorder le bénéfice de la procédure expéditive si la CNLC est convaincue qu’il n’existe aucun motif raisonnable de croire qu’il commettra une infraction accompagnée de violence s’il est remis en liberté :

Application

 

125.      (1) Le présent article et l’article 126 s’appliquent aux délinquants condamnés ou transférés pour la première fois au pénitencier — autrement qu’en vertu de l’accord visé au paragraphe 16(1) — , à l’exception de ceux :

 

 

a) qui y purgent une peine pour une des infractions suivantes :

 

(i) le meurtre,

 

(ii) une infraction mentionnée à l’annexe I ou un complot en vue d’en commettre une,

 

(ii.1) une infraction mentionnée aux articles 83.02 (fournir ou réunir des biens en vue de certains actes), 83.03 (fournir, rendre disponibles, etc. des biens ou services à des fins terroristes), 83.04 (utiliser ou avoir en sa possession des biens à des fins terroristes), 83.18 (participation à une activité d’un groupe terroriste), 83.19 (facilitation d’une activité terroriste), 83.2 (infraction au profit d’un groupe terroriste), 83.21 (charger une personne de se livrer à une activité pour un groupe terroriste), 83.22 (charger une personne de se livrer à une activité terroriste) ou 83.23 (héberger ou cacher) du Code criminel, ou un complot en vue d’en commettre une,

 

(iii) l’infraction prévue à l’article 463 du Code criminel et relative à une infraction mentionnée à l’annexe I — sauf celle qui est prévue à l’alinéa (1)q) de celle-ci — et ayant fait l’objet d’une poursuite par mise en accusation,

 

(iv) une infraction mentionnée à l’annexe II et sanctionnée par une peine ayant fait l’objet d’une ordonnance rendue en vertu de l’article 743.6 du Code criminel,

 

(v) le meurtre, lorsqu’il constitue une infraction à l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, une infraction mentionnée à l’annexe I ou une infraction mentionnée à l’annexe II pour laquelle une ordonnance a été rendue en vertu de l’article 140.4 de la Loi sur la défense nationale,

 

(vi) un acte de gangstérisme, au sens de l’article 2 du Code criminel, y compris l’infraction visée au paragraphe 82(2);

 

 

a.1) qui ont été déclarés coupables de l’infraction visée à l’article 240 du Code criminel;

b) qui purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité à condition que cette peine n’ait pas constitué un minimum en l’occurrence;

 

c) dont la semi-liberté a été révoquée.

 

Idem

 

(1.1) Il est entendu que le présent article et l’article 126  :

 

a) s’appliquent aux délinquants visés au paragraphe (1) et qui, après leur condamnation ou leur transfèrement au pénitencier pour la première fois, sont condamnés pour une infraction — autre qu’une infraction visée à l’alinéa (1)a) — commise avant cette condamnation ou ce transfert;

 

 

 

b) ne s’appliquent pas aux délinquants visés au paragraphe (1) et qui, après leur condamnation ou leur transfèrement au pénitencier pour la première fois, commettent une infraction à une loi fédérale pour laquelle une peine d’emprisonnement supplémentaire est infligée.

 

 

Examen par le Service

 

(2) Le Service procède, au cours de la période prévue par règlement, à l’étude des dossiers des délinquants visés par le présent article en vue de leur transmission à la Commission pour décision conformément à l’article 126.

 

Critères de l’examen

 

(3) L’étude du dossier se fonde sur tous les renseignements pertinents qui sont normalement disponibles, notamment  :

 

a) les antécédents sociaux et criminels du délinquant obtenus en vertu de l’article 23;

 

b) l’information portant sur sa conduite pendant la détention;

 

 

c) tout autre renseignement révélant une propension à la violence de sa part.

 

 

Transmission à la Commission

 

(4) Au terme de l’étude, le Service transmet à la Commission, dans les délais réglementaires impartis mais avant la date d’admissibilité du délinquant à la libération conditionnelle totale, les renseignements qu’il juge utiles.

 

 

Délégation

 

 

(5) Le Service peut déléguer aux autorités correctionnelles d’une province les pouvoirs que lui confère le présent article en ce qui concerne les délinquants qui purgent leur peine dans un établissement correctionnel de la province.

1992, ch. 20, art. 125; 1995, ch. 42, art. 39; 1997, ch. 17, art. 24; 1998, ch. 35, art. 116; 1999, ch. 5, art. 50 et 53; 2001, ch. 41, art. 90.

 

Examen par la Commission

 

126.      (1) La Commission procède sans audience, au cours de la période prévue par règlement ou antérieurement, à l’examen des dossiers transmis par le Service ou les autorités correctionnelles d’une province.

 

Libération conditionnelle totale

 

(2) Par dérogation à l’article 102, quand elle est convaincue qu’il n’existe aucun motif raisonnable de croire que le délinquant commettra une infraction accompagnée de violence s’il est remis en liberté avant l’expiration légale de sa peine, la Commission ordonne sa libération conditionnelle totale.

 

 

Rapport au délinquant

 

(3) Si elle est convaincue du contraire, la Commission communique au délinquant ses conclusions et motifs.

 

 

 

Réexamen

 

(4) La Commission transmet ses conclusions et motifs à un comité constitué de commissaires n’ayant pas déjà examiné le cas et chargé, au cours de la période prévue par règlement, du réexamen du dossier.

 

 

 

Libération conditionnelle

 

(5) Si le réexamen lui apporte la conviction précisée au paragraphe (2), le comité ordonne la libération conditionnelle totale du délinquant.

 

 

 

Refus

 

(6) Dans le cas contraire, la libération conditionnelle totale est refusée, le délinquant continuant toutefois d’avoir droit au réexamen de son dossier selon les modalités prévues au paragraphe 123(5).

 

Infractions accompagnées de violence

 

(7) Pour l’application du présent article, une infraction accompagnée de violence s’entend du meurtre ou de toute infraction mentionnée à l’annexe I; toutefois, il n’est pas nécessaire, en déterminant s’il existe des motifs raisonnables de croire que le délinquant en commettra une, de préciser laquelle.

 

Conséquences de la révocation

 

(8) En cas de révocation ou de cessation de la libération conditionnelle, le délinquant perd le bénéfice de la procédure expéditive.

1992, ch. 20, art. 126; 1995, ch. 42, art. 40.

 

 

Application

 

126.1 Les articles 125 et 126 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à la procédure d’examen expéditif visant à déterminer si la semi-liberté sera accordée au délinquant visé à l’article 119.1.

1997, ch. 17, art. 25.

 

[Non souligné dans l’original.]

Application

 

125.      (1) This section and section 126 apply to an offender sentenced, committed or transferred to penitentiary for the first time, otherwise than pursuant to an agreement entered into under paragraph 16(1)(b), other than an offender

 

(a) serving a sentence for one of the following offences, namely,

 

(i) murder,

 

(ii) an offence set out in Schedule I or a conspiracy to commit such an offence,

 

(ii.1) an offence under section 83.02 (providing or collecting property for certain activities), 83.03 (providing, making available, etc. property or services for terrorist purposes), 83.04 (using or possessing property for terrorist purposes), 83.18 (participation in activity of terrorist group), 83.19 (facilitating terrorist activity), 83.2 (to carry out activity for terrorist group), 83.21 (instructing to carry out activity for terrorist group), 83.22 (instructing to carry out terrorist activity) or 83.23 (harbouring or concealing) of the Criminal Code or a conspiracy to commit such an offence,

 

 

 

 

 

(iii) an offence under section 463 of the Criminal Code that was prosecuted by indictment in relation to an offence set out in Schedule I, other than the offence set out in paragraph (1)(q) of that Schedule,

 

 

(iv) an offence set out in Schedule II in respect of which an order has been made under section 743.6 of the Criminal Code,

 

 

 

 

(v) an offence contrary to section 130 of the National Defence Act where the offence is murder, an offence set out in Schedule I or an offence set out in Schedule II in respect of which an order has been made under section 140.4 of the National Defence Act, or

 

 

 

(vi) a criminal organization offence within the meaning of section 2 of the Criminal Code, including an offence under subsection 82(2);

 

(a.1) convicted of an offence under section 240 of the Criminal Code;

 

 

(b) serving a life sentence imposed otherwise than as a minimum punishment; or

 

 

 

 

(c) whose day parole has been revoked.

 

Idem

 

(1.1) For greater certainty, this section and section 126

 

(a) apply to an offender referred to in subsection (1) who, after being sentenced, committed or transferred to penitentiary for the first time, is sentenced in respect of an offence, other than an offence referred to in paragraph (1)(a), that was committed before the offender was sentenced, committed or transferred to penitentiary for the first time; and

 

(b) do not apply to an offender referred to in subsection (1) who, after being sentenced, committed or transferred to penitentiary for the first time, commits an offence under an Act of Parliament for which the offender receives an additional sentence.

 

 

 

Review of cases by Service

 

(2) The Service shall, at the time prescribed by the regulations, review the case of an offender to whom this section applies for the purpose of referral of the case to the Board for a determination under section 126.

 

Evidence to be considered

 

(3) A review made pursuant to subsection (2) shall be based on all reasonably available information that is relevant, including

 

(a) the social and criminal history of the offender obtained pursuant to section 23;

 

(b) information relating to the performance and behaviour of the offender while under sentence; and

 

(c) any information that discloses a potential for violent behaviour by the offender.

 

Referral to Board

 

(4) On completion of a review pursuant to subsection (2), the Service shall, within such period as is prescribed by the regulations preceding the offender’s eligibility date for full parole, refer the case to the Board together with all information that, in its opinion, is relevant to the case.

 

Delegation to provincial authorities

 

(5) The Service may delegate to the correctional authorities of a province its powers under this section in relation to offenders who are serving their sentences in provincial correctional facilities in that province.

1992, c. 20, s. 125; 1995, c. 42, s. 39; 1997, c. 17, s. 24; 1998, c. 35, s. 116; 1999, c. 5, ss. 50, 53; 2001, c. 41, s. 90.

 

 

 

Review by Board

 

126.      (1) The Board shall review without a hearing, at or before the time prescribed by the regulations, the case of an offender referred to it pursuant to section 125.

 

 

 

Release on full parole

 

 

(2) Notwithstanding section 102, if the Board is satisfied that there are no reasonable grounds to believe that the offender, if released, is likely to commit an offence involving violence before the expiration of the offender’s sentence according to law, it shall direct that the offender be released on full parole.

 

Report to offender

 

(3) If the Board does not direct, pursuant to subsection (2), that the offender be released on full parole, it shall report its refusal to so direct, and its reasons, to the offender.

 

Reference to panel

 

(4) The Board shall refer any refusal and reasons reported to the offender pursuant to subsection (3) to a panel of members other than those who reviewed the case under subsection (1), and the panel shall review the case at the time prescribed by the regulations.

 

Release on full parole

 

(5) Notwithstanding section 102, if the panel reviewing a case pursuant to subsection (4) is satisfied as described in subsection (2), the panel shall direct that the offender be released on full parole.

 

Refusal of parole

 

(6) An offender who is not released on full parole pursuant to subsection (5) is entitled to subsequent reviews in accordance with subsection 123(5).

 

 

 

Definition of “offence involving violence”

 

(7) In this section, “offence involving violence” means murder or any offence set out in Schedule I, but, in determining whether there are reasonable ground to believe that an offender is likely to commit an offence involving violence, it is not necessary to determine whether the offender is likely to commit any particular offence.

 

Termination or revocation

 

(8) Where the parole of an offender released pursuant to this section is terminated or revoked, the offender is not entitled to another review pursuant to this section.

1992, c. 20, s. 126; 1995, c. 42, s. 40.

 

Release on day parole

 

126.1 Sections 125 and 126 apply, with such modifications as the circumstances require, to a review to determine if an offender referred to in subsection 119.1 should be released on day parole.

1997, c. 17, s. 25.

 

[Emphasis added]

 

[12]           Voici ce que prévoit l’alinéa 101b) :

Principes

 

 

101. La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l’exécution de leur mandat par les principes qui suivent :

 

a) la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas;

 

 

b) elles doivent tenir compte de toute l’information pertinente disponible, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, les renseignements disponibles lors du procès ou de la détermination de la peine, ceux qui ont été obtenus des victimes et des délinquants, ainsi que les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles;

 

 

c) elles accroissent leur efficacité et leur transparence par l’échange de renseignements utiles au moment opportun avec les autres éléments du système de justice pénale d’une part, et par la communication de leurs directives d’orientation générale et programmes tant aux délinquants et aux victimes qu’au public, d’autre part;

 

 

d) le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible;

 

 

e) elles s’inspirent des directives d’orientation générale qui leur sont remises et leurs membres doivent recevoir la formation nécessaire à la mise en oeuvre de ces directives;

 

f) de manière à assurer l’équité et la clarté du processus, les autorités doivent donner aux délinquants les motifs des décisions, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de les faire réviser.

 

[Non souligné dans l’original.]

Principles guiding parole boards

 

101. The principles that shall guide the Board and the provincial parole boards in achieving the purpose of conditional release are

 

(a) that the protection of society be the paramount consideration in the determination of any case;

 

(b) that parole boards take into consideration all available information that is relevant to a case, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, any other information from the trial or the sentencing hearing, information and assessments provided by correctional authorities, and information obtained from victims and the offender;

 

 

(c) that parole boards enhance their effectiveness and openness through the timely exchange of relevant information with other components of the criminal justice system and through communication of their policies and programs to offenders, victims and the general public;

 

 

 

 

(d) that parole boards make the least restrictive determination consistent with the protection of society;

 

(e) that parole boards adopt and be guided by appropriate policies and that their members be provided with the training necessary to implement those policies; and

 

 

(f) that offenders be provided with relevant information, reasons for decisions and access to the review of decisions in order to ensure a fair and understandable conditional release process.

 

 

[Emphasis added]

 

VII.  Arguments du demandeur

[13]           Le demandeur cite l’affaire Coscia, précitée, où l’intéressé avait été interrogé par la CNLC au sujet de ses liens avec le crime organisé. En raison de ses réponses évasives aux questions concernant ces liens, la Commission avait jugé l’intéressé inadmissible au processus accéléré de libération.

 

[14]           La Cour d’appel fédérale a estimé que la CNLC avait manqué à l’équité procédurale en posant des questions à double sens, étant donné qu’en répondant à des questions concernant ses liens avec le crime organisé, le contrevenant s’exposait à une déclaration de culpabilité au titre du Code criminel, L.R.C., ch. C‑34, art. 1. Le demandeur fait valoir que la CNLC peut interroger un contrevenant au sujet de ses liens avec des criminels, mais qu’elle ne doit pas employer des termes qui, si le contrevenant y acquiesce, pourraient donner lieu à une déclaration de culpabilité au criminel.

 

VIII.  Arguments du défendeur

[15]           Le défendeur fait pour sa part valoir que la CNLC ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si le demandeur appartenait à une organisation criminelle. La CNLC n’a fait qu’interroger le demandeur au sujet de l’infraction qu’il avait commise, infraction qui est généralement associée au crime organisé.

 

[16]           Selon le défendeur, c’est à bon droit que la Section d’appel a estimé que les questions posées par la CNLC n’outrepassaient aucunement la limite que pose l’arrêt Coscia, précité. Le défendeur considère que les questions posées en l’occurrence n’avaient ni le ton inquisitoire ni le caractère répétitif des questions en cause dans l’affaire Coscia. Le défendeur estime au contraire que la CNLC était en droit de poser les questions compte tenu des éléments de preuve présentés à l’audience, y compris certains documents policiers et le fait que le demandeur avait lui-même déclaré devoir de l’argent à une [traduction] « organisation criminelle » et entretenir des liens avec des [traduction] « individus ayant des tendances criminelles ». Selon le défendeur, les questions de la CNLC étaient appropriées et justifiées étant donné que la Commission n’a employé l’expression [traduction] « crime organisé » que trois fois au cours de l’interrogatoire et qu’à chacune de ces occasions elle n’a fait qu’enregistrer la réponse du demandeur avant de passer à autre chose.

 

[17]           Le défendeur, citant la transcription de l’audience, fait valoir que la CNLC a surtout insisté sur la question de savoir s’il y avait des motifs raisonnables de penser que le demandeur était susceptible de commettre une infraction accompagnée de violence avant l’expiration de sa peine. Selon le défendeur, c’est à juste titre que la CNLC s’inquiétait de la possibilité que le demandeur ait recours à la violence étant donné son refus d’admettre que son comportement pouvait entraîner des actes violents et le manque de discernement dont il avait fait preuve avant son arrestation.

 

[18]           Le défendeur cite l’arrêt Mooring c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1996] 1 R.C.S. 75, ainsi que l’alinéa 101b) de la LSCMLC pour faire valoir que la CNLC est tenue d’évaluer tous les renseignements pertinents afin de décider si l’intéressé répond effectivement au critère prévu à l’article 126 de la LSCMLC. Le défendeur conclut que les questions posées au demandeur par la CNLC étaient, compte tenu des circonstances, justifiées et pertinentes.

 

IX.  Norme de contrôle

[19]           Les parties conviennent que, s’agissant d’un manquement possible à l’équité procédurale, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

[20]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a affirmé que la cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur, mais qu’elle entreprend plutôt sa propre analyse de la question (Dunsmuir, par. 50).

 

X.  Analyse

[21]           La question qui se situe au cœur de la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si les questions posées par la CNLC vont à l’encontre du jugement majoritaire de la Cour d’appel dans l’affaire Coscia, précitée, qui lie la Cour. Voici en quels termes, dans l’affaire Coscia, la majorité de la Cour d’appel a décrit les limites s’imposant à la procédure suivie par la CNLC :

[36]      Bien qu’il soit loisible à la Commission de se renseigner sur les relations de l’intimé avec d’autres personnes (criminalisées) qui ont comploté avec lui pour commettre des infractions pour lesquelles il a été condamné (et d’ailleurs de se renseigner sur la poursuite de quelque relation avec ce genre de personne), elle devrait éviter d’utiliser des termes qui, advenant une réponse affirmative, peuvent donner lieu à un aveu quant à la perpétration d’une infraction criminelle pour laquelle aucune condamnation n’a été obtenue, ou au moins être attentive à la difficulté posée par son choix de mots.

 

[37]      L’avocate de l’appelant, au cours de sa talentueuse présentation, a reconnu que la Commission pouvait se renseigner sur les relations de l’intimé avec ses conspirateurs et d’autres personnes sans utiliser des termes tels que « crime organisé ». De fait, rien n’empêchait la Commission d’examiner tous les aspects des antécédents de l’intimé et ses relations actuelles sans utiliser des termes ambigus.

 

[22]           L’argument voulant que la CNLC ne se soit aucunement prononcée sur la question de savoir si le demandeur appartenait effectivement à une organisation criminelle trouve une réponse dans l’arrêt Coscia, la majorité de la Cour ayant en effet estimé que :

[34]      […] la Commission ne peut pas se justifier en disant qu’elle ne cherchait pas à déterminer si l’intimé était membre du crime organisé au sens légal du terme. Même si la Commission n’avait pas une telle préoccupation, il reste qu’admettre être membre ou participant d’une organisation criminelle, c’est s’exposer à une condamnation en vertu du Code criminel et à être considéré membre d’une organisation criminelle suivant la Directive. La Commission n’était pas habilitée à accorder l’immunité à ce titre et elle ne prétendait pas le faire.

 

[23]           L’argument avancé par le défendeur, qui soutient que la CNLC n’a tiré aucune conclusion du fait que le demandeur avait nié l’existence de tout lien avec le crime organisé, est examiné dans l’arrêt Coscia, où la majorité de la Cour a conclu que :

[38]      […] l’insistance de la Commission à utiliser de tels termes sans aucunement se soucier de la difficulté qu’ils créaient pour l’intimé est fondamentalement inéquitable et démontre que l’intimé n’a pas été entendu par la Commission en ce qui concerne ses réponses à cette série de questions. Ce manquement a été aggravé par la Commission lorsqu’elle a tiré une conclusion négative du fait que l’intimé niait avoir des liens avec la « mafia » ou d’autres criminels […]. [Non souligné dans l’original.]

 

[24]           Il ressort clairement de ces extraits que les questions que la CNLC a posées au demandeur ont effectivement entraîné un manquement à l’équité procédurale.

 

[25]           Les extraits tirés des deux pages de transcription reproduits ci-dessous se passent d’explication. Ils démontrent bien ce qui s’est passé :

[traduction]
JEAN CUSSWORTH : Bon. Étant donné qu’il ressort clairement des renseignements figurant au dossier que certains estimaient que vous étiez assez largement impliqué dans les activités du crime organisé et franchissiez la frontière avec des chargements de stupéfiants.

ROBERT ALLAIRE : Je suis désolé, mais je ne me livrais pas à ce genre d’activité. Transcription, p. 8, ll. 19 à 22.

 

[…]

CONNIE SNOW : Reconnaissez-vous avoir été associé à un groupe faisant partie du crime organisé?

ROBERT ALLAIRE : Non, je ne suis pas associé à ce genre de groupe. Du moins pas que je sache. La seule personne avec qui j’ai eu affaire était Al Turnbull.

CONNIE SNOW : Mais avez-vous reconnu être associé, mais sans vouloir fournir de détails à cet égard?

ROBERT ALLAIRE : À l’heure actuelle, et après que l’on m’a mis dans une situation où j’ai dû accepter de suivre, et je savais que c’était plus compliqué que je ne l’avais cru au départ, j’ai fini par supposer qu’il s’agissait effectivement de crime organisé, mais, disons que je n’étais – je n’étais pas intentionnellement associé à eux.

JEAN CUSWORTH : Donc, vous êtes parvenu à cette conclusion après avoir été menacé?

ROBERT ALLAIRE : Oui. Je n’avais jamais rencontré aucun d’entre d’eux jusqu’au jour où j’ai été incapable de payer la deuxième partie de la – la troisième fois que je leur ai emprunté de l’argent.

JEAN CUSWORTH : M. Allaire, confier à quelqu’un qui n’était pas vraiment au courant de leurs activités 12 millions de dollars de cocaïne, ça fait beaucoup.

ROBERT ALLAIRE : Ils me suivaient, donc on ne peut pas dire qu’ils me l’aient confiée. Et je n’ai pas vu la marchandise, ils m’ont simplement dit quoi faire et je l’ai fait.

JEAN CUSWORTH : Bon. D’après le dossier, vous avez plaidé coupable.

ROBERT ALLAIRE : Oui, en effet.

JEAN CUSWORTH : Êtes-vous coupable?

ROBERT ALLAIRE : Non, je – eh bien, oui, je le suis. Rétrospectivement, je dirais que je suis coupable, car j’ai effectivement traversé la frontière avec de la cocaïne. Est-ce que je regrette ce qui s’est passé? Oui, certainement. Est-ce que, aujourd’hui, j’agirais différemment? Oui, sûrement. Transcription, p. 10, 11. 15 à 47 et p. 11, 1.1.

 

[…]

 

[…]

 

JEAN CUSWORTH : M. Allaire, après examen exhaustif du dossier et la discussion que nous avons eue avec vous aujourd’hui, nous estimons que certaines de vos explications sont très peu convaincantes. Étant donné que vous avez plaidé coupable d’avoir participé à une activité criminelle qui, de votre propre aveu, est liée au crime organisé, au trafic de stupéfiants et à la violence. Vous avez plaidé coupable à cela. Il nous faut donc tenir compte du fait que vous avez effectivement été déclaré coupable pour une infraction semblable. Transcription, p. 23, ll. 15 à 23.

 

[…]

JEAN CUSWORTH : Bon. D’accord. Mais vous vous êtes mis dans une situation extrêmement curieuse en plaidant coupable à un acte criminel manifestement lié au crime organisé, au trafic de stupéfiants et à la violence. Nous sommes donc convaincus qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il existe un risque de violence avant l’expiration de votre mandat.

ROBERT ALLAIRE : Permettez-moi. On m’a donné la possibilité de choisir, me semble--‑il, entre 10 ans de prison au Canada et finir mes jours aux États-Unis. Je n’avais pas le choix : j’ai donc choisi de plaider coupable au Canada. Je n’ai pas plaidé coupable d’avoir participé aux activités du crime organisé de quelque façon que ce soit. Je n’étais pas. Je…

JEAN CUSWORTH : Mais il nous faut baser notre décision sur le fait que vous avez effectivement plaidé coupable. Nous sommes conscients du fait que vous pensiez qu’aux États-Unis, vous seriez condamné à une peine beaucoup plus longue. Transcription, p. 23, l. 47 et p. 24, ll. 1 à 18.

 

(Dossier du demandeur, aux p. 172 et 173).

 

XI.  Conclusion

[26]           La Cour reconnaît que l’arrêt Coscia, précité, peut mettre les membres de la CNLC dans une situation délicate. En effet, les éléments de preuve qui leur sont transmis peuvent indiquer qu’il y a de fortes chances que telle ou telle personne entretienne des liens avec des organisations criminelles : [traduction] « À l’heure actuelle, et après que l’on m’a mis dans une situation où j’ai dû accepter de suivre, et je savais que c’était plus compliqué que je ne l’avais cru au départ, j’ai fini par supposer qu’il s’agissait effectivement de crime organisé, mais, disons que je n’étais – je n’étais pas intentionnellement associé à eux. » (dossier du demandeur, p. 172).

 

[27]           Il peut donc leur être loisible, compte tenu de ces éléments de preuve, de conclure que la personne risque de commettre une infraction accompagnée de violence; cela dit, aux termes de l’arrêt Coscia, la CNLC ne peut pas interroger directement la personne au sujet de ses liens avec le crime organisé, car de telles questions risquent d’entraîner un manquement à l’équité procédurale. Cela met la CNLC dans une situation difficile, étant donné qu’il lui faut exposer au candidat à la libération conditionnelle les inquiétudes qu’elle éprouve quant aux risques de violence. Ainsi, toute décision basée sur des inquiétudes qui n’ont pas été communiquées au détenu pourrait très bien être infirmée pour manquement à l’équité procédurale.

 

[28]           La Cour conclut que pour exposer équitablement à un candidat à la libération conditionnelle les inquiétudes que l’on éprouve au sujet de ses liens avec des éléments criminels, la CNLC devrait s’en tenir à ce que dit le paragraphe 36 de l’arrêt Coscia et éviter l’emploi de termes qui, si l’intéressé y acquiesce, risquent de l’exposer à des poursuites criminelles.

 

[29]           En rendant cette ordonnance, la Cour ne s’en prend aucunement au fond de la décision de la CNLC, décision qu’il lui était effectivement loisible de prendre, mais plutôt à la procédure suivie à l’audience.

 

[30]           L’affaire est par conséquent renvoyée devant la CNLC pour réexamen en tenant compte des présents motifs.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1)                  la demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2)                  la décision de la CNLC est annulée, et l’affaire est renvoyée devant la CNLC pour qu’elle statue à nouveau sur la question de savoir s’il convient d’ordonner la semi‑liberté;

3)                  aucuns dépens ne sont adjugés étant donné qu’il s’agit d’une question qui revêt une importance particulière non seulement pour les parties en cause, mais également pour le public en général.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑940‑09

                                                                       

 

INTITULÉ :                                                   ROBERT NORTON ALLAIRE c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 26 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 9 février 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Christopher Darnay

 

POUR LE DEMANDEUR

Curtis Workun

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Christopher Darnay

Avocat

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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