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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date :  20100211

Dossier :  IMM-3815-09

Référence :  2010 CF 142

Ottawa (Ontario), le 11 février 2010

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

AMIN PIYARALI BHAI KHOJA

MINAZ SADRUDINBHAI MAMDANI

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               Quand une cour applique la norme de la décision raisonnable, elle doit faire preuve de déférence à l’égard du raisonnement qui sous-tend la décision visée par la demande de contrôle et garder à l’esprit que certaines questions soumises aux entités et tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise. Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada, le caractère raisonnable d’une décision tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 47).

 

II.  Introduction

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), de la décision en date du 28 mai 2009 par laquelle un agent d’immigration a rejeté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire visant l’obtention d’une dérogation à l’exigence que les demandeurs présentent leur demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada.

 

III.  Contexte

[3]               Les demandeurs, M. Amin Piyarali Bhai Khoja et son épouse, Mme Minaz Sadrudinbhai Mamdani, sont arrivés au Canada en provenance de l’État du Gujarat, en Inde. Ils font partie de la communauté musulmane ismaélienne qui est minoritaire au Gujarat. Le Gujarat a été le théâtre de violences religieuses brutales dans le passé. En 2002, il y a eu des émeutes au Gujarat à la suite desquelles le demandeur, M. Khoja, a été battu par une foule hindoue. En mai 2005, des hommes armés sont entrés par effraction chez les demandeurs, les ont volés et ont blessé Mme Mamdani. À cause de ces blessures, cette dernière a fait une fausse couche.

 

[4]               En 2005, après avoir obtenu des visas de visiteurs, les demandeurs sont entrés au Canada pour assister à une conférence de l’Aga Khan, le chef spirituel des Ismaéliens, à Toronto, mais aussi avec l’espoir de quitter l’Inde définitivement (dossier du tribunal (DT), p. 139 et 360).

[5]               Le 12 juin 2005, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a détenu les demandeurs pour avoir tenté de traverser la frontière et d’entrer aux États-Unis sans visa valide.

 

[6]               Les demandeurs ont présenté une demande d’asile le 19 juillet 2005; le 4 octobre 2006, les autorités de l’immigration ont conclu au désistement de cette demande d’asile.

 

[7]               Le fils des demandeurs, Kamish Khoja, est né le 8 mai 2006.

 

[8]               M. Khoja s’est blessé au dos au travail le 7 août 2007 et suit un traitement de réadaptation.

 

IV.  La décision visée par la demande de contrôle judiciaire

[9]               L’agent d’immigration n’était pas convaincu que les demandeurs seraient exposés à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées s’ils étaient renvoyés en Inde.

 

[10]           L’agent d’immigration a accepté la preuve selon laquelle M. Khoja a été battu pendant les émeutes de 2002 et les demandeurs ont été volés en mai 2005; durant ce dernier incident, Mme Mamduri a subi des blessures si bien que, par la suite, elle a fait une fausse couche. L’agent d’immigration n’était pas convaincu que des extrémistes hindous étaient les auteurs de l’agression survenue en mai 2005, car il n’y avait pas assez de preuve corroborante sur ce point. Ainsi, il a conclu que la preuve était insuffisante pour établir que les demandeurs étaient exposés au risque personnel d’être victimes d’extrémistes hindous partout en Inde.

 

[11]           L’agent d’immigration a conclu que les demandeurs disposaient d’un certain nombre d’options en ce qui concerne leur sécurité en Inde, notamment celle de demander la protection de l’État et se réinstaller dans une partie du pays qui compte une importante population musulmane, comme Hyderabad.

 

[12]           L’agent d’immigration s’est penché sur l’intérêt supérieur du fils des demandeurs, Kamish Khoja, qui est né au Canada, et a conclu qu’il ne serait pas exposé à des difficultés démesurées s’il déménageait en Inde avec ses parents. Il a conclu que les soins médicaux en Inde sont adéquats pour traiter le problème de santé de Kamish et que ce dernier s’adapterait probablement vite à la vie en Inde, notamment avec l’aide de sa parenté.

 

[13]           L’agent a également signalé que les demandeurs avaient choisi d’avoir une enfant au Canada pendant une période où leur statut d’immigration était incertain.

 

[14]           L’agent d’immigration a conclu que même si les demandeurs avaient présenté certains éléments de preuve concernant leur établissement au Canada, ce lien avec le pays ne signifie pas qu’ils seraient exposés à des difficultés démesurées s’ils étaient renvoyés en Inde. Il a également indiqué que la majorité des membres de la famille des demandeurs habite en Inde et qu’ils pourraient les aider et les soutenir dans leurs efforts en vue de refaire leur vie en Inde.

 

[15]           L’agent d’immigration a noté que M. Khoja s’était blessé au travail et suivait des traitements de réadaptation. Il a estimé qu’il y avait des services de réadaptation adéquats en Inde qui pourraient aider M. Khoja à trouver un emploi.

 

[16]           L’agent d’immigration a aussi conclu que M. Khoja possède des compétences qui l’aideraient à trouver un emploi en Inde, telles que sa maîtrise du gujarâtî et de l’anglais, sa formation scolaire et son expérience professionnelle. Il a également indiqué que M. Khoja avait reçu une indemnisation de plus de 35 000 dollars pour sa blessure et que ces fonds l’aideraient pour la réinstallation de sa famille.

 

V.  Questions à trancher

[17]           L’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant par l’agent d’immigration était-elle déraisonnable?

a)      L’agent d’immigration a-t-il rendu une décision déraisonnable en omettant de tenir compte des conséquences du système d’éducation en Inde sur l’intérêt supérieur de l’enfant?

b)      L’agent d’immigration a-t-il rendu une décision déraisonnable en concluant que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Hyderabad?

c)      L’appréciation par l’agent d’immigration de la capacité à long terme du demandeur, M. Amin Khoja, à subvenir aux besoins de sa famille était-elle raisonnable?

d)      L’agent d’immigration a-t-il commis une erreur en signalant que les demandeurs avaient choisi d’avoir un enfant pendant une période où leur statut au Canada était incertain?

e)      L’agent d’immigration a-t-il commis une erreur en affirmant que l’enfant et ses parents pourraient demander un visa pour venir au Canada et obtenir des traitements médicaux pour l’enfant?

 

VI.  Dispositions législatives pertinentes

[18]           Les décisions relatives aux demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire sont prises en application du paragraphe 25(1) de la LIPR :

Séjour pour motif d’ordre humanitaire

 

25.      (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative ou sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

Humanitarian and compassionate considerations

 

25.      (1) The Minister shall, upon request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative or on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account l’intérêt supérieur de a child directly affected, or by public policy considerations.

 

 

 

VII.  Les positions des parties

            La position des demandeurs

[19]           En ce qui concerne la décision de l’agent appelé à décider d’accueillir ou non une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, les demandeurs soutiennent que la Cour fédérale a greffé des volets additionnels au critère juridique du caractère raisonnable de cette décision.

 

[20]           Les demandeurs font valoir que l’agent doit [traduction] « considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt ». Ils citent la décision Kolosovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 165, 166 A.C.W.S. (3d) 352, dans laquelle la Cour fédérale a donné plus de précisions sur les termes « réceptif, attentif et sensible » dans le contexte de l’intérêt supérieur de l’enfant, et ils soutiennent que l’agent était tenu d’avoir recours aux définitions données dans cette décision pour l’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant (Kolosovs, paragraphe 8).

 

[21]           Citant également les arrêts Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, 288 N.R. 174, et Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 C.F. 555, de la Cour d’appel fédérale, les demandeurs font valoir que l’agent était tenu d’identifier et de définir l’intérêt de l’enfant et de l’examiner « avec beaucoup d’attention » (Hawthorne, paragraphe 32). Si l’intérêt de l’enfant est « minimisé » d’une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada, la décision est déraisonnable. De plus, les demandeurs citent l’arrêt Hawthorne de la Cour d’appel fédérale pour faire valoir que l’intérêt de l’enfant doit être identifié avec précision et examiné de manière attentive (Hawthorne, paragraphe 32).

 

[22]           D’après les demandeurs, un agent ne doit pas écarter l’intérêt d’un enfant, ni se contenter d’une [traduction] « analyse sommaire » de cet intérêt. Ils soutiennent également qu’un agent commet une erreur s’il ne prend pas en considération ou n’évalue pas les conséquences du renvoi sur le bien-être émotionnel et physique de l’enfant, en plus des besoins spéciaux que l’enfant pourrait avoir.

 

[23]           Les demandeurs font valoir que l’agent [traduction] « doit incorporer » les lignes directrices du ministre exposées dans le Guide de traitement des demandes au Canada IP 5 (le Guide IP 5) dans son analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant et qu’omettre de tenir compte de ces lignes directrices est une erreur susceptible de révision.

 

1a) L’agent d’immigration a-t-il rendu une décision déraisonnable en omettant de tenir compte des conséquences du système d’éducation en Inde sur l’intérêt supérieur de l’enfant?

 

[24]           Les demandeurs soutiennent que l’agent a omis d’apprécier l’intérêt supérieur de Kamish pour ce qui est de l’éducation qu’il pourrait recevoir en Inde par opposition à celle qu’il pourrait recevoir au Canada. Ils présentent des éléments de preuve indiquant que l’Inde n’offre pas un enseignement primaire universel et gratuit, que seulement soixante pour cent des enfants entre six et quatorze ans sont inscrits à l’école, et que la fréquentation scolaire chez les enfants musulmans est plus faible que celle des autres groupes d’enfants.

[25]           Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur en omettant d’aborder cette question. Plus précisément, ils font valoir que l’omission de l’agent de se pencher sur la question de l’éducation constitue un manquement à l’obligation qu’a l’agent d’évaluer les conséquences du renvoi sur le bien-être émotionnel et physique et les besoins spéciaux de l’enfant. De plus, selon les demandeurs, le paragraphe 5.19 du Guide IP 5 indique que, dans le cadre de l’évaluation d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, un agent doit prendre en considération les conséquences du renvoi sur l’éducation de l’enfant.

 

1b) L’agent d’immigration a-t-il rendu une décision déraisonnable en concluant que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Hyderabad?

 

[26]           Les demandeurs soutiennent que la conclusion de l’agent selon laquelle ils disposaient d’une PRI à Hyderabad est déraisonnable pour trois motifs. Premièrement, l’agent n’a pas vérifié si Hyderabad était une PRI sécuritaire pour Kamish. Deuxièmement, les demandeurs soumettent des éléments de preuve indiquant que Hyderabad n’est pas une ville sécuritaire, car elle a récemment été le théâtre d’actes de violence terroriste. Troisièmement, ils affirment que l’agent a commis une erreur en omettant de prendre en considération l’intérêt supérieur et la sécurité de Kamish indépendamment de la sécurité de sa famille. Les demandeurs font également valoir que l’agent a commis une erreur en omettant de faire renvoi à des éléments de preuve qui contredisaient sa conclusion que Hyderabad est une ville sécuritaire.

 

 

1c) L’appréciation par l’agent d’immigration de la capacité à long terme du demandeur, M. Amin Khoja, à subvenir aux besoins de sa famille était-elle raisonnable?

 

[27]           Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas apprécié adéquatement la capacité à long terme du demandeur, M. Amin Khoja, à subvenir aux besoins de sa famille, notamment en ce qui a trait aux traitements médicaux et à l’éducation de Kamish.

 

[28]           D’après les demandeurs, l’agent a rendu une décision déraisonnable en concluant que M. Khoja serait en mesure de trouver du travail en Inde malgré son invalidité et qu’il pourrait obtenir une aide de l’État indien.

 

[29]           Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur en tirant ces conclusions du fait qu’il a examiné de manière sélective les éléments de preuve se rapportant au traitement des personnes handicapées en Inde.

 

1d) L’agent d’immigration a-t-il commis une erreur en signalant que les demandeurs avaient choisi d’avoir un enfant pendant une période où leur statut au Canada était incertain?

 

[30]           Citant la décision Mulholland c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 597, 206 F.T.R. 77, les demandeurs font valoir qu’il faut accorder un poids considérable à l’intérêt supérieur de l’enfant bien que ses parents aient choisi d’avoir un enfant durant une période où leur statut au Canada était incertain (Mulholland, paragraphe 29).

 

1e) L’agent d’immigration a-t-il commis une erreur en affirmant que l’enfant et ses parents pourraient demander un visa pour venir au Canada et obtenir des traitements médicaux pour l’enfant?

 

[31]           Les demandeurs soutiennent que la conclusion de l’agent selon laquelle les parents de Kamish pourraient demander un visa de visiteur pour revenir au Canada et obtenir des traitements médicaux pour Kamish était une [traduction] « pure supposition », car il est hautement improbable que les autorités leur accorderaient un tel visa compte tenu de leurs antécédents en matière d’immigration.

 

[32]           Enfin, les demandeurs affirment que l’agent n’a pas abordé de manière adéquate tous les facteurs invoqués par les demandeurs relativement à l’intérêt supérieur de Kamish. Plus précisément, ils affirment que l’agent a commis une erreur en n’effectuant pas d’analyse indépendante du bien-être de Kamish s’il devait déménager à Hyderabad, ni d’analyse de son accès à l’éducation.

 

La position du défendeur

[33]           Faisant renvoi aux arrêts Hawthorne et Legault, précités, le défendeur soutient que l’intérêt supérieur de l’enfant n’est qu’un des facteurs qu’il faut apprécier dans le cadre d’une décision sous le régime du paragraphe 25(1) (Legault, paragraphe 12; Hawthorne, paragraphe 32). Le défendeur fait valoir que la Cour ne doit pas apprécier à nouveau les facteurs examinés par l’agent chargé de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et qu’un agent met en application le bon critère quand il examine [traduction]  « attentivement » l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

1a) L’agent d’immigration a-t-il rendu une décision déraisonnable en omettant de tenir compte des conséquences du système d’éducation en Inde sur l’intérêt supérieur de l’enfant?

 

[34]           Le défendeur soutient que l’agent n’a pas commis d’erreur en n’abordant pas la question de l’éducation de Kamish. Il cite la décision Ebebe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 936, [2009] A.C.F. no 1146 (QL), dans laquelle la Cour fédérale a conclu que les lignes directrices du Guide IP 5 sont utiles pour évaluer le caractère raisonnable d’une décision, mais qu’elles ne sont pas contraignantes pour l’agent. La Cour a également statué qu’un demandeur n’a aucun droit à un résultat précis ou à l’application d’un critère juridique particulier dans le cadre d’une décision sur une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (Ebebe, paragraphe 10).

 

1b) L’agent d’immigration a-t-il rendu une décision déraisonnable en concluant que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Hyderabad?

 

[35]           Le défendeur soutient que l’agent n’avait pas à apprécier si Hyderabad serait un lieu sécuritaire pour Kamish, car les demandeurs n’avaient pas présenté d’éléments de preuve tendant à démontrer que Kamish serait traité différemment de ses parents s’ils déménageaient en Inde. Il soutient également que les demandeurs n’ont présenté aucun élément de preuve démontrant qu’ils ne seraient pas en sécurité à Hyderabad.

 

 

 

 

1c) L’appréciation par l’agent d’immigration de la capacité à long terme du demandeur, M. Amin Khoja, à subvenir aux besoins de sa famille était-elle raisonnable?

 

[36]           Selon le défendeur, il n’était pas déraisonnable de la part de l’agent de conclure que M. Khoja pourrait trouver du travail en Inde. Le défendeur reconnaît que la blessure de M. Khoja l’empêche de soulever des objets lourds, mais soutient que l’agent ne disposait d’aucun élément de preuve signalant que ce dernier ne pouvait accomplir un travail différent. De plus, le défendeur note que l’agent disposait d’éléments de preuve se rapportant aux compétences de M. Khoja, telles que sa formation scolaire, son expérience professionnelle et sa maîtrise de l’anglais et du gujarâtî, qui contribuent à son employabilité.

 

1d) L’agent d’immigration a-t-il commis une erreur en signalant que les demandeurs avaient choisi d’avoir un enfant pendant une période où leur statut au Canada était incertain?

 

[37]           D’après le défendeur, les demandeurs ont tort de faire renvoi à la décision Mulholland, précitée, car selon l’interprétation de cette décision par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Kisana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, 392 N.R. 163, Mulholland appuie seulement l’idée qu’il est déraisonnable de la part d’un agent d’immigration de faire fi de l’intérêt d’un enfant au motif que c’était « le choix » des parents d’avoir cet enfant pendant une période de leur vie où ils étaient en transition. Le défendeur soutient que ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce, car l’agent a pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

 

 

1e) L’agent d’immigration a-t-il commis une erreur en affirmant que l’enfant et ses parents pourraient demander un visa pour venir au Canada et obtenir des traitements médicaux pour l’enfant?

 

[38]           Selon le défendeur, il était raisonnable de la part de l’agent de conclure que les demandeurs pourraient obtenir des visas pour revenir au Canada et y obtenir des traitements médicaux additionnels pour Kamish. D’après le défendeur, il était également raisonnable de conclure qu’il existe des traitements médicaux adéquats en Inde, et les demandeurs n’ont pas présenté de preuve qui réfute cette conclusion.

 

VIII.  Norme de contrôle judiciaire

[39]           Les parties conviennent que la norme de contrôle judiciaire applicable à une décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable. Dans la décision Ebebe, précitée, le juge Robert Barnes de la Cour fédérale a confirmé que la norme appropriée est celle de la décision raisonnable.

 

[40]           Quand une cour applique la norme de la décision raisonnable, elle doit faire preuve de déférence à l’égard du raisonnement qui sous-tend la décision visée par la demande de contrôle et garder à l’esprit que certaines questions soumises aux entités et tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise. Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada, le caractère raisonnable d’une décision tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, paragraphe 47).

IX.  Analyse

[41]           Lorsque la Cour révise une décision de cette nature, il est important qu’elle prenne correctement ses repères dans le droit et dans la jurisprudence applicable. Pour examiner la question de l’intérêt supérieur de l’enfant, l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 89 A.C.W.S. (3d) 777, constitue un point de départ logique. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a statué qu’une décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, bien qu’elle soit discrétionnaire, doit être rendue en demeurant sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant (Baker, paragraphe 71). Elle a également statué que les lignes directrices du ministre sont utiles pour trancher si l’agent a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable (Baker, paragraphe 72). La Cour suprême a statué que la décision contestée était déraisonnable parce que l’agent n’avait pas tenu compte de l’intérêt des enfants nés au Canada (Baker, paragraphe 73). Elle a conclu son examen de l’intérêt supérieur de l’enfant en affirmant ce qui suit :

[75]      [...] Les principes susmentionnés montrent que, pour que l’exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Cela ne veut pas dire que l’intérêt supérieur des enfants l’emportera toujours sur d’autres considérations, ni qu’il n’y aura pas d’autres raisons de rejeter une demande d’ordre humanitaire même en tenant compte de l’intérêt des enfants. Toutefois, quand l’intérêt des enfants est minimisé, d’une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable.

 

[42]           Les tribunaux inférieurs ont clarifié l’approche à suivre lorsque les agents chargés d’examiner les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire apprécient l’intérêt supérieur de l’enfant. La décision la plus récente à cet égard rendue par la Cour d’appel fédérale est l’arrêt Kisana, précité, dans lequel la Cour d’appel a cité le jugement du juge Robert Décary dans l’affaire Hawthorne :

[4]        On détermine l’« intérêt supérieur de l’enfant » en considérant le bénéfice que retirerait l’enfant si son parent n’était pas renvoyé du Canada ainsi que les difficultés que vivrait l’enfant, soit advenant le renvoi de l’un de ses parents du Canada, soit advenant qu’elle quitte le Canada volontairement si elle souhaite accompagner son parent à l’étranger. Ces bénéfices et difficultés constituent les deux côtés d’une même médaille, celle-ci étant l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

[5]        L’agente n’examine pas l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’abstrait. Elle peut être réputée savoir que la vie au Canada peut offrir à un enfant un éventail de possibilités et que, règle générale, un enfant qui vit au Canada avec son parent se trouve dans une meilleure position qu’un enfant vivant au Canada sans son parent. À mon sens, l’examen de l’agente repose sur la prémisse - qu’elle n’a pas à exposer dans ses motifs ‑‑ qu’elle constatera en fin de compte, en l’absence de circonstances exceptionnelles, que le facteur de « l’intérêt supérieur de l’enfant » penchera en faveur du non-renvoi du parent. Outre cette prémisse que je qualifierais d’implicite, il faut se rappeler que l’agente est saisie d’un dossier particulier dans lequel un parent, un enfant ou les deux, comme en l’occurrence, allèguent des raisons précises quant à savoir pourquoi le non-renvoi du parent est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il va de soi que l’agente doit examiner attentivement ces raisons précises.

 

[6]        Il est quelque peu superficiel de simplement exiger de l’agente qu’elle décide si l’intérêt supérieur de l’enfant milite en faveur du non-renvoi ‑‑ c’est un fait qu’on arrivera à une telle conclusion, sauf dans de rares cas inhabituels. En pratique, l’agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d’un parent exposera l’enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d’intérêt public, qui militent en faveur ou à l’encontre du renvoi du parent.

 

[7]        Le fardeau administratif qui incombe aux agents chargés d’examiner les demandes de considérations humanitaires ‑‑ comme l’illustre l’article 8.5 du chapitre IP 5 du Guide de l’immigration : Traitement des demandes au Canada (IP), reproduit au paragraphe 30 des motifs de mon collègue ‑‑ est déjà assez lourd sans qu’on y ajoute celui, purement de style, de décrire et d’analyser les faits et facteurs en des termes ou suivant une approche choisie à l’avance. Lorsque notre Cour a statué dans l’arrêt Legault, au paragraphe 12, que l’intérêt supérieur de l’enfant devait être « bien identifié et défini », elle ne tentait pas d’imposer une formule magique à laquelle devaient recourir les agents d’immigration dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire. [Non souligné dans l’original.]

[43]           D’après les arrêts Hawthorne et Legault, précités, même si l’intérêt supérieur de l’enfant penche en faveur d’une décision favorable au demandeur, cela ne donne pas au demandeur le droit d’obtenir un tel résultat. Dans la plupart des situations, il serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant que ce dernier demeure au Canada avec ses parents; toutefois, il ne s’agit que d’un des facteurs que doit apprécier l’agent pour parvenir à sa décision.

 

[44]           La Cour garde à l’esprit les décisions de la Cour fédérale se rapportant à l’intérêt supérieur de l’enfant, mais reconnaît également que les arrêts Kisana et Hawthorne de la Cour d’appel fédérale, précités, sont les précédents d’application obligatoire relativement à cette question.

 

1a) L’agent d’immigration a-t-il rendu une décision déraisonnable en omettant de tenir compte des conséquences du système d’éducation en Inde sur l’intérêt supérieur de l’enfant?

 

[45]           Comme l’a affirmé le défendeur, la Cour ne doit pas apprécier à nouveau les facteurs examinés par l’agent chargé d’examiner la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Cela étant dit, la question à trancher est de savoir si l’agent a omis de prendre en considération un facteur pertinent et si cette omission constitue une erreur susceptible de révision.

 

[46]           De l’avis de la Cour, le fait que l’agent n’a pas examiné expressément les conséquences du renvoi sur l’éducation de Kamish ne rend pas la décision déraisonnable. Dans sa décision écrite, l’agent a abondamment abordé l’intérêt supérieur de Kamish et a examiné plusieurs facteurs différents, y compris les soins médicaux, le soutien familial, l’assistance parentale, l’établissement au Canada et les difficultés qui pourraient s’ensuivre si la famille était renvoyée en Inde.

[47]           Il est possible qu’un agent soit « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur d’un enfant sans examiner expressément chacune des facettes se rapportant à la croissance et au développement de cet enfant. Comme l’a signalé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hawthorne, précité, il n’y a pas de « formule magique » qui permette de démontrer qu’un agent était réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant (Hawthorne, paragraphe 7). Une décision rendue en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR est discrétionnaire et la norme de la décision raisonnable veut que la Cour fasse preuve de déférence envers le raisonnement du décideur.

 

[48]           La Cour ne conclut pas qu’un agent qui rend une décision sur une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire doit incorporer les lignes directrices du Guide IP 5 dans son analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans l’arrêt Hawthorne, précité, la Cour d’appel fédérale a refusé d’imposer des exigences formelles pour ce qui est de la façon de « décrire et d’analyser les faits et facteurs en des termes ou suivant une approche choisie à l'avance » [non souligné dans l’original] (Hawthorne, paragraphe 7). Il est vrai que la cour de révision peut se reporter au Guide IP 5 pour éclairer la prise d’une décision; toutefois, dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, le processus décisionnel est discrétionnaire et ne peut être assujetti aux contraintes invoquées par les demandeurs.

 

1b) L’agent d’immigration a-t-il rendu une décision déraisonnable en concluant que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Hyderabad?

 

[49]           Il convient de signaler que, dans la décision Alie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 925, [2008] A.C.F. no 1149, la Cour a affirmé qu’il était déraisonnable de la part de l’agente d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant en examinant les difficultés que subirait la famille en raison de son renvoi du Canada (Alie, paragraphe 8). La Cour a statué que la décision de l’agente concernant l’intérêt supérieur de l’enfant devait mettre l’accent sur l’enfant et sur les difficultés que le renvoi de la famille aurait sur l’enfant (Alie, paragraphe 9). De même, dans la décision Bocerri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1021, 74 Imm. L.R. (3d) 274, la Cour a statué que l’agent n’avait pas été réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant parce qu’il n’avait pas examiné de façon indépendante la question de savoir si l’installation de l’enfant en Albanie serait conforme à son intérêt supérieur (Bocerri, paragraphes 5 et 6).

 

[50]           Lorsqu’on lit les motifs dans leur ensemble, il est clair que la conclusion que les demandeurs disposaient d’une PRI à Hyderabad n’était pas déterminante pour la décision. La conclusion que les demandeurs ne seraient pas exposés à des difficultés démesurées s’ils étaient renvoyés en Inde reposait sur divers facteurs, tels que le manque de preuve se rapportant à l’identité des hommes qui ont agressé les demandeurs en 2005, à l’absence de risque personnel d’être victimes d’extrémistes hindous et à la possibilité d’être protégés par l’État. Malgré les remarques de l’agent au sujet de la possibilité de trouver la sécurité à Hyderabad, il est clair que les décisions Alie et Bocerri sont des précédents qui peuvent être écartés. Tel qu’il a été signalé, dans les affaires Alie et Bocerri, les agents ont en fait omis de tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants. En l’espèce, bien qu’il soit vrai que l’agent n’a pas effectué une évaluation de la sécurité de Hyderabad pour Kamish en particulier, il est également vrai que l’intérêt supérieur de Kamish n’a pas été indistinctement examiné avec celui de ses parents.

 

1c) L’appréciation par l’agent d’immigration de la capacité à long terme du demandeur, M. Amin Khoja, à subvenir aux besoins de sa famille était-elle raisonnable?

 

[51]           Les demandeurs prétendent que l’agent a commis une erreur de fait en n’accordant pas assez de poids à la preuve selon laquelle les personnes handicapées subissent de la discrimination en Inde sur le plan de l’emploi. En particulier, ils affirment que l’agent a commis une erreur en ne citant pas de manière plus complète le rapport du Département d’État américain sur la situation des personnes handicapées en Inde.

 

[52]           Signalons qu’il faut présumer que les organismes administratifs ont pris en considération l’ensemble de la preuve qui leur a été présentée et qu’il ne faut pas lire leurs motifs à la loupe (Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, 83 A.C.W.S. (3d) 264, paragraphe 16). Il convient également de signaler que la norme de la décision raisonnable veut qu’un tribunal de révision fasse preuve de déférence envers les conclusions de fait de l’organisme et qu’il n’intervienne que si ces conclusions de fait n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables (Dunsmuir, précité, paragraphe 47).

 

[53]           Il est pertinent en l’espèce que l’agent ait pris en considération plusieurs facteurs pour en venir à la conclusion que M. Khoja serait en mesure de trouver un emploi en Inde, notamment ses aptitudes linguistiques, sa formation scolaire et son expérience professionnelle – et pas seulement sa conclusion que les personnes handicapées sont protégées en Inde. La Cour conclut qu’il n’était pas déraisonnable de la part de l’agent de tirer la conclusion que M. Khoja sera en mesure de trouver un emploi en Inde.

 

1d) L’agent d’immigration a-t-il commis une erreur en signalant que les demandeurs avaient choisi d’avoir un enfant pendant une période où leur statut au Canada était incertain?

 

[54]           Citant la décision Mulholland, précitée, les demandeurs soutiennent qu’il est inapproprié d’accorder insuffisamment de poids à l’intérêt supérieur de l’enfant parce que les parents avaient décidé d’avoir un enfant pendant une période où leur statut d’immigration était incertain. Toutefois, le défendeur note que dans l’arrêt Kisana, précité, la Cour d’appel fédérale a interprété la décision Mulholland comme appuyant « seulement l’idée qu’il est déraisonnable de la part d’un agent d’immigration de faire fi de l’intérêt d’un enfant au motif que c’était "le choix" des parents d’avoir cet enfant au départ » (Kisana, paragraphe 26).

 

[55]           Bien qu’il soit regrettable que l’agent ait noté ce fait, il est clair que cela ne compromet pas l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant, car il y a amplement de preuve que l’agent était réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de Kamish. Le fait que les demandeurs ont eu un enfant au Canada durant une période d’incertitude en ce qui concerne leur statut d’immigration ne doit pas servir de prétexte pour minimiser l’intérêt supérieur de cet enfant, mais ne donne pas aux demandeurs le droit d’obtenir un résultat particulier lorsqu’ils présentent une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

1e) L’agent d’immigration a-t-il commis une erreur en affirmant que l’enfant et ses parents pourraient demander un visa pour venir au Canada et obtenir des traitements médicaux pour l’enfant?

 

[56]           Les demandeurs contestent l’affirmation de l’agent selon laquelle Kamish pourrait revenir au Canada pour des traitements médicaux si ces traitements ne sont pas disponibles en Inde. Selon eux, il s’agit d’une [traduction] « pure supposition » de la part de l’agent d’immigration puisque les parents de Kamish seraient obligés de demander des visas de visiteur pour revenir au Canada avec leur fils et il n’est pas assuré que les autorités leur accorderaient ces visas.

 

[57]           Il convient de signaler que l’évocation de la possibilité de revenir au Canada pour y obtenir des soins médicaux consiste en deux phrases dans une grande section consacrée à l’obtention de soins médicaux adéquats pour Kamish. Dans les motifs, le retour au Canada est signalé seulement à titre de possibilité. Cette possibilité ne fait pas partie d’une conclusion essentielle se rapportant à l’intérêt supérieur de l’enfant, puisque son résultat ne compromet pas les soins médicaux prodigués à l’enfant. Que l’aparté de l’agent – en dehors de sa conclusion centrale – s’avère vrai ou faux n’entraîne aucun préjudice puisqu’il est établi dans sa décision que l’enfant disposerait de soins médicaux adéquats en Inde.

 

X.  Conclusion

[58]           La Cour signale que la norme de la décision raisonnable et la formulation par la Cour d’appel fédérale de l’approche à suivre pour apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant peuvent sembler vagues, mais laissent certainement une marge de manœuvre. Cette approche est complémentaire aux multiples facettes de l’intérêt supérieur de l’enfant; néanmoins, il ne faut pas perdre de vue le tableau d’ensemble vers lequel nous orientent les mesures législatives et la jurisprudence : la norme de la décision raisonnable est axée sur le respect du processus décisionnel des organismes administratifs (Dunsmuir, précité, paragraphe 48). De même, le processus d’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant est centré sur la nécessité que le décideur soit réceptif, attentif et sensible à l’intérêt de l’enfant, mais, comme il est établi dans l’arrêt Hawthorne, précité, ce processus ne va pas jusqu’à imposer des exigences formelles rigoureuses.

 

[59]           En l’espèce, l’agent a examiné les éléments de preuve se rapportant aux traitements médicaux en Inde, la sécurité des demandeurs en Inde ainsi que le traitement des personnes handicapées et les possibilités d’emploi; après avoir apprécié ces éléments de preuve, l’agent a tiré une conclusion raisonnable fondée sur ces éléments de preuve. Il n’incombe pas à la Cour d’apprécier à nouveau ces éléments de preuve. Étant donné que la décision sur la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire semble raisonnable, la Cour s’en rapporte à la conclusion de l’agent.

 

[60]           Bien qu’il soit regrettable que l’agent ait choisi de ne pas aborder l’éducation de Kamish dans ses motifs, il ne s’ensuit pas que la décision était déraisonnable. Il est vrai que le Guide IP 5 fait état d’un examen de l’éducation potentielle de l’enfant, mais ce guide n’est pas un texte réglementaire d’application obligatoire et ne devrait pas être interprété en ce sens. Dans la mesure où les motifs fournis indiquent que l’agent était réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant, comme c’est le cas dans la décision contestée, il est admis qu’il existe plus d’une façon de rendre une décision qui est raisonnable, comme dans l’affaire qui nous occupe.

 

[61]           Pour tous les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3815‑09

 

 

INTITULÉ :                                                   AMIN PIYARALI BHAI KHOJA ET MINAZ SADRUDINBHAI MAMDANI c.
LE MINISTRE DE
LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 3 février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 11 février 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Shane Molyneaux

 

POUR LES DEMANDEURS

Mme Kimberly Shane

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ELGIN, CANNON & ASSOCIATES

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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