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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20100222

Dossier : IMM-1155-09

Référence : 2010 CF 192

Ottawa (Ontario), le 22 février 2010

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

 

ENTRE :

JIAN MAI

LINFU MAI

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs contestent la décision rendue le 10 février 2009 par un commissaire de la Section de la protection des réfugiés (le tribunal) qui a rejeté leur demande d’asile en raison de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). Cette disposition transpose en droit canadien la section E de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. La section E de l’article premier de la Convention et l’article 98 de la LIPR ont pour objet de faire obstacle à une demande d’asile au Canada si le statut du demandeur d’asile dans un autre pays l’habilite à présenter une demande d’asile dans cet autre pays. La principale question soulevée dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si le tribunal a employé le bon critère ou les bons principes juridiques pour savoir s’il convenait d’appliquer la section E de l’article premier de la Convention.

 

[2]               Les dispositions qui nous concernent sont reproduites dans l’annexe des présents motifs.

 

[3]               Les demandeurs, un père et son fils, sont de nationalité chinoise. Il est admis que chacun d’eux avait le statut de résident permanent au Pérou (le père depuis l’automne de 2002 et le fils depuis mai 2005), lorsqu’ils sont tous deux entrés au Canada le 16 février 2007. À cette date, Jian Mai (le père) s’était trouvé en dehors du Pérou durant un an et un mois (il était retourné en Chine en janvier 2006). Il a présenté sa demande d’asile au Canada le 14 mars 2007 et signé son Formulaire de renseignements personnels (FRP) le 10 avril 2007, et, lorsque le tribunal a instruit son cas, il avait quitté le Pérou depuis exactement trois ans.

 

[4]               Le cas de Linfu Mai (le fils) était différent. Il est arrivé au Pérou avec son père en 2002, puis est retourné avec lui en Chine en janvier 2006, mais il est revenu au Pérou en septembre 2006. Il a ensuite quitté le Pérou en février 2007, a retrouvé son père à Seattle, puis est entré au Canada avec lui le 16 février 2007. Sa demande d’asile a suivi le même parcours que celle de son père. Lorsque le tribunal a instruit sa demande d’asile, il avait quitté le Pérou depuis un peu plus de deux ans.

 

[5]               Dans leurs FRP, une autre question est apparue. Jian Mai avait quitté le Pérou en janvier 2006, parce qu’il s’était infligé une blessure au dos durant son travail au Pérou et qu’il devait se faire soigner en Chine. Il a commencé la pratique du Falun Gong en 2006, ce qui a calmé quelque peu sa douleur. Après s’être totalement rétabli, il a obtenu un visa lui permettant de se rendre au Pérou via les États-Unis. Le BSP, apprenant que la famille s’adonnait au Falun Gong, lui a intimé l’ordre de se présenter dans les trois jours pour être interrogé, après que son beau-père eut été arrêté pour la même raison. C’est alors que Jian Mai a quitté la Chine.

 

[6]               Linfu, le fils, qui se trouvait en Chine en 2006, a lui aussi commencé de s’adonner au Falun Gong après avoir constaté que son père en avait retiré des bienfaits. Il a continué au Pérou. Il affirme avoir été suivi et menacé par des fonctionnaires chinois de l’ambassade à Lima parce qu’il pratiquait le Falun Gong.

 

[7]               Les points essentiels que devait décider le tribunal étaient les suivants : (1) les demandeurs avaient-ils perdu leur statut de résidents permanents au Pérou, et, dans l’affirmative, à quel moment? (2) pouvaient-ils recouvrer ce statut, et, dans l’affirmative, comment et dans quel pays : a) au Pérou; b) en Chine; c) au Canada; et (3) s’ils pouvaient recouvrer ce statut au Pérou, ce pays les protègerait-il contre la persécution qu’ils risquaient de subir parce qu’ils pratiquaient le Falun Gong? L’avocat des demandeurs a fait valoir devant le tribunal qu’ils avaient perdu leur statut de résidents permanents au Pérou, mais que, compte tenu de l’arrêt Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 126, le droit de recouvrer ce statut n’était pas automatique et pouvait leur être refusé.

 

[8]               L’examen de la décision du tribunal montre que, même si, d’après le tribunal, il ne semblait pas que les demandeurs avaient perdu leur statut de résidents permanents au Pérou, il était persuadé qu’ils pourraient facilement recouvrer ce statut, et il n’a pas cru les demandeurs quand ils ont prétendu que, pour recouvrer ce statut, il leur faudrait présenter leur demande depuis la Chine. Le tribunal a rejeté aussi leur argument selon lequel la pratique du Falun Gong ne leur vaudrait aucune protection au Pérou.

 

[9]               L’avocat des demandeurs n’a pas contesté la conclusion du tribunal selon laquelle les résidents du Pérou qui pratiquent le Falun Gong ne sont pas exposés à une menace pour leur vie, au risque de subir des peines cruelles et inusitées ou au risque d’être soumis à la torture.

 

[10]           Il n’a pas non plus contesté la conclusion du tribunal selon laquelle le statut de résident permanent au Pérou confère aux bénéficiaires de ce statut des droits et privilèges semblables à ceux que confère la nationalité péruvienne, à quelques exceptions près, par exemple le droit de vote.

 

[11]           La preuve soumise au tribunal concernant la perte du statut de résident permanent au Pérou et le recouvrement de ce statut venait de deux sources :

 

                i.          Le témoignage de Linfu Mai, qui avait communiqué avec un représentant du consulat du Pérou (l’agent consulaire) à Vancouver; son témoignage n’était pas confirmé par une note de l’agent consulaire. Dans son témoignage sur ce que lui avait appris l’agent consulaire, Linfu Mai mentionnait ce qui suit : l’agent lui avait dit que, si ses impôts applicables à une année n’ont pas été payés, sa carte de résident serait automatiquement annulée. Même s’ils payaient les impôts qu’ils devaient, ou une amende, leurs cartes de résidents permanents étaient invalides et il leur faudrait retourner en Chine pour présenter une nouvelle demande. Les impôts étaient en principe payés au début de chaque année.

 

              ii.          Une réponse à une demande d’information (RDI), en date du 17 août 2005, de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), réponse qui portait sur les droits et obligations des résidents permanents au Pérou; plus précisément, la manière dont le statut est perdu et, si possible, recouvré; […]; la période maximale durant laquelle un résident permanent peut demeurer en dehors du pays sans perdre son statut de résident; le point de savoir si un résident permanent perdait son statut s’il négligeait de payer la redevance annuelle de résidence permanente et, dans l’affirmative, la procédure qu’il devrait suivre pour recouvrer son statut. La RDI est délivrée par la Direction des recherches de la Commission.

 

[12]           Les extraits pertinents de la RDI sont reproduits à l’annexe B des présents motifs.

 

La décision du tribunal

[13]           Le tribunal a entendu les demandes d’asile le 10 février 2009 et a rendu une décision à l’audience, le même jour. Sa décision écrite est datée du 25 mars 2009.

 

[14]           Je résume les principales conclusions du tribunal sur les points que je dois décider. Le tribunal n’a pas accepté le témoignage du fils concernant sa conversation avec l’agent consulaire. Le fils disait que lui et son père, « après avoir vécu à l’extérieur du Pérou pendant une longue période, avaient perdu de façon irrévocable leur statut au Pérou ». [Non souligné dans l’original.] Selon le tribunal, ce témoignage ne s’accordait pas avec la RDI, selon laquelle le statut de résident permanent peut être annulé dans certains cas, par exemple lorsque l’intéressé a commis un acte criminel ou un acte menaçant la sécurité de l’État, l’ordre public ou la défense nationale. D’après le tribunal, les demandeurs ne s’étaient rendus coupables d’aucun acte semblable.

 

[15]           Puis le tribunal écrivait ce qui suit :

 

[5]        Dans le document cité, il est également indiqué que des obligations de résidence doivent être respectées pour pouvoir garder le statut de résident permanent, que la durée exacte du séjour à l’extérieur du Pérou pour entraîner la perte du statut est incertaine, mais que toute personne qui avait perdu son statut pendant qu’elle était à l’extérieur du Pérou pouvait facilement l’acquérir à nouveau à son retour au pays, moyennant certaines démarches administratives. […] [Non souligné dans l’original.]

 

Le tribunal ajoutait qu’il préférait s’en rapporter à la RDI plutôt qu’aux échanges que Linfu avait eus avec l’agent consulaire, échanges qui n’étaient pas étayés. Le tribunal ajoutait : « Tout d’abord, il n’est pas certain que les demandeurs d’asile ont perdu leur statut de résident permanent au Pérou. Cependant, même s’ils l’avaient perdu, selon l’information transmise par les autorités péruviennes à la Direction des recherches de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, ils pourraient l’acquérir à nouveau moyennant certaines démarches administratives. »

 

[16]           Le tribunal écrivait ensuite que les circonstances qu’il venait d’évoquer répondaient au critère du contrôle exposé dans l’arrêt Williams, de la Cour d’appel fédérale, dont il citait l’extrait suivant :

 

Le véritable critère consiste à déterminer s’il est en le pouvoir du demandeur, et est manifestement, selon la prépondérance des probabilités, sous le contrôle des demandeurs d’asile en l’espèce, même s’ils ont perdu leur statut de résident permanent, ce qui n’est pas clairement démontré dans la preuve contenue dans REFINFO que je viens de mentionner. [Non souligné dans l’original.]

 

[17]           Après examen, le tribunal a refusé d’admettre que les demandeurs craignaient d’être persécutés au Pérou, parce qu’ils y pratiquaient le Falun Gong (comme je l’ai dit, cette conclusion du tribunal n’est pas contestée devant moi). Puis le tribunal concluait par l’analyse suivante en trois étapes :

 

[…] Lorsque les demandeurs d’asile sont arrivés au Canada, ils avaient le statut de résident permanent au Pérou. En date d’aujourd’hui [la date de l’audience], les éléments de preuve établissent, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils pourraient encore avoir ce statut, et que s’ils ne l’ont pas, il est entièrement en leur pouvoir de l’acquérir à nouveau automatiquement, moyennant certaines démarches administratives. Troisièmement, je ne vois pas pourquoi on ne s’attendrait pas à ce qu’ils ne fassent pas ses démarches, parce que je n’accepte pas les allégations de menaces qu’ils disent avoir reçues au Pérou. Je ne dispose pas non plus d’éléments de preuve qui me permettraient de conclure qu’il y a plus qu’une simple possibilité que les adeptes du Falun Gong au Pérou soient persécutés ou exposés à une menace à leur vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou au risque d’être soumis à la torture. [Non souligné dans l’original.]

 

Les Arguments

a) Les demandeurs

[18]           Les arguments principaux avancés par l’avocat des demandeurs étaient les suivants : (1) le tribunal a appliqué le mauvais critère pour savoir s’il convient d’appliquer ou non la section E de l’article premier de la Convention et l’article 98 de la LIPR, qui empêchent une personne de présenter une demande d’asile au Canada si le statut de résident permanent lui est reconnu dans un autre pays; (2) le critère du contrôle exposé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Williams permettait de régler la question posée par la double citoyenneté d’une personne, mais il n’était pas adapté aux complexités qui peuvent surgir dans les questions entourant la perte, le recouvrement et la portée du statut de résident permanent, questions qui appellent la prise en compte d’éléments étrangers à la notion de double citoyenneté; (3) la section E de l’article premier de la Convention appelle l’application de son propre critère, défini par la jurisprudence et récemment formulé par le juge Gibson dans la décision Zeng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 466, rendue le 8 mai 2009. Il a été interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel fédérale après que le juge Gibson eut certifié une question de portée générale. J’ajoute que la décision Zeng a été rendue après la décision du tribunal dont il s’agit ici.

 

[19]           Selon l’avocat des demandeurs, le critère appliqué dans la décision Zeng est le suivant :

 

1. Les demandeurs, à la date de leur demande de protection au Canada, avaient-ils dans un pays tiers, en l’occurrence le Pérou, un statut auquel sont attachés des droits et obligations que les autorités compétentes de ce pays assimilent aux droits et obligations attachés à la nationalité de ce pays?

 

Si la réponse à cette question est négative, alors les demandeurs ne sont pas exclus par l’effet de la section E de l’article premier. Si la réponse à la question est affirmative, alors le décideur doit se poser la question suivante :

 

2. Les demandeurs, s’ils avaient tenté d’entrer dans le pays en question, en l’occurrence le Pérou, à la date où leur demande d’asile a été considérée, auraient-ils, selon la prépondérance de la preuve, été admis dans le pays en question avec un statut semblable à celui qu’ils avaient à la date où ils ont demandé l’asile au Canada?

 

Si la réponse à cette question est affirmative, alors les demandeurs devraient être exclus par l’effet de la section E de l’article premier. Si la réponse est négative, alors le décideur doit passer à la question suivante :

 

3. En cas de non-admission des demandeurs dans le pays en question, en l’occurrence le Pérou, auraient-ils pu empêcher ce résultat et, dans l’affirmative, avaient-ils de bonnes raisons de ne pas l’avoir empêché?

 

Si les demandeurs étaient à même de préserver leur droit d’admission et qu’ils ne l’ont pas fait, sans pouvoir se justifier de ne pas l’avoir fait, devraient-ils être exclus par l’effet de la section E de l’article premier? Si les demandeurs n’étaient pas à même de préserver leur droit d’admission, ou s’ils étaient à même de le préserver, mais ont pu se justifier de ne pas l’avoir fait, alors ils ne devraient pas être exclus par l’effet de la section E de l’article premier.

 

[20]           Le deuxième argument des demandeurs est que le tribunal a commis une erreur dans l’application du critère de l’arrêt Williams aux circonstances de la présente affaire, et cela parce que : (1) il s’est mépris sur la RDI, qui est très vague et qui ne dit rien des délais, des procédures précises ou d’autres détails qui auraient été utiles pour le tribunal, mais, ce qui ressort clairement de la RDI, c’est que, bien que la réadmission soit possible, elle n’est pas automatique, et la RDI ne renfermait aucun détail sur la procédure à suivre pour la présentation d’une nouvelle demande; (2) le tribunal a commis une erreur en préférant la RDI au témoignage de Linfu Mai, car il n’y avait aucune contradiction entre le témoignage et la RDI. Dans ces conditions, le tribunal aurait dû accorder le même poids à la RDI et au témoignage.

 

[21]           Appliquant le critère de la décision Zeng, l’avocat des demandeurs a admis que le premier volet du critère était rempli, mais non le second. Il dit que, à la date de la décision du tribunal, les demandeurs avaient quitté le Pérou depuis au moins deux ans. Linfu Mai a témoigné que la carte de résident était annulée lorsque son titulaire s’absentait du Pérou durant plus d’un an et qu’il n’avait pas payé ses impôts [ou la redevance de résidence permanente]. Vu cette preuve non contredite, le tribunal aurait donc dû considérer que les demandeurs avaient perdu leur statut au Pérou. En outre, d’après lui, les motifs du tribunal montrent clairement que le tribunal n’a pas conclu explicitement que les demandeurs avaient, à la date de l’audience, le statut de résident permanent.

 

[22]           Selon l’avocat des demandeurs, le tribunal a dit que les demandeurs avaient peut-être encore ce statut ou qu’ils pouvaient le recouvrer. Le tribunal a commis une erreur, parce qu’il ne s’est pas exprimé clairement sur leur statut actuel, ce qui lui aurait permis de dire si la section E de l’article premier de la Convention s’appliquait. Finalement, l’avocat des demandeurs a fait valoir que la conclusion du tribunal, selon laquelle les demandeurs pouvaient automatiquement recouvrer leur statut, n’est pas appuyée par l’ensemble de la preuve, et il affirme que, pour que les demandeurs recouvrent leur statut, il leur faudrait présenter une demande depuis la Chine.

 

[23]           S’agissant du troisième volet du critère Zeng, l’avocat des demandeurs a admis que les demandeurs auraient pu prévenir la perte de leur statut, mais ils avaient selon lui une raison valable de ne pas l’avoir fait, à savoir leur obligation de retourner en Chine pour le conserver ou le recouvrer. Le mémoire supplémentaire des demandeurs traite de cet aspect comme il suit :

 

[traduction]

 

La RDI donne également à entendre que les demandeurs auraient sans doute été en mesure de conserver ou de recouvrer leur statut à leur retour au Pérou, bien que la RDI elle‑même dise le contraire. Cependant, le commissaire n’a tiré aucune conclusion, ni fait d’ailleurs quelque analyse que ce soit, sur le point de savoir si les demandeurs avaient une raison valable de ne pas avoir empêché la perte de leur statut. Les demandeurs disent que, vu l’absence d’une telle analyse, le tribunal a également commis une erreur de droit en laissant de côté un élément essentiel du critère Zeng.

 

b) Le défendeur

[24]           L’avocat du défendeur souligne que l’objet de l’article 98 de la LIPR est d’empêcher les demandes d’asile au Canada faites par des personnes qui ne peuvent légitimement se réclamer de la protection du Canada, parce qu’elles peuvent l’obtenir de l’État où elles ont le statut de résident permanent, statut qui en principe confère le droit à la protection de l’État, comme pour les nationaux, ce qui n’est pas contesté ici.

 

[25]           La portée que le tribunal donne à l’arrêt Williams doit être remise dans son contexte, étant donné que, d’après le dossier, les demandeurs ont admis qu’ils étaient des résidents permanents du Pérou le 16 février 2007, date à laquelle ils sont entrés au Canada. L’avocat du défendeur invoque une décision du juge Rouleau, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Choovak, 2002 CFPI 573, au paragraphe 41, pour dire que le fardeau de la preuve reposait maintenant sur les demandeurs :

 

41     Je suis d’avis que le ministre a établi prima facie que la section 1E s’applique en l’espèce et qu’il revenait donc à la défenderesse de démontrer pourquoi, après avoir laissé expirer son statut de résidente permanente, elle ne pouvait faire une nouvelle demande de visa. […]

 

[26]           L’avocat du défendeur a fait valoir que c’est dans ce contexte – la perte probable du statut – que le tribunal avait appliqué le critère de l’arrêt Williams. Puis il s’est référé au paragraphe 22 de l’arrêt Williams, où le juge Décary s’exprimait ainsi :

 

22     Je souscris entièrement aux motifs du juge Rothstein et en particulier au passage suivant, au paragraphe 12 [[1993] A.C.F. no 576 (QL)] :

 

Le fait de ne pas avoir de nationalité ne doit pas relever du contrôle d’un [demandeur].

 

Le véritable critère est, selon moi, le suivant: s’il est en son pouvoir d’obtenir la citoyenneté d’un pays pour lequel il n’a aucune crainte fondée d’être persécuté, la qualité de réfugié sera refusée au demandeur. Bien que des expressions comme « acquisition de la citoyenneté de plein droit » ou « par l’accomplissement de simples formalités » aient été employées, il est préférable de formuler le critère en parlant de « pouvoir, faculté ou contrôle du demandeur », car cette expression englobe divers types de situations. De plus, ce critère dissuade les demandeurs d’asile de rechercher le pays le plus accommodant, une démarche qui est incompatible avec l’aspect « subsidiaire » de la protection internationale des réfugiés reconnue dans l’arrêt Ward et, contrairement à ce que l’avocat de l’intimé a laissé entendre, ce critère ne se limite pas à de simples formalités comme le serait le dépôt de documents appropriés. Le critère du « contrôle » exprime aussi une idée qui ressort de la définition du réfugié, en l’occurrence le fait que l’absence de « volonté » du demandeur à accomplir les démarches nécessaires pour obtenir la protection de l’État entraîne le rejet de sa demande d’asile à moins que cette absence s’explique par la crainte même de persécution. Le paragraphe 106 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, [Genève, 1992] précise bien que « [c]haque fois qu’elle peut être réclamée, la protection nationale l’emporte sur la protection internationale ». Dans l’arrêt Ward, la Cour suprême du Canada fait observer, à la page 752, que « [l]orsqu’il est possible de l’obtenir, la protection de l’État d’origine est la seule solution qui s’offre à un demandeur ».

 

[27]           Selon l’avocat du défendeur, le passage ci-dessus de l’arrêt Williams montre que le « critère du contrôle » n’était pas censé, ou réputé, s’appliquer uniquement aux aspects concernant l’acquisition de la citoyenneté, et le tribunal n’a pas commis d’erreur dans sa manière d’utiliser ce concept aux fins de son analyse de la section E de l’article premier de la Convention.

 

[28]           L’avocat du défendeur a soutenu aussi que, même selon le critère de la décision Zeng, l’analyse du tribunal était raisonnable.

 

[29]           Dans son mémoire supplémentaire, l’avocat du défendeur fait observer que c’est l’avocat des demandeurs qui avait soutenu devant le tribunal que le critère du contrôle exposé dans l’arrêt Williams était pertinent, mais qu’il n’était pas rempli dans les circonstances de la présente affaire, parce que le recouvrement d’un statut de résident permanent qui a été perdu n’était pas automatique, mais pouvait être refusé. Il a souligné aussi que les demandeurs n’avaient pas fait le moindre effort pour recouvrer leur statut prétendument perdu, et il s’est référé sur ce point à un arrêt récent de la Cour d’appel fédérale, Parshottam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 355, où la juge Sharlow, répondant à la question certifiée, écrivait ce qui suit, au paragraphe 42 :

 

[…] Réponse : Si le demandeur d’asile présente de nouveaux éléments de preuve (au sens de l’alinéa 113a) de la LIPR) tendant à démontrer que la section E de l’article premier de la Convention ne s’appliquait pas à la date de l’examen des risques avant renvoi, l’agent d’ERAR peut décider, sur le fondement des nouveaux éléments de preuve, que la section E de l’article premier de la Convention s’applique actuellement, auquel cas la demande d’asile est irrecevable. À titre subsidiaire, l’agent d’ERAR peut décider, sur le fondement des nouveaux éléments de preuve, que la section E de l’article premier de la Convention ne s’applique pas actuellement, malgré le fait qu’elle s’appliquait au moment où le demandeur d’asile a été admis au Canada (ou à la date de la décision de la SPR). Si un tel changement de situation est survenu, l’agent d’ERAR devrait examiner les raisons de ce changement et les mesures, s’il en est, que le demandeur d’asile a prises ou aurait pu prendre pour susciter ce changement de statut ou pour l’empêcher. Si les actes ou les omissions du demandeur d’asile permettent de penser qu’il est à la recherche du meilleur pays d’asile, il est possible de considérer que la section E de l’article premier de la Convention s’applique malgré le changement de situation. [Non souligné dans l’original.]

 

[30]           Finalement, selon l’avocat du défendeur, il n’existait aucune preuve autonome appuyant l’affirmation des demandeurs selon laquelle ils seraient obligés de retourner en Chine pour présenter une nouvelle demande et recouvrer leur statut [ou leur carte] de résident permanent. Le défendeur dit qu’en fait, le tribunal a rejeté cette affirmation, et il cite sur ce point le dossier certifié du tribunal, à la page 20, où le président de l’audience s’adressait ainsi à l’avocat des demandeurs :

 

[traduction]

Le président de l’audience : Très bien – mais, je veux dire, j’ai remarqué que c’est ce que le demandeur d’asile a dit, mais nous n’avons pas la preuve que c’est ce que… je veux dire qu’il n’y a aucune raison qui ferait que cela est vrai, et je ne vois rien qui me dise que vous êtes tenu de présenter une demande depuis votre pays de nationalité si vous vous êtes rendu à l’étranger. Pourquoi le Pérou se soucierait-il de savoir si vous présentez votre demande depuis le Canada, ou depuis l’Italie, ou depuis les États-Unis? […] [Non souligné dans l’original.]

 

Transcription, page 20

 

Analyse

a) La norme de contrôle

[31]           Les parties s’accordent pour dire que le point de savoir si le tribunal a appliqué le bon critère pour circonscrire la portée de la section E de l’article premier est une question de droit, tout comme l’interprétation de cette disposition. Les questions de droit sont revues d’après la norme de la décision correcte. S’agissant de l’application du critère aux faits, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

 

b) Examen et conclusions

[32]           Je réglerai rapidement deux points soulevés par l’avocat des demandeurs. D’abord, il ressort assez clairement de la preuve et de la décision du tribunal qu’il y avait des contradictions entre le témoignage de Linfu Mai et le contenu de la RDI : (1) le statut de résident permanent serait-il ou non automatiquement annulé pour non-paiement des impôts exigibles? (2) les demandeurs avaient‑ils le droit de retourner au Pérou pour recouvrer leur statut, pour le cas où ils l’avaient perdu, ou seraient-ils obligés de retourner en Chine? Bien que le tribunal n’en ait pas fait mention, il ressort clairement du dossier que les demandeurs avaient en leur possession des cartes d’identité de résidents permanents qui étaient de durée indéfinie, c’est-à-dire qui n’indiquaient aucune date d’expiration (voir le dossier certifié du tribunal, pages 557 à 559), un fait confirmé par la RDI, où l’on peut lire ce qui suit : « les immigrants ont le droit de résider indéfiniment ». Dans ces conditions, j’arrive à la conclusion qu’il était raisonnable pour le tribunal de préférer la RDI au témoignage des demandeurs.

 

[33]           Je reconnais avec l’avocat des demandeurs qu’il existe une jurisprudence se rapportant précisément aux difficultés qui se posent dans le contexte de l’application de la section E de l’article premier, mais j’exprime mon désaccord lorsqu’il affirme que, dans la présente affaire, le critère du contrôle exposé dans l’arrêt Williams est nécessairement étranger à l’article premier de la Convention ou qu’il n’est pas applicable à un cas dans lequel la question posée concerne la possibilité de recouvrer un statut perdu ou de prévenir la perte de tel statut. Je tire de cette jurisprudence les éléments suivants.

 

[34]           En premier lieu, se pose la question de la charge de la preuve. Ainsi que l’expliquait le juge Rouleau dans la décision Choovak, c’est au ministre qu’il incombe d’établir au départ le statut de résident permanent. Cela n’était pas nécessaire ici, parce que les demandeurs ont admis qu’ils avaient ce statut lorsqu’ils sont arrivés au Canada. Comme l’a fait observer le tribunal dans la présente affaire, se posait alors la question de savoir s’ils avaient ou non perdu ce statut durant leur présence au Canada alors qu’ils attendaient l’issue de leur demande d’asile et, dans l’affirmative, si ce statut pouvait être recouvré, et à quelles conditions. En l’espèce, le déplacement du fardeau de la preuve vers les demandeurs est important si l’on veut comprendre la conclusion du tribunal.

 

[35]           C’est d’abord au ministre qu’il incombe d’établir le statut de résident permanent, après quoi la charge de la preuve repose sur le demandeur d’asile : ce point a été confirmé par le juge Rothstein, alors juge de la Cour fédérale, dans la décision Shahpari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. n° 429, aux paragraphes 6 et 12, par le juge Rouleau dans la décision Choovak, précitée, et par ma collègue la juge Heneghan dans la décision Nepete c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. n° 1640, au paragraphe 21. La jurisprudence relative à la section E de l’article premier reconnaît qu’il est fréquent parmi les États membres de la communauté internationale d’attacher des conditions de résidence au maintien du statut de résident permanent (comme c’est le cas du Pérou, et comme c’est aussi le cas du Canada) et que, si ce statut est perdu parce que les conditions ne sont plus remplies, alors c’est au demandeur d’asile qu’il appartient de dire pourquoi il a laissé s’éteindre son statut. Voir, par exemple, la décision Wassiq c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. n° 468, une autre décision du juge Rothstein, où il écrivait ce qui suit, au paragraphe 11 :

 

11     Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, le juge La Forest écrit, à la page 726 :

 

     Les revendications du statut de réfugié n’ont jamais été destinées à permettre à un demandeur de solliciter une meilleure protection que celle dont il bénéficie déjà.

 

Je fais remarquer que si, en raison de leur absence de l’Allemagne et de leur séjour au Canada, les requérants ont effectivement le droit de renoncer à la protection de l’Allemagne et à demander celle du Canada, il s’agit là d’une anomalie. En substance, cela donne le droit aux réfugiés au sens de la Convention le droit d’émigrer où ils veulent sans se conformer aux conditions habituelles, uniquement en raison de leur renonciation unilatérale à la protection qui leur a tout d’abord été accordée par le premier pays d’asile. En fait, cela signifie qu’ils peuvent "faire du shopping de lieu d’asile" parmi les pays signataires de la Convention de Genève et "resquiller" dans les listes d’attente ordinaires pour immigrer dans le pays de leur choix. Si tel est le cas, les requérants, qui ont résidé en Allemagne pendant dix ans, peuvent simplement abandonner l’Allemagne et adopter le Canada. Ils auraient alors un droit d’émigration au Canada supérieur à celui des simples nationaux allemands. Ce n’est ni équitable ni logique. [Non souligné dans l’original.]

 

[36]           Je relève que, dans la décision Wassiq, la question du droit des demandeurs de retourner en Allemagne portait sur le point de savoir s’ils avaient des documents de voyage valides délivrés en Allemagne et si lesdits documents avaient expiré et, dans l’affirmative, pour quelle raison. Voir la décision Nepete, précitée, et la décision Shamlou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. n° 1537.

 

[37]           Cette jurisprudence examine aussi le moment auquel doit être considérée l’existence du statut de résident permanent : date d’admission au Canada, date de la demande d’asile ou date de la décision. En l’espèce, il semble que le tribunal a adopté la bonne mesure temporelle – le statut de résident à la date de la décision. Voir l’arrêt Parshottam, précité, aux paragraphes 11 et 41.

 

[38]           La jurisprudence a toujours réservé à l’intéressé la possibilité de se justifier lorsqu’il a perdu son statut. Avait-il une « raison valable » de laisser ce statut expirer? Nous avons ici affaire au troisième volet du critère Zeng. Le dossier ne montre pas que les demandeurs ont apporté la preuve requise, plus exactement ils n’ont pas expliqué pourquoi ils ont laissé s’éteindre leur statut de résident permanent au Pérou. Cette question est différente de celle qui consiste à prendre des mesures pour recouvrer le statut de résident permanent après qu’il a été perdu.

 

[39]           Pour couronner cet examen de la jurisprudence, et bien qu’ils ne soient pas applicables ici, je mentionne deux arrêts de la Cour d’appel fédérale, Mahdi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. n° 1623, et Hurt c. Canada (Ministre de la Main‑d’œuvre et de l’Immigration), [1978] 2 C.F. 340.

 

[40]           À mon avis, cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. En bref, le tribunal n’a pas été persuadé que les demandeurs s’étaient acquittés de leur obligation de prouver (si l’on suppose qu’ils avaient perdu leur statut, ce dont le tribunal doutait, un doute justifié par la RDI, qui indiquait que le statut était indéfini, sauf annulation pour des raisons qui n’intéressent pas la présente affaire) qu’ils ne pouvaient pas recouvrer leur statut en se pliant à des formalités administratives, recouvrement qui n’était sans doute pas automatique, mais qui ne les obligeait pas à retourner en Chine. Au vu de la preuve, le tribunal pouvait fort bien arriver à cette conclusion. En fait, appliquant le critère du contrôle exposé dans l’arrêt Williams, il a imposé un critère plus rigoureux que ce qu’exige la jurisprudence. Selon la jurisprudence, un demandeur d’asile qui a laissé expirer son statut de résident permanent doit uniquement expliquer, en donnant une raison valable, pourquoi il n’a pas empêché son statut d’expirer.

 

[41]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’a été proposée.

 

                                                                                                « François Lemieux »

                                                                                                ____________________________

                                                                                                                        Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


ANNEXE A

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27

 

Définitions

 

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

[…]

 

« Convention sur les réfugiés »

 

« Convention sur les réfugiés » La Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, dont les sections E et F de l’article premier sont reproduites en annexe et le protocole afférent signé à New York le 31 janvier 1967.

 

[…]

 

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

 

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

 

 

SECTION E DE L’ARTICLE PREMIER DE LA CONVENTION DES NATIONS UNIES RELATIVE AU STATUT DES RÉFUGIÉS

 

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

 

 

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

 

Definitions

 

2. (1) The definitions in this subsection apply in this Act.

 

[…]

 

“Refugee Convention”

 

“Refugee Convention” means the United Nations Convention Relating to the Status of Refugees, signed at Geneva on July 28, 1951, and the Protocol to that Convention, signed at New York on January 31, 1967. Sections E and F of Article 1 of the Refugee Convention are set out in the schedule.

 

[…]

 

Exclusion — Refugee Convention

 

 

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

SECTION E OF ARTICLE 1 OF THE UNITED NATIONS CONVENTION RELATING TO THE STATUS OF REFUGEES

 

E. This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

 


 

ANNEXE B

 

 

Extraits de réponses à des demandes d’information

(RDI) – PER100156F

17 août 2005 – Résidence permanente

 

[…]

 

[…] Outre les documents cités ci-dessous, il se peut que d’autres mesures législatives, normes, décisions judiciaires ou instruments juridiques existent qui pourraient être pertinents pour la présente réponse.

 

[…]

 

Selon l’article 3 du décret législatif no 703 du 5 novembre 1991 portant approbation de la loi sur le statut des étrangers (Aprueba la Ley de Extranjería), par étranger (extranjero) on entend toute personne qui n’a pas la nationalité péruvienne (Pérou 5 nov. 1991b). L’article 11 répartit les étrangers en plusieurs catégories, dont les diplomates, les personnes jouissant de l’asile politiques et les réfugiés politiques, les touristes, les étudiants, les travailleurs et les immigrants (ibid.). L’immigrant est celui qui est entré au Pérou avec l’intention d’y demeurer de façon permanente (ibid.). [Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

Les articles 22 à 31 des chapitres 5 et 6 du décret législatif no 703 établissent les exigences et les restrictions à l’égard de l’entrée des étrangers; elles vont des exigences relatives aux pièces d’identité à l’exclusion en raison d’activités criminelles (ibid.). L’article 33 établit la durée de séjour permise pour chacune des catégories de migrants; les séjours sont majoritairement renouvelables, exception faite de la catégorie des immigrants, qui ont le droit de résider indéfiniment au Pérou (plazo de residencia indefinido) (ibid.). [Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

Selon le décret législatif no 703, les résidents étrangers peuvent quitter le Pérou et y revenir tout en gardant leur statut de migrant et leur visa pourvu qu’ils respectent les exigences et les échéances prévues par le décret législatif et ses règlements (5 nov. 1991b, art. 42). Si un résident étranger demande à quitter de façon permanente, il perd son statut de résident; pour être réadmis, il doit se conformer aux exigences prévues pour les étrangers dans le décret législatif no 703 et ses règlements (ibid., art. 41). [Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

Si un étranger contrevient à une disposition du décret, l’article 60 prévoit l’imposition d’amendes, la sortie forcée, la perte du statut de résident ou l’expulsion (ibid.). Selon l’article 63, l’étranger peut perdre son statut de résident permanent dans les cas suivants : 1) il commet un geste qui va à l’encontre de la sécurité de l’État, de l’ordre public ou de la défense nationale, 2) il ne dispose pas des moyens financiers pour pouvoir résider au Pérou ou 3) il a été condamné par un tribunal criminel du Pérou (ibid.). Selon l’article 66, une résolution ministérielle (resolucion ministerial) faisant suite à une recommandation de la Commission sur le statut des étrangers (Comision de Extranjería), qui s’appuie sur un rapport de la Direction sur les étrangers (Division de Extranjería) de la police nationale, est nécessaire pour l’annulation du statut de résident et l’expulsion d’un étranger (ibid.). [Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

Le premier secrétaire a affirmé que toute personne qui souhaite garder le statut de résident permanent doit respecter des obligations de résidence; toutefois, il ne savait pas avec certitude quelle durée doit avoir un séjour à l’étranger pour entraîner la perte du statut de résident permanent (ibid.). Le premier secrétaire a affirmé qu’une fois son statut perdu, la personne concernée peut s’adresser aux autorités compétentes pour recouvrer son statut de résidente permanente (ibid). [Non souligné dans l’original.]

 

Au cours d’un entretien téléphonique du 29 mai 2002, le premier secrétaire a affirmé que « carnet de extranjería » pourrait se traduire en anglais par « immigrant identity card », soit [traduction] « carte d’identité d’immigrant » (ibid.). Le détenteur d’une telle carte est résident permanent et il a toutes obligations et jouit de tous les droits rattachés à ce statut (Pérou, 29 mai 2002).

 

[…]

 

Aux termes du décret législatif no 703 du 5 novembre 1991, les détenteurs de visas de résidence de catégorie immigrant peuvent demeurer au Pérou indéfiniment, mais doivent renouveler leur visa tous les 12 mois (Pérou 5 nov. 1991, art. 13). La loi stipule également que ces personnes peuvent entrer au pays et en sortir en toute liberté durant la période de validité de leur visa (ibid., art. 18). Cette information a été corroborée par un conseiller de l’ambassade du Pérou à Ottawa, qui a ajouté que le renouvellement annuel de ce type de visa n’est qu’une simple formalité administrative (Pérou 22 oct. 2004). Il a toutefois fait remarquer que la personne doit se trouver au Pérou afin de pouvoir renouveler son visa (ibid.). [Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

Le conseiller ne savait pas si le non-paiement des frais de renouvellement du visa entraînait automatiquement la perte du statut de résident permanent, mais il a déclaré que toute personne qui avait perdu son statut alors qu’elle était à l’extérieur du pays pouvait l’acquérir à nouveau facilement à son retour au pays, moyennant certaines démarches administratives (ibid.). Il n’a pu fournir de précisions sur la nature de ces démarches. [Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

La Direction des recherches n’a pu trouver parmi les sources consultées aucune information datant de 2005 sur les droits et les obligations des résidents permanents ou sur la restriction visant la période que les résidents permanents peuvent passer à l’étranger sans perdre leur statut; elle n’a pu trouver en particulier aucune information indiquant comment ce statut est perdu et recouvré ni aucune information indiquant si les résidents permanents perdent leur statut s’ils omettent de payer les frais annuels de résidence permanente et, le cas échéant, la procédure pour recouvrer le statut.

 

[…]


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1155-09

 

INTITULÉ :                                       JIAN MAI et autre c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 16 DÉCEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 22 FÉVRIER 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Lorne Waldman

POUR LES DEMANDEURS

 

 

David Joseph

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Lorne Waldman

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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