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Federal Court

 

Cour fédérale


Date : 20100224

Dossier : IMM-780-09

Référence : 2010 CF 216

Ottawa (Ontario), le 24 février 2010

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE

ALEJANDRA BEATRIZ PEREYRA AGUILAR

DAMIAN ALEJANDRO ROMERO PEREYRA

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

motifs du jugement et jugement

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s'agit d'une demande présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), sollicitant le contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SPR ou la Commission), datée du 21 janvier 2009, selon laquelle les demandeurs n'étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               Les demandeurs sollicitent que la décision soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour que celui-ci rende une nouvelle décision.

 

Le contexte

 

[3]               Les demandeurs, Alejandra Beatriz Pereyra Aguilar (la demanderesse principale) et Damian Alejandro Romero Pereya (le demandeur mineur) sont mère et fils. Tous deux de nationalité mexicaine, ils vivaient dans le district fédéral de Mexico. Ils sont arrivés au Canada en avril 2008, cherchant à obtenir la protection du Canada contre l’époux violent de la demanderesse principale.

 

[4]               En 1997, la demanderesse principale a épousé un homme d’affaires qui réussissait dans les arts et le spectacle, Rodolfo Romero Santa Maria (Romero). Celui-ci est devenu violent après le mariage. Dès 1998, il a commencé à exercer sur la demanderesse principale des violences physiques et psychologiques, à la tenir sous sa coupe. Il disparaissait pendant des journées entières, mais ensuite s’excusait toujours et ils se réconciliaient. Ce comportement a duré cinq ans, pendant lesquels la demanderesse principale a eu parfois besoin de traitements médicaux. Romero a été particulièrement violent pendant qu’elle était enceinte du demandeur mineur. Elle n’a jamais signalé les violences car sa mère lui avait dit que c’était le lot des femmes de vivre ainsi et elle craignait d’être maltraitée davantage.

 

[5]               Le comportement de Romero n’a pas changé à la naissance du demandeur mineur en 2002. Romero a commencé à le maltraiter lui aussi, lui disant qu’il n’était pas son père et une fois, il l’a écarté avec brutalité.

 

[6]               En décembre 2005, Romero a menacé de tuer les deux demandeurs. Quelques semaines après un incident de sévices physiques, la demanderesse principale a déménagé de leur domicile et est allée au ministère public. Elle a fait une déposition, puis elle a été orientée vers un service du ministère du procureur général, le Centre d’aide en cas de violence familiale (le CAVI). Elle y a reçu du counselling et des avis juridiques. Romero a participé une fois, mais ensuite n’a plus coopéré.

 

[7]               Ensuite en 2006, le demandeur mineur a dû être opéré. Il fallait le consentement de Romero. Après s’être rencontrés à cette occasion, la demanderesse principale et Romero ont décidé de tenter de reprendre la vie commune dans l’intérêt du demandeur mineur. Tout est bien allé pendant environ deux mois, mais ensuite Romero a recommencé ses violences après que la demanderesse principale l’eut surpris en train d’embrasser une autre femme en février 2007. En mai 2007, du fait de la violence, les demandeurs ont emménagé chez les parents de la demanderesse principale. En juin 2007, Romero s’est présenté à l’école du demandeur mineur et a agressé la demanderesse principale. Celle-ci n’est pas allée à la police. Elle a déménagé avec ses parents dans un nouvel endroit, mais a soutenu qu’elle s’inquiétait de ce que Romero pourrait la retrouver grâce à ses amis de la police.

 

[8]               En mars 2008, la demanderesse principale avait pris sa décision de venir au Canada pour fuir Romero. Elle a pu obtenir un passeport pour son fils en disant à Romero qu’elle partait juste en voyage avec leur fils en Espagne et qu’elle reviendrait.

 

[9]               Après l’arrivée de la demanderesse principale au Canada, Romero a continué de la contacter, par téléphone et par messages textes. Lors de l’audience, elle a souligné que Romero voulait qu’ils reviennent : [traduction] « [...] il veut que nous revenions, mais quand il nous a, il est horrible avec nous ».

 

La décision de la Commission

 

[10]           La Commission a tout d’abord analysé l’aspect de la revendication lié au sexe. Les Directives sur les revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe (les Directives), données par la présidente, soulignent qu’il peut être spécialement difficile pour les femmes d’établir le bien-fondé de leur demande d’asile. La Commission souligne que les Directives sont utiles, étant donné que l'audition de ces revendications nécessite davantage de compréhension.

 

[11]           La Commission a ensuite souligné que la question déterminante en l’espèce était celle de savoir si les demandeurs avaient réfuté la présomption de protection de l'État.

 

[12]           La Commission a relevé que la demanderesse principale n’est allée à la police qu’une seule fois, en 2005, que la police avait pris au sérieux sa demande d’aide et qu’elle avait dispensé des services. Dans les semaines qui ont suivi, la demanderesse principale a rempli les documents exigés par le CAVI. Les procédures du CAVI comportaient de la médiation et, en cas d’échec, prévoyaient le divorce. En juin 2006, la coopération de Romero a cessé, et les avocats du CAVI ont dit à la demanderesse principale qu’ils ne pouvaient plus rien faire d’autre, si ce n’est engager la procédure de divorce. Le mois suivant, elle s’est réconciliée avec Romero. La violence a cependant repris. Romero lui a depuis déclaré qu’il coopérerait pour divorcer.

 

[13]           La Commission n’a pas été convaincue par l’explication de la demanderesse principale des raisons pour lesquelles elle n’était pas retournée au ministère public ou au CAVI pour signaler les autres sévices, puisqu’on s’y était occupée d’elle la première fois qu’elle avait signalé des sévices.

 

[14]           La Commission a examiné la législation mexicaine relative à la violence contre les femmes et la violence conjugale, laquelle s’applique même si les victimes n’ont pas subi de sévices physiques. La Commission a également examiné les politiques, les lois et les mesures obligeant à consigner la violence conjugale, à enquêter à son égard, à la prévenir et à la punir. Du personnel médical est par ailleurs formé pour la reconnaître et la signaler. La Commission a souligné que le district fédéral de Mexico est la région la plus progressiste quant à la mise en application de quelques-unes des lois les plus récentes. Il fournit par ailleurs des refuges pour les femmes.

 

[15]           La Commission a relevé qu’il y avait un décalage entre quelques mesures législatives et leur application dans la réalité, que des problèmes graves avaient été signalés dans divers États, aucun toutefois dans le district fédéral. La situation avance sur le plan national, le CAVI aidant 22 000 femmes tous les ans dans le seul district fédéral, et les poursuites au criminel sont désormais plus fréquentes. La Commission a conclu en résumé que la demanderesse principale ne s’était pas prévalu de ces recours, qui lui étaient accessibles, malgré qu’elle se fût fait aider la première fois.

 

[16]           La Commission a analysé le rapport psychologique du médecin sur la demanderesse principale, sans conclure qu’il réfutait la présomption de protection de l’État. Le rapport précisait que la demanderesse principale était nerveuse et souffrait d’anxiété et qu’un traitement lui serait bénéfique. Rien n’établissait qu’il n’était pas possible de se faire traiter au Mexique.

 

[17]           La Commission a analysé l’affidavit que la demanderesse principale avait déposé après l’audience, dans lequel elle détaillait la tentative de Romero d’entrer au Canada. On avait refusé à Romero l’entrée, mais il avait convaincu la demanderesse principale de venir lui rendre visite à l’aéroport afin qu’il puisse voir le demandeur mineur et remettre des cadeaux de Noël. Ce fut un moment éprouvant, et selon la demanderesse principale, Romero a eu une altercation avec un agent des Services frontaliers. La Commission n’a pas estimé que ce témoignage était déterminant quant à la question de la protection de l’État.

 

[18]           La Commission a en définitive estimé qu’au besoin, les demandeurs disposaient d’une protection de l’État qui, sans être parfaite, était convenable et qu’ils n’avaient pas épuisé tous les recours qui s’offraient raisonnablement à eux.

 

Les questions en litige

 

[19]           Les questions à trancher sont à mon avis les suivantes :

            1.         quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         la Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a conclu que la présomption de la protection de l’État n’avait pas été réfutée?

 

Les observations écrites des demandeurs

 

[20]           La demanderesse soutient que la Commission n’a pas accordé l’importance voulue aux éléments suivants :

-         l’arrogance de Romero et son comportement violent, en plus de sa tentative d’entrer au Canada;

-         le fait que grâce à ses relations, il savait retrouver les demandeurs au Mexique;

-         les rapports médicaux sur des exemples de la violence de Romero, entre autres, un nez cassé.

 

[21]           Les demandeurs soutiennent que la présomption de la protection de l’État peut être réfutée par le témoignage de personnes qui ont été dans une situation semblable et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou par leur propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée, ou par des preuves de l’incapacité de l’État à assurer la protection.

 

[22]           Les demandeurs soutiennent que des éléments de preuve établissent clairement que l’État ne les a pas protégés ou n’a pas protégé des femmes se trouvant dans une situation semblable à celle de la demanderesse principale. Ce n’était pas lui dispenser un service que de l’orienter vers le CAVI. On ne peut en effet considérer que ce centre dispense la protection de l’État.

 

[23]           Les demandeurs soutiennent que lorsqu’on apprécie l’obligation de demander à être protégé, il faut examiner la situation d’ensemble pour décider si cela était raisonnable. La Commission doit expliquer pourquoi elle s'en tient plutôt à d’autres sources qu'aux preuves des demandeurs, qui ont sur ce point présenté des preuves convaincantes de la corruption de la police au Mexique et de l’échec des programmes fédéraux mexicains. Selon les preuves présentées, au Mexique, les femmes maltraitées ne disposent pas raisonnablement de protection.

 

[24]           Les demandeurs soutiennent que la preuve établit que les lois mexicaines ne protègent pas adéquatement les femmes et les filles contre la violence conjugale et les sévices sexuels (voir Zamora c. Canada, 2008 CF 586, Triana Aguirre c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571, paragraphe 24).

 

[25]           Les demandeurs soutiennent que dans la réfutation de la présomption de la protection de l’État, c’est l’efficacité de cette protection qui compte, non les initiatives de l’État. En l’espèce, l’État n’a pas réagi de manière efficace. La Commission doit de surcroît apprécier le degré de démocratie au Mexique, ce qu’elle n’a pas fait. Elle doit, pour l’apprécier, tenir compte de la corruption, du trafic de stupéfiants et des enlèvements qui ont lieu au Mexique.

 

[26]           Les demandeurs ont présenté de nombreux documents, tant personnels que relatifs à la situation au Mexique. La Commission était tenue d’expliquer pourquoi elle avait choisi de s'en tenir à des preuves autres que celles qu’établissaient ces documents.

 

[27]           Les demandeurs soutiennent que les motifs de la Commission doivent démontrer qu’elle a fait preuve de compréhension, comme l’exigent les Directives, à l'égard des demandeurs dans les circonstances qui leur étaient propres. Elle doit mettre en rapport ses attentes et la réalité de la situation des demandeurs. La Commission ne satisfait pas à ces obligations du seul fait qu’elle affirme avoir pris en compte toutes les preuves documentaires. En l’espèce, la Commission n’a pas apprécié les preuves psychologiques ou médicales.

 

Les observations écrites du défendeur

 

[28]           Les demandeurs cherchent à faire évaluer à nouveau les preuves et contestent les conclusions de fait de la Commission. Le défendeur allègue que la Cour n’a été saisie d’aucun élément prouvant que la Commission n’a pas tenu compte de toutes les preuves. Elle a analysé toutes les allégations et l'organisation de la protection publique au Mexique, ses points forts et ses lacunes. Il lui est loisible de décider de la valeur qu’elle accorde à chaque élément de preuve. Les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption que la Commission a tenu compte de tous les éléments qui lui avaient été présentés.

 

[29]           Les demandeurs d’asile doivent fournir une preuve claire et convaincante de l’inaptitude de l’État à assurer leur protection. Il ne suffit pas qu’ils démontrent que l’État ne protège pas toujours efficacement des personnes se trouvant dans une situation semblable. Les omissions ou la corruption de quelques policiers ne suffisent pas à démontrer l’absence de protection de l’État. La Cour d’appel fédérale a conclu que le critère est le caractère adéquat de la protection plutôt que son efficacité proprement dite (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Carrillo, 2008 CAF 94).

 

[30]           Selon le défendeur, la Cour a conclu dans plusieurs décisions récentes que le Mexique était en mesure de fournir une protection adéquate, même lorsque l’auteur des violences avait un rang élevé ou était un agent de l’État et dans les cas où il y avait eu violence conjugale contre une demanderesse (voir Flores c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 723). Le défendeur soutient qu’il faut appliquer la nouvelle norme, soit la raisonnabilité, aux conclusions sur la protection de l’État.

 

[31]           En l’espèce, la première fois que les demandeurs ont tenté de recourir à l'organisation étatique, ils ont assez bien réussi, mais ils ont décidé de ne pas y recourir quand la demanderesse principale a jugé que la réconciliation avec Romero n’allait pas fonctionner. Celle-ci n’a pas poursuivi la procédure de divorce. Après avoir examiné tous les faits puis analysé en détail les efforts du Mexique pour fournir une protection adéquate, c’est avec raison que la Commission a conclu comme elle l’a fait.

 

Analyse et décision

 

[32]           Première question

Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

            Les arguments principaux des demandeurs soulèvent des questions sur la façon dont la Commission a appliqué le critère relatif à la protection de l’État et sur le fait que dans l'application de ce critère, elle a fait fi de la preuve. Une fois que le droit à l’égard de la présomption de la protection de l’État a été correctement énoncé, les décisions de la Commission reposeront essentiellement à mon avis sur des conclusions de fait ou des conclusions mixtes de fait et de droit. Le Parlement a confié ces décisions à la SPR et non aux cours de justice et, à ce titre, ces conclusions sont susceptibles de contrôle selon la norme de raisonnabilité.

 

[33]           Deuxième question

            La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a conclu que la présomption de la protection de l’État n’avait pas été réfutée?

            La demanderesse principale a soutenu qu’il n’existait pas de protection de l’État adéquate pour son fils et pour elle-même.

 

[34]           La décision de la Commission donne à entendre que la demanderesse principale aurait dû retourner à la police au ministère public, puisque précédemment celle-ci avait proposé de l’aider, et donc que l’État la protégerait.

 

[35]           Il faut souligner que dans leur témoignage à propos de la protection de l’État, les demandeurs ont notamment déclaré ce qui suit :

                        [traduction]

COMMISSAIRE :       Dans ces divers endroits, quand il vous cherchait et qu’il est venu, avez-vous jamais pensé à aller voir la police de l’État?

 

REVENDICATRICE :             La police de l’État, la police de l’État, elle est pire que celle du district fédéral.

 

COMMISSAIRE :       Auparavant, quand vous avez été voir le CAVI, en décembre, janvier 2006 je crois, vous avez déclaré que votre mari vous avait dit qu’il allait prendre un avocat. En a-t-il jamais pris un?

 

REVENDICATRICE :             Je l’ignore. Je n’ai jamais reçu de document de quiconque.

 

COMMISSAIRE :       Mis à part le CAVI, il existe d’autres organismes au Mexique, à Mexico en particulier, qui pouvaient vous aider, ou, d’après la preuve documentaire dont nous disposons, ils aident les gens qui sont dans des situations comme celles que vous avez décrites. Si vous n’étiez pas satisfaite de ce que le CAVI pouvait faire pour vous, pourquoi n’êtes-vous pas allée voir un autre organisme ou d’autres autorités?

 

REVENDICATRICE :             Eh bien je, d'autres autorités qui seraient au ministère public, j’y étais déjà allée et il n’en était rien sorti.

 

COMMISSAIRE :       Vous y êtes allée une fois, en décembre 2005.

 

REVENDICATRICE :             Exact, et ils m’ont orientée vers le CAVI, c’est l’organisme qui s’occupe de tout cela, les divorces et les séparations et tout cela.

 

COMMISSAIRE :       Exact, mais si vous craigniez qu’il ne vous batte de nouveau, vous ou votre fils, c’est un peu différent. Il s’agit là en fait d’agressions physiques sur votre personne, qui pourraient être déclarées en tant qu’acte criminel.

 

REVENDICATRICE :             Oui.

 

COMMISSAIRE :       Mais vous n’avez jamais déclaré ça à la police.

 

AVOCAT DE LA REVENDICATRICE :        Inexact, elle l’a déclaré au ministère public.

 

COMMISSAIRE :       Excusez-moi. Mis à part la fois en décembre 2005, vous n’êtes pas retournée à la police pour signaler des sévices, est-ce exact?

 

REVENDICATRICE :             Non, je n’y suis pas retournée.

 

COMMISSAIRE :       Je voulais juste préciser. Vous êtes allée une fois au ministère public et c’était en décembre 2005.

 

REVENDICATRICE :             Oui, et c’est quand ils m’ont aiguillée vers le CAVI parce qu’ils m’ont dit qu’au ministère public, ils ne pouvaient rien faire pour moi.

 

COMMISSAIRE :       Et juste pour préciser, vous n’êtes pas retournée au CAVI quand ça n’a pas marché entre eux et votre mari, qui n’est venu à aucune des réunions qu’ils avaient organisées.

 

REVENDICATRICE :             Je ne suis pas allée au CAVI, parce que cette avocate, qui s’appelait Rivera, vous savez, me disait tout le temps eh bien il ne vient pas, il ne vient pas. Et elle a retardé mon affaire pendant au moins trois mois pour voir si, vous savez, il allait venir, mais il n’est pas venu.

 

COMMISSAIRE :       Bon, qu’est-ce que cet avocat vous a dit en dernier? Qu’est-ce qu’il vous a dit de faire?

 

INTERPRÈTE :            C’est une avocate, je pense.

 

REVENDICATRICE :             Eh bien, elle a dit, vous savez, il ne vient pas. Notre seule option à présent c’est d’intenter un divorce. Bon, elle a employé les mots divorce nécessaire.

 

 

[36]           J’ai examiné la décision de la Commission et je ne suis pas convaincu que celle-ci ait traité correctement cet élément de preuve. À quoi cela servirait-il que la demanderesse principale retourne à la police, laquelle lui avait déjà dit qu’ils [traduction] « ne pouvaient rien faire pour » elle. La police l’aiguillerait vers le CAVI, qui précédemment n’avait pas pu l’aider, parce que son mari n’avait pas coopéré. Le recours qui lui a été suggéré, soit d’obtenir un divorce, ne s’apparente pas à lui accorder la protection de l’État.

 

[37]           Vu les conclusions qui précèdent, j’estime que la Commission a commis une erreur donnant lieu à révision et que l'affaire est donc à renvoyer à un tribunal de la Commission différemment constitué, pour qu'il rende une nouvelle décision.

 

[38]           Aucune des parties n'a souhaité soumettre à mon attention une question grave de portée générale à certifier.

 

 


 

JUGEMENT

 

[39]           LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal de la Commission différemment constitué, pour qu'il rende une nouvelle décision.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


ANNEXE

 

Dispositions légales pertinentes

 

Les dispositions légales pertinentes sont énoncées ci-après.

 

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) :

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97.(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97.(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-780-09

 

INTITULÉ :                                       ALEJANDRA BEATRIZ PEREYRA AGUILAR

                                                            DAMIAN ALEJANDRO ROMERO PEREYRA

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 23 septembre 2009

 

motifs du jugement

et jugement :                              le juge O’KEEFE

 

DATE :                                               le 24 février 2010

 

COMPARUTIONS

 

Daniel M. Fine

 

POUR LES DEMANDEURS

Marina Stefanovic

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Daniel M. Fine

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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