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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20100211

Dossier : IMM‑1936‑09

Référence : 2010 CF 140

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 février 2010

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

RAVI PRAKASH YADAV

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’une agente d’immigration, datée du 8 avril 2009, qui lui a refusé le statut de résident permanent au titre de la catégorie des époux ou des conjoints de fait au Canada, au motif que le mariage du demandeur n’était pas authentique et avait été contracté principalement aux fins d’immigration.

 

[2]               Le demandeur a déposé, en application des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, une requête en vue d’obtenir un certain nombre de redressements, indépendamment du fond de la demande sous‑jacente. Il est statué à la fois sur la requête et sur la demande dans les présents motifs du jugement et jugement.

 

LES FAITS

Le contexte

[3]               Le demandeur, âgé de 31 ans, est Indien. Il est entré au Canada le 17 avril 2002 à la faveur d’un visa d’étudiant et il y réside depuis. Sa répondante, Mme Nazila Hussein‑Yadav, est citoyenne canadienne. Elle a épousé le demandeur le 3 avril 2005. Une fille est née de leur union le 11 septembre 2008.

 

[4]               Le 27 juillet 2005, le demandeur a présenté une demande de visa de résident permanent dans la catégorie des époux ou des conjoints de fait au Canada. L’agente d’immigration a eu avec le demandeur et sa répondante, le 23 mai 2008, des entretiens séparés, et elle a rendu sa décision dix mois et demi plus tard, le 8 avril 2009.

 

[5]               Le demandeur et sa répondante ont tous deux, en matière d’immigration, des antécédents longs et complexes. Le demandeur a rencontré la répondante en décembre 2001 à Mumbai, en Inde, par l’entremise de leur ami commun, M. Jagpal Grewal, et la répondante a fréquenté le demandeur durant environ deux mois en 2002. On ne sait pas exactement pourquoi la répondante se trouvait en Inde à ce moment‑là. Le demandeur a déclaré durant son entrevue qu’elle avait accompagné M. Grewal à l’occasion d’une visite familiale en Inde. La répondante a déclaré qu’elle se trouvait en Inde à l’époque pour épouser son premier mari, M. Nek Singh.

 

[6]               Un mois plus tard, la répondante du demandeur épousait M. Singh, le 9 janvier 2002. Elle a présenté une demande de parrainage de M. Singh le 6 août 2002, demande qui fut refusée le 21 janvier 2003 au motif que le mariage avait été contracté aux fins d’immigration.

 

[7]               Peu après son arrivée au Canada, le demandeur a commencé de faire vie commune avec sa répondante en mai 2002. À quelque temps de là, il fut présenté par sa répondante à Mme April Dawn Lee. Le demandeur, sa répondante, Mme Lee et M. Grewal étudiaient tous au Southern Alberta Institute of Technology (SAIT) à l’époque où le demandeur fut présenté à Mme Lee.

 

[8]               Le demandeur s’est marié, le 9 décembre 2002, avec Mme April Dawn Lee, une citoyenne canadienne. La répondante a assisté à leur mariage. Le demandeur et Mme Lee ne cohabitaient pas, et les parents de Mme Lee n’étaient pas au courant du mariage. Mme Lee a demandé à parrainer le demandeur le 17 février 2003 dans la catégorie des époux ou des conjoints de fait au Canada, mais elle a retiré sa demande de parrainage le 11 mars 2003. Le demandeur et Mme Lee se sont séparés durant l’année 2003, et une procédure de divorce a été engagée. Le demandeur aurait commencé à fréquenter sérieusement la répondante à la fin de 2003. Il vivait avec elle durant son mariage avec Mme Lee ainsi que durant la procédure de divorce.

 

[9]               Le 11 mai 2003, le demandeur a présenté une demande d’asile. Il affirmait que, en juillet 2002, une bande menée par M. Grewal avait menacé de sévir contre lui s’il ne rompait pas avec la répondante. La répondante a témoigné à l’audience qu’elle fréquentait le demandeur durant l’été 2002, lorsque M. Grewal agressa et menaça le demandeur. Le 3 octobre 2003, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR) a rejeté la demande d’asile du demandeur. La SPR estimait que le mariage du demandeur avec Mme Lee était une tentative d’obtenir un statut au Canada et que le risque qu’il alléguait était une invention.

 

[10]           Le 10 mars 2004, la mesure d’interdiction de séjour prononcée contre le demandeur est devenue une mesure d’expulsion après que le demandeur eut négligé de confirmer son départ. Le 7 janvier 2005 et le 12 mars 2005, les mariages antérieurs respectifs du demandeur et de la répondante ont été dissous par jugement. Le 3 avril 2005, le demandeur et sa répondante se sont mariés. La demande de visa de résident permanent déposée par le demandeur dans la catégorie des époux et des conjoints de fait au Canada a été présentée le 27 juillet 2005.

 

[11]           Le demandeur a continué sans interruption de faire vie commune avec sa répondante, à l’exception d’une brève période d’infidélité entre octobre et novembre 2005 lorsque le demandeur s’était installé avec Mme Tasha Echreke. C’est là un point sujet à caution, étant donné que la répondante avait déclaré durant l’entrevue que la séparation et l’infidélité remontaient à 2006 ou 2007. Il y a contradiction également dans les récits du couple à propos des circonstances immédiates ayant entouré la séparation.

 

[12]           L’agente d’immigration a conduit des entretiens séparés avec le demandeur et avec sa répondante le 23 mai 2008 et a consigné les questions et réponses dans ses notes manuscrites. Le 8 avril 2009, l’agente d’immigration a rejeté la demande de visa du demandeur.

 

La décision contestée

[13]           L’agente d’immigration a relaté les antécédents communs ou personnels du couple relatifs à leur liaison ou à leur immigration. Le demandeur lui a dit qu’il avait commencé à fréquenter sérieusement la répondante à la fin de 2003. L’agente d’immigration a estimé que cette affirmation contredisait l’affirmation antérieure du demandeur faite à la SPR selon laquelle la répondante était déjà sa petite amie en juillet 2002. L’agente a conclu que le couple faisait de leur relation une description qui variait en fonction de ce que recherchait le demandeur à l’époque considérée.

 

[14]           L’agente d’immigration a passé en revue les relations entre le demandeur, sa répondante, M. Singh, Mme Lee et M. Grewal et a estimé que la progression de la relation entre le demandeur et la répondante parmi les cinq personnes susmentionnées [traduction] « offre un portrait peu cohérent, peu logique et peu crédible » d’une véritable vie commune.

 

[15]           L’agente d’immigration a constaté qu’il y avait des contradictions entre les circonstances relatées par le demandeur et celles relatées par la répondante à propos de leur séparation, par exemple, la question de savoir qui avait recueilli le demandeur lorsqu’il avait quitté la maison, et celle de savoir s’il était revenu plus tard pour prendre quelques effets. En outre, le demandeur et la répondante n’ont pas indiqué la même année pour l’infidélité commise par le demandeur.

 

[16]           L’agente d’immigration a jugé que l’intérêt supérieur de l’enfant à naître ne serait pas compromis par l’expulsion du demandeur, parce que la répondante s’était déclarée disposée à suivre le demandeur en Inde avec l’enfant. Elle n’a pas accordé beaucoup de poids au niveau d’établissement du demandeur, parce que celui‑ci avait décidé de rester au Canada en dépit de la mesure d’expulsion exécutoire prononcée contre lui.

 

[17]           L’agente d’immigration a conclu que la demande serait rejetée parce que l’authenticité et la constance de la relation conjugale entre le demandeur et son épouse n’étaient pas suffisamment établies, ce qui donnait à penser que le mariage avait été contracté par le demandeur dans le dessein d’acquérir la résidence permanente au Canada.

 

LA REQUÊTE PRÉLIMINAIRE DU DEMANDEUR FONDÉE SUR LE DÉPÔT TARDIF ET LE CARACTÈRE INCOMPLET DU DCT

 

Les faits à l’origine de la requête

 

[18]           Dans son ordonnance accordant l’autorisation, le juge Russell fixait les dates limites de mise en état de la procédure écrite. Il était ordonné à l’agente d’immigration d’envoyer un dossier certifié du tribunal (le DCT) au plus tard le 8 octobre 2009, et le demandeur était prié de produire un nouvel affidavit au plus tard le 19 octobre 2009.

 

[19]           Le 16 octobre 2009, l’avocate du demandeur, Me Lori O’Reilly, informait le défendeur, par télécopieur, qu’elle n’avait pas reçu le DCT et qu’elle déposerait la semaine suivante une requête en vue d’obtenir redressements et dépens. Me Rick Garvin, un avocat du défendeur, affirme dans son affidavit avoir communiqué le 19 octobre 2009 avec Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), qui l’a informé qu’une erreur administrative s’était glissée dans le traitement de l’ordonnance de la Cour et que le DCT serait donc transmis tard le 20 octobre 2009.

 

[20]           Me Garvin a informé l’avocate du demandeur, par téléphone, le 19 octobre 2009 que le défendeur consentirait à une requête en prorogation du délai fixé pour le dépôt d’un nouvel affidavit et pour un réaménagement des délais précisés dans l’ordonnance accordant l’autorisation. Me Garvin affirme que Me O’Reilly avait semblé satisfaite de l’arrangement.

 

[21]           Par directives orales datées du 29 octobre 2009, le juge Russell, de la Cour, a ordonné que le DCT soit accepté par le greffe.

 

[22]           Après avoir reçu le DCT le 20 octobre 2009, le demandeur a comparé son contenu avec un exemplaire de son dossier, obtenu de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) le 8 juin 2009, suite à une demande présentée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P‑21. Le demandeur a remarqué certaines lacunes dans le DCT. En outre, l’ASFC avait joint, aux pièces communiquées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, une lettre d’accompagnement où il était écrit que certains renseignements avaient été soustraits à la communication en application des articles 21 et 26 et de l’alinéa 22(1)b) de la Loi. Le demandeur a vu dans cette lettre la preuve que Mme Echreke s’était mise en rapport avec CIC concernant sa demande.

 

La requête

[23]           Le demandeur a par la suite, le 12 novembre 2009, présenté la requête dont est aujourd’hui saisie la Cour, afin d’obtenir les redressements suivants :

[traduction]

 

 a)        une ordonnance annulant la décision de l’agente d’immigration, Guylaine Lasonde, datée du 8 avril 2009;

 

b)         une décision imposée portant que le demandeur remplit les exigences d’admissibilité et peut demander le statut de résident permanent en tant que membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada;

 

c)         subsidiairement, si le redressement ci‑dessus n’est pas accordé, une ordonnance autorisant le dépôt tardif de l’affidavit du demandeur dans la présente requête, pour utilisation dans la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire;

 

d)         tout autre jugement déclaratoire que l’avocat pourra recommander et que la Cour pourra autoriser;

 

e)         une ordonnance lui accordant les dépens avocat‑client, selon la somme de 8 900 $.

 

 

 

[24]           Le demandeur fonde sa requête sur les moyens suivants :

[traduction]

 

 1.        le dossier du tribunal a été déposé en retard;

 

2.        le dossier du tribunal est incomplet;

 

3.        le défendeur ne subira aucun préjudice si le redressement ci‑dessus est accordé;

 

4.        le demandeur a subi un préjudice, parce que le défendeur a déposé en retard le dossier du tribunal, plus précisément le 20 octobre 2009, alors que le nouvel affidavit du demandeur devait être signifié et déposé au plus tard le 19 octobre 2009. Le demandeur ne pouvait donc pas produire un nouvel affidavit;

 

5.               le demandeur subira un grave préjudice si le redressement ci‑dessus n’est pas accordé.

 

Les observations du demandeur concernant la requête

[25]           Le demandeur fait valoir qu’il a droit à un redressement, parce que le DCT a été déposé en retard, qu’il est incomplet et de mauvaise qualité, que la conduite du défendeur a été fautive et que le recours de l’agente d’immigration à des preuves extrinsèques lui a causé un préjudice. Selon le demandeur, le DCT ne rend pas compte de pièces que l’agente d’immigration a prises en considération sous les rubriques [traduction] « éléments à considérer » et [traduction] « facteurs confirmant l’authenticité du mariage ». Le demandeur se fonde sur l’affidavit de l’agente d’immigration, où il est admis que les éléments susmentionnés n’ont pu être trouvés, que ce soit dans ses dossiers à lui ou dans ceux de sa répondante.

 

Les observations du défendeur concernant la requête

[26]           Le demandeur dit que le DCT, déposé en retard, ne saurait être accepté comme tel sans que le défendeur ne présente une requête en prorogation du délai de dépôt.

 

[27]           Le défendeur dit qu’il s’est offert à corriger le retard du dépôt du DCT en consentant à une requête en prorogation du délai de dépôt d’un nouvel affidavit. La mauvaise qualité du DCT s’expliquait par le fait qu’il avait été préparé à la hâte et qu’il se composait de quelques pages reproduites et de deux certificats de divorce décolorés que le défendeur joignait comme pièces à l’affidavit de l’agente d’immigration.

 

[28]           Le défendeur dit que la Cour a ordonné, conformément aux directives orales du juge Russell, que le DCT soit accepté par le greffe. Selon lui, rien ne permet au demandeur d’affirmer qu’il y a eu conduite fautive intentionnelle de la part du personnel de CIC.

 

[29]           Selon le défendeur, la différence qui existe entre les pièces communiquées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les pièces du DCT n’a aucune importance, parce que, dans chaque cas, ces pièces visent des objets totalement différents. Le défendeur se réfère à l’affidavit de l’agente d’immigration, où elle écrit, au paragraphe 2, qu’elle ne s’est fondée sur aucune information extrinsèque pour arriver à la décision contestée. Le défendeur se fonde également sur l’affidavit de l’agente d’immigration, où elle écrit qu’elle s’est servie des notes du SSOBL uniquement pour disposer d’une information générale, et non pour arriver à la décision définitive.

 

L’analyse de la Cour concernant la requête

[30]           Selon moi, cette requête et les coûts qu’elle a entraînés auraient pu être évités si les parties avaient décidé de communiquer entre elles après la production du DCT. Rien n’empêchait le demandeur de faire connaître au défendeur ses doutes à propos des lacunes du DCT. Un peu de courtoisie aurait apaisé les inquiétudes du demandeur et réduit les points litigieux soulevés dans cette requête.

 

[31]           Cependant, je ne puis admettre l’idée du défendeur selon laquelle le demandeur est entièrement fautif. Plutôt que de s’offrir à remettre au demandeur, de façon proactive, des copies plus nettes et plus lisibles des certificats de divorce du demandeur et de la répondante, en donnant les raisons pour lesquelles certaines pages étaient blanches, et plutôt que de se renseigner sur l’incapacité de CIC de trouver certaines portions du dossier, le défendeur a choisi d’attendre et de ne corriger les lacunes du DCT que pour répondre à la requête du demandeur.

 

[32]           Le défendeur n’a pas expliqué de manière satisfaisante l’incapacité de l’agente d’immigration à trouver les parties du dossier qu’elle avait prises en considération sous les rubriques [traduction] « éléments à considérer » et [traduction] « facteurs confirmant l’authenticité du mariage ».

 

[33]           J’accepte l’affirmation de l’agente d’immigration selon laquelle elle ne s’est servie des notes du SSOBL qu’à titre d’information générale; cependant, je suis d’avis que, dans des cas comme celui‑ci, largement tributaires des faits, il est préférable de pécher par excès de précaution. Bien que l’agente d’immigration se soit fondée sur d’autres faits pour arriver à sa décision, il est évident que certaines des notes du SSOBL produites par le demandeur ont constitué la toile de fond de certains des motifs de l’agente d’immigration. Ainsi, l’agente a trouvé que le demandeur et la répondante décrivaient de manière différente leur relation en fonction de la demande qui était pendante à l’époque considérée. Cette information provenait des notes du SSOBL.

 

[34]           En retenant les originaux des pièces qui furent plus tard égarées par CIC, le demandeur a minimisé son préjudice. Cependant, le fait de retenir des documents ne saurait remplacer l’obligation pour le tribunal de produire à temps un DCT complet. Je suis d’avis que CIC n’a pas communiqué aux parties et à la Cour un DCT complet. Cette déficience a été corrigée par la réponse du défendeur à cette requête et par le dépôt par le demandeur de pièces additionnelles au soutien de sa demande de contrôle judiciaire et de sa requête. Il m’est impossible, dans ces conditions, de rejeter tout bonnement la requête.

 

[35]           Ayant conclu que le DCT était incomplet, mais que l’agente d’immigration ne s’est pas fondée sur une preuve extrinsèque, la Cour doit maintenant statuer sur le redressement.

 

La décision de la Cour concernant la requête

[36]           Il est constant en droit que l’absence de documents dans le DCT n’entraînera pas automatiquement l’annulation de la décision contestée, à moins que les documents absents ne soient d’une importance capitale pour la décision : Narcisse c. Canada (MCI), 2007 CF 514, le juge O’Keefe, aux paragraphes 17 et 18. Cependant, la juge Layden‑Stevenson écrivait, au paragraphe 15 de la décision Li c. Canada (MCI), 2006 CF 498, que l’article 17 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés devait être observé :

15      [...] certains précédents donnent à penser que l’application du paragraphe 17 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22 est obligatoire. Le tribunal doit constituer un dossier composé de tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal. La décision peut être annulée si le dossier est incomplet : Gill c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 34 Imm. L.R. (3d) 29 (C.F.); Kong et al. c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 73 F.T.R. 204 (C.F. 1re inst.).

 

 

[37]           Les lacunes du DCT dans la présente affaire ne concernaient pas des éléments importants. Il y a lieu de s’inquiéter de l’impossibilité pour l’agente d’immigration de trouver plusieurs portions du dossier, mais la décision qu’elle a rendue, considérée globalement, n’en dépendait pas. Une bonne partie de ce qui manquait dans le DCT se trouvait dans la réponse à la demande de communication de renseignements présentée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il ne s’agit là que de la toile de fond de la demande. Dans les cas comme celui‑ci, où les faits sont complexes, l’information générale ne peut être séparée aisément des pièces sur lesquelles s’est fondée directement l’agente d’immigration pour arriver à sa décision. L’information générale intéresse au plus haut point les faits dont il s’agit ici, et elle aurait dû faire partie du DCT, mais il m’est impossible de dire qu’elle était « importante ». Je n’annulerai pas, sur ce seul moyen, la décision de l’agente d’immigration.

 

[38]           J’autoriserai la production tardive de l’affidavit du demandeur dans la présente requête, avec les pièces y afférentes, pour utilisation comme nouvel affidavit dans la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire. Vu que le défendeur s’est montré souple au départ en consentant au dépôt de cet affidavit suite à la production tardive du DCT, cette requête litigieuse n’avait pas lieu d’être.

 

[39]           S’agissant des dépens, le seuil constitué par les « raisons spéciales » au sens de l’article 22 des Règles est élevé. Autrement dit, dans les litiges en matière d’immigration, il existe un régime d’absence de dépens. Des raisons spéciales peuvent exister lorsque le ministre a agi « de manière inéquitable, abusive, inconvenante ou [...] de mauvaise foi ». Voir la décision Uppal c. Canada (MCI), [2005] A.C.F. n° 1390 (QL), au paragraphe 8. Cette requête ne laisse apparaître aucune intention malicieuse de la part du défendeur ou de la part du demandeur. Des désagréments, ou des dépenses modérées, résultant d’une requête inutile ne constituent pas une raison spéciale d’adjuger des dépens. Ni le demandeur ni le défendeur n’ont commis un abus de procédure. Je ne suis donc pas disposé, dans ces conditions, à accorder des dépens.

 

[40]           La Cour fera donc droit à la requête du demandeur et prorogera le délai de dépôt d’un nouvel affidavit, et elle acceptera sur‑le‑champ, à titre de nouvel affidavit appuyant la demande, le dépôt de l’affidavit produit par le demandeur dans la requête, avec les pièces y annexées.

 

[41]           La production tardive du DCT n’a causé aucun préjudice au demandeur, non plus que le caractère incomplet du DCT. Par conséquent, ni redressement ni dépens ne s’imposent ici.

 

LES DISPOSITIONS APPLICABLES

[42]           L’article 124 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le RIPR), DORS/2002‑227, précise les conditions que doit remplir un étranger pour faire partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada :

124. Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes :

 

a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

 

 

b) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

 

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

124. A foreign national is a member of the spouse or common‑law partner in Canada class if they

 

 

(a) are the spouse or common‑law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

 

(b) have temporary resident status in Canada; and

 

(c) are the subject of a sponsorship application.

 

[43]           L’article 4 du RIPR dispose qu’un étranger ne sera pas considéré comme le conjoint d’une personne si le mariage n’est pas authentique et s’il vise principalement l’acquisition du statut d’immigrant :

4. Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

4. For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common‑law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common‑law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

 

[44]           L’article 17 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, modifiées par DORS/2002‑232, article 14 (les Règles), prévoit l’obligation pour le tribunal administratif de produire un dossier certifié (le DCT) :

17. Dès réception de l’ordonnance visée à la règle 15, le tribunal administratif constitue un dossier composé des pièces suivantes, disposées dans l’ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement :

 

a) la décision, l’ordonnance ou la mesure visée par la demande de contrôle judiciaire, ainsi que les motifs écrits y afférents;

 

b) tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif,

 

c) les affidavits et autres documents déposés lors de l’audition,

 

d) la transcription, s’il y a lieu, de tout témoignage donné de vive voix à l’audition qui a abouti à la décision, à l’ordonnance, à la mesure ou à la question visée par la demande de contrôle judiciaire, dont il envoie à chacune des parties une copie certifiée conforme par un fonctionnaire compétent et au greffe deux copies de ces documents.

17. Upon receipt of an order under Rule 15, a tribunal shall, without delay, prepare a record containing the following, on consecutively numbered pages and in the following order:

 

 

 

(a) the decision or order in respect of which the application for judicial review is made and the written reasons given therefor,

 

(b) all papers relevant to the matter that are in the possession or control of the tribunal,

 

(c) any affidavits, or other documents filed during any such hearing, and

 

(d) a transcript, if any, of any oral testimony given during the hearing, giving rise to the decision or order or other matter that is the subject of the application for judicial review, and shall send a copy, duly certified by an appropriate officer to be correct, to each of the parties and two copies to the Registry.

 

[45]           Le paragraphe 21(2) des Règles autorise la Cour à modifier les délais prévus aux Règles :

21(2) Les délais prévus aux présentes règles ne peuvent être modifiés que par ordonnance d’un juge ou d’un protonotaire.

21(2) No time limit prescribed by these Rules may be varied except by order of a judge or prothonotary.

 

[46]           L’article 22 des Règles autorise la Cour à accorder des dépens pour des raisons spéciales :

22. Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens.

22. No costs shall be awarded to or payable by any party in respect of an application for leave, an application for judicial review or an appeal under these Rules unless the Court, for special reasons, so orders.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE SOULEVÉES PAR LA DEMANDE

[47]           S’agissant du fond de la demande, les questions suivantes ont été soulevées par le demandeur :

1.      L’agente d’immigration a‑t‑elle rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait, en particulier en ce qui concerne les aspects suivants de la décision?

 

a)      la conclusion de l’agente d’immigration, selon laquelle il y a peu d’éléments de preuve pour démontrer que le mariage du demandeur est authentique et qu’il ne visait pas principalement l’acquisition du statut de résident permanent au Canada, est déficiente, parce que l’agente s’est fondée sur des faits rapportés incorrectement, sur des hypothèses et sur des facteurs non pertinents, et parce que nombre des motifs exposés ne sont pas fondés sur la preuve;

 

b)      l’agente d’immigration n’a appliqué et analysé qu’un seul volet du double critère énoncé dans l’article 4 du RIPR.

 

2.      L’agente d’immigration a‑t‑elle manqué aux principes de justice naturelle du fait de l’insuffisance de ses motifs, de l’omission de fournir ses motifs dans un délai raisonnable et, subsidiairement, de l’omission de communiquer au demandeur des renseignements provenant d’un tiers?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[48]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, la Cour suprême du Canada écrivait, au paragraphe 62, que la première étape à franchir dans une analyse relative à la norme de contrôle consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier »; voir aussi l’arrêt Khosa c. Canada (MCI), 2009 CSC 12, le juge Binnie, au paragraphe 53.

 

[49]           Le demandeur met en doute le caractère adéquat des motifs. C’est là une question qui concerne l’équité procédurale et qui doit donc être contrôlée selon la norme de la décision correcte : Alexander c. Canada (MCI), 2006 CF 1147, [2006] 2 R.C.F. 681, la juge Dawson, au paragraphe 24. La question de savoir si l’agente d’immigration s’est fondée sur des éléments de preuve extrinsèques porte également sur l’équité procédurale : Dios c. Canada (MCI), 2008 CF 1322, le juge Russell, au paragraphe 23.

 

[50]           Il est clair que, en conséquence de l’arrêt Dunsmuir, précité, et de l’arrêt Khosa, précité, au paragraphe 58, c’est la norme de la décision raisonnable qu’il faut appliquer aux conclusions de l’agente d’immigration touchant le caractère authentique ou non du mariage : voir la décision du soussigné, Mustafa c. Canada (MCI), 2008 CF 564, aux paragraphes 11 à 13; Apaza c. Canada (MCI), 2006 CF 313, la juge Heneghan, au paragraphe 10; Djeukoua c. Canada (MCI), 2006 CF 1213, le juge Harrington, au paragraphe 12.

 

[51]           Lors de l’examen de la décision de l’agente d’immigration selon la norme de la décision raisonnable, la Cour s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; arrêt Khosa, précité, au paragraphe 59.

 

ANALYSE

Première question :    L’agente d’immigration a‑t‑elle commis une erreur en omettant de considérer les deux volets du double critère énoncé à l’article 4 du RIPR et de fournir des motifs suffisants?

 

[52]           Selon le demandeur, l’agente d’immigration a commis une erreur en n’appliquant pas le second volet du double critère de mauvaise foi exposé dans l’article 4 du RIPR. Il fonde cet argument sur le fait que l’agente d’immigration n’a pas expliqué comment elle est arrivée à la conclusion que le mariage avait été contracté principalement aux fins d’immigration. Le demandeur se fonde sur une décision de la Cour, Singh c. Canada (MCI), 2008 CF 673, où le juge Zinn a annulé, au paragraphe 18, une décision pour absence de motifs permettant de conclure que le mariage n’était pas authentique et qu’il avait été contracté dans le dessein de conférer au demandeur un statut selon la LIPR.

 

[53]           D’après le défendeur, l’agente d’immigration avait l’objet de la politique d’immigration à l’esprit lorsqu’elle a relevé que l’épouse antérieure du demandeur avait elle aussi demandé à le parrainer dans la catégorie des époux et conjoints de fait au Canada.

 

[54]           Dans la décision Donkor c. Canada (MCI), 2006 CF 1089, le juge Mosley écrivait, aux paragraphes 12 et 18, que l’article 4 du RIPR devrait être interprété d’une manière conjonctive :

12     Les parties sont essentiellement d’accord pour dire que l’article 4 du Règlement doit être lu d’une façon conjonctive, c’est‑à‑dire qu’il faut que la relation en question ne soit pas authentique et qu’elle vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi. C’est ce qui semble découler de la simple lecture du texte et cette interprétation est confirmée par plusieurs décisions de la Cour : Sanichara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. n° 1272, 2005 CF 1015 (paragraphe 16); Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. n° 713, 2006 CF 565 (paragraphe 7).

 

[...]

 

18     Il est clair que le critère à appliquer en vertu de l’ancien règlement pour déterminer si un mariage était authentique était le moment où le mariage était contracté. Toutefois, le nouveau règlement ne prévoit pas qu’il s’agit du moment où la relation doit être évaluée. Le texte anglais du Règlement utilise le présent aux fins de la détermination du caractère authentique de la relation et le passé aux fins de l’évaluation du but dans lequel la relation a été créée. Cela semble compatible avec la pratique suivie par les agents d’immigration lorsqu’ils évaluent les demandes de parrainage d’époux ou de conjoints de fait. Il ressort des décisions dont la Cour a pris connaissance que, dans les entrevues qu’ils ont avec les demandeurs et leurs époux ou conjoints de fait possibles, les agents mettent l’accent sur l’existence ou non d’une relation continue.

 

[55]           Dans la décision Khan c. Canada (MCI), 2006 CF 1490, au paragraphe 5, le juge Hughes a considéré que, puisque l’article 4 du RIPR énonce un critère à deux volets, l’erreur susceptible de contrôle sur un volet du critère suffira à la Cour pour dire qu’une erreur susceptible de contrôle a entaché l’application du critère tout entier. Cependant, il appartient au demandeur de prouver l’existence d’une telle erreur pour au moins l’un des volets du critère.

 

[56]           En l’espèce, la Cour doit décider s’il y a absence d’analyse à l’origine de la conclusion selon laquelle le mariage a été contracté principalement aux fins d’acquisition du statut d’immigrant, et si le demandeur et la Cour sont laissés dans le doute sur les raisons pour lesquelles le demandeur a été débouté de sa demande de statut de résident permanent par suite de cette absence d’analyse : décision Singh, précitée, au paragraphe 20.

 

[57]           Les versions du demandeur et de la répondante font état toutes deux de tentatives antérieures infructueuses d’acquisition du statut d’immigrant. Le demandeur a tenté d’obtenir ce statut à la faveur d’une demande d’asile, et plus tard à la faveur d’un parrainage. La répondante avait présenté une demande infructueuse de parrainage de son premier mari. L’agente d’immigration a fait le rapprochement entre, d’une part, la manière évolutive dont le demandeur et sa répondante décrivaient leur relation et, d’autre part, les efforts du demandeur pour acquérir le statut d’immigrant. Il est évident que, pour l’agente d’immigration, les descriptions diverses que faisaient l’un et l’autre de leur relation, descriptions qui variaient selon les demandes qu’ils avaient déposées pour faire obtenir au demandeur le statut de résident permanent, attestaient le désir du demandeur d’obtenir ce statut :

[traduction]

 

Vu les preuves dont je dispose, il semble que, au fil des ans, le demandeur et la répondante disaient qu’ils n’étaient que des amis ou qu’ils se fréquentaient, selon les nécessités du moment et selon le genre de demande qui était pendante. J’accorde beaucoup de poids à cette variation dans la manière dont ils présentaient leur relation, car elle jette le doute sur la crédibilité du demandeur et de la répondante ainsi que sur l’authenticité du mariage.

 

 

[58]           Lorsque la manière dont est affichée une relation varie en fonction des exigences d’une diversité de demandes touchant l’immigration, cela non seulement fait douter de l’authenticité de la relation, mais également donne tout de suite l’impression que la relation en tant que telle a pour objet l’acquisition du statut d’immigrant. L’agente d’immigration semble avoir fait cette déduction et lui a accordé un grand poids.

 

[59]           La Cour doute que l’agente d’immigration se soit bien demandé si le mariage était authentique à la date de l’entrevue du 23 mai 2008, plutôt qu’à la date où le mariage a été contracté, en 2005. Le couple a aujourd’hui un enfant, il fait vie commune depuis trois ans, il a des activités professionnelles communes, il est propriétaire d’un logement, il assume une hypothèque, il a en commun une carte de crédit ainsi que des comptes bancaires et des comptes de services publics. Le couple est sans doute mêlé depuis longtemps à un dossier d’immigration, et le mari a sans doute été infidèle, mais ces facteurs n’influent pas nécessairement sur l’authenticité du mariage à la date de l’entrevue.

 

[60]           Pour les motifs qui suivent, il n’est pas nécessaire à la Cour de trancher cette question, compte tenu de la conclusion de la Cour concernant la troisième question, à savoir : « Le délai de dix mois et demi qui s’est écoulé entre la date de l’entrevue et la date de la décision a‑t‑il porté atteinte au droit du demandeur à l’équité procédurale? »

 

Troisième question : L’agente d’immigration a‑t‑elle manqué à son obligation d’équité?

 

 

[61]           Selon le demandeur, il y a eu manquement à l’équité procédurale dans le fait que l’agente d’immigration a rendu sa décision dix mois et demi après avoir rencontré le couple. Le demandeur dit qu’il est injuste de rendre une décision fondée entièrement sur le souvenir et sur des notes manuscrites. Il soutient aussi que l’agente d’immigration a bel et bien manqué à son obligation d’équité en omettant de déclarer dans ses motifs si elle avait ou non reçu des renseignements d’un tiers.

 

[62]           Pour qu’un délai constitue un manquement à l’équité procédurale dans une affaire administrative, il doit causer un préjudice, au sens où une partie a été privée d’une audience équitable : arrêt Blencoe c. Colombie‑Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 121; décision Dockstader c. Canada (MCI), 2008 CF 886, la juge Simpson, au paragraphe 38. Un facteur important à prendre en compte pour savoir si un délai a causé un préjudice est la raison de ce délai.

 

[63]           Après l’audience, la Cour a émis une directive priant le défendeur de motiver le délai de dix mois et demi qui s’est écoulé entre la date à laquelle l’agente d’immigration a rencontré le demandeur et sa répondante et la date à laquelle elle a rendu sa décision. La Cour voulait aussi savoir si le délai de dix mois et demi dépasse ce que la nature de la procédure exige normalement, et si le délai porte atteinte au droit du demandeur à une audience équitable selon les règles de la justice naturelle.

 

[64]           Ayant pris connaissance des observations des parties, la Cour doit conclure que ce délai de dix mois et demi fait naître de sérieux doutes qui justifient le renvoi de cette affaire pour nouvelle entrevue, conduite par un autre agent d’immigration en vue d’une nouvelle décision. Comme je l’écrivais plus haut, la Cour doute que l’agente d’immigration ait bien considéré l’authenticité du mariage à la date de l’entrevue plutôt qu’à la date à laquelle le mariage a été contracté. Lorsque la décision a été rendue, dix mois et demi après l’entrevue, elle portait sur l’authenticité du mariage à la date à laquelle il avait été contracté et elle ne contenait aucune analyse sur l’authenticité actuelle du mariage à la date de l’entrevue. Le délai pourrait expliquer cette erreur.

 

[65]           Pour ce motif, la Cour fera droit à cette demande, elle annulera la décision et renverra l’affaire à un autre agent d’immigration pour nouvelle décision.

 

QUESTION À CERTIFIER

[66]           Les deux parties ont informé la Cour que la présente affaire ne soulevait aucune question grave de portée générale devant être certifiée en vue d’un appel. La Cour partage leur avis.

 

 


 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision datée du 8 avril 2009 est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvelle décision.

 

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1936‑09

 

INTITULÉ :                                       RAVI PRAKASH YADAV c. MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 15 DÉCEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 11 FÉVRIER 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lori O’Reilly

 

POUR LE DEMANDEUR

Brad Hardstaff

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

O’Reilly Law Office

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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