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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20100325

Dossier : IMM-3965-09

Référence : 2010 CF 333

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

HENRY JESUS INFANTE

demandeur

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Infante affirme que la relation avec sa maitresse est terminée depuis longtemps. Celle-ci déclare qu’elle se poursuit toujours. M. Infante dit qu’il aime son épouse, et ce, bien qu’ils habitent très loin l’un de l’autre depuis une longue période, et qu’il ne semble pas y avoir de preuve suffisante d’une communication entre eux. La mère de M. Infante affirme que les mariés ne sont plus ensemble depuis des années. L’agente des visas devait tenir compte de ces faits lors de l’examen de la demande de parrainage faite par l’épouse de M. Infante afin que ce dernier puisse devenir résident permanent du Canada. L’agente des visas a décidé que M. Infante ne pouvait être qualifié de « membre de la famille » au sens de l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, puisque le mariage est rompu depuis des années, et que la demande de parrainage visait donc principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège pour M. Infante aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

LES FAITS

[2]               M. Infante est citoyen colombien. Il déclare avoir eu une relation authentique avec Mery Veira Diaz depuis le jour de leur mariage en 1980, sauf durant une brève période d’infidélité avec Maria Mercedes Carreno Gomez. M. Infante a deux filles, maintenant âgées de 31 ans et de 28 ans, avec Mme Diaz et un fils de 19 ans avec Mme Gomez.

 

[3]               Mme Diaz a quitté la Colombie en direction du Canada en 2002. Elle a ensuite fait une demande d’asile qui a été acceptée en 2003. Ses deux filles ont reçu la même réponse à peu près à la même époque.

 

[4]               Peu de temps après s’être vu accorder l’asile, Mme Diaz a soumis une demande de résidence permanente. Elle y a inscrit M. Infante comme membre de la famille. Elle est devenue résidente permanente en 2004, mais le statut de M. Infante est demeuré en suspens principalement à cause de préoccupations quant à la possibilité de non-admissibilité pour des raisons d’ordre criminel. En fin de compte, le problème s’est réglé en faveur de M. Infante.

 

[5]               Peu de temps avant l’entrevue de M. Infante, l’agente des visas a reçu un courriel de Mme Gomez qui alléguait qu’elle était est la conjointe de fait de M. Infante depuis 22 ans. Elle a par le fait même exprimé sa surprise au sujet de l’existence de la demande. Elle a fourni des renseignements assez précis des étapes de leur relation, y compris leur adresse actuelle. Finalement, elle a demandé qu’on ne révèle pas son nom à M. Infante, parce qu’elle craignait que celui-ci devienne violent.

 

[6]               Au cours de l’entrevue, l’agente des visas a informé à M. Infante qu’elle avait reçu de l’information selon laquelle il était toujours en couple avec Mme Gomez. Elle n’a pas dévoilé la source et ne s’est pas fait demander de la nommer. M. Infante a admis qu’il avait eu une relation et un fils avec Mme Gomez, mais que cette histoire était finie depuis longtemps, même si les deux travaillaient toujours ensemble.

 

[7]               Durant une pause de l’entrevue, l’agente des visas a appelé la mère de M. Infante qui lui a dit que le mariage de son fils avec Mme Diaz avait été de courte durée et qu’ils étaient séparés depuis longtemps.

 

[8]               Dès la reprise de l’entrevue, l’agente des visas a transmis à M. Infante les renseignements recueillis auprès de sa mère. Elle lui a aussi mentionné qu’elle était préoccupée par sa nervosité et ses réponses évasives, et par le manque de preuve quant au fait que la relation avec son épouse était toujours authentique. Elle l’a ensuite informé qu’elle allait rejeter la demande de visa.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[9]               La question la plus importante du présent contrôle judiciaire est l’équité procédurale. M. Infante déclare qu’il aurait pu mieux s’expliquer si on lui avait dévoilé l’identité de l’informatrice. La Cour doit se pencher uniquement sur la question d’équité procédurale et ne devra pas spéculer sur une situation hypothétique dans laquelle l’information aurait été fournie. La seule option de la Cour est de renvoyer la demande à un autre agent des visas pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire (Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643). Il ne s’agit pas d’une affaire dont le résultat serait, de toute façon, inévitablement le même (Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada─Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, 111 D.L.R. (4th) 1, 163 N.R. 27).

 

ANALYSE

[10]           Par inadvertance, à la suite de la décision défavorable de l’agente des visas, M. Infante a reçu une copie du courriel complet de Mme Gomez, et non uniquement une version expurgée.

 

[11]           En général, quand il est question de contrôle judiciaire, la Cour tient uniquement compte des renseignements dont disposait le décideur initial (Nametco Holdings Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national) 2002 CAF 149). Par contre, il y a des exceptions. Une partie peut passer outre au dossier s’il est question d’équité procédurale (Jahazi c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2010 CF 242, paragraphe 37). Dans la présente affaire, M. Infante prétend qu’il y a eu des manquements à l’équité procédurale concernant Mme Gomez et sa mère.

 

[12]           En ce qui concerne sa mère, M. Infante a ajouté qu’elle était confuse en raison de son âge et que de toute façon, elle avait toujours détesté son épouse. M. Infante a par la suite retiré ses allégations en matière d’équité procédurale quant à sa mère.

 

[13]           L’équité procédurale est de nature contextuelle (Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 1 Imm. L.R (3d) 1). L’agente des visas a demandé à M. Infante s’il était vrai qu’il était toujours en relation avec Mme Gomes, ce qu’il a nié. De plus, et je me prive de commenter, même si on peut faire valoir que M. Infante n’était pas obligé de fournir les explications qu’il aurait données connaissant l’identité de l’informatrice – soit que son ancienne maitresse se préoccupait de l’avenir de l’entreprise dans laquelle ils œuvraient ou du soutien financier continu de son fils, – il ne peut pas choisir. Il a, au départ, allégué un manquement à l’équité sur deux points et il n’a fourni de nouveaux éléments de preuve qu’à l’égard d’un seul. Il est, par conséquent, tout à fait inapproprié de ne rien dire ensuite quant à l’autre.

 

[14]           En outre, l’agente des visas a fondé sa décision sur d’autres motifs, soit l’information fournie par la mère de M. Infante et le manque de communication avec Mme Diaz. Parallèlement, la nervosité apparente et les réponses évasives, quoique qu’insuffisantes en soit, ont tout de même joué un rôle dans la décision de l’agente des visas qui pouvait tenir compte de ces éléments.

 

[15]           Tout bien considéré, la décision n’était pas déraisonnable et ne devrait pas être modifiée.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3965-09

 

INTITULÉ :                                       INFANTE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 MARS 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS ET

DE L’ORDONNANCE :                   LE 25 MARS 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas Lehrer

 

POUR LE DEMANDEUR

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VanderVennen Lehrer

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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