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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100326

Dossier : IMM-529-09

Référence : 2010 CF 336

Ottawa (Ontario), le 26 mars 2010

En présence de monsieur le juge Phelan

 

ENTRE :

OLUSEGUN EMMANUEL ADESINA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La seule question encore en litige est de déterminer si le défendeur doit payer des dépens. La demande de contrôle judiciaire initiale a été retirée; il ne reste que la question des dépens.

 

[2]               L’affaire a débuté par une demande de mandamus pour obliger le ministre à rendre les documents authentiques au demandeur et par une demande de la nature d’un jugement déclaratoire portant que le défendeur n’avait pas fourni au demandeur l’occasion de réagir à la décision (si on considère que ne pas rendre les documents était une décision), ce qui allait contre les principes d’équité procédurale.

 

[3]               Le demandeur est citoyen du Nigeria. Il était parrainé par sa sœur pour devenir résident permanant. De plus, la demande du demandeur fait partie d’une série de demandes, dont quelques­unes ont été portées en appel devant la SAI. Les appels ont été retirés le 30 janvier 2009.

 

[4]               À l’analyse de la demande de résidence permanente, le haut-commissariat du Canada à Lagos a conclu que deux lettres fournies par le demandeur, provenant de deux universités, étaient frauduleuses. Le demandeur n’a pas nié ce fait. Il a plutôt retiré sa demande le 8 mai 2008 et a demandé qu’on lui retourne les documents authentiques qu’il avait présentés. Son intérêt principal concernait les documents lies à son éducation réelle, puisque c’était des originaux irremplaçables et donc d’une grande importance.

 

[5]               Le défendeur n’a pas donné suite à la demande écrite du 8 mai 2008 visant la restitution des documents authentiques ni aux autres démarches faites par le demandeur pour ravoir les documents, et ce, jusqu’au le dépôt de la demande de mandamus.

 

[6]               Bien qu’il n’y ait pas, dans le dossier, une preuve détaillée de ce qui est arrivé aux documents, j’accepte l’explication de Me Butterfield selon laquelle les documents étaient conservés dans les dossiers des appels à la SAI, qui ont pris fin le 30 janvier 2009. Selon la procédure de CIC, les documents ont été retournés au bureau des visas, pour ensuite, semble-t-il, rebondir dans tous les sens au sein de la bureaucratie et chez Federal Express.

 

[7]               Maintenant que les documents lui ont été rendus, le demandeur demande que des dépens lui soient adjugés à cause de la négligence du défendeur et/ou de son refus de remplir son obligation de retourner les documents authentiques. Il fait valoir que cette négligence ou ce manquement constituent de la mauvaise foi, laquelle est de la nature des « raisons spéciales » justifiant l’adjudication de dépens aux termes de l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés.

 

[8]               Les dépens demandés sont modestes et visent en réalité à faire passer un message de désapprobation au sujet de la conduite du défendeur plutôt que d’essayer de lui arracher des frais judiciaires. L’avocat du demandeur a d’ailleurs été franc à ce sujet.

 

[9]               Il n’y a pas de preuve suffisante pour établir une tentative délibérée de priver le demandeur de ses documents, ni une totale insensibilité à l’égard de ses intérêts. S’il y a eu négligence, elle semble plutôt être due à de l’incompétence ou à de l’inattention, et non de l’insensibilité.

 

[10]           Il y a une explication logique au fait que les documents ont été immobilisés à la SAI pendant les instances en appel, lesquelles sont terminées depuis la fin du mois de janvier 2009. Bien que le retard additionnel soit explicable, il est difficilement justifiable.

 

[11]           L’article 22 fait montre d’une tentative délibérée d’avoir un régime dans lequel les instances en matière d’immigration « ne donnent pas lieu à des dépens » et s’applique aux deux parties.

22. Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens.

22. No costs shall be awarded to or payable by any party in respect of an application for leave, an application for judicial review or an appeal under these Rules unless the Court, for special reasons, so orders.

 

[12]           Le seul fait qu’une ordonnance de mandamus aurait été justifiée ne suffit pas pour une adjudication des dépens (Subaharan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1228). Le critère des « raisons spéciales » est rigoureux et chaque affaire doit être analysée en tenant compte des faits qui lui sont propres (Ibrahim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1342).

 

[13]           Les « raisons spéciales » ont été décrites, de manière non exhaustive, comme comprenant une conduite inéquitable, abusive, inconvenante, de mauvaise foi ou ayant occasionné une prolongation indue de l’instance.

 

[14]           Une vue d’ensemble permet de noter que le demandeur a aggravé sa situation en présentant des documents frauduleux. Il n’est pas déraisonnable que les documents, autant frauduleux qu’authentiques, aient été entremêlés dans le cadre des instances de la SAI, qui ont pris fin plus d’un an après la demande écrite sollicitant le retour des documents. Pour ce qui est du temps écoulé par la suite, environ un an, il peut être attribué à la rigidité bureaucratique, et non à une lenteur volontaire ou à un comportement malicieux.

 

[15]           Tout bien considéré, il n’y a pas de « raisons spéciales » qui justifient l’adjudication de dépens. Les parties devraient se rappeler que « ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre » avant de chercher à circonscrire l’application de l’article 22 en matière de dépens.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire, étant théorique, soit rejetée. Aucune ordonnance n'est rendue quant aux dépens.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-529-09

 

INTITULÉ :                                       OLUSEGUN EMMANUEL ADESINA

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 24 FÉVRIER 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS ET

DE L’ORDONNANCE :                   LE 26 MARS 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Odeleye

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Michael Butterfield

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

SOLICITORS OF RECORD:

 

Babalola, Odeleye

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

M. John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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