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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100422

Dossier : IMM-4050-09

Référence : 2010 CF 438

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 22 avril 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CRAMPTON

 

ENTRE :

ZANETA DUNOVA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par une agente d’examen des risques avant renvoi (ERAR), en date du 26 juin 2009, de rejeter la demande d’asile de la demanderesse fondée sur les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[2]               La demanderesse, une citoyenne de la République tchèque d’origine ethnique rome, sollicite le contrôle judiciaire de la décision pour trois raisons :

 

                                                               i.      l’agente a commis une erreur en s’appuyant sur des conclusions de fait erronées;

 

                                                             ii.      l’agente a commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve importants concernant l’inefficacité de la protection de l’État en République tchèque, en ne les interprétant pas de manière appropriée ou en ne les analysant pas;

 

                                                            iii.      les remarques formulées par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Jason Kenney, en avril 2009 [traduction] « font sérieusement naître une crainte de partialité ».

 

[3]               La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

 

I.          Le contexte

[4]               La demanderesse est arrivée au Canada avec ses parents en avril 1997, à l’âge de 12 ans. La demande d’asile présentée par sa famille peu de temps après a été retirée en décembre 1997 lorsqu’elle est retournée en République tchèque avec ses parents.

 

[5]               La demanderesse est revenue au Canada le 3 février 2009 avec son conjoint de fait, Joseph Pospisil, et ses deux filles. Elle a demandé l’asile à son arrivée. On a toutefois considéré qu’elle ne pouvait pas demander l’asile parce qu’elle avait déjà présenté une telle demande qui avait été retirée. Les demandes de son conjoint de fait et de ses filles n’ont pas encore fait l’objet d’une décision.

 

[6]               Les motifs invoqués par la demanderesse dans sa demande d’ERAR ont été décrits dans un exposé circonstancié préparé par M. Pospisil. Cet exposé fait notamment état d’un certain nombre d’attaques verbales et physiques dont la demanderesse et M. Pospisil auraient été victimes en 1999, 2001, 2003, 2005 et 2008. Il décrit aussi un incident survenu en 2008 au cours duquel des inconnus auraient lancé des bidons d’essence en flammes sur leur maison.

 

[7]               M. Pospisil affirme que ces attaques ont été signalées à la police à plusieurs reprises et que les policiers n’ont jamais rien fait. Il affirme également que, à une occasion, la demanderesse et lui se sont fait dire de ne pas ennuyer les policiers avec de tels incidents, après qu’ils eurent signalé un incident au cours duquel ils ont été attaqués verbalement et se sont fait cracher dessus. En conséquence, la demanderesse et lui sont venus au Canada avec leurs filles afin d’obtenir l’asile.

 

II.         La décision faisant l’objet du contrôle

[8]               Après avoir exposé les faits, l’agente a déclaré que tous les éléments de preuve produits au soutien d’un motif de protection avaient été acceptés parce que la demande antérieure de la demanderesse avait fait l’objet d’un désistement en 2007 et que, en conséquence, ses allégations de risque n’avaient jamais été rejetées, conformément à l’alinéa 113a) de la LIPR.

 

[9]               L’agente a ensuite examiné la preuve relative au traitement des Roms en République tchèque. Après avoir dit qu’elle avait examiné les prétentions de la demanderesse sur cette question, l’agente a souligné (i) que les Roms font l’objet de discrimination et même d’attaques par des groupes extrémistes et (ii) que le néonazisme serait en plein essor depuis quelques années en République tchèque.

 

[10]           L’agente a ensuite cité plusieurs passages d’un document intitulé 2008 Human Rights Report: Czech Republic, publié par le département d’État des États‑Unis. Ce document constitue une source récente digne de foi sur les conditions existant en République tchèque. Entre autres choses, les passages cités :

 

a.       font état d’une discrimination très répandue contre les Roms dans ce pays;

 

b.      indiquent que la discrimination sociale latente prend à l’occasion la forme d’actes de violence, commis le plus souvent par des membres d’organisations skinheads et leurs sympathisants;

 

c.       analysent différentes initiatives récentes qui ont été entreprises dans le pays pour protéger les droits des Roms;

 

d.      décrivent certains résultats de ces initiatives.

 

[11]           Se fondant sur son examen de la preuve, l’agente a conclu que [traduction] « la demanderesse peut obtenir la protection de l’État ».

 

[12]           L’agente a conclu également (i) qu’il n’existe pas plus qu’une simple possibilité que la demanderesse soit exposée à de la persécution si elle retourne en République tchèque; (ii) qu’il n’y a pas de motifs sérieux de croire qu’elle serait exposée au risque d’être soumise à la torture; (iii) qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire qu’elle serait exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle retournait dans son pays.

 

III.       Les questions en litige

[13]           La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision pour les trois raisons décrites au paragraphe 2 ci‑dessus.

 

[14]           La demanderesse a soulevé une quatrième question à l’audience : l’agente a‑t‑elle appliqué le critère approprié concernant la protection de l’État? Le défendeur fait valoir que cette question a été soulevée irrégulièrement à l’audience et qu’il a subi un préjudice du fait qu’il n’a pas eu la possibilité d’y répondre.

 

[15]           Le défendeur reconnaît avoir brièvement mentionné le critère approprié concernant la protection de l’État dans ses observations écrites, mais il soutient que ce n’était que pour se défendre contre l’allégation de la demanderesse selon laquelle les conclusions relatives à la protection de l’État étaient déraisonnables. Le défendeur prétend qu’il n’y avait aucune raison, avant l’audience, de formuler des observations relatives au critère approprié concernant la protection de l’État et que, en conséquence, il n’a pas agi comme si cette question était en litige.

 

[16]           À l’audience, le défendeur n’a pas laissé entendre que la question de la protection de l’État avait été soulevée irrégulièrement. Toutefois, après avoir été invité à aborder la question du critère approprié concernant la protection de l’État, qui avait été soulevée par la demanderesse dans sa plaidoirie, le défendeur a accepté de produire des décisions portant sur ce critère et d’en remettre une copie à la demanderesse.

 

[17]           Dans la lettre datée du 24 mars 2010 qui accompagnait ces décisions, le défendeur a pris soin de ne faire aucune observation additionnelle sur le critère approprié concernant la protection de l’État. Il a toutefois répété que cette question n’avait pas été soulevée dans les actes de procédure et que le dossier des sources invoquées de la demanderesse ne lui avait été remis qu’au début de l’audience devant la Cour.

 

[18]           Dans une réponse datée du même jour, la demanderesse a affirmé que la question du critère approprié concernant la protection de l’État était soulevée par le défendeur dans ses observations écrites. Elle a ensuite formulé d’autres observations au sujet du critère.

 

[19]           Après avoir examiné le dossier, je suis convaincu qu’aucune des parties n’a soulevé la question du critère approprié concernant la protection de l’État avant l’audience et que le défendeur n’a pas été avisé suffisamment à l’avance pour préparer ses observations sur cette question.

 

[20]           Par conséquent, je conclus que cette question n’a pas été soulevée correctement devant la Cour et qu’il n’est donc pas nécessaire de la trancher (Radha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1040, au paragraphe 18).

 

[21]           J’aimerais cependant rappeler en passant que, en ce qui concerne la protection de l’État, le critère du caractère « adéquat » a été préféré à celui de l’« efficacité » dans un grand nombre de décisions récentes. (Voir, par exemple, Cosgun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 400, aux paragraphes 44 à 54; Espinoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 806, au paragraphe 30; Cueto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 805, aux paragraphes 27 et 28; Flores c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 723, au paragraphe 8; Samuel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 762, au paragraphe 13; Mendez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 584, au paragraphe 23; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Carrillo, 2008 CAF 94, au paragraphe 30. Voir aussi Resulaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 269, au paragraphe 20; Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.), autorisation d’appel refusée, [1993] 2 R.C.S. xi.)

 

IV.       La norme de contrôle

[22]           Les deux premières questions soulevées par la demanderesse sont assujetties à la norme de contrôle de la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 53).

 

[23]           Le juge Binnie a formulé la norme de la raisonnabilité dans les termes suivants au paragraphe 59 de Khosa :

 

Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, elle commande la déférence. Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles‑mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle‑ci fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable.

 

[24]           La troisième question, à savoir si l’agente a manqué à l’obligation d’agir équitablement, y compris à l’obligation d’impartialité, en rendant sa décision est assujettie à la norme de la décision correcte (Geza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 124, au paragraphe 44; Dunsmuir, ci‑dessus, aux paragraphes 55 et 90; Khosa, ci‑dessus, au paragraphe 42). 

 

V.        Analyse

A.     L’agente a-t-elle commis une erreur en s’appuyant sur des faits erronés?

[25]           La demanderesse allègue que, dans le processus qui a mené à sa décision, l’agente a commis une erreur en s’appuyant sur des faits erronés, à savoir que la demanderesse s’était désistée de sa demande en 2007, alors que cette demande a été retirée en 1997. La demanderesse admet qu’à ses yeux un désistement et le retrait d’une demande ont les mêmes conséquences techniques. Elle fait cependant valoir que l’agente a tiré une conclusion défavorable du fait qu’elle a cru à tort qu’elle s’était désistée de la demande d’asile qu’elle avait présentée en 1997 – l’agente a conclu que le désistement [traduction] « témoigne d’un manque de respect pour le processus »; de plus, la demanderesse était une adulte en 2007 alors qu’elle n’était qu’une enfant de 12 ans en 1997.

 

[26]           Je ne suis pas d’accord avec la demanderesse. Dans un affidavit daté du 3 septembre 2009, l’agente a déclaré que la mention de l’année 2007 plutôt que 1997 était une erreur typographique commise par inadvertance. Elle a ajouté : [traduction] « On m’a dit – et je le crois – que la date du 22 décembre 1997 est inscrite dans le SSOBL. » (Le SSOBL – le Système de soutien des opérations des bureaux locaux – est un système en direct dans lequel les agents d’immigration inscrivent l’historique des demandeurs d’asile en matière d’immigration au Canada.) En ce qui concerne la prétendue conclusion défavorable, l’agente a affirmé qu’elle n’avait jamais tiré une telle conclusion.

 

[27]           Dans un deuxième affidavit daté du 29 janvier 2010, l’agente a déclaré que le SSOBL contenait des renseignements contradictoires concernant l’issue de la première demande d’asile de la demanderesse. Elle a néanmoins affirmé :

 

[traduction

8.   Je n’ai tiré aucune conclusion défavorable de l’issue de la demande d’asile présentée précédemment par la demanderesse. Je me suis seulement intéressée à la question de savoir si cette demande avait été instruite par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Je n’ai tiré aucune conclusion défavorable quant aux raisons pour lesquelles la demande n’avait pas été instruite.

 

9.   Ma décision reposait sur une appréciation complète et sérieuse de tous les éléments de preuve dont je disposais et qui m’ont été présentés par la demanderesse.

 

[28]           Cette déclaration faite sous serment par l’agente et mon examen de sa décision me convainquent qu’elle n’a pas tiré une conclusion défavorable de son erreur typographique concernant la date du retrait de la demande d’asile de la demanderesse ou du fait qu’elle ne savait pas avec certitude si la demanderesse s’était désistée de sa demande ou si celle‑ci avait été retirée. Je suis convaincu également que ces erreurs contenues dans la décision de l’agente n’ont pas influé sur les conclusions qu’elle a tirées relativement à la demande de la demanderesse (Miranda c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 63 F.T.R. 81). Malgré ces erreurs, la décision de l’agente fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

B. L’agente a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve importants concernant l’inefficacité de la protection de l’État, en ne les interprétant pas de manière appropriée ou en ne les analysant pas?

 

(1) La preuve des attaques subies par la demanderesse dans le passé

[29]           La demanderesse allègue que l’agente a commis une erreur en disposant sommairement – en quelques phrases – de faits s’étant déroulés sur de nombreuses années.

 

[30]           Je suis incapable de conclure que cet aspect de la décision de l’agente était déraisonnable. À mon avis, l’agente a clairement reconnu que les attaques subies par la demanderesse, qui sont expressément mentionnées dans la décision, avaient effectivement eu lieu. Étant donné que la décision portait principalement sur la mesure dans laquelle la demanderesse pouvait obtenir la protection de l’État, il n’était pas nécessaire que l’agente analyse les attaques plus longuement ou qu’elle fasse expressément référence aux blessures subies par la demanderesse.

 

(2) L’utilisation de certains extraits du rapport du Département d’État de 2008

[31]           La demanderesse allègue également que l’agente a commis une erreur en s’appuyant sur certains extraits du rapport du Département d’État de 2008.

 

[32]           Je ne suis pas convaincu qu’il était déraisonnable que l’agente ne se réfère pas à d’autres passages du rapport qui n’étayaient pas sa conclusion finale concernant la possibilité d’obtenir la protection de l’État en République tchèque.

 

[33]           À la page 4 de sa décision, l’agente a indiqué expressément que les Roms continuent d’être victimes de discrimination et même d’attaques de la part de groupes extrémistes en République tchèque. Elle a aussi fait état de la montée du néonazisme dans ce pays au cours des dernières années. Elle a ensuite cité un passage du rapport du Département d’État de 2008 qui indiquait explicitement que [traduction] « la discrimination sociale latente visant la population rome du pays s’est parfois manifestée par des actes de violence » et que la violence interethnique, en particulier contre les Roms, est souvent le fait des membres et des sympathisants d’organisations skinheads. Le passage traitait également des [traduction] « nombreux actes de discrimination » dont sont victimes différentes minorités, notamment les Roms, de la part d’employeurs et de dirigeants scolaires potentiels, ainsi qu’à l’égard de l’accès au logement et à d’autres installations.

 

[34]           Ce passage est suivi par trois autres extraits du même document qui décrivaient (i) les peines qui avaient été infligées aux auteurs d’une attaque contre un Rom en mai 2007; (ii) les accusations qui avaient été déposées contre un ancien maire adjoint soupçonné d’avoir fait des remarques racistes; (iii) des situations créées par des skinheads ou des néonazis à l’égard des Roms qui auraient pu causer des problèmes et que la police avait prévenues en septembre, octobre et novembre 2007; (iv) différentes initiatives mises en œuvre par le gouvernement de la République tchèque pour améliorer la situation des Roms; (v) les mesures prises par le gouvernement à la suite des allégations de stérilisation forcées des Roms entre 1973 et 1991.

 

[35]           Je suis convaincu que les quatre longs passages du rapport du Département d’État de 2008 qui ont été cités par l’agente traduisent assez bien la grande quantité de renseignements contenus dans ce rapport au sujet de la protection de l’État à laquelle les Roms ont accès en République tchèque. La Commission n’avait pas l’obligation d’aller plus loin lorsqu’elle a cité des renseignements contenus dans le rapport qui étayaient la conclusion à laquelle elle est finalement parvenue ou qui étaient susceptibles d’étayer la conclusion contraire concernant la possibilité d’obtenir la protection de l’État en République tchèque (Zhou c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 49 A.C.W.S. (3d) 558 (C.A.F.); Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317, au paragraphe 3 (C.A.F.); Ayala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1258, au paragraphe 10).

 

(3) Le défaut de consulter d’autres sources

 

[36]           La demanderesse allègue également que l’agente a commis une erreur en ne consultant pas d’autres sources récentes sur les conditions existant en République tchèque. Dans sa plaidoirie, l’avocat de la demanderesse a mentionné un certain nombre de documents qui se trouvaient dans le dossier certifié du tribunal et a fait valoir que l’agente avait au moins l’obligation de les examiner.

 

[37]           L’agente a cependant affirmé expressément qu’elle avait examiné les observations de la demanderesse, qui renfermaient une centaine de pages de documents. Comme je l’ai mentionné précédemment, elle a pris note du fait que ces documents renfermaient de l’information selon laquelle [traduction] « les Roms font l’objet de discrimination et même d’attaques par des groupes extrémistes » et que le néonazisme est en plein essor depuis quelques années en République tchèque.

 

[38]           À la fin de la décision, il est indiqué que les sources suivantes ont été consultées : (i) le dossier no 3412‑3006; (ii) la demande d’ERAR de la demanderesse et les observations connexes; (iii) le rapport du Département d’État de 2008 dont il a été fait mention précédemment, qui est généralement reconnu comme une source faisant autorité sur la situation existant en République tchèque.

 

[39]           Je suis convaincu que l’agente a consulté les différentes sources mentionnées ci‑dessus et qu’il n’était pas déraisonnable qu’elle ne cite pas expressément des passages de ces autres sources traitant des conditions existant en République tchèque.

 

[40]           L’agente n’était pas tenue de « détaill[er] chaque élément de preuve présenté et chaque argument avancé », pourvu que la décision se situe dans les limites de la raisonnabilité (Rachewiski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 244, au paragraphe 17).

 

[41]           Après avoir examiné le dossier certifié du tribunal, je suis convaincu que l’agente n’a pas omis de renseignements qui étaient différents de ceux dont elle parle expressément dans sa décision au point de rendre sa décision déraisonnable. Au contraire, sa décision faisait clairement partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, ci‑dessus, au paragraphe 47).

 

[42]           Il ne suffisait pas que la demanderesse produise des éléments de preuve démontrant que le gouvernement de la République tchèque n’a pas toujours protégé efficacement ses citoyens roms contre les actes de violence gratuite. (Zhuravlvev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 3, au paragraphe 19. Voir aussi les décisions mentionnées au paragraphe 21 ci‑dessus.)

 

[43]           En fait, il incombait à la demanderesse de réfuter la présomption de protection de l’État en démontrant, au moyen d’une preuve claire et convaincante, que le gouvernement de la République tchèque est faible ou corrompu au point où il y a des lacunes importantes dans sa capacité ou sa volonté protéger le public en général ou les personnes se trouvant dans la même situation qu’elle, comme le montre « une tendance plus générale de l’État à être incapable ou à refuser d’offrir alors une protection » (Zhuravlvev, au paragraphe 31). (Voir aussi Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, aux pages 724 et 725; Villafranca, ci‑dessus; Resulaj, ci‑dessus; Alfaro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 92, aux paragraphes 43 à 45.) En fin de compte, la demanderesse ne s’est pas acquittée de ce fardeau.

 

C. Les remarques du ministre ont‑elles fait naître une crainte raisonnable de partialité?

[44]           Selon un article publié par Canwest News Service en avril 2009, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Jason Kenney, a déclaré, au cours d’un voyage en Europe, qu’[traduction] « il est difficile de croire que la République tchèque est un îlot de persécution en Europe ». Selon un autre article publié dans le magazine Embassy en juillet 2009, le ministre a affirmé, alors qu’il parlait d’un rapport qui venait tout juste d’être rédigé par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié : [traduction] « Si une personne se présente et affirme que la police s’en est prise à des salauds, le membre de la CISR peut consulter le rapport et dire : “En fait, il n’y a aucune preuve de brutalité policière.” »

 

[45]           La demanderesse allègue que les remarques ci‑dessus [traduction] « font sérieusement naître une crainte de partialité ». Bien qu’elle n’ait fait aucune mention de ces remarques dans sa demande, laquelle a été reçue le 12 mai 2009, elle a affirmé dans un affidavit daté du 8 septembre 2009 qu’elle croit que l’agente [traduction] « pouvait difficilement éviter d’être influencée par les remarques de son propre ministre au sujet de la légitimité des demandes d’asile présentées par des Roms ».

 

(1) Le critère servant à évaluer les allégations de partialité

[46]           Les allégations de partialité sont sérieuses. Elles jettent un doute sur l’impartialité du processus décisionnel et sur l’intégrité de la personne qui a rendu la décision.

 

[47]           Il est de droit constant que, peu importe leur fonction, tous les organismes administratifs sont tenus d’agir équitablement envers les personnes assujetties à la réglementation, sur les intérêts desquelles ils sont appelés à statuer. Cette obligation comprend celle d’assurer l’équité procédurale. Un décideur impartial constitue un élément essentiel de l’équité procédurale (Newfoundland Telephone Co. c. Terre‑Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, à la page 636).

 

[48]           La formulation classique du critère servant à déterminer ce qui constitue une crainte raisonnable de partialité a été élaborée par le juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’Énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394. Dans ses motifs de dissidence sur la question de savoir si les faits en cause dans cette affaire faisaient naître une crainte raisonnable de partialité, le juge de Grandpré a mentionné que « la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet ». Il a ajouté que le critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique ».

 

[49]           Dans R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, aux paragraphes 111 à 113, le juge Cory a adopté la formulation du juge de Grandpré, a souligné « la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente » et a précisé que « [l]a personne raisonnable doit [...] être une personne bien renseignée ».

 

[50]           Dans Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259, la Cour suprême a confirmé, au paragraphe 76, la rigueur du critère qui doit être rempli lorsque la partialité est alléguée. Dans son jugement rendu à l’unanimité, elle a fait observer que « la norme exige une crainte de partialité fondée sur des motifs sérieux, vu la forte présomption d’impartialité dont jouissent les tribunaux ». La Cour suprême a ensuite rappelé d’un ton approbateur que le juge de Grandpré avait précisé « l’expression maintenant classique de la norme de la crainte raisonnable » en disant : « Toutefois, les motifs de la crainte doivent être sérieux et je [...] refuse d’admettre que le critère doit être celui d’une personne de nature scrupuleuse et tatillonne ».

 

[51]           Dans Geza, ci‑dessus, la Cour d’appel fédérale a statué, aux paragraphes 52 et 53, que l’approche décrite ci‑dessus s’applique aux demandes d’asile présentées à la Commission, en raison de l’indépendance de celle‑ci, de son processus et de ses fonctions décisionnels ainsi que du fait que ses décisions ont une incidence sur les droits des demandeurs qui sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R.‑U.). La même approche devrait, selon ce raisonnement, s’appliquer aussi aux décisions des agents d’ERAR.

 

(2) L’application du critère aux faits de l’espèce

 

[52]           Au soutien de son allégation, la demanderesse a produit des statistiques de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans l’affidavit dont il a été question précédemment, elle alléguait que ces statistiques démontrent que le taux d’acceptation des demandes d’asile présentées par des ressortissants de la République tchèque avait diminué de 94 % en 2008 à 80 % au cours des six premiers mois de 2009. Dans un affidavit subséquent, daté du 12 janvier 2010, elle alléguait en outre que ce taux d’acceptation, qui était de 81 % au cours du trimestre qui avait précédé les remarques faites par le ministre en avril 2009, était passé à 30 % au cours du trimestre suivant ces remarques.

 

[53]           Dans Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1043, conf. par 2003 CAF 178, le demandeur alléguait notamment qu’un tribunal de ce qui était alors la Section du statut de réfugié n’était pas impartial et indépendant au motif que deux de ses membres avait été choisis parce qu’ils avaient une moyenne d’acceptation à l’égard des demandeurs de la région du Maghreb, en Afrique du Nord, inférieure à celles des autres membres de la SSR. La juge Tremblay‑Lamer a dit, en rejetant la demande (au paragraphe 130) :

 

Chaque revendication est un cas d’espèce et les membres de la Section du statut doivent apprécier chaque dossier à la lumière de la preuve et du droit applicable. Une telle assertion affecte directement l’intégrité des membres en cause et ne peut être retenue sans aucune preuve sérieuse. Un simple soupçon basé sur « des moyennes » ne rencontre pas le critère applicable de la personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur de façon réaliste et pratique.

 

[54]           Un tel scepticisme à l’égard de la pertinence de statistiques est particulièrement justifié en l’espèce pour trois raisons importantes. Premièrement – et c’est la raison la plus importante –, après avoir effectué une mission de recherche des faits visant à connaître les conditions auxquelles les Roms sont confrontés en République tchèque, la Commission a publié un rapport sur ces conditions au cours de la période s’étant écoulée entre les deux remarques qui auraient été faites par le ministre. Il est tout à fait possible que ce rapport ait influé sur le nombre de demandes d’asile présentées par des Roms de la République tchèque qui ont été acceptées, rejetées, abandonnées ou retirées. Deuxièmement, les statistiques produites par la demanderesse sont des statistiques de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Or, l’unité de l’ERAR au sein de laquelle l’agente travaille ne fait pas partie de la Commission. Troisièmement, ces statistiques concernent toutes les demandes présentées par des ressortissants de la République tchèque. La demanderesse affirme que 99 % de ces demandes provenaient de Roms, mais aucune preuve n’étaye cette affirmation.

 

[55]           Il importe également de mentionner que, contrairement à Geza, ci‑dessus, l’agente en l’espèce était tout à fait indépendante des circonstances ayant fait naître la crainte de partialité.

 

[56]           Dans Geza, la Cour d’appel fédérale a accordé une grande importance au fait qu’un membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui avait participé à la création et à la planification d’une stratégie relative aux causes types concernant les demandes d’asile présentées par des Roms hongrois, faisait partie du tribunal qui avait entendu la demande d’asile du demandeur. En concluant que les circonstances faisaient naître une crainte raisonnable de partialité, la Cour a fait observer (au paragraphe 65) que le tribunal de deux membres ayant entendu la demande a été influencé par les raisons pour lesquelles la Commission avait élaboré une stratégie relative aux causes types dès lors que le membre de la Commission en question avait décidé d’en faire partie. En l’espèce par contre, il n’y a pas de lien de ce genre entre l’agente et les remarques qui auraient été faites par le ministre.

 

[57]           Il y a deux autres différences importantes entre les faits de Geza et les faits en l’espèce. D’abord, la Commission a adopté une stratégie explicite dans Geza. La Cour a conclu sur ce point (au paragraphe 61) que :

 

[...] une personne [...] pourrait raisonnablement conclure que cette stratégie [la stratégie relative aux causes types] n’avait pas uniquement pour but d’assurer la cohérence des futures décisions et d’accroître leur exactitude, mais également de réduire le nombre de décisions favorables qui auraient pu, n’eût été de cette stratégie, être rendues en faveur des 15 000 Roms hongrois dont on prévoyait l’arrivée au Canada en 1998 et de diminuer le nombre de demandeurs éventuels.

 

[58]           Par contre, comme il a été mentionné précédemment, les remarques du ministre sur lesquelles s’appuie la demanderesse en l’espèce semblent avoir été faites spontanément et non relativement à une stratégie quelconque ou dans le cadre d’une telle stratégie.

 

[59]           Ensuite, dans Geza, la Commission a choisi l’avocat et les décisions qui constitueraient des « causes types » sans aucune consultation auprès des avocats spécialistes du droit de l’immigration et du droit des réfugiés. La Cour a fait remarquer que ce fait « amènerait aussi l’observateur raisonnable à se poser des questions ».

 

[60]           Outre le fait que l’agente était complètement indépendante des remarques qui auraient été faites par le ministre, aucune preuve n’a été produite pour démontrer qu’elle avait été influencée par ces remarques.

 

[61]           Il faut présumer que l’agente a été impartiale en l’absence de motifs sérieux de conclure qu’une personne raisonnable et bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique croirait le contraire. On ne peut pas déduire simplement de la nature politique des remarques formulées par le ministre que celles‑ci font naître une crainte raisonnable de partialité (Fehr c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles) (1995), 93 F.T.R. 161, au paragraphe 22, citant en l’approuvant Bertillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1617).

 

[62]           Outre les statistiques qui précèdent, qui ont une faible valeur probante, la demanderesse n’a produit que les deux articles publiés par Canwest News Service et dans le magazine Embassy pour étayer ses allégations de partialité.

 

[63]           Ces articles contiennent des renseignements importants sur le contexte dans lequel les remarques contestées du ministre ont été faites. Il ressort clairement de ces articles que ces remarques ont été faites spontanément et qu’il ne s’agit pas d’énoncés de politique officiels. En outre, la première remarque a été formulée à l’égard de ce que l’article de Canwest News Service a appelé une [traduction] « hausse stupéfiante de 993 % » du nombre de ressortissants tchèques qui ont demandé l’asile au Canada en 2008 par rapport à 2007. (L’exigence d’un visa pour les visiteurs de la République tchèque a été abolie vers la fin de 2007.) Cette augmentation spectaculaire aurait incité la Commission a envoyé une mission de recherche des faits en République tchèque en mars 2009 afin de l’aider à évaluer la situation des Roms qui y vivent.

 

[64]           Selon l’article de Canwest News Service, le ministre était préoccupé par la possibilité que [traduction] « des exploitants commerciaux peu scrupuleux » soient responsables de l’augmentation spectaculaire du nombre de demandes d’asile. Le ministre aurait dit à cet égard : [traduction] « Si des activités commerciales sont effectivement menées, j’espère que les autorités tchèques sont en mesure de les détecter et d’y mettre un frein » (non souligné dans l’original). Lorsqu’on tient compte de cette déclaration et du contexte général dans lequel la remarque du ministre a été faite, il est évident que ce dernier et la Commission s’efforçaient toujours de comprendre et d’expliquer pourquoi il y avait eu une telle augmentation du nombre de demandes d’asile présentées par des Roms de la République tchèque.

 

[65]           Quant à la remarque publiée dans le magazine Embassy en juillet 2009, elle serait tirée d’une déclaration faite par le ministre au Toronto Star le 24 juin 2009. L’article du Toronto Star indiquait clairement que la remarque du ministre avait été faite lors d’une discussion sur un rapport que la Commission venait tout juste de publier sur la situation de la minorité rome en République tchèque, après la mission de recherche des faits dont il a été question précédemment.

 

[66]           Placées dans ce contexte plus large, les remarques formulées spontanément par le ministre pendant son voyage en Europe étaient susceptibles de causer moins de problèmes que si elles avaient été faites dans un autre contexte ou à titre d’énoncé de politique officielle (Pelletier c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 1, au paragraphe 63).

 

[67]           En plus de citer la remarque que le ministre aurait faite, l’article du magazine Embassy a rapporté les déclarations de l’avocat de la demanderesse et de plusieurs autres personnes mettant en doute l’opportunité des remarques du ministre. L’une de ces personnes était Peter Showler, un ancien président de la Commission, qui aurait dit que le ministre avait [traduction] « introduit une partialité institutionnelle » dans le processus décisionnel de la Commission.

 

[68]           La demanderesse n’a cependant produit aucun autre élément de preuve permettant de conclure qu’il y a des motifs graves ou sérieux de croire qu’une personne raisonnable et bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique croirait que l’agente a été influencée par les remarques du ministre. En fait, la preuve ne démontre pas que l’agente était même au courant de ces remarques.

 

[69]           Le fait qu’une personne relativement bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique pourrait raisonnablement penser que le ministre est partial en raison des remarques qui lui sont attribuées n’est pas suffisant pour qu’on puisse conclure que cette personne aurait aussi des motifs raisonnables de penser que l’agente est partiale. L’agente est un membre de la fonction publique du Canada. Il est bien reconnu que celle‑ci est indépendante de l’organe exécutif. En l’absence de preuve contraire, il faut présumer aussi que l’agente est indépendante et impartiale. Or, aucune preuve contraire de ce genre n’a été produite par la demanderesse.

 

[70]           Dans le cadre de son examen des allégations de partialité dans Zrig, ci‑dessus, la juge Lamer‑Tremblay a analysé la décision rendue par le juge Joyal dans Van Rassel c. Canada (Surintendant de la GRC), [1987] 1 C.F. 473. Dans cette affaire, le demandeur alléguait une crainte raisonnable de partialité parce que les membres d’un tribunal disciplinaire avaient été nommés par le commissaire de la GRC, que le demandeur soupçonnait d’avoir exprimé des propos négatifs à son égard. Le juge Joyal a mentionné, en rejetant la plainte (à la page 487) :

 

Le commissaire de la GRC n’est pas le tribunal. Il est vrai qu’il a désigné le tribunal mais, une fois désigné, celui-ci est aussi indépendant et apparemment aussi impartial que tout tribunal qui traiterait d’une infraction ressortissant au service. On ne peut pas raisonnablement conclure que les préventions du commissaire, le cas échéant, sont nécessairement partagées par le tribunal et que, par conséquent, le requérant n’obtiendrait pas un procès équitable.

 

[71]           Ces propos s’appliquent, à plus forte raison, aux décisions des agents d’ERAR, lesquels ne sont pas nommés par le ministre.

 

[72]           Sur la foi de ce qui précède, j’ai conclu qu’une personne relativement bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique ne pourrait pas raisonnablement penser que, en raison des remarques qui auraient été faites par le ministre, l’agente a été partiale à l’égard des Roms de la République tchèque qui demandent l’asile.

 

[73]           Enfin, le défendeur a soutenu que la demanderesse devait alléguer la partialité à la première occasion (Geza, ci‑dessus, au paragraphe 66), soit, selon lui, lorsqu’elle a présenté sa demande d’ERAR, laquelle était datée du 30 avril 2009 et a été reçue le 12 mai 2009. En l’absence de preuve indiquant que la demanderesse était au courant, au moment où elle a présenté sa demande, des remarques qui auraient été faites par le ministre le 15 avril 2009, je ne suis pas convaincu qu’elle était en mesure d’alléguer la partialité à ce moment‑là.

 

VI.       Conclusion

[74]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[75]           Selon la demanderesse, la Cour devrait envisager la certification d’une question consistant à déterminer si les remarques du ministre mettant en doute le bien‑fondé des demandes d’asile présentées par des ressortissants d’un pays en particulier créeraient une crainte raisonnable de partialité de la part des décideurs saisis de ces demandes, dans le contexte d’un taux d’acceptation élevé de ces demandes par la Commission.

 

[76]           Cependant, l’examen des allégations de partialité dépend invariablement en grande partie des faits et du contexte de chaque affaire, en particulier dans les cas comme celui visé par la question proposée. Par conséquent, je ne crois pas que la question proposée soulève « une question grave de portée générale » au sens de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[77]           Par conséquent, il n’y a pas de question à certifier.

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« Paul S. Crampton »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4050-09

 

INTITULÉ :                                                   ZANETA DUNOVA c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)        

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 22 mars 2010         

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 22 avril 2010          

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Berger           

POUR LA DEMANDERESSE

 

Amina Riaz

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Max Berger Professional

Law Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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