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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100503

Dossier : T-380-09

Référence : 2010 CF 480

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2010

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

MICHAEL BACKX

demandeur

et

 

L’AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

et NANCY GRIFFITH

 

 

défenderesses

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, à l'égard d'une décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs par le vice-président des opérations de la codéfenderesse, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (l'ACIA), laquelle rejetait le grief du demandeur dans lequel ce dernier alléguait que la liste de candidats qualifiés générée dans le cadre d'un concours pour un poste à l'interne n'aurait pas dû être utilisée pour doter un poste distinct à l'interne.

 

[2]               Le demandeur réclame que la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs soit annulée et que son grief soit renvoyé à un autre décideur de dernier palier, avec les instructions appropriées. Le demandeur sollicite également ses dépens.

 

Le contexte

 

[3]               La présente affaire concerne une divergence d'opinions entre un employé et un employeur sur ce qui constitue un poste similaire.

 

[4]               Tous les vétérinaires travaillant pour l'ACIA font partie du groupe professionnel VM, et la plupart travaillent pour la Direction générale des opérations de l'ACIA. Les vétérinaires de la direction générale des opérations travaillent surtout dans le domaine de l'hygiène des viandes ou celui de la santé des animaux, même si les postes ne font pas l'objet de catégories officielles.

 

[5]               Le demandeur est un vétérinaire travaillant pour l'ACIA dans le domaine de la santé des animaux au niveau VM-01. En août 2006, l'ACIA a lancé un concours externe visant à doter un poste de vétérinaire responsable (VR) VM-02 à London, en Ontario. Le poste de VR relevait du domaine de l'hygiène des viandes. Les exigences en matière d'expérience n'étaient que [traduction] « l'expérience de la pratique de la médecine vétérinaire » et « l'expérience en matière de supervision ». L'avis de concours mentionnait aussi que la liste des candidats qualifiés, que l'on appelait une liste d'admissibilité, « pouvait être employée pour doter des postes similaires ».

 

[6]               Le demandeur n'a pas posé sa candidature pour le poste, puisque son expérience de travail se rapportait à la santé des animaux plutôt qu'à l'hygiène des viandes, et qu’il s’intéresse aussi à ce domaine.

 

[7]               Au début 2007, l'ACIA s'est servie de la liste d'admissibilité produite dans le cadre du concours de VR de 2006 pour doter un poste de vétérinaire de district VM-02 dans le domaine de la santé des animaux, toujours à London, en Ontario. La candidate retenue était la défenderesse, Nancy Griffith, qui avait auparavant occupé un poste de VM-01 en l'hygiène des viandes.

 

[8]               Le demandeur a contesté la décision de la direction de considérer les deux postes comme étant similaires. Il allègue que s'il avait su que la liste d'admissibilité générée dans le cadre du concours de 2006 relativement au poste en hygiène des viandes pouvait éventuellement être utilisée pour doter des postes en santé des animaux, il aurait déposé sa candidature. Il allègue que les descriptions de tâches des deux postes en question ne sont pas du tout similaires. L'ACIA considère que le poste de VR et celui de vétérinaire de district font partie des programmes relatifs aux animaux, et que tous les deux sont du niveau VM-02.

 

[9]               Le demandeur a par la suite remarqué un concours similaire pour un poste de VR (hygiène des viandes) dans la région du Québec, et s'est informé si des postes similaires étaient aussi ouverts aux vétérinaires de district (santé des animaux). Le courriel de réponse mentionnait que les postes similaires étaient limités aux autres postes de VR dans le domaine de l'hygiène des viandes.

 

[10]           Le demandeur a produit des observations écrites détaillées à l'appui de son grief, faisant valoir les points suivants :

-         Les postes (VR et vétérinaire de district) ne sont pas similaires;

-         La décision allait à l'encontre des valeurs d'équité et d'ouverture prônées par l'ACIA en matière de dotation;

-         La décision contrastait avec les pratiques antérieures;

-         Au moins quatre autres vétérinaires auraient posé leur candidature pour le concours de 2006 visant à combler le poste de VR s'ils avaient su que les résultats auraient pu être utilisés pour doter un poste de vétérinaire de district.

 

[11]           L'ACIA, concluant que les postes étaient similaires en raison des exigences en matière d'expérience, a rejeté le grief du demandeur au dernier palier.

 

Les questions en litige

 

[12]           Les questions en litige sont les suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         L'ACIA a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que la direction avait agi correctement en dotant un poste de district de vétérinaire à partir d'une liste d'admissibilité établie à la suite d'un concours pour un poste de VR?

 

Les observations écrites du demandeur

 

La norme de contrôle judiciaire

 

[13]           Le demandeur soutient que la norme appropriée en l’espèce est celle de la décision correcte, pour les motifs suivants.  Premièrement, une décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs n'est assujettie qu'à une clause privative de très faible portée. Deuxièmement, la question de savoir si les postes sont similaires, et particulièrement de savoir si les critères de sélection de l'ACIA peuvent être utilisés comme seul fondement de cette décision, est une question de droit. Le décideur du dernier palier de la procédure ne possède pas l'expertise nécessaire pour répondre à une telle question juridique. Troisièmement, le décideur du dernier palier de la procédure n'est pas indépendant de l'ACIA. Quatrièmement, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont conclu dans plusieurs décisions récentes que la norme de contrôle appropriée des décisions de ce genre est celle de la décision correcte.

 

[14]           Cependant, même si elle applique la norme déférente de la raisonnabilité, la Cour doit modifier la décision.

 

Bien-fondé

 

[15]           Le demandeur soutient que l'aspect fondamental d'un poste à durée déterminée est la description de tâches. La jurisprudence arbitrale en matière de droit du travail confirme que les postes ne seront pas considérés comme étant similaires lorsque les tâches respectives afférentes à chaque poste diffèrent sensiblement. Le poste de VR est tout à fait différent du poste de vétérinaire de district et n’a aucun lien avec lui. La description des exigences apparaissant sur l'avis de concours pour le poste de VR indique sans équivoque que les tâches liées à l'emploi se rapportent uniquement à l'hygiène des viandes. Les tâches sont exécutées dans des abattoirs et sont très différentes de celles associées au poste de vétérinaire de district au sein du programme de la santé des animaux de l'ACIA. Le fait que les deux postes contiennent un aspect de supervision ne fait pas en sorte que ceux-ci soient similaires.

 

[16]           Si la direction de l'ACIA peut, de manière subjective, déterminer si des postes sont similaires, il sera impossible pour les employés de savoir s'ils doivent présenter leur candidature pour un poste ou non. Ce résultat est particulièrement injuste, parce que l'ACIA modifie sans arrêt ses critères de sélection pour le même poste. Par le passé, l'ACIA n'a jamais traité les postes de VR et de vétérinaire de district comme étant similaires aux fins de dotation.

 

[17]           Finalement, l'opinion de l'ACIA portant que des postes similaires peuvent être cernés en comparant les critères de sélection sans renvoyer aux tâches réelles enfreint ses propres valeurs en matière d'équité, de transparence et d'efficacité.

 

 

 

 

Observations écrites des défenderesses

 

La norme de contrôle

 

[18]           Les défenderesses soutiennent que selon la jurisprudence, la norme de contrôle applicable aux décisions rendues au dernier palier de la procédure de règlement des griefs est celle de la raisonnabilité. C'est effectivement ce qu'une analyse relative à la norme de contrôle nous indique. La présente affaire porte sur l’interprétation du libellé d’un avis de concours pour un poste. Il s’agit purement d’une question de fait. Il n’y a pas de raison de pour traiter l’avis de concours comme s’il était un document juridique. De plus, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la LRTFP) est continuellement décrite comme étant une loi polycentrique.

 

Bien-fondé

 

[19]           Les postes de vétérinaire de district et de VR appartiennent tous les deux au groupe et niveau VM-02. Le groupe professionnel VM comprend non seulement les vétérinaires qui travaillent en hygiène des viandes et en santé des animaux, mais aussi à la Direction des sciences et à celle des programmes. Le terme « similaire » indique simplement que les postes ont des caractéristiques communes. Étant donné que les deux postes sont du même groupe et du même niveau, ont comme préalable l’expérience en pratique de la médecine vétérinaire, font partie de la même division de l’ACIA et relèvent du même directeur régional, les défenderesses soutiennent que les postes sont similaires, comme le vise l’usage de cette expression dans l’avis de concours.

 

[20]           L’argument du demandeur relatif aux pratiques antérieures de l’ACIA est, selon l’observation des défenderesses, sans fondement pour deux motifs. Premièrement, bien que l’on ait retour aux pratiques antérieures pour interpréter des ambigüités dans le cas des modalités d’un contrat, elle ne s’applique pas en l’espèce. Il n’y a pas de fondement à la prétention que l’ACIA devait exercer son pouvoir de nomination en fonction d’une prétendue pratique antérieure. Deuxièmement, le demandeur n’a pas réussi à établir l’existence d’une telle pratique. Dans le contexte des relations de travail, une pratique antérieure peut être établie lorsque quatre critères sont satisfaits. Le demandeur n’en a satisfait aucun. Le fait que la direction, dans d’autres domaines, ait interprété le terme « poste similaire » différemment ne fait que démontrer que la direction exerce son pouvoir discrétionnaire pour interpréter la phrase au cas par cas.

 

Analyse et décision

 

[21]           Question 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            La première étape à suivre lorsque vient le temps de déterminer la norme de contrôle applicable est de vérifier si le degré de retenue judiciaire devant être accordé à une catégorie précise de question en litige a déjà été arrêté de manière satisfaisante par la jurisprudence. Si ce n’est pas le cas, la Cour doit procéder à la deuxième étape, celle visant à déterminer la norme de contrôle appropriée compte tenu, entre autres, de la nature de la question en litige, de l’expertise du tribunal, de la présence ou de l’absence d’une clause privative et de la raison d’être du tribunal (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, [2008] A.C.S. no 9 (QL), aux paragraphes 57 à 64).

 

[22]           Les précédents relatifs à la norme de contrôle appropriée des diverses décisions définitives rendues en vertu de la LRTFP ne sont pas bien établis, et de ce fait, je m’efforce d’adopter une approche contextuelle. Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la norme applicable au contrôle de la décision de l’ACIA est celle de la raisonnabilité. J’ai tenu compte du manque d’indépendance du décideur du dernier palier de la procédure de règlement des griefs prévue à la LRTFP. À mon avis, il s’agit d’un facteur militant en faveur d’une moindre retenue, mais d’autres indices plus convaincants en l’espèce laissent entendre qu’il faut faire preuve de retenue. 

 

[23]           Dans Appleby-Ostroff c. Canada (Procureur général), 2010 CF 479, j’ai statué que lorsqu’une ligne directrice, une politique ou une directive devient une partie des conditions d’emploi d’un individu et que celui-ci a présenté un grief en application de la LRTFP, alléguant, entre autres, que l’employeur a commis une entorse à cette politique, la décision rendue au dernier palier de la procédure par l’employeur ne commandait pas la retenue judiciaire.

 

[24]           La principale différence en l’espèce est la nature de la question. Rien ne laisse entendre que l’avis de concours en question constituait des conditions d’emploi du demandeur. Une telle affirmation n’aurait aucun sens. Il n’y a pas de raison de traiter l’avis de concours comme s’il s’agissait d’une règle de droit : l’interprétation de l’avis n’était donc pas une question de droit, contrairement à ce que le demandeur laisse entendre.

 

[25]           Dans une autre décision récente, Dubé c. Canada (Procureur général), 2006 CF 796, [2006] A.C.F. no 1014, le juge Blanchard a statué que deux questions en litige dans cette affaire nécessitaient des normes de contrôle judiciaire distinctes. En ce qui concerne la question de droit de savoir si les directives en question constituaient une partie des conditions d’emploi, de sorte qu’elles pouvaient faire l’objet d’un grief en bonne et due forme, il a statué que la norme de contrôle applicable était celle de la décision correcte. Quant à la question de savoir si le Ministre avait respecté les directives, le juge a statué que la norme de contrôle à appliquer était celle de la décision raisonnable simpliciter (aux paragraphes 24 à 33).

 

[26]           La présente demande ne soulève qu’un point litigieux, et celui-ci a trait à l’interprétation et à l’application d’une procédure en vigueur à l’ACIA relativement à la dotation des postes vacants. La procédure décrite dans l’avis de concours avait la même importance juridique qu’une ligne directrice, une politique ou un bulletin. Cependant, contrairement à Dubé, précitée, la présente demande ne vise pas une décision sur la question de savoir si la procédure constituait une partie des conditions d’emploi du demandeur : elle concerne plutôt la question de savoir si la procédure a bel et bien été respectée, et ressemble donc plus à la deuxième question en litige dont était saisie la Cour dans Dubé, précitée.

 

[27]           Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Assh, 2006 CAF 358, [2007] 4 R.C.F. 46, 274 D.L.R. (4th) 633, la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de la décision correcte s’appliquait à une décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Toutefois, il est important de relever deux facteurs distincts dans cette affaire.

 

[28]           Tout d’abord, dans l’arrêt Assh, précité, à l’instar des faits d’Appleby-Ostroff et Dubé, précitées, la politique ou la ligne directive en question avait été incluse dans les conditions d’emploi. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

[29]           Deuxièmement, la formation saisie de Assh analysait une décision rendue au dernier palier de la procédure des griefs portant sur la question de savoir s’il y avait eu conflit d’intérêts aux termes du Code régissant les conflits d’intérêts de l’employeur (le Code). La Cour a mentionné que le Code pouvait être considéré comme une règle juridique et elle était d’avis que l’établissement d’un conflit d’intérêts faisait intervenir l’expertise des tribunaux judiciaires (paragraphes 42 à 46, et 53). L’on ne peut parvenir à la même conclusion dans la présente affaire pour les procédures d’embauche, ainsi que pour le terme « poste similaire ».

 

[30]            Je relève aussi la décision Hagel c. Canada (Procureur général), 2009 CF 329, [2009] A.C.F. no 417, où le juge Zinn a conclu que la norme de contrôle de la raisonnabilité s’applique à une décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs prévue à la LRTFP, et a cité l’arrêt Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, où le juge Binnie, se prononçant pour la majorité de la Cour suprême, a déclaré ce qui suit aux paragraphes 38 et 39 :

[...] je n’accepte pas [...] que les régimes législatifs complets qui ne prévoient pas l’arbitrage par un tiers ne méritent pas, pour cette raison, que l’on s’en remette à eux. Il s’agit d’un facteur à prendre en compte, mais dans le cas de la LRTFP, d’autres indices plus convaincants de l’intention du législateur l’emportent sur ce facteur.

 

...

 

Même si l’absence d’un arbitre indépendant peut, dans certaines circonstances, se répercuter sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire résiduel du tribunal (comme dans les cas de dénonciateurs), la règle générale de la retenue dans les instances découlant des relations de travail devrait prévaloir. [Non souligné dans l’original.]

 

[31]           Compte tenu de l’analyse précitée, je suis convaincu que la jurisprudence nous enseigne qu’il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard de la décision de l’ACIA en l’espèce. Je vais donc procéder au contrôle judiciaire de la décision de l’ACIA en fonction de la norme de la raisonnabilité. 

 

[32]           Question en litige 2

            L’ACIA a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a conclu que la direction a agi de manière appropriée en dotant un poste de vétérinaire de district en se fondant sur une liste d’admissibilité établie à la suite d’un concours pour un poste de VR?

            Après un examen attentif, je conclus que la décision rendue par le vice-président des opérations de l’ACIA dans laquelle il rejetait le grief du demandeur était déraisonnable, et qu’elle doit être annulée.

 

[33]           Tel qu’il est mentionné ci-dessus, je suis en désaccord avec l’affirmation du demandeur que l’interprétation du terme « poste similaire » dans l’avis de concours était une question de droit, du moins, pas en ce sens que l’avis de concours constituait en soi un document juridique. Cependant, je conviens qu’il aurait été possible de se fonder sur ce texte et qu’il aurait pu créer une certaine attente légitime en raison de la culture au sein de l’ACIA.

 

[34]           Comme l’a affirmé le demandeur sans que les défenderesses ne s’y soient opposées, la culture au sein de la cohorte des vétérinaires travaillant pour l’ACIA a comme caractéristique principale une distinction entre ceux qui travaillent en hygiène des viandes et ceux qui travaillent en santé des animaux. Cette distinction subsiste, même si elle ne se traduit pas par une classification officielle quelconque. Les deux types d’emploi sont grandement différents, bien qu’ils aient des niveaux de responsabilité et des salaires similaires et qu’ils nécessitent le même niveau d’éducation.

 

[35]           Cependant, il appert que, selon la direction de l’ACIA, la distinction entre le travail dans le domaine de l’hygiène des viandes et celui en santé animale avait peu d’importance.

 

[36]           L’on peut imaginer que, lorsque des candidats de l’ACIA ont vent d’une éventuelle promotion au sein du groupe des VM, ceux-ci vont tout d’abord vérifier celle-ci à partir de la caractéristique essentielle de savoir s’il s’agit d’un poste en hygiène des viandes ou en santé des animaux. L’offre d’emploi de l’ACIA ne dissuadait pas de manière suffisamment sensible ses employés vétérinaires de vérifier les nouvelles offres de cette manière. En fait, elle facilitait une telle vérification. La première phrase de la section des exigences se lit ainsi :

[...] administre, met en œuvre et exécute le Programme de l’hygiène des viandes dans un établissement agréé lié à l’abattage, à l’habillage, à l’emballage et au classement d’animaux destinés à l’alimentation humaine.

 

 

[37]           Les défenderesses admettent que les tâches relatives au poste en santé des animaux reflèteraient les grandes différences qui existent à la fois au chapitre des tâches liées au poste et à celui de l’environnement de travail. Puisque le demandeur ne s’intéressait pas à un poste en hygiène des viandes, il n’a pas répondu à l’avis de concours précité.

 

[38]           Le problème que pose la décision de combler le poste dans le secteur de la santé animale en utilisant une liste d’admissibilité établie à partir de l’avis de concours est que celle-ci démontre une omission cruciale de tenir compte de la dichotomie au sein de la culture de travail chez les vétérinaires travaillant à l’ACIA entre ceux du secteur de l’hygiène des viandes et ceux du secteur de la santé des animaux. Manifestement, de tels employés n’estimeraient pas que leurs postes soient similaires, même si la direction en venait à une telle conclusion. La dernière décision rendue dans la procédure de règlement des griefs ne reconnaît pas cette distinction

 

[39]            Un certain nombre de phrases en style télégraphique apparaissent sous la rubrique  « Autres exigences/Commentaires », à la page 4 de l’avis de concours. Le cinquième élément se lit comme suit :

La liste d'admissibilité établie au terme de ce processus pourrait servir à doter des postes similaires, notamment des affectations intérimaires, des nominations et des postes de durée indéterminée, à divers endroits.

 

La défenderesse (l’ACIA) s’est fondée sur cette phrase pour créer la liste d’admissibilité à partir de l’avis de concours pour pourvoir un poste en santé des animaux, poste que le demandeur convoitait.

 

[40]            Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, exige de la Cour qu’elle se demande « si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité ». Je reproduis donc la partie la plus pertinente de la décision-lettre transmise au demandeur après qu’il eut été statué sur son grief de dernier palier :

[traduction]

[...] Vous avez déclaré que vous n’aviez pas posé votre candidature pour le processus en question, puisque le titre du poste qui apparaît sur l’avis de concours est celui de vétérinaire responsable, et que vous ne saviez que le concours servirait à doter un poste de vétérinaire de district.

 

Vous avez mentionné que vous estimez que l’expérience exigée dans l’avis en question n’était pas suffisante pour un poste de vétérinaire de district. Bien que vous puissiez être en désaccord avec la décision de la direction, j’estime que celle-ci a agi entièrement dans les limites de sa compétence lorsqu’elle a établi les exigences en matière d’expérience. De plus, je conclus que la direction a raisonnablement ouvert le présent processus aux candidats externes, parce que de nombreux processus de dotation du poste de VM-02 s’étaient avérés infructueux.

 

[41]           Bien qu’il puisse être raisonnable de justifier la décision sous-jacente en affirmant que le poste de VR et celui de vétérinaire de district exigeaient la même expérience, la décision en soi était déraisonnable.

 

[42]           Non seulement la distinction entre les postes en santé des animaux et en hygiène des viandes n’étaient pas abordée, mais il n’y avait même pas d’analyse des similitudes entre les postes. Il fallait traiter de ce point, puisque le manque de similitude entre les postes était le principal motif sur lequel reposait le grief du demandeur. Le vice-président des opérations n’était pas obligé d’écrire une décision plus longue, mais il devait répondre aux questions soulevées par le grief.

 

[43]           Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que la seule issue acceptable aurait été celle qui aurait donné raison au demandeur et qui aurait remédié à la perte de l’occasion pour lui de postuler le poste de vétérinaire de district.

 

[44]           Même si la direction de l’ACIA doit avoir le dernier mot dans la présente affaire, je suis d’avis qu’en l’espèce, les postes ne sont pas similaires.

 

[45]           Par conséquent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire, la décision rendue par le décideur du dernier palier de la procédure est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre décideur du dernier palier pour nouvelle décision conforme aux présents motifs.

 

[46]           Le demandeur a droit à ses dépens afférents à la demande.


 

JUGEMENT

 

[47]           LA COUR ORDONNE :

            1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision rendue par le décideur du dernier palier de la procédure est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre décideur du dernier palier pour nouvelle décision conforme aux présents motifs.

            2.         Le demandeur a droit à ses dépens afférents à la demande.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-380-09

 

INTITULÉ :                                       MICHAEL BACKX

                                                            c.

L’AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS et

                                                            NANCY GRIFFITH

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 novembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge O’Keefe

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 3 mai 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Welchner

 

POUR LE DEMANDEUR

Martin Desmeules

 

POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Welchner Law Office

Société professionnelle

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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