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Cour fédérale

 

Federal Court


 

 

 

 

Date : 20100504

Dossier : IMM-159-09

Référence : 2010 CF 491

 

Montréal (Québec), le 4 mai 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MAINVILLE

 

 

ENTRE :

WORKINESH BULLA MANDIDA

demanderesse

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Dans la présente affaire, Workinesh Bulla Mandida (la demanderesse) a demandé le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 12 décembre 2008 par un agent d’immigration (l’agent) qui a effectué un examen des risques avant renvoi (ERAR); l’agent a conclu que la demanderesse ne serait pas exposée à un risque d’être persécutée, à un risque d’être soumise à la torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle devait retourner en Éthiopie.

 

[2]               Pour les raisons énoncées ci-après, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, principalement au motif que la demanderesse n’a saisi l’agent d’aucune preuve à l’appui des risques allégués si elle devait retourner en Éthiopie. La demanderesse a choisi, assez imprudemment, de traiter sa demande d’ERAR comme un type de demande visant la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

Contexte

[3]               La demanderesse est une ressortissante d’Éthiopie qui a maintenant plus de 70 ans et qui a une longue histoire alambiquée de demandes d'asile auprès des autorités canadiennes de l’Immigration.

 

[4]               La demanderesse est arrivée au Canada la première fois en compagnie de son mari âgé, le 20 septembre 2000, tous deux à titre de visiteurs. Il convient de souligner que le fils et la fille de la demanderesse vivaient au Canada à l’époque. Quelques mois plus tard, le 29 mai 2001, la demanderesse et son mari ont demandé l’asile.

 

[5]               Le 1er mars 2002, la Section du statut de réfugié (SSR) a statué que la demanderesse et son mari n’avaient pas la qualité de réfugié au sens de la Convention. La conclusion de la SSR était principalement fondée sur le fait que le mari de la demanderesse, qui était le principal demandeur d’asile dans leur demande conjointe, n’était tout simplement pas crédible et que toute son histoire était peu plausible. La SSR a également fait remarquer que la demanderesse était elle-même retournée en Éthiopie en mars 1992; la SSR a jugé cette situation incompatible avec son allégation de persécution dans ce pays. La SSR a également pris en considération le fait que la demanderesse et son mari avaient attendu plus de sept mois après leur arrivée au Canada pour demander l’asile.

 

[6]               Cette décision de la SSR n’a pas fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire et est donc définitive.

 

[7]               Après le rejet de cette demande d'asile, le mari de la demanderesse est retourné en Éthiopie, mais la demanderesse est demeurée au Canada.

 

[8]               Selon les notes fournies par l’intimé, en juin 2002, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente parrainée par son fils, dans laquelle elle demandait que cette demande soit traitée depuis le Canada pour des motifs d’ordre humanitaire. La demande a toutefois été rejetée en 2005.

 

[9]               Le 13 mars 2005, le gendre de la demanderesse est décédé. Un peu plus tard, la demanderesse a emménagé chez sa fille, maintenant veuve, à Oakville, en Ontario, pour l’aider à prendre soin de ses trois enfants. La fille de la demanderesse a déposé à l’égard de celle-ci une nouvelle demande de parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial et la demanderesse a elle-même déposé concurremment une nouvelle demande de résidence permanente, qui est en cours de traitement à titre de demande déposée depuis l’étranger au titre de la catégorie du regroupement familial par les autorités canadiennes de l’Immigration à Nairobi, et une décision n’a pas encore été rendue dans cette affaire.

 

[10]           La demanderesse est néanmoins restée au Canada grâce à un permis de travail temporaire qui lui a été délivré à titre d’aide familiale de sa fille. Le permis de travail actuel de la demanderesse expire le 21 décembre 2010.

 

[11]           Pour des raisons inconnues, le 12 mai 2008, la demanderesse a présenté une demande d’ERAR. Comme il a été mentionné précédemment, cette évaluation a donné lieu à une décision défavorable pour la demanderesse le 12 décembre 2008. À l’issue de cette décision, le renvoi de la demanderesse du Canada a été fixé au 6 février 2009. Ce renvoi a par la suite fait l’objet d’un sursis octroyé par le juge O’Keefe le 4 février 2009 en attendant l’issue de la présente procédure de contrôle judiciaire.

 

[12]           Dans sa demande d’ERAR, la demanderesse a invoqué ce qui suit, affirmant qu’il s’agit d’incidents importants qui l’ont amenée à demander la protection à l’extérieur de son pays de nationalité : 

                        [traduction]

1.         Ma fille, Hirut Dano d’Oakville, en Ontario, a présenté une demande de parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial en ma faveur et a satisfait aux critères d’admissibilité.

2.         J’ai également présenté des demandes de résidence permanente à l’égard desquelles une décision est attendue.

3.         Entre-temps, ma fille m’a offert un emploi comme travailleuse étrangère, laquelle a été approuvée par les autorités et le gouvernement canadiens.

4.         J’ai également demandé un permis de travail et j’ai obtenu un numéro d’assurance sociale (NAS).

5.         Maintenant, je crois que mon statut a changé et je suis au Canada en vertu d’un permis de travail.

6.         J’ai présenté un rapport médical et un certificat des forces policières au Haut-commissariat du Canada à Nairobi

(traduit tel que reproduit dans la version anglaise)

 

 

[13]           La demanderesse a également expliqué dans les termes suivants pourquoi elle n’a demandé aucune forme de protection aux autorités de l’Éthiopie :

[traduction] Les autorités de mon pays ne sont pas en mesure d’assurer ma protection. Les autorités de mon pays d’origine violent les droits de la personne. Me réclamer de la protection de ces autorités reviendrait à m’exposer au danger et au risque.

 

Toutefois, la demanderesse n’a pas expliqué quels « danger et risque » particuliers elle évoquait.

 

[14]           Dans une lettre accompagnant la demande d’ERAR, l’avocat de la demanderesse a essentiellement répété ces motifs d’ordre humanitaire en ajoutant des détails, mais n’a soulevé aucun problème précis lié à tout risque auquel serait exposée la demanderesse si elle devait être renvoyée en Éthiopie.

 

La décision contestée

[15]           L’agent souligne que les faits invoqués par la demanderesse à l’appui de son ERAR sont plutôt des arguments fondés, pour la plupart, sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

[16]           Après avoir fait remarquer que la demande d'asile de la demanderesse avait été rejetée par la SSR en vertu de dispositions législatives sur l’immigration applicables avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), l’agent a reconnu la portée élargie de l’ERAR qu’il était tenu d’effectuer dans le dossier de la demanderesse :

[traduction] Dans l’examen de la présente demande d’ERAR, j’étais tenu en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) d’accepter l’ensemble de la preuve visant à établir un motif de protection aux termes de l’article 97 parce que cet article n’existait pas au moment où la décision a été rendue à l’égard de la demande d'asile de la demanderesse. Conformément à l’alinéa 113a) de la même loi, j’étais également tenu d’accepter toute nouvelle preuve postérieure au rejet visant à établir un motif de protection aux termes de l’article 96. Le fardeau de la preuve incombe à la demanderesse.

 

 

[17]           L’agent a ajouté que la demanderesse et son avocat avaient simplement fait valoir des arguments pour que la demanderesse puisse demeurer au Canada sans évoquer aucun facteur de risque. L’agent a donc conclu que ces arguments ne cadraient pas avec une demande d’ERAR, mais plutôt avec une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

[18]           L’agent a de plus observé que la demanderesse n’avait produit aucune preuve corroborant le fait qu’elle serait exposée personnellement à un risque si elle retournait en Éthiopie.

 

[19]           L’agent a donc conclu, au vu du dossier, qu’il n’existait pas plus qu’une simple possibilité que la demanderesse soit exposée au risque d’être persécutée si elle retournait en Éthiopie, et qu’il n’existait aucune raison sérieuse de croire qu’elle serait exposée à un risque d’être soumise à la torture ou à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités.

 

Position de la demanderesse

[20]           Dans ses observations écrites, la demanderesse commence par contester la décision rendue en 2002 par la SSR, même si elle a depuis longtemps dépassé la date limite prévue pour ce faire.

 

[21]           La demanderesse ajoute ensuite que, depuis la décision rendue en 2002 par la SSR, elle est maintenant exposée à un risque en ce sens que [traduction] « elle sera exposée à de la discrimination sexuelle et au ridicule de la part de sa collectivité en Éthiopie en raison de sa séparation de son mari depuis huit ans » (paragraphe 18 des observations écrites de la demanderesse) et qu’« elle n’a aucun endroit où aller, car les relations avec sa famille ont été rompues » (paragraphe 19 des observations de la demanderesse). Elle n’a toutefois jamais soulevé ces questions devant l’agent.

 

[22]           La demanderesse soulève également toute une série d’autres motifs d’ordre humanitaire, dont certains n’ont pas été portés à l’attention de l’agent, tels que [traduction] « l’intérêt supérieur des petits-enfants de la demanderesse nés au Canada » (paragraphe 23 des observations de la demanderesse), « les conséquences fatales des longues heures de vol entre le Canada et l’Éthiopie » (paragraphe 24 des observations de la demanderesse), « être séparée de ses petits-enfants » (paragraphe 25 des observations de la demanderesse), etc.

 

[23]           Dans ses observations orales, l’avocat de la demanderesse a fait référence à quelques décisions, dont la quasi-totalité avait trait à des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

Position du défendeur

[24]           Le défendeur remarque que les observations présentées à l’appui de la demande d’ERAR équivalent à une énumération de motifs d’ordre humanitaire qui dépassent le cadre d’un ERAR. Comme la demanderesse n’a nommé dans sa demande d’ERAR aucun risque auquel elle serait exposée si elle devait retourner en Éthiopie, le défendeur soutient que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

[25]           Le défendeur fait de plus remarquer que la demanderesse soulève maintenant de nouveaux facteurs de risque qui n’ont jamais été portés à l’attention de l’agent. Ils n’ont donc aucune incidence sur la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[26]           En résumé, le défendeur soutient que la demanderesse a confondu une demande d’ERAR et une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

Dispositions législatives pertinentes

[27]           Les dispositions suivantes de la Loi sont pertinentes en l’espèce :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative ou sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

 

 

 

 

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit:

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

[…]

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

 

 

114. (1) La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l’asile au demandeur; toutefois, elle a pour effet, s’agissant de celui visé au paragraphe 112(3), de surseoir, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi le visant.

 

 

 

 

 

 

 

115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative or on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

 

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

[…]

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

114. (1) A decision to allow the application for protection has

(a) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), the effect of conferring refugee protection; and

(b) in the case of an applicant described in subsection 112(3), the effect of staying the removal order with respect to a country or place in respect of which the applicant was determined to be in need of protection.

 

115. (1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment.

 

Analyse

[28]           Le processus d’examen des risques avant renvoi est la conséquence logique des engagements nationaux et internationaux du Canada en faveur du principe de non-refoulement. En vertu de ce principe, une personne ne doit pas être renvoyée vers un pays où elle serait exposée à un risque d’être persécutée, d’être soumise à la torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités. L’engagement du Canada en faveur du principe de non‑refoulement exige la réalisation d’un ERAR.

 

[29]           En vertu de la législation actuellement en vigueur au Canada en matière d’immigration et de protection des réfugiés, le risque peut être évalué dans le cadre d’une audience de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) tenue aux termes de l’article 96 ou 97 de la Loi ou dans le cadre d’un ERAR effectué selon l’article 112. Il existe un lien étroit entre ces diverses dispositions législatives. Comme il a été observé par la Cour d’appel fédérale dans Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, 289 D.L.R. (4th) 675, [2007] A.C.F. n1632 (QL), au paragraphe 11 :

À supposer que la criminalité ou la sécurité nationale ne soient pas en cause, une demande présentée en vertu du paragraphe 112(1) est admise si, au moment de sa présentation, le demandeur répond à la définition de « réfugié au sens de la Convention », dans l’article 96 de la LIPR, ou à la définition de « personne à protéger », dans l’article 97 de la LIPR (alinéa 113c) de la LIPR). La décision d’accorder la demande d’ERAR a pour effet de conférer l’asile au demandeur (paragraphe 114(1) de la LIPR).

 

 

[30]           Dans un ERAR, le fardeau de la preuve incombe au demandeur. La norme de la preuve est la prépondérance des probabilités. Ainsi, en l’espèce, il incombait à la demanderesse d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle serait exposée à un risque d’être persécutée, d’être soumise à la torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle retournait en Éthiopie : Bayavuge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 65, 308 F.T.R. 126, [2007] A.C.F. no 111 (QL), au paragraphe 3; Ferguson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, [2008] A.C.F. n1308 (QL) aux paragraphes 20 et 21; Guergour c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1147, [2009] A.C.F. no 1417 (QL), au paragraphe 6.

 

[31]           Dans la présente affaire, la demanderesse n’a pas produit quelle que preuve que ce soit concernant le risque auquel elle serait exposée si elle retournait en Éthiopie, limitant ses observations devant l’agent aux questions liées aux motifs d’ordre humanitaire si elle devait être renvoyée du Canada.

 

[32]           La jurisprudence est claire : il n’est pas nécessaire d’examiner les motifs d’ordre humanitaire dans le cadre d’un ERAR. Dans Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 437, [2005] A.C.F. n540 (QL), au paragraphe 70, le juge s’est exprimé ainsi :

Adoptant la même logique, je conclus que les agents d'ERAR ne sont pas tenus d'examiner les facteurs d'ordre humanitaire pour rendre leurs décisions. Aucun pouvoir discrétionnaire n'est accordé à un agent d'ERAR dans la préparation d'un examen des risques. Ou bien l'agent est convaincu que les prétendus facteurs de risque existent, ou bien il n'est pas convaincu. L'enquête de l'ERAR et le processus décisionnel ne tiennent compte d'aucun autre facteur que le risque. De toute manière, il y a une meilleure tribune pour l'examen des facteurs d'ordre humanitaire : le mécanisme des examens pour des raisons d'ordre humanitaire. Je rejette l'affirmation que l'agente a commis une erreur de droit en refusant d'examiner les facteurs d'ordre humanitaire dans le cadre de la décision relative à l'ERAR.

 

 

Voir également Sherzady c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 516, 273 F.T.R. 11, [2005] A.C.F. n638 (QL) au paragraphe 15; Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1193, 279 F.T.R. 24, [2005] A.C.J. n1470 (QL) aux paragraphes 34 à 38; Kakonyi c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1410, [2008] A.C.F. n1807 (QL) au paragraphe 37.

 

[33]           Dans Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, [2007] 4 R.C.F. 3, 277 D.L.R. (4th) 762, [2006] A.C.F. n1828 (QL), aux paragraphes 6 et 12, la Cour d’appel fédérale a expressément indiqué qu’une demande d’ERAR présentée sous le régime de l’article 112 de la Loi ne doit pas être confondue avec une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en vertu de l’article 25 de la Loi et a ensuite ajouté que l’intérêt supérieur d’un enfant ne doit pas être pris en compte dans le contexte d’un ERAR :

La LIPR définit précisément le mandat de l’agent d’ERAR et il ne faut pas en étendre judiciairement la portée pour qu’il comprenne l’intérêt supérieur d’un enfant né au Canada qui pourrait subir des répercussions négatives en cas de renvoi de son père ou de sa mère. Il n’est pas nécessaire de donner une interprétation large aux dispositions pertinentes de la LIPR pour leur faire respecter la Charte canadienne des droits et libertés et les obligations du Canada en droit international.

[…]

Bien que ce puisse parfois être le même agent qui procède à l’ERAR et qui juge la demande CH, les deux procédures ne doivent pas être confondues ni faire double emploi : Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.F.) aux paragraphes 16 et 17; Rasiah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 583, au paragraphe 16.

 

 

[34]           Par conséquent, je conclus que l’agent n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’il a refusé d’examiner la preuve fondée sur des motifs d’ordre humanitaire produite par la demanderesse.

 

[35]           Le problème fondamental en l’espèce tient à ce que la demanderesse a confondu un ERAR effectué suivant l’article 112 de la Loi et une demande d’exemption pour des motifs d’ordre humanitaire présentée suivant l’article 25 de la Loi. Cette confusion a donné lieu à la présentation par la demanderesse d’une étrange demande d’ERAR. L’agent en l’espèce a effectué un examen des risques en s’appuyant sur les renseignements que la demanderesse a fournis. La demanderesse est la seule responsable de l’omission alléguée d’examiner les risques.

 

[36]           À l’audience, les avocats des deux parties ont indiqué qu’il n’y avait aucune question à certifier en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi et la présente procédure ne soulève aucune telle question.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-159-09

 

INTITULÉ :                                       WORKINESH BULLA MANDIDA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 25 MARS 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 4 MAI 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel Dagago

 

POUR LA DEMANDERESSE

Eleanor Elstub

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DH Dagago Law Office

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kiran

Sous‑procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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