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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20100429

Dossier : IMM-3992-08

Référence : 2010 CF 467

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2010

En présence de Madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

HASHEM MAZHARI

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Le contexte

 

[1]               Le demandeur, M. Hashem Mazhari, est un Iranien qui a demandé son admission au Canada en tant que résident permanent (catégorie des investisseurs) en 2005. Durant son contrôle médical en 2007, on a découvert qu’il avait un cancer du poumon. Une tumeur de 3,5 cm lui a été enlevée au poumon gauche. Le cancer n’avait pas métastasé et le demandeur, un non-fumeur, demeure généralement en bonne santé.

 

[2]               La découverte d’un cancer chez le demandeur a conduit Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) à requérir d’autres examens médicaux. Les résultats ont été envoyés au médecin agréé principal (le médecin agréé) de CIC, basé à Paris, en France. Après examen et évaluation du dossier médical du demandeur, le médecin agréé a rédigé un avis médical dans lequel il concluait que l’état de santé du demandeur risquait vraisemblablement d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

 

[3]               En accord avec la procédure usuelle de CIC, le demandeur s’est vu remettre une copie de l’avis du médecin agréé, par lettre datée du 24 septembre 2007 (la lettre d’équité), à laquelle il était invité à répondre. Le demandeur a répondu le 10 octobre 2007 en soumettant une lettre et un rapport du Dr Kian Khodadad. Le Dr Khodadad exprimait son désaccord avec l’avis du médecin agréé.

 

[4]               Le médecin agréé a rendu son avis médical final par courriel daté du 12 décembre 2007, dans lequel il confirmait son avis initial. Cet avis, ainsi que le rapport du Dr Khodadad et la lettre du demandeur, ont été examinés par l’agente des visas. Par décision datée du 20 juillet 2008, l’agente des visas a conclu que le demandeur était interdit de territoire en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), en tant que personne dont l’état de santé risquait vraisemblablement d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé au Canada.

 

[5]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

 

II.        Les points litigieux

 

[6]               Le demandeur a soulevé plusieurs points dans son dossier de demande, mais ses conclusions orales portaient sur les points suivants :

 

1.                  La décision de l’agente des visas devrait-elle être annulée :

 

a)                  parce que le médecin agréé n’a pas fait une évaluation individualisée du demandeur, en accord avec les principes exposés dans l’arrêt Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); De Jong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 57, [2005] 2 R.C.S. 706; ou

 

b)                  parce que l’avis était déraisonnable?

 

2.                  L’agente des visas a-t-elle commis une erreur parce qu’elle est arrivée à une décision sans avoir devant elle l’intégralité du dossier médical du demandeur?

 

III.       Le cadre législatif

 

[7]               Le demandeur a été déclaré interdit de territoire conformément au paragraphe 38(1) de la LIPR, qui prévoit ce qui suit : « Emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour motifs sanitaires, l’état de santé de l’étranger […] risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé ». Certains des termes employés dans cette disposition sont définis dans l’article 1 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR). Le paragraphe 38(1) et les définitions de « fardeau excessif », « services de santé » et « services sociaux » sont reproduits dans l’annexe A des présents motifs.

 

[8]               Selon l’article 20 du RIPR, l’agent des visas « conclut à l’interdiction de territoire de l’étranger pour motifs sanitaires si, à l’issue d’une évaluation, [le médecin agréé] a conclu que l’état de santé de l’étranger constitue vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risque d’entraîner un fardeau excessif ».

 

IV.       La norme de contrôle

 

[9]               La décision contestée est la décision de l’agente des visas datée du 20 juillet 2008. Cependant, comme on le verra ci-après, le rôle premier de l’agente des visas consiste à examiner la décision du médecin agréé. Pour savoir si cette fonction a été exercée en conformité avec la loi, la Cour doit tenir compte de la décision du médecin agréé. Dans de récents jugements (voir par exemple Rashid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 157, [2010] A.C.F. n° 183 (QL); Sapru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 240, [2010] A.C.F. n° 270 (QL)), la Cour a jugé que la norme de contrôle applicable à la décision d’un médecin agréé est celle de la décision raisonnable. La Cour ne modifiera pas la décision du médecin agréé si elle est justifiée, transparente et intelligible et si elle appartient aux issues possibles raisonnables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 47).

[10]           Cependant, lorsqu’un demandeur affirme que le médecin agréé ou l’agent des visas a manqué aux obligations énoncées dans l’arrêt Hilewitz, précité, alors la norme de contrôle est celle de la décision correcte. La question devient une question de droit (décision Sapru, précitée, paragraphe 16). Ainsi, la question de savoir si le médecin agréé a fait une évaluation individualisée par opposition à une évaluation générique doit être revue selon la norme de la décision correcte. Les questions d’équité procédurale doivent elles aussi être revues selon la norme de la décision correcte (Sapru, précitée, paragraphe 16; Dunsmuir, précité, paragraphe 50).

 

[11]           Le premier point soulevé par la présente demande comporte deux volets. S’agissant du premier volet, il s’agit de savoir s’il y a eu évaluation individualisée (plutôt que générique); cette question doit être revue selon la norme de la décision correcte. Pour le deuxième volet, il s’agit de savoir si l’évaluation médicale faite par le médecin agréé était légitime. La question de savoir si l’agente des visas devait examiner le dossier médical tout entier du demandeur semble être une question de droit soumise à la norme de la décision correcte.

 

V.        La nécessité d’une évaluation individualisée

 

[12]           Une évaluation médicale aux fins du paragraphe 38(1) doit être individualisée (voir l’arrêt Deol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CAF 271, [2003] 1 C.F. 301, paragraphe 60). Comme l’écrivaient les juges majoritaires de la Cour suprême au paragraphe 56 de l’arrêt Hilewitz, précité :

[L’évaluation de la santé d’un demandeur] exige, me semble‑t‑il, des appréciations individualisées. Il est impossible, par exemple, de déterminer la « nature », la « gravité » ou la « durée probable » d’une maladie sans le faire à l’égard d’une personne donnée. Si le médecin agréé s’interroge sur les services susceptibles d’être requis en se fondant uniquement sur la classification de la maladie ou de l’invalidité, et non sur la façon précise dont elle se manifeste, l’appréciation devient générique plutôt qu’individuelle. L’évaluation des coûts est alors faite en fonction de la déficience plutôt qu’en fonction de l’individu. Toutes les personnes atteintes d’une déficience donnée sont alors automatiquement exclues, même celles dont l’admission n’entraînerait pas, ou ne risquerait pas d’entraîner, un fardeau excessif pour les fonds publics.

 

[13]           Il est vrai que l’arrêt Hilewitz parle des coûts afférents aux services sociaux plutôt que des coûts afférents aux services de santé. Cependant, cette partie de l’arrêt, qui concerne la nécessité d’appréciations individualisées, vaut également, je crois, pour une évaluation médicale. Autrement dit, le médecin agréé commettrait une erreur s’il ne tenait pas compte de la situation personnelle du demandeur. Si l’évaluation médicale est viciée de la sorte, il s’ensuit que l’agente des visas aurait elle aussi erré en fondant sa décision sur un tel rapport.

 

[14]           L’autre facteur à prendre en compte est l’interaction du médecin agréé et de l’agente des visas. Même si la décision ultime appartient à l’agente des visas, celle-ci n’est pas une spécialiste de la santé. Compte tenu de l’arrêt Hilewitz (précité, paragraphe 70), le médecin agréé est tenu de faire une analyse complète de tous les facteurs, médicaux et non médicaux (le cas échéant). L’agente des visas doit alors examiner l’avis du médecin agréé pour s’assurer que tous les facteurs pertinents ont été pris en compte (voir la décision Sapru, précitée, paragraphe 24).

 

VI.       Le point n° 1 : L’évaluation faite par le médecin agréé était-elle individualisée et

            était‑elle raisonnable?                                                                                                          

 

[15]           Selon le demandeur, l’avis du médecin agréé résultait d’une évaluation générique, plutôt que de l’évaluation individualisée requise par l’arrêt Hilewitz. Il dit que le médecin agréé, qui n’est pas oncologue, n’a pas tenu compte de facteurs pronostiques individualisés essentiels et n’a pas répondu aux nombreux textes faisant autorité cités par le Dr Khodadad. Il n’avait aucune raison de conclure que le demandeur constituerait un fardeau excessif pour les services sociaux et services de santé du Canada. Plus précisément, le demandeur affirme que le médecin agréé n’a pas pris en compte le fait que :

 

                     la tumeur avait été découverte à la faveur d’un dépistage et non pas parce qu’il y avait des symptômes;

 

                     le demandeur, âgé de 65 ans, était en excellente santé et faisait régulièrement de l’exercice;

 

                     le demandeur était non fumeur;

 

                     la tumeur dépassait tout juste 3 cm.

 

[16]           Je ne crois pas que le rapport du 12 décembre 2007 du médecin agréé était générique plutôt qu’individualisé, au sens de l’arrêt Hilewitz. Un examen de l’avis du médecin agréé montre qu’il a pris en compte l’information soumise en réponse à la lettre d’équité – plus précisément, la lettre du demandeur et le rapport médical du Dr Khodadad.

 

[17]           Je ferais d’abord observer que l’évaluation médicale du demandeur a eu lieu au cours des quelques mois qui ont suivi le diagnostic initial et la première chirurgie. La tâche d’évaluer les risques de récurrence devenait ainsi plus difficile; il s’est écoulé trop peu de temps depuis l’opération pour que l’on sache à quoi s’en tenir. Le recours à l’information statistique contenue dans les publications médicales devient donc le seul moyen raisonnable d’évaluer les probabilités qu’il ait besoin plus tard de nouveaux traitements. Le fait que le médecin agréé se soit fondé sur de telles données statistiques ne fait pas nécessairement de l’évaluation une évaluation non personnalisée.

 

[18]           Point très important à souligner, le médecin agréé a effectivement tenu compte des autorités citées dan le rapport du Dr Khodadad et il a bien tenu compte de la situation médicale personnelle du demandeur. Il a reconnu que le demandeur se sent en [traduction] « excellente santé » et que, selon son dernier bilan de santé, il était [traduction] « exempt de maladie ». Il a aussi abordé les principaux arguments du Dr Khodadad :

 

                     le fait que [traduction] « le cancer du poumon du demandeur a été découvert par hasard (à la faveur de l’examen médical requis par l’Immigration) »;

 

                     le fait que, selon une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, les porteurs d’un cancer semblable à celui de M. Mazhari présentent sur 10 ans un taux de survie de 92 p. 100;

 

                     le fait que les procédures ordinaires et coûteuses que sont les tomographies par émission de positrons (TEP) ne sont pas nécessaires pour des tests de suivi.

 

[19]           À l’étude publiée dans le New England Journal of Medicine, sur laquelle se fondait le Dr Khodadad, le médecin agréé a répondu ce qui suit :

[traduction] […] la principale différence entre les patients visés dans cette étude et M. Mazhari est que les patients de l’étude subissaient régulièrement des tests de dépistage et que leurs cancers avaient été découverts « au tout début », la taille moyenne de la tumeur du poumon étant de 9 mm de diamètre à l’époque du diagnostic, alors que la tumeur de M. Mazhari présentait un diamètre de 35 mm à la date de la résection chirurgicale. Comme la taille de la lésion au poumon de M. Mazhari était beaucoup plus importante à la date de la résection, le risque de récurrence et de propagation de son cancer serait considéré beaucoup plus élevé que pour les patients compris dans l’étude susmentionnée. Comme il est indiqué dans la déclaration médicale, les patients porteurs d’un cancer du poumon de stade IB présentent sur cinq ans un taux de survie de 50 à 60 p. 100, et il ne s’agit ici que de survie, non de survie « sans maladie » (c’est‑à‑dire de survie sans récurrence), auquel cas le taux de survie sur cinq ans serait inférieur au pourcentage susmentionné de 50 à 60 p. 100.

 

 

 

[20]           Il ressort de l’extrait ci-dessus que le médecin agréé non seulement a tenu compte du rapport du Dr Khodadad, mais a appliqué au cas personnel du demandeur les conclusions de l’étude évoquée. S’agissant de l’avis du Dr Khodadad sur le recours à des TEP coûteuses, le médecin agréé croyait que, si des anomalies étaient découvertes dans les poumons du demandeur à la faveur de radiographies pulmonaires de routine, alors [traduction] « il faudrait certainement employer une imagerie médicale plus perfectionnée, par exemple la TEP et/ou le tomodensitogramme ».

 

[21]           Après examen du dossier médical tout entier, le médecin agréé a reconnu que le demandeur était porteur d’un cancer du poumon, qui avait été traité par chirurgie en mars 2007. Étant donné que le cancer en était au stade initial IB, le médecin agréé a exprimé l’avis que :

[traduction] […] au cours des cinq prochaines années, M. Mazhari nécessitera un suivi étroit et, malgré ce suivi, le risque de récurrence (au niveau local ou dans d’autres parties de l’organisme) de son cancer du poumon sera appréciable, ce qui nécessitera un surcroît de services de santé et de services sociaux, qui sont à la fois coûteux et très demandés.

 

[22]           Je déduis de ce qui précède que la décision du médecin agréé a été transparente et intelligible et qu’elle appartient à la gamme des issues acceptables. Il semble que le demandeur voudrait que la Cour apprécie à nouveau la preuve soumise au médecin agréé. Tel n’est pas le rôle de la Cour, en particulier lorsqu’il s’agit d’un diagnostic médical. Ainsi que l’écrivait le juge Mosley (dans la décision Sapru, précitée, au paragraphe 13) :

[...] les tribunaux de révision ou d’appel n’ont pas compétence pour tirer des conclusions de fait liées au diagnostic médical, mais qu’ils sont compétents pour examiner la preuve afin de savoir si l’avis des médecins agréés est raisonnable, compte tenu des circonstances de l’affaire.

 

[23]           En résumé, le médecin agréé a fait une évaluation individualisée et non pas une évaluation générique. Par ailleurs, sa conclusion était raisonnable compte tenu des circonstances du présent dossier. Il n’y a pas eu d’erreur donnant lieu à révision.

 

VII.     Le point n° 2 : L’agente des visas a-t-elle commis une erreur parce qu’elle n’a pas

            passé en revue l’intégralité du dossier médical?                                                                

 

[24]           Selon le demandeur, l’agente des visas a commis une erreur parce qu’elle n’a pas passé en revue l’intégralité de son dossier médical. Je ne le crois pas.

 

[25]           Comme je l’écrivais plus haut, l’agente des visas n’a pas la spécialisation requise pour évaluer l’état de santé du demandeur et les effets qu’il pourrait avoir sur les services de santé et les services sociaux au Canada. Selon l’article 20 du RIPR, l’agente des visas n’est pas nécessairement à même de passer outre aux conclusions du médecin agréé (décision Sapru, précitée, paragraphes 25 et 26). Il s’agit de savoir si l’agente des visas a suffisamment étudié l’avis du médecin agréé pour s’assurer que tous les facteurs pertinents ont été pris en compte. Cela ne signifie pas qu’elle doit examiner chacun des résultats d’analyse ou chacune des notations du médecin. La Cour doit plutôt se demander si l’agente des visas avait devant elle suffisamment de renseignements pour être en mesure de dire si tous les facteurs pertinents avaient été pris en compte par le médecin agréé.

 

[26]           Le demandeur souligne une jurisprudence de la Cour selon laquelle l’intégralité du dossier médical fait partie du dossier soumis à l’agent des visas (Ismaili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 100 F.T.R. 139 (1re inst.), 29 Imm. L.R. (2d) 1; Poste c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 140 F.T.R. 126 (1re inst.), 42 Imm. L.R. (2d) 84). Selon moi, ces précédents, et les faits sur lesquels ils étaient fondés, n’autorisent pas la conclusion avancée par le demandeur. Je me réfère d’ailleurs à la décision Fei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 C.F. 274 (1re inst.), au paragraphe 55, et à la décision Tong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. n° 1470 (QL) (1re inst.), aux paragraphes 5 et 6, où le juge Heald avait conclu, dans les deux cas, que l’agent des visas n’était pas tenu d’examiner l’intégralité du dossier médical d’un demandeur. Même si les décisions Ismaili et Poste peuvent être vues comme favorisant la position avancée par le demandeur, je constate qu’elles sont antérieures aux éclaircissements apportés par les tribunaux (y compris la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hilewitz) à propos des obligations respectives du médecin agréé et de l’agent des visas.

 

[27]           En l’espèce, je suis d’avis que l’agente des visas avait devant elle une preuve suffisante qui lui permettait de conclure comme elle l’a fait. Dans son affidavit, elle écrivait ce qui suit :

[traduction] Le 20 juillet 2008, j’ai examiné l’intégralité du dossier. J’ai passé en revue l’évaluation médicale initiale rédigée par le Dr Gollish, les conclusions du demandeur en réponse à la lettre d’équité procédurale, ainsi que l’évaluation médicale faite par le Dr Gollish après examen des conclusions du demandeur. Tout cela m’a persuadée que, pour arriver à son évaluation, le Dr Gollish avait pris en compte toutes les conclusions du demandeur durant son examen des documents. Il n’y a eu, au vu du dossier, aucune erreur évidente pouvant me conduire à mettre en doute l’évaluation. J’ai aussi examiné le courriel de Cecil Rotenberg daté du 15 juillet 2008, pour m’assurer que toute l’information fournie par le demandeur a bien été prise en compte avant qu’une décision ne soit rendue.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[28]           Le dossier médical détaillé ne renferme tout simplement rien qui aurait pu ajouter véritablement à la conclusion de l’agente des visas, ou qui aurait pu la modifier. Il n’y a pas eu d’erreur.

 

VIII.    Les questions certifiées

 

[29]           Le demandeur propose que soient certifiées trois questions :

 

a)                  Les paragraphes 54 à 57 de l’arrêt Hilewitz de la Cour suprême du Canada, précité, obligent‑ils le médecin agréé à se renseigner activement sur la santé du demandeur avant d’arriver à une conclusion, et la conclusion du médecin agréé doit-elle ensuite être transmise à la fois à l’agent des visas et au demandeur, motifs à l’appui, en vue de sa possible réfutation pour raison d’équité?

b)                  Lorsqu’est donné un avis préliminaire (les mots employés dans la lettre d’équité) sans que soit faite une évaluation individualisée, la procédure d’équité appliquée par l’agent des visas offre-t-elle la possibilité de corriger cette déficience?

 

c)                  Le paragraphe 61 de la décision Poste, précitée, rend-il compte de l’état du droit, et la simple déclaration selon laquelle le médecin agréé a examiné les réponses du demandeur à la lettre d’équité, sans modifier son avis initial et sans répondre aux arguments contraires contenues dans les réponses du demandeur, satisfait-elle à l’équité procédurale ou à la justice naturelle?

 

[30]           Si, pour la première question, il s’agit simplement de savoir si une évaluation individualisée est requise, la jurisprudence a répondu à cette question par l’affirmative, notamment dans l’arrêt Hilewitz. Cette question n’a pas à être certifiée. Subsidiairement, le demandeur semble affirmer qu’il doit y avoir une consultation active entre le médecin agréé et le médecin du demandeur avant l’avis préliminaire énoncé dans la lettre d’équité. Ni la jurisprudence ni l’équité ne requièrent une telle consultation. Il n’est pas nécessaire de certifier cette question.

 

[31]           La réponse à la deuxième question ressort aussi d’un examen de la jurisprudence et de la procédure suivie dans ces cas par le médecin agréé et l’agent des visas. L’avis préliminaire du médecin agréé n’est pas susceptible de contrôle judiciaire. En fait, l’objet de la lettre d’équité est simplement de permettre au demandeur de fournir des renseignements individualisés et une contre‑preuve, dont le médecin agréé doit alors tenir compte. Il n’est pas nécessaire de certifier cette question.

[32]           La troisième question ne se pose pas au vu des faits dont il s’agit en l’espèce. Dans son avis définitif, le médecin agréé répondait aux conclusions du Dr Khodadad. La simple existence d’un avis contraire n’oblige pas le médecin agréé à modifier sa position; il arrive souvent que des experts en médecine soient en désaccord. Si le médecin agréé répond aux contre-preuves, s’il considère le cas personnel du demandeur et si son avis est rationnel, la Cour n’interviendra pas. Il n’est pas nécessaire de certifier la question.

 

[33]           Finalement, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question de portée générale ne sera certifiée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

2.                  aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 

 


ANNEXE A

 

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27

 

Motifs sanitaires

 

38. (1) Emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour motifs sanitaires l’état de santé de l’étranger constituant vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

 

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

Définitions

 

1. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la Loi et au présent règlement.

 

[. . .]

 

« fardeau excessif » Se dit : 

 

a)         de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé dont le coût prévisible dépasse la moyenne, par habitant au Canada, des dépenses pour les services de santé et pour les services sociaux sur une période de cinq années consécutives suivant la plus récente visite médicale exigée par le présent règlement ou, s’il y a lieu de croire que des dépenses importantes devront probablement être faites après cette période, sur une période d’au plus dix années consécutives;

 

 

 

b)         de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé qui viendrait allonger les listes d’attente actuelles et qui augmenterait le taux de mortalité et de morbidité au Canada vu l’impossibilité d’offrir en temps voulu ces services aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents.

 

 

« services de santé » Les services de santé dont la majeure partie sont financés par l’État, notamment les services des généralistes, des spécialistes, des infirmiers, des chiropraticiens et des physiothérapeutes, les services de laboratoire, la fourniture de médicaments et la prestation de soins hospitaliers. 

 

« services sociaux » Les services sociaux — tels que les services à domicile, les services d’hébergement et services en résidence spécialisés, les services d’éducation spécialisés, les services de réadaptation sociale et professionnelle, les services de soutien personnel, ainsi que la fourniture des appareils liés à ces services : 

 

a)         qui, d’une part, sont destinés à aider la personne sur les plans physique, émotif, social, psychologique ou professionnel;

 

 

b)         dont, d’autre part, la majeure partie sont financés par l’État directement ou par l’intermédiaire d’organismes qu’il finance, notamment au moyen d’un soutien financier direct ou indirect fourni aux particuliers.

 

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

 

Health grounds

 

38. (1) A foreign national is inadmissible on health grounds if their health condition

 

. . .

 

(c)        might reasonably be expected to cause excessive demand on health or social services.

 

 

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

 

Definitions

 

1. (1) The definitions in this subsection apply in the Act and in these Regulations.

 

. . .

 

“excessive demand” means 

 

(a)        a demand on health services or social services for which the anticipated costs would likely exceed average Canadian per capita health services and social services costs over a period of five consecutive years immediately following the most recent medical examination required by these Regulations, unless there is evidence that significant costs are likely to be incurred beyond that period, in which case the period is no more than 10 consecutive years; or

 

 

 

 

(b)        a demand on health services or social services that would add to existing waiting lists and would increase the rate of mortality and morbidity in Canada as a result of an inability to provide timely services to Canadian citizens or permanent residents.

 

 

 

“health services” means any health services for which the majority of the funds are contributed by governments, including the services of family physicians, medical specialists, nurses, chiropractors and physiotherapists, laboratory services and the supply of pharmaceutical or hospital care. 

 

 “social services” means any social services, such as home care, specialized residence and residential services, special education services, social and vocational rehabilitation services, personal support services and the provision of devices related to those services, 

 

 

 

(a)        that are intended to assist a person in functioning physically, emotionally, socially, psychologically or vocationally; and

 

(b)        for which the majority of the funding, including funding that provides direct or indirect financial support to an assisted person, is contributed by governments, either directly or through publicly-funded agencies.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3992-08

 

INTITULÉ :                                      HASHEM MAZHARI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 21 AVRIL 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     LE 29 AVRIL 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Cecil L. Rotenberg

POUR LE DEMANDEUR

 

David Joseph

Jamie Todd

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cecil L. Rotenberg, c.r.

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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