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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100506

Dossier : T-2241-95

Référence : 2010 CF 501

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

MARGARET HORN

demanderesse

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

           

défenderesse

 

ABORIGINAL LEGAL SERVICES OF TORONTO

 

intervenante

 

et

 

 

Dossier : T-2242-95

ENTRE :

SANDRA WILLIAMS

demanderesse

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

défenderesse

 

ABORIGINAL LEGAL SERVICES OF TORONTO

Intervenante

 

 

 

TAXATION DES DÉPENS – MOTIFS

Bruce Preston

Officier taxateur

 

[1]               Dans les motifs du jugement et le jugement qu’elle a prononcés le 16 octobre 2007, la Cour a accordé à la défenderesse des dépens partie-partie, séparément, contre chaque demanderesse.

 

 

[2]               Dans une lettre datée du 23 décembre 2009, la défenderesse a demandé que soit faite la taxation du mémoire de frais du 6 juillet 2009 sur la foi d’observations écrites.

 

[3]               Conformément à la directive du 12 février 2010, les parties ont déposé leurs observations concernant les dépens.

 

[4]               Il ressort de la correspondance déposée qu’il y aurait eu au moins trois versions du mémoire de frais et que, malgré des tentatives répétées, les parties n’ont pas réussi à régler la question des dépens. En outre, après avoir examiné les observations des parties, il est évident que seules les deux questions suivantes me sont soumises :

1.                                                                               Les dépens devraient-ils être taxés selon le montant minimal prévu à la colonne III en raison de l’intérêt public?

2.                                                                               Les débours réclamés pour le rapport du professeur Beaulieu devraient-ils être accordés?

 

La colonne III

[5]               Les demanderesses soutiennent que, conformément à l’alinéa 400(3)h) des Règles des Cours fédérales, un officier taxateur peut tenir compte du fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens. À l’appui de cette position, les demanderesses citent la décision Harris c. Canada, 2001 CFPI 1408, au paragraphe 222 :

222     Dans le document intitulé : Report on Standing (Toronto : Ministère du procureur général, 1989), la Commission de réforme du droit de l’Ontario a proposé certains critères permettant de déterminer les circonstances dans lesquelles les dépens ne devraient pas être adjugés à l’encontre d’une personne qui se lance dans un litige d’intérêt public. Il s’agit des critères ci-après énoncés :

a)  l’instance se rapporte à des questions dont l’importance s’étend au-delà des intérêts immédiats des parties en cause;

b)  la personne en cause n’a aucun intérêt personnel, propriétal ou pécuniaire dans le résultat de l’instance ou, si elle en a un, cela ne justifie clairement pas l’introduction de l’instance sur le plan financier;

c)  aucun tribunal n’a déjà statué sur les questions en litige dans une instance contre le même défendeur;

d)  le défendeur est clairement davantage en mesure de supporter les dépens de l’instance;

e)  le demandeur n’a pas agi d’une façon vexatoire, futile ou abusive.

 

[6]               Les demanderesses se fondent sur les critères a), d) et e) pour soutenir que les dépens devraient être taxés à partir des valeurs minimales prévues à la colonne III.

 

[7]               En ce qui a trait au critère a), les demanderesses soutiennent que leurs affaires ont été choisies à titre de causes types à soumettre à la Cour fédérale. En outre, les demanderesses font valoir ce qui suit :

[traduction]

 

Les actions des demanderesses se rapportaient au critère visant à déterminer si le revenu d’emploi d’un Indien inscrit est « situé[…] sur une réserve » au sens de l’article 87 de la Loi sur les Indiens et est donc exempté de taxation. La Cour canadienne de l’impôt a décrit le droit relatif à l’application de l’article 87 de la Loi sur les Indiens comme étant subjectif et entraînant des résultats imprévisibles. Les affaires des demanderesses visaient à clarifier ce domaine du droit, qui était incertain à l’époque et l’est encore aujourd’hui. La recherche d’une telle clarification est de toute évidence dans le plus grand intérêt public, surtout du fait qu’il s’agit d’une affaire qui vise le gagne‑pain et la planification fiscale des Indiens inscrits partout au Canada.

 

 

[8]               En ce qui concerne les critères d) et e), les demanderesses soutiennent qu’elles sont des particuliers contribuables et qu’elles n’ont pas agi de manière répréhensible.

 

[9]               En réponse aux observations des demanderesses, la défenderesse affirme ce qui suit :

[traduction]

 

L’entente relative aux causes types à laquelle les demanderesses font référence dans leurs observations est entrée en vigueur lors du dépôt unilatéral de quatre déclarations devant la Section de première instance de la Cour fédérale à l’automne 1995 au nom de Vicky Clarke, de Margaret Horn, de Margaret Taibossigai et de Sandra Williams, afin de déterminer si le revenu d’emploi des contribuables était exempté de taxation en vertu de l’article 87 de la Loi sur les Indiens. Les parties ont convenu de faire entendre quatre causes types, étant entendu que les quatre causes seraient représentatives de toutes les situations des employés d’OI/NLS. L’affaire Taibossigai a subséquemment été remplacée par l’affaire Rachel Shilling et l’affaire Clarke a été réglée ultérieurement.

 

Rachel Shilling

 

La Section de première instance de la Cour fédérale a déterminé que Mme Shilling avait droit à une exemption de son revenu provenant de NLS en vertu de l’article 87. La Couronne a porté la décision en appel devant la Cour d’appel fédérale qui a accueilli l’appel de la Couronne le 4 juin 2001. Mme Shilling a demandé l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada et la première demande d’autorisation de pourvoi de Mme Shilling a été rejetée le 14 mars 2002.

 

[10]           La défenderesse soutient en outre que le critère des facteurs de rattachement relatifs à l’exemption de l’article 87 est déjà bien établi et qu’il est appliqué de manière universelle par la Cour d’appel fédérale depuis que la Cour suprême du Canada s’est prononcée dans l’affaire Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877.

 

[11]           En outre, la défenderesse affirme que les demanderesses ont poursuivi leurs appels même si l’affaire Shilling avait été tranchée, qu’aucun autre employé de NLS/OI ne s’estimait lié par la décision Shilling et que chaque employé souhaitait que les faits qui lui sont propres ainsi que sa situation particulière soient présentés en appel pour être entendus de manière individuelle par la Cour canadienne de l’impôt.

 

[12]           Pour conclure sur ce point, la défenderesse allègue que Native Leasing Service appuyait, au moyen de retenues salariales, l’Aboriginal and Treaty Rights Defence Fund qui servait à financer les contestations à la taxation des revenus d’emploi d’Indiens inscrits. L’avocat soutient que les demanderesses sont bien appuyées en ce qui a trait à leur capacité de payer les dépens.

 

[13]           Le 27 avril 2010, l’avocat des demanderesses a présenté une lettre rédigée en réponse aux observations de la défenderesse dans laquelle il se dit en désaccord avec la prétention de cette dernière selon laquelle les ressources financières de Native Leasing Services (NLS) devraient être prises en compte dans la détermination de la capacité des demanderesses de payer les dépens. L’avocat affirme qu’une adjudication de dépens ayant pour cible les ressources financières de NLS aurait l’effet d’une douche froide sur les autres organismes qui viennent en aide aux particuliers plaideurs. L’avocat invoque la décision Pauli c. ACE INA Insurance Co., 2004 ABCA 253, à l’appui de cet argument.

 

[14]           Bien que je sois d’avis que les observations formulées dans la lettre du 27 avril 2010 ne devraient pas être prises en compte, puisqu’elles échappent aux dispositions de la directive du 12 février 2010, cela importe peu, car le sujet traité dans la lettre n’est pas déterminant quant à la question de l’intérêt public.

 

[15]           Dans leurs observations, les demanderesses renvoient aux parties a), d) et e) d’un critère à cinq volets qui doit être appliqué pour décider s’il existe des critères permettant de déterminer qu’une question est d’intérêt public. Selon les critères présentés par les demanderesses, on peut soutenir que l’affaire dont je suis saisi pourrait être d’intérêt public. Même si elles n’en font pas mention, les demanderesses pourraient aussi invoquer la partie b) du critère; toutefois, c’est la partie c) qui est déterminante quant à la question en l’espèce.

 

[16]           La partie c) du critère énoncé dans la décision Harris (précitée) exige qu’aucun tribunal n’ait déjà statué sur les questions en litige dans une instance contre le même défendeur. Au paragraphe 89 des Motifs du jugement et jugement, la Cour s’exprime ainsi :

La question des activités de NLS et du droit à l’exonération d’impôt de ses employés a été examinée par la Cour d’appel fédérale dans Shilling. En dépit du fait que cette affaire se distingue d’une certaine manière de la présente affaire en ce qu’il a depuis été remédié à certaines des lacunes qui avaient été relevées par la Cour au plan de la preuve (la question de savoir quels aspects de l’entreprise de NLS sont menés dans la réserve, celle de savoir si les employés sont des résidents de la réserve et celle de savoir quels avantages la réserve en tire), le point de vue de la Cour d’appel et les commentaires qu’elle a formulés sur les facteurs clés lient la Cour.

 

 

[17]           Il est évident que les questions ont déjà été déterminées par un tribunal dans une instance contre le même défendeur et c’est la raison pour laquelle la prétention des demanderesses selon laquelle les affaires en cause sont d’intérêt public n’est pas acceptée.

 

[18]           Ayant conclu qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une affaire dans laquelle l’intérêt public est un facteur quant à la détermination des dépens et comme les demanderesses n’ont pas présenté d’observations concernant les divers articles réclamés, j’ai examiné les articles réclamés par la défenderesse et je conclus que le nombre d’unités réclamées pour chaque article est raisonnable dans les circonstances de la présente affaire.

Professeur Beaulieu

[19]           Les demanderesses font valoir que le rapport du professeur Beaulieu ne visait pas uniquement la présente affaire et était essentiellement le même que le rapport déposé dans l’affaire Benoit c. Canada. Les demanderesses soutiennent également ce qui suit :

[traduction]

 

En effet, dans sa lettre d’instructions du 5 août 2005 adressée au professeur Beaulieu, la défenderesse […] mentionne le risque de dédoublement avec le rapport déposé dans l’affaire Benoit et déclare ce qui suit : « Nous avons examiné votre opinion dans l’affaire Benoit. Nous estimons que cette opinion vise en grande partie la question qui nous préoccupe. » En outre, en contre‑interrogatoire lors du procès […] le professeur Beaulieu a confirmé que, du point de vue historique, le rapport déposé dans le cadre des affaires Horn et Williams était « à peu près le même » que le rapport déposé dans l’affaire Benoit.

 

 

[20]           Les demanderesses font également valoir que l’analyse historique faite dans la présente affaire est essentiellement identique à l’analyse fournie dans Benoit et qu’il n’est pas raisonnable de la réclamer dans les débours en l’espèce.

 

[21]           Les demanderesses invoquent la décision Biovail Corporation c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 2007 CF 767, à l’appui de leur argument selon lequel la première facture du professeur Beaulieu se rapportait à sa recherche en général et donc n’aurait pas dû être réclamée dans chaque mémoire de frais.

 

[22]           En réponse, la défenderesse soutient que [traduction] « le rapport d’expert rédigé par le professeur Beaulieu pour la présente instance, bien qu’il soit de nature semblable à son rapport précédent, visait précisément les circonstances des affaires Horn et Williams ».

 

[23]           Bien que la défenderesse affirme qu’il y a des différences entre le rapport antérieur déposé dans Benoit et le rapport déposé en l’espèce, elle n’a pas fourni de preuve quant à la nature de ces différences.

 

[24]           Par ailleurs, les demanderesses ont fourni des références précises laissant entendre que les rapports étaient « à peu près les mêmes ». Dans les circonstances, j’appliquerai la décision de l’officier taxateur dans la décision Conseil national des femmes métisses c. Canada (Procureur général), 2007 CF 961, au paragraphe 21 :

[…] Moins il y a d’éléments de preuve produits, plus la partie réclamante est liée par l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’officier taxateur, qui doit être conservateur par souci d’austérité en matière de taxation des dépens, afin d’éviter que le payeur des dépens ne subisse un préjudice. […]

 

 

[25]           Comme la défenderesse n’a pas produit de preuve pour réfuter la preuve des demanderesses, les 3 904,61 $ réclamés dans chaque dossier à l’égard de la nouvelle recherche ne sont pas accordés.

 

[26]           La défenderesse a demandé que la valeur unitaire soit rajustée afin de refléter la valeur unitaire en vigueur du tarif B de 130,00 $. Comme la valeur unitaire qu’il convient d’utiliser pour la taxation est celle qui est en vigueur au moment de la taxation, la demande est accueillie.

 

[27]           Pour les motifs susmentionnés, les mémoires de frais sont accordés au montant de 47 739,23 $ (T-2241-95) et de 47 304,97 $ (T-2242-95) respectivement. Des certificats de taxation seront émis dans ces dossiers.

   « Bruce Preston »

Officier taxateur

 

Toronto (Ontario)

Le 6 mai 2010

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                      T-2241-95 / T-2242-95

 

INTITULÉS :                                     MARGARET HORN c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

                                                            SANDRA WILLIAMS c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER, SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

LIEU DE TAXATION :                                                        TORONTO (ONTARIO)

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :                   BRUCE PRESTON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 6 MAI 2010

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Maxime Faille

POUR LES DEMANDERESSES

 

John Shipley

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Myles Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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