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Cour fédérale

 

 

Federal Court


Date : 20100510

Dossier : IMM-2751-09

Référence : 2010 CF 504

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2010

En présence de monsieur le juge Mainville

 

 

ENTRE :

 

MARIA MARTELI MEDINA

 

demanderesse

et

 

 

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu des articles 72 et suivants de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), par laquelle Mme Maria Marteli Medina (la demanderesse) demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 11 mai 2009 par Janice Gallant, agente d’immigration (l’agente), qui rejette une demande faite fondée sur le paragraphe 25(1) de la Loi visant à accueillir la demande de résidence permanente de la demanderesse pour des motifs humanitaires.

 

[2]               Pour les motifs énoncés ci-après, la présente demande sera rejetée.

 

[3]               Les dispenses prévues au paragraphe 25(1) de l’application des exigences de la Loi sont discrétionnaires et exceptionnelles. Dans le présent dossier, la demanderesse devait s’acquitter d’un fardeau de la preuve très lourd, c’est-à-dire qu’elle devait démontrer que l’agente avait procédé à une évaluation déraisonnable. L’agente a pris en compte les facteurs qui lui ont été présentés par la demanderesse, dont l’impact de la décision sur la demanderesse et son enfant et sur la colocataire de la demanderesse et l’enfant de la colocataire, et a conclu qu’ils ne suffisaient pas pour justifier une dispense de l’application de la Loi. Cette décision était raisonnable dans les circonstances de l’espèce.

 

Contexte

[4]               La demanderesse est une citoyenne du Mexique née en janvier 1987. Elle est entrée au Canada pour la première fois en 2005 pour étudier. Elle était alors âgée de 18 ans. Elle a finalement revendiqué le statut de réfugiée en juillet 2007, mais sa demande a été rejetée en août 2008 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La demanderesse a ensuite présenté, en novembre 2008, une demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires (la « demande CH ») alors qu’elle se trouvait au Canada.

 

[5]               Dans sa demande CH, la demanderesse a fait valoir qu’elle s’était fait une vie au Canada avec son amie Daniela Alonso, avec laquelle elle partageait un logement. La demanderesse et Mme Alonso entretiennent une relation platonique. Toutefois, la demanderesse aide Mme Alonso et le plus jeune enfant de cette dernière sur les plans financier et émotif. La demanderesse était enceinte elle-même lorsque la demande CH a été présentée et elle a finalement donné naissance à un enfant qui vit maintenant avec elle et sa colocataire.

 

[6]               La demanderesse a rencontré Mme Alonso en 2006 et elles se sont liées d’amitié. Ce n’est cependant qu’en mai 2008 qu’elles ont emménagé ensemble dans un logement qu’elles ont loué à titre de colocataires à Halifax. Elle soutient qu’elle-même, sa colocataire et leurs enfants entretiennent une relation étroite, attentionnée et de soutien qui ne devrait pas être rompue.

 

[7]               Mme Alonso a elle-même été admise au Canada à titre de revendicatrice du statut de réfugié et elle est devenue résidente permanente en 2006. Elle a soumis des déclarations faites à l’agente dans lesquelles elle confirme sa relation étroite, mais platonique avec la demanderesse, et sa dépendance envers l’aide financière et le soutien émotif de la demanderesse.

 

[8]               La demanderesse et Mme Alonso ont insisté pour passer une entrevue avec l’agente afin de lui faire la preuve de leur relation étroite, et cette demande a finalement été acceptée. L’entrevue a eu lieu le 2 avril 2009. Dans son affidavit, la demanderesse fait valoir que pendant l’entrevue, l’agente s’est fait demander si elle avait besoin d’autres documents et elle a répondu qu’aucun autre document n’était nécessaire. La demanderesse soutient également que l’agente lui a dit de ne pas se soucier de sa demande CH et de se concentrer sur son rôle de nouvelle mère. La demanderesse fait valoir que sur la foi de ces déclarations, elle a décidé de ne pas fournir de nouveaux documents pour étayer sa demande CH.

 

 

Décision contestée

[9]               Dans sa décision, l’agente a formulé l’opinion selon laquelle les motifs d’ordre humanitaire étaient insuffisants pour approuver la demande de dispense. Les motifs principaux de cette conclusion étaient énoncés comme suit dans sa décision :

[TRADUCTION]

La demanderesse demande une dispense d’application des critères de sélection applicables alors que l’intéressée se trouve au Canada pour des considérations humanitaires ou d’intérêt public afin de faciliter le traitement de la demande de résidence permanente faite à partir du Canada. Il incombe à la demanderesse de convaincre le décideur que sa situation personnelle est telle que la difficulté d’obtenir un visa de résidente permanente de l’extérieur du Canada de la façon habituelle serait i) inhabituelle et injustifiée ou ii) excessive.

Les motifs d’ordre humanitaire de la demanderesse reposent sur :
Les relations personnelles « étroites » de la cliente avec sa « marraine » et l’enfant de cette dernière, c’est-à-dire des gens qu’elle considère comme des membres de sa famille. Elle estime qu’il y aurait des difficultés si ces relations étaient rompues.


Relations familiales ou personnelles


La cliente a tissé des liens de codépendance avec sa « marraine », avec laquelle, selon ses dires, elle est amie depuis son retour du Mexique au cours de l’été 2006. La cliente et la « marraine » ont toutes deux déclaré qu’elles ne vivent pas de relation conjugale. La cliente affirme qu’elles forment une famille et qu’elles doivent demeurer ensemble, car elles comptent l’une sur l’autre des points de vue financier et émotif. Toutefois, elles ne répondent pas à la définition de « catégorie du regroupement familial ». Même si je comprends à quel point leur relation est étroite, il semble que ce serait la « marraine » qui souffrira le plus de la séparation, notamment du point de vue financier, car la cliente est le seul soutien de famille. Si la cliente devait quitter le Canada, la « marraine » devrait trouver d’autres façons de subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant. Je ne suis pas convaincue qu’un retour à la maison au Mexique représenterait pour la cliente une difficulté inhabituelle et injustifiée, ou excessive, qui justifie une dispense pour des considérations de nature humanitaire.


Degré d’établissement

 
En ce qui concerne les liens de la cliente et son degré d’établissement au Canada depuis son arrivée en septembre 2005, elle a fourni des éléments de preuve établissant qu’elle occupait un emploi rémunéré depuis près d’un an lorsqu’elle est partie en congé de maternité. Je conclus que la cliente n’a pas établi que la rupture de ce lien aurait un effet négatif important au point de constituer une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive.


L’intérêt supérieur des enfants

 
En ce qui a trait à l’intérêt supérieur des enfants concernés, je reconnais qu’il y aura certains effets préjudiciables du fait de la séparation de la cliente et de l’enfant de la « marraine », enfant auprès de laquelle elle agit comme parent depuis près d’un an maintenant. Toutefois, le père de l’enfant vit dans la région et l’enfant le voit, quoique les visites ne soient pas régulières, d’après la déclaration de la « marraine ».


Il n’y a eu ni affirmation ni élément de preuve étayant une prétention selon laquelle la nouveau-née de la cliente subirait des effets préjudiciables si elles devaient retourner au Mexique. Il n’y a pas eu de preuve établissant que le père a présenté une demande de visite ou de garde ni que le père donne du soutien financier à cet enfant. Aucun obstacle médical n’empêcherait un retour au Mexique de la cliente et (ou) de son enfant.

 
J’ai pris en compte l’intérêt supérieur des deux enfants en cause dans ce dossier et je conclus que la cliente n’a pas établi que sa réinstallation dans son pays d’origine aurait des répercussions défavorables importantes sur les enfants qui seraient équivalentes à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

Retour au Mexique

 

Je reconnais qu’il sera difficile de retourner au Mexique pour la cliente et que ses options d’immigration au Canada sont peut-être limitées. Toutefois, c’est réalisable. La cliente possède un passeport mexicain valide et aucun élément de preuve n’indique qu’un nouveau passeport ne pourrait être obtenu pour son enfant. Elle a encore de la famille au Mexique et n’a pas quitté son pays d’origine depuis tellement longtemps qu’elle ne serait pas en mesure de réintégrer son milieu initial. Toutefois, le fait que la cliente ne remplirait vraisemblablement pas les conditions de la « catégorie du regroupement familial » et pourrait avoir de la difficulté à remplir celles de la « catégorie de l’immigration économique » ne représente pas une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive. Il s’agit d’une situation à laquelle font face de nombreuses personnes dans des circonstances similaires.

 

 

Conclusion

 

J’ai tenu compte de toute l’information concernant l’ensemble de cette demande. Ayant étudié et pris en compte les motifs invoqués par la cliente comme motifs de dispense, je ne suis pas d’avis qu’ils représentent des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Je ne suis donc pas convaincue qu’il existe des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour approuver cette demande de dispense.

 

La demande est rejetée.

 

Nom de la décideure : Janice Gallant

CIC Halifax

 

Position de la demanderesse

[10]           Dans ses observations écrites, la demanderesse soulève deux questions principales :

(a)    L’agente a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la preuve; plus particulièrement, a-t-elle omis d’être réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur des enfants qui seraient touchés par la décision?

(b)   L’agente a-t-elle manqué à l’équité procédurale en refusant à la demanderesse une occasion de répondre après que l’agente eut (prétendument) changé d’avis au sujet de l’issue de la demande?

 

[11]           La demanderesse fait valoir que la première question n’a rien à voir avec l’appréciation de la preuve, mais soulève plutôt certaines réserves quant à l’omission de l’agente d’avoir pris en compte l’intérêt supérieur de sa colocataire et de l’enfant de celle-ci, en violation des exigences du paragraphe 25(1) de la Loi. L’agente a seulement tenu compte de l’impact d’une décision négative sur la demanderesse et son enfant, et a négligé ou refusé de bien prendre en considération l’impact de la décision sur la colocataire et l’enfant de celle-ci, et ce même si l’agente a reconnu que l’impact peut être considérable.

 

[12]           En ce qui concerne la deuxième question, soit celle de l’équité procédurale, la demanderesse prétend qu’à l’entrevue, l’agente a fait part de son point de vue sur le bien-fondé de la demande CH,  a donné l’impression que l’issue serait favorable et a donné instruction à la demanderesse de ne pas fournir d’autres renseignements. Résultat, cela a procuré à la demanderesse un sentiment de fausse sécurité et elle n’a donc pas fourni de documents additionnels comme :

(a)    ses déclarations à jour et celles de sa colocataire et des photographies prises depuis la naissance de sa fille;

(b)   des renseignements à jour au sujet du harcèlement par l’ancien ami de coeur de la colocataire;

(c)    des renseignements à jour au sujet du programme scolaire et de la situation professionnelle de la colocataire et des projets d’avenir de la demanderesse et de sa colocataire.

 

[13]           Après que la décision eut été communiquée à la demanderesse, celle-ci a également demandé le réexamen du dossier par l’agente en raison des renseignements additionnels décrits précédemment. L’agente a rejeté cette demande. La demanderesse fait valoir que l’agente a commis une erreur de droit en tranchant en ce sens, car il a été établi que le principe du functus officio ne s’applique pas à une décision d’ordre humanitaire dans Kurukkal c. Canada, 2009 CF 695.

 

Position du ministre

[14]           Le ministre fait observer que, selon la Loi, un ressortissant étranger doit demander la résidence permanente à partir de l’extérieur du Canada. Par conséquent, une demande de dispense fondée sur des considérations humanitaires en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi constitue une mesure exceptionnelle qui nécessite l’établissement de circonstances extraordinaires ou inhabituelles. En l’espèce, l’agente a considéré les facteurs qui lui ont été présentés et les a jugés insuffisants pour justifier la dispense. Cette décision était raisonnable dans les circonstances de la présente affaire.

 

[15]           Le ministre soutient que la décision de l’agente de ne pas réexaminer sa décision CH après avoir reçu la demande en ce sens de la demanderesse ne relève pas de la présente demande de contrôle judiciaire et ne devrait pas être examinée par la Cour à la lumière de l’article 302 des Règles des Cours fédérales (les Règles). L’article 302 prévoit que sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée.

 

[16]           En ce qui concerne l’argument de l’équité procédurale invoqué par la demanderesse, le ministre prétend que c’est la demanderesse qui a piégé l’agente avec ses questions de savoir si des renseignements additionnels étaient nécessaires. Il incombait à la demanderesse de présenter les renseignements qu’elle jugeait appropriés. La demanderesse ne pouvait être tout simplement soulagée de ce fardeau en demandant à l’agente si elle avait besoin de renseignements supplémentaires. Quoi qu’il en soit, dans les faits, la demanderesse a soumis tous les éléments de preuve qu’elle jugeait adéquats.

 

[17]           En outre, contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, l’agente en l’espèce ne s’est pas engagée à rendre une décision favorable. Au mieux, c’est l’interprétation que la demanderesse a elle-même donné de déclarations anodines qui l’a amené à croire à une issue favorable. Dans les faits, les attentes de la demanderesse ne reposaient sur aucun fondement objectif. Quoi qu’il en soit, même si des garanties avaient été données, ce qui est nié, la demanderesse ne disposait d’aucun nouvel élément de preuve pertinent à produire après l’entrevue ; la demanderesse n’a donc subi aucun préjudice.

 

[18]           En ce qui concerne le bien-fondé de la décision, l’agente examinait une demande CH sur la base de l’existence d’une relation platonique entre deux colocataires de fraîche date qui partageaient un appartement depuis moins de sept mois lorsque la demande a été soumise pour la première fois.

 

[19]           Néanmoins, l’agente a pris en compte l’intérêt supérieur des enfants en cause. Elle a conclu que l’enfant de la demanderesse était une nouveau-née ne souffrant pas de troubles médicaux, et que le père ne s’intéressait pas à son éducation. Par conséquent, l’agente a raisonnablement conclu que l’enfant pouvait se rendre au Mexique pour y résider avec sa mère et sa famille élargie si la demande était rejetée.

 

[20]           L’agente n’avait pas l’obligation juridique de le faire, mais elle a également tenu compte de l’intérêt supérieur de la colocataire et de son enfant. Elle a conclu que la demanderesse n’avait pas de liens biologiques avec l’enfant et que le père de l’enfant vivait à proximité, quoiqu’il ne la voyait pas régulièrement. Elle a néanmoins tenu compte de l’impact de la décision sur la colocataire et son enfant et a conclu qu’il était insuffisant pour équivaloir à une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive qui justifierait d’accorder la demande de résidence permanente de la demanderesse pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

Cadre législatif

[21]           Les dispositions pertinentes de la Loi aux fins du présent contrôle judiciaire sont les paragraphes 11(1) et 25(1), qui sont ainsi rédigés :

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite

d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative ou sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative or on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

 

 

Norme de contrôle

[22]           Le paragraphe 25(1) de la Loi confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d’accorder une dispense de l’application de tout critère ou obligation de la Loi si le ministre estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à un étranger le justifient. Dans une procédure de contrôle judiciaire qui touche des décisions discrétionnaires rendues par des organismes administratifs, la norme à appliquer est généralement celle de la raisonnabilité : « [e]n présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, la retenue s’impose habituellement d’emblée (Mossop, aux p. 599-600; Dr. Q, au par. 29; Suresh, aux par. 29-30) » : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 53 [Non souligné dans l’original.].

 

[23]           Avant l’arrêt Dunsmuir, et selon l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 57 à 62, les décisions concernant les dispenses ministérielles discrétionnaires basées sur des considérations humanitaires étaient réputées susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable simpliciter. Cette norme a depuis été fondue en une seule forme d’examen de la raisonnabilité : Dunsmuir, précité, au paragraphe 45. Par conséquent, c’est la norme que je dois appliquer pour revoir la décision de l’agente : voir Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, [2008] A.C.F. no 814 (QL), aux paragraphes 10 à 13.

 

[24]           Toutefois, la demanderesse en l’espèce allègue également qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale. En règle générale, les principes de justice naturelle et d’équité procédurale doivent être revus sur la base de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43. Comme l’indique la Cour d’appel fédérale dans Skechtley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056 (QL), au paragraphe 53 :

Selon l’arrêt SCFP [Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539], la cour de révision doit, lorsqu’elle examine une décision contestée pour des motifs d’équité procédurale, isoler les actes ou omissions qui touchent à l’équité procédurale (au paragraphe 100). La question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation.

 

 

[25]           En l’espèce, la demanderesse a soulevé des questions de justice naturelle et d’équité procédurale fondées sur l’allégation selon laquelle l’agente a formulé des observations à la demanderesse laissant croire à l’imminence d’une décision favorable, donnant ainsi à la demanderesse un faux sentiment de sécurité qui a gêné la présentation, par la demanderesse, de nouveaux documents à l’appui de sa demande CH. Par conséquent, j’examinerai cette affaire selon la norme de la décision correcte.

 

Analyse

[26]           Je statuerai d’abord sur la question de procédure soulevée par le ministre concernant l’application de l’article 302 des Règles. Je me pencherai ensuite sur la question de l’équité procédurale soulevée par la demanderesse, puis j’examinerai le bien-fondé de la décision de l’agente.

 

L’application de l’article 302

[27]           L’article 302 des Règles des Cours fédérales prévoit ce qui suit :

302. Sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée.

302. Unless the Court orders otherwise, an application for judicial review shall be limited to a single order in respect of which relief is sought.

 

 

[28]           Toutefois, la présente demande de contrôle judiciaire n’est pas faite en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L­R.C. 1985, ch. F-7, mais plutôt en vertu des articles 72 et suivants de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le paragraphe 75(1) de cette loi prévoit ce qui suit :

75. (1) Le comité des règles établi aux termes

de l’article 45.1 de la Loi sur les Cours fédérales peut, avec l’agrément du gouverneur en conseil, prendre des règles régissant la pratique et la procédure relatives à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire et à l’appel; ces règles l’emportent sur les règles et usages qui seraient par ailleurs applicables.

75. (1) Subject to the approval of the Governor in Council, the rules committee established under section 45.1 of the Federal Courts Act may make rules governing the practice and procedure in relation to applications for leave to commence an application for judicial review, for judicial review and for appeals. The rules are binding despite any rule or practice that would otherwise apply.

 

 

[29]           Les Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, modifiées, prévoient ce qui suit au paragraphe 4(1) :

4. (1) Sous réserve du paragraphe (2), la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire et l’appel sont régis par les parties 1 à 3, 5.1, 6, 7, 10 et 11 et les règles 383 à 385 des Règles des Cours fédérales, sauf dans le cas où ces dispositions sont incompatibles avec la Loi ou les présentes règles.

4. (1) Subject to subrule (2), except to the extent that they are inconsistent with the Act or these Rules, Parts 1 to 3, 5.1, 6, 7, 10 and 11 and rules 383 to 385 of the Federal Courts Rules apply to applications for leave, applications for judicial review and appeals.

 

 

[30]           Comme la règle 302 est comprise dans la partie 5 des Règles des Cours fédérales, elle ne s’applique pas au présent contrôle judiciaire en raison du paragraphe 4(1) des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés. De fait, la partie 5 des Règles des Cours fédérales ne s’applique pas aux demandes de contrôle judiciaire présentées en vertu des articles 72 et suivants de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[31]           Toutefois, l’affaire ne se termine pas là. Bien que l’article 302 des Règles ne s’applique pas, il demeure que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée en l’espèce vise seulement une autorisation et un contrôle de la décision datée du 11 mai 2009 qui rejette la demande CH de la demanderesse. La demande de contrôle judiciaire ne mentionne pas directement la décision subséquente de l’agente de refuser de rouvrir le dossier.

 

[32]           Je suis d’accord avec le ministre qu’un refus de rouvrir une demande CH constitue une décision distincte de la décision sur la demande CH, et peut donc être contestée à titre de décision distincte dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. En l’espèce, la demanderesse a seulement demandé une autorisation en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi en ce qui concerne la décision du 11 mai 2009, et l’autorisation a été accordée uniquement à l’égard de cette décision. Par conséquent, je ne suis pas tenu de procéder au contrôle judiciaire du refus ultérieur de rouvrir le dossier.

 

[33]           Quoi qu’il en soit, même si j’ai tort en ce qui a trait à mon absence de compétence d’entendre la question du refus de rouvrir le dossier, j’aurais rejeté l’argument sur le fond pour les motifs suivants.

 

[34]           La demanderesse a raison d’affirmer que dans Kurukkal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 695, [2009] A.C.F. no 866 (QL), la juge Mactavish a statué que le principe du functus officio ne s’applique pas au processus décisionnel informel non juridictionnel qui touche les décisions sur les demandes de résidence permanente fondées sur des motifs d’ordre humanitaire. Dans Kurukkal, une question sur le principe du functus officio a été certifiée, mais la Cour d’appel fédérale ne s’est pas encore prononcée sur celle-ci. Tant que la Cour d’appel fédérale n’aura pas statué de manière différente sur la question, l’état du droit tel qu’il a été établi par la juge Mactavish dans Kurrukkal demeure et, par courtoisie judiciaire, j’entends respecter sa décision.

 

[35]           Dans Malik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, [2009] A.C.F. no 1643 (QL), j’ai statué, en me fondant sur Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 786, [2009] A.C.F. no 910 (QL), que le raisonnement de la juge Mactavish dans Kurukkal s’étend également aux décisions des agents d’immigration en ce qui a trait aux demandeurs de la catégorie fédérale des travailleurs qualifiés. Toutefois, j’ai également statué que, même si un agent des visas peut réexaminer une décision dans des circonstances appropriées, l’agent des visas n’est pas tenu de procéder au réexamen, sauf en présence de mauvaise foi. J’ai également statué que pour qu’il y ait réexamen, les renseignements additionnels qui constituent le fondement de la demande de réexamen doivent être fournis à l’agent des visas.

 

[36]           Dans la présente affaire, aucun renseignement ni document additionnel n’a été fourni à l’agente. La demanderesse a seulement donné une liste du genre de renseignement qu’elle entendait fournir si sa demande de réexamen devait être accueillie. Je conclus, en me fondant sur Malik, que c’est insuffisant. Une demande de réexamen basée sur de nouveaux documents ne peut être accueillie que si les documents en question sont effectivement soumis à l’agent concerné, ce qui lui donne l’occasion de décider si ces documents sont assez importants et pertinents pour constituer le fondement d’une décision de réexamen. En l’espèce, l’agente n’a reçu aucun document sur lequel aurait pu se fonder une décision de réexamen.

 

[37]           En outre, les arguments de la demanderesse au sujet de la pertinence de ces documents reprennent en grande partie ses arguments concernant l’équité procédurale dont il est question ci-après. Par conséquent, je conclus que, même si la décision de refuser de rouvrir le dossier n’est pas assujettie au contrôle judiciaire, le fondement des arguments de la demanderesse sur cette question a déjà été examiné dans le contexte de l’examen des questions d’équité procédurale soulevées par la demanderesse.

 

L’équité procédurale

[38]           La Cour suprême du Canada a déclaré dans certaines décisions que la portée des principes de justice fondamentale varie en fonction du contexte et des intérêts en jeu. Dans la même veine, les règles de justice naturelle et le concept de l’équité procédurale, qui peuvent éclairer les principes de justice fondamentale dans un contexte particulier, ne constituent pas des normes fixes : R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, à la page 361; Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, aux pages 895 et 896; Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la page 682; Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, aux pages 743 et 744; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 21.

 

[39]           En l’espèce, la demanderesse fait valoir que l’agente, lors de l’entrevue, a agi de façon à susciter une attente légitime selon laquelle elle rendrait une décision favorable relativement à la demande CH. La demanderesse prétend en outre que l’agente aurait commis un manquement aux règles d’équité procédurale en disant à la demanderesse qu’elle n’avait pas besoin d’autres documents, ce qui a ajouté un obstacle à la production, par la demanderesse, de tels documents.

 

[40]           Je conclus toutefois que les arguments de la demanderesse sont dépourvus de fondement factuel.

 

[41]           De fait, au cours de son contre-interrogatoire préalable, qui a eu lieu dans le contexte de la présente demande de contrôle judiciaire, l’agente a mentionné clairement qu’elle n’avait pas donné de garanties à la demanderesse pendant l’entrevue (transcription du contre-interrogatoire de la demanderesse en date du 1er mars 2010, à la page 14) :

Q. [. . .] D’après ce que vous avez dit au cours des dernières minutes, vous avez peut-être fourni ces garanties; vous ne vous souvenez tout simplement pas. N’est-ce pas?

 

R. Non.

 

Q. Vous avez peut-être déclaré que la demande CH serait approuvée, mais vous ne vous rappelez pas, c’est ça?

 

R. Non, je n’ai pas déclaré que la demande CH serait approuvée.

 

 

[42]           De plus, la demanderesse a décrit comme suit les circonstances dans lesquelles les observations auraient été faites au cours de son contre-interrogatoire (transcription du contre-interrogatoire de la demanderesse en date du 1er mars 2010, aux pages 7 et 8) :

 

Q. Et maintenant – et nous savons tous qu’il s’agit de l’une des questions clés – dans votre demande, c’est que vous avez dit que vous aviez l’impression, à la fin de votre entrevue, que vous obtiendriez une dispense CH. Vous pensiez que vous obtiendriez une décision favorable. Est-ce exact?

 

R. Oui.

 

Q. Sur quoi cette impression était-elle fondée?

 

R. Sur la façon dont l’agente parlait de nous et de – lorsque nous nous sommes saluées et que nous sommes serrées la main, elle m’a dit de ne pas m’inquiéter, de profiter de ma situation de nouvelle mère. Et je crois que lorsque quelqu’un vous tient ce genre de propos quand vous vous trouvez dans ce genre de processus, c’est comme si cette personne vous assurait que vous obtiendrez une réponse favorable, parce que si je n’ai pas à me soucier de ma situation d’immigration, je peux vraiment profiter de ma situation de mère.

Si je ne peux pas m’assurer que je serai ici, je dois planifier ce qui arrivera à ma fille et moi ---

 

Q. C’est exact.

 

R. --- parce que je dois prendre cette réponse et me préparer à tout. Donc, oui.

 

Q. Mais vous conviendrez avec moi que Mme Gallant n’a pas dit « Ne vous inquiétez pas de votre situation en matière d’immigration. » ni « Ne vous inquiétez pas de votre demande ».

 

R. Non, mais elle, elle a dit « Ne vous inquiétez pas. Tout va être correct. Et ne vous inquiétez pas et profitez de votre situation de mère. »

 

Q. Et vous avez interprété ces propos comme si elle vous disait que vous obtiendriez une décision favorable.

 

R.  Oui, je dirais oui.

 

[. . .]

 

[43]           Je ne peux conclure, au vu de ces transcriptions, à l’existence d’un fondement objectif sur lequel reposeraient les prétentions d’attente légitime de la demanderesse. Peut-être l’agente a-t-elle été polie et gentille lorsqu’elle s’est séparée de la demanderesse à la fin de l’entrevue et peut-être éprouvait-elle de la sympathie pour sa situation de jeune femme célibataire et enceinte. Cependant, il ne s’agit pas du tout d’une situation dans laquelle un engagement de rendre une décision favorable aurait été pris.

 

[44]           En outre, la demanderesse ne m’a pas convaincu qu’on l’a empêchée de soumettre des documents pertinents additionnels, documents qui auraient pu avoir une incidence sur l’issue de sa demande CH.

 

[45]           Bien que l’agente ait mentionné à l’entrevue qu’elle n’avait pas besoin de renseignements additionnels, elle l’a fait après avoir interrogé la demanderesse et son avocate. Le fait que l’agente n’avait pas besoin de renseignements supplémentaires constitue simplement une indication qu’elle était convaincue que l’information fournie lui suffisait pour prendre une décision, et non, comme le laisse entendre la demanderesse, qu’une décision favorable était imminente.

 

[46]           La demanderesse a déclaré ce qui suit dans son contre-interrogatoire (transcription du contre-interrogatoire de la demanderesse en date du 1er mars 2010, à la page 7) :

Q. Et maintenant, y a-t-il quelque chose que vous désiriez dire à Mme Gallant à la réunion que vous vous sentiez alors incapable de lui dire?

 

R. Non. Non.

 

[47]           La demanderesse décrit dans son affidavit les renseignements additionnels qu’on lui a empêché de produire. Ces renseignements touchent essentiellement des questions qui avaient déjà été soumises à l’agente, comme la naissance de sa fille (l’agente savait déjà que la demanderesse allait accoucher). La demanderesse mentionne le harcèlement auquel se livre l’ancien ami de coeur de sa colocataire à leur endroit. Cependant, la pertinence de ce seul fait était négligeable pour la demande CH et n’aurait pas modifié la décision de l’agente.

 

[48]           En conclusion, les renseignements qui, au dire de la demanderesse, seraient fondamentaux pour sa cause ne sont rien de plus qu’une répétition des facteurs ayant déjà été soumis à l’agente dans la demande CH initiale.

Bien-fondé de la décision CH

[49]           L’élément de contestation principal que fait valoir la demanderesse eu égard au bien-fondé de la décision a trait à l’affirmation selon laquelle l’agente n’a pas pris en compte de façon appropriée l’impact de sa décision sur la colocataire de la demanderesse et sur l’enfant de la colocataire, et n’était pas réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur des enfants touchés par la décision.

 

[50]           L’agente a bien mentionné dans sa décision que la demanderesse et sa colocataire ont vécu une relation non conjugale depuis mai 2008. L’agente a néanmoins accepté le fait qu’elles étaient dépendantes l’une de l’autre à titre d’amies partageant un logement.

 

[51]           L’agente a également conclu que l’impact principal sur la colocataire serait qu’elle « devrait trouver d’autres façons de subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant ». L’agente ne jugeait pas que cet impact était suffisant pour justifier la demande CH de la demanderesse. Cette conclusion est raisonnable. Au Canada, de nombreux jeunes parents ont la garde, seuls, d’un enfant et travaillent pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. Il n’y a rien de particulièrement inhabituel ou excessif dans cette situation. Je juge que cette conclusion précise [de la décision] de l’agente appartient « […] aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.

 

[52]           L’agente a également conclu que l’enfant de la colocataire n’avait pas de lien biologique avec la demanderesse et était âgée de seulement deux ans. L’agente a néanmoins conclu qu’« il y aura certains effets préjudiciables du fait de la séparation de la cliente et de l’enfant de la « marraine » auprès de laquelle elle agit comme parent depuis près de un an maintenant. » Toutefois, l’agente n’était pas convaincue que la séparation de la demanderesse de cette enfant (qui demeurera avec sa mère au Canada) constituait une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive.

 

[53]           Il est bien établi en droit que l’intérêt supérieur des enfants touchés par des demandes de nature humanitaire constitue un facteur important à considérer, mais il ne s’agit pas d’un facteur déterminant. Comme l’a mentionné le juge Décary dans Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 C.F. 358, 212 D.L.R. (4th) 139, [2002] A.C.F. no 457 (QL), au paragraphe 12 :

Bref, l'agent d'immigration doit se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker, […], au paragraphe 75), mais une fois qu'il l'a bien identifié et défini, il lui appartient de lui accorder le poids qu'à son avis il mérite dans les circonstances de l'espèce. La présence d'enfants, contrairement à ce qu'a conclu le juge Nadon, n'appelle pas un certain résultat. Ce n'est pas parce que l'intérêt des enfants voudra qu'un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada (ce qui, comme le constate à juste titre le juge Nadon, sera généralement le cas), que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent. Le Parlement n'a pas voulu, à ce jour, que la présence d'enfants au Canada constitue en elle-même un empêchement à toute mesure de refoulement d'un parent se trouvant illégalement au pays (voir Langner c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1995), 184 N.R. 230 (C.A.F.), permission d'appeler refusée, CSC 24740, 17 août 1995).

 

[54]           Il est bien établi en droit que l’une des principales exigences de la Loi est que les personnes désireuses de vivre en permanence au Canada doivent, avant leur arrivée au Canada, présenter leur demande de l’extérieur du pays et répondre aux conditions qui s’appliquent à l’obtention d’un visa de résidence permanente. Bien que le paragraphe 25(1) de la Loi permette au ministre de dispenser de l’application de cette obligation légale dans certains cas, il s’agit clairement d’une mesure extraordinaire. C’est en outre une mesure discrétionnaire qui s’inscrit à bon droit dans la compétence du ministre, et non de la Cour. La Cour n’est pas en mesure de soupeser de nouveau les facteurs pertinents dans le cadre de l’examen de l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel en vertu de cette disposition.

 

[55]           Ce qui importe vraiment, ce ne sont pas les mots employés par l’agente pour évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant de la colocataire, mais plutôt la question de savoir si l’agente a été réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant : Pannu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1356, [2006] A.C.F. no 1695 (QL), au paragraphe 41. Dans le cas qui nous occupe, l’agente a tenu compte de l’impact sur cet enfant, mais l’a jugé insuffisant pour justifier d’accueillir la demande CH de la demanderesse. Ayant conclu que l’agente a traité de la question de l’intérêt supérieur de l’enfant, il n’appartient pas à la Cour de substituer son opinion à celle de l’agente, sauf si la décision de l’agente faisait en sorte d’excéder le cadre de la raisonnabilité. Il est clair que ce n’est pas le cas en l’espèce. L’enfant n’est pas séparé de sa mère, mais plutôt de la colocataire de sa mère. De plus, l’enfant demeurera au Canada avec ses deux parents biologiques. Dans de telles circonstances, la décision de l’agente s’inscrit dans les issues possibles acceptables et est donc raisonnable.

 

[56]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[57]           La présente affaire ne soulève pas de question à certifier en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Robert M. Mainville »

                           Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2751-09

 

 

INTITULÉ :                                       MARIA MARTELI MEDINA c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 15 AVRIL 2010

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MAINVILLE

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 10 MAI 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Elizabeth Wozniak

Lori A. Hill

 

POUR LA DEMANDERESSE

Melissa Chan

 

                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Beverage MacPherson et Buckle

Avocats

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Miles J Kirvan

Sous-procureur général du Canada

                   POUR LE DÉFENDEUR

 

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