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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100510

Dossier : T-561-09

Référence : 2010 CF 506

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2010

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

RIDGEVIEW RESTAURANT LIMITED

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 et STEVE GIBSON

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le procureur général du Canada interjette appel de l’ordonnance d’un protonotaire qui refuse de radier l’avis de demande de Ridgeview Restaurant Limited présenté relativement à une autorisation de possession de marihuana séchée délivrée par Santé Canada au défendeur, Steve Gibson. 

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que l’appel doit être accueilli, et que l’avis de demande doit être radié. Compte tenu de ma conclusion selon laquelle l’avis de demande devrait être radié, la requête de Ridgeview visant à modifier son avis de demande sera rejetée.

Contexte

 

[3]               Le 4 juin 2004, Santé Canada a accordé une autorisation de possession de marihuana séchée à des fins médicales (une ADP) à M. Gibson, en vertu du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, DORS/2001-227(ou RAMM). L’ADP permettait à M. Gibson de posséder et d’utiliser de la marihuana séchée pour atténuer de graves douleurs et des spasmes musculaires persistants liés à une lésion médullaire. Santé Canada a renouvelé l’ADP de M. Gibson sur une base annuelle, le dernier renouvellement ayant été fait le 7 mai 2009.

 

[4]               Ridgeview est l’entreprise propriétaire d’un restaurant situé à Burlington, en Ontario, qui fait affaire sous le nom « Gator Ted’s Tap & Grill ». Ridgeview détient un permis de vente d’alcool au restaurant sous le régime de la Loi sur les permis d’alcool, L.R.O. 1990, ch. L.19, de l’Ontario.

 

[5]               Gator Ted’s est décrit comme un restaurant familial. Les propriétaires de Ridgeview sont actifs au sein de la collectivité et prennent part à de nombreuses activités de collecte de fonds pour des organismes de bienfaisance locaux. Gator Ted’s est également présent dans la collectivité en parrainant des équipes sportives locales.

 

[6]               M. Gibson était un client de longue date de Gator Ted’s. Il est allégué que, pendant qu’il était sur les lieux du Gator Ted’s, M. Gibson montrait sa marihuana à des clients du restaurant et offrait de la marihuana à d’autres personnes. M. Gibson aurait également fumé sa marihuana sur le trottoir se trouvant juste en face du restaurant.

 

[7]               Il est également allégué, que pendant un voyage en autobus organisé par le restaurant dans le but d’amener les clients du Gator Ted’s et leurs familles à une partie de hockey à Hamilton, M. Gibson a consommé de la marihuana soit devant l’autobus, soit près de la porte avant de celui‑ci, et qu’il est entré dans l’autobus un « joint » à la main. Le comportement de M. Gibson a engendré un certain nombre de plaintes de clients.

 

[8]               En 2005, M. Gibson s’est fait interdire l’accès au Gator Ted’s en raison de sa conduite, ce qui l’a amené à déposer une plainte contre Ridgeview et l’un de ses propriétaires, Ted Kindos, devant la Commission ontarienne des droits de la personne. La plainte de M. Gibson est actuellement en instance devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

 

[9]               En 2008, trois plaintes ont été déposées auprès de M. Ronald Denault, gestionnaire de la Division de l’accès médical à la marihuana de la Direction de la lutte au tabagisme et aux drogues de Santé Canada en vertu de l’article 68 du RAMM. Ces plaintes ont été déposées par M. Kindos, par un employé du restaurant et par un client du restaurant. Elles concernent l’utilisation, par M. Gibson, de marihuana à proximité du Gator Ted’s, ainsi que la vente de marihuana qu’il ferait aux clients du restaurant. Ridgeview affirme que malgré la réception de ces plaintes, Santé Canada n’a pris aucune mesure pour révoquer l’ADP de M. Gibson ou pour qu’il respecte les modalités de son permis.

 

[10]           Ridgeview fait valoir que la conduite de M. Gibson n’est pas conforme à la vocation familiale du restaurant et pourrait nuire considérablement aux affaires du Gator Ted’s. En adoptant une conduite qui enfreint la Loi sur les permis d’alcool de l’Ontario, M. Gibson a mis l’entreprise en péril et menacé le gagne-pain des propriétaires et des employés du restaurant. Plus particulièrement, Ridgeview fait valoir que la conduite de M. Gibson fait courir à Ridgeview le risque de se faire imposer des amendes pouvant atteindre 250 000 $ et de perdre son permis de vente d’alcool. De plus, Ridgeview pourrait voir sa responsabilité reconnue par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

 

[11]           En 2009, Ridgeview a introduit la présente demande de contrôle judiciaire. Dans sa forme actuelle, la demande de Ridgeview vise à obtenir ce qui suit :

[traduction]

1. Un jugement déclaratoire selon lequel la consommation de marihuana par le défendeur Steve Gibson dans un lieu public ou dans un établissement possédant un permis en vertu de la Loi sur les permis d’alcool de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. L.19 (la « LPA ») n’est pas autorisée par le permis.

 

2.  Un jugement déclaratoire selon lequel Santé Canada ne possède pas le pouvoir d’autoriser à quiconque la possession ou l’utilisation de marihuana séchée à des fins médicales d’une façon qui enfreint les lois expresses de la province de l’Ontario interdisant la conservation ou la consommation de substances contrôlées dans les locaux du détenteur d’un permis délivré en vertu de la LPA.

 

3.  Une ordonnance qui interdit à Santé Canada de renouveler le permis pour violation manifeste de ses modalités par le défendeur Steve Gibson.

 

 

 

La requête soumise au protonotaire

 

[12]           Le procureur général a déposé une requête en radiation de l’avis de demande de Ridgeview devant un protonotaire. Il fait valoir que les jugements déclaratoires demandés par Ridgeview ne sont rien d’autre que des énoncés du droit et n’ont par conséquent aucune signification. Le procureur général soutenait en outre qu’en contestant la délivrance de l’ADP par Santé Canada à M. Gibson, Ridgeview demandait à la Cour fédérale un recours extraordinaire à des fins strictement accessoires, soit en vue de défendre sa position dans une instance sur les droits de la personne, et/ou de se protéger advenant le dépôt éventuel d’accusations contre Ridgeview en vertu de la Loi sur les permis d’alcool de l’Ontario.

 

[13]           Le procureur général a également fait valoir que la société Ridgeview est étrangère à la relation entre Santé Canada et M. Gibson et n’a pas qualité pour contester la délivrance de l’ADP à M. Gibson.

 

[14]           Enfin, le procureur général a soutenu que le RAMM n’autorise pas Santé Canada à refuser de renouveler une ADP pour les motifs invoqués par Ridgeview. Par conséquent, même si les faits allégués par Ridgeview étaient véridiques, ils ne constitueraient pas un fondement juridique permettant à Santé Canada de refuser de renouveler l’ADP de M. Gibson.

 

[15]           Le protonotaire n’a accepté aucun des arguments du procureur général et a rejeté la requête en radiation.

 

[16]           Dans la mesure où la question de la qualité pour agir était en cause, le protonotaire a conclu que Ridgeview était « touchée directement » par la décision de Santé Canada d’un certain nombre de façons. Au premier rang de ses intérêts commerciaux, la réputation de Gator Ted’s était également en jeu. En outre, le personnel et les clients du restaurant, de même que les personnes qu’il appuie au sein de la collectivité, sont également sujets à l’usage inapproprié que ferait M. Gibson de la marihuana. Le protonotaire a conclu que [traduction] « [c]ela pourrait, en définitive, être jugé suffisant pour justifier la qualité pour agir directe; cependant, quoi qu’il en soit, la question de la qualité pour agir n’est pas déterminante quant à la présente requête ».

 

[17]           De plus, le protonotaire n’a pas accepté non plus l’argument du procureur général selon lequel le RAMM ne confère pas au ministre de la Santé le pouvoir discrétionnaire de refuser d’accorder à M. Gibson son renouvellement d’ADP. Selon le protonotaire, les plaintes formulées par M. Kindos et les autres personnes ont amené Ridgeview à « s’attendre légitimement » à ce que Santé Canada respecte ses obligations prévues par le RAMM.

 

[18]           Le protonotaire a rejeté l’argument du procureur général selon lequel Ridgeview cherchait à obtenir des jugements déclaratoires seulement à des fins accessoires. Le protonotaire a distingué la présente affaire d’avec la décision Schreiber c. Canada (Procureur général), [2000] 1 C.F. 427. Il a jugé que l’orientation de l’avis de demande dans la présente affaire n’était pas de clarifier le droit canadien pour un autre ressort. À cet égard, le protonotaire a constaté qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de poursuite en instance dans laquelle Ridgeview pourrait faire usage de déclarations de droit pures. D’après le protonotaire, ce sont des [traduction] « des jugements déclaratoires et des réparations en lien direct avec le rôle de Ridgeview dans la collectivité » qui étaient demandés. Ainsi, il ne s’agissait pas de [traduction] « déclarations de droit vides à la lumière des faits qui donnent lieu à la présente demande ».

 

[19]           Comme Ridgeview était prise entre le RAMM, d’une part, et ses obligations prévues par la Loi sur les permis d’alcool de l’Ontario, d’autre part, le protonotaire a conclu que Ridgeview devait être autorisée à se pourvoir devant la Cour pour qu’un juge des requêtes décide si les jugements déclaratoires demandés sont sans signification, sur la base d’un dossier de preuve complet.

 

 

Norme de contrôle

 

[20]           La Cour doit d’abord déterminer quelle norme de contrôle doit être appliquée à la décision du protonotaire. Comme l’a mentionné la Cour d’appel fédérale dans Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, 30 C.P.R. (4th) 40 aux paragraphes 18 et 19, le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir, sauf dans les deux cas suivants : l'ordonnance porte sur des questions ayant une incidence déterminante sur l'issue du principal, et l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits.

 

[21]           Le procureur général soutient que dans le cadre de l’établissement de la norme de contrôle adéquate, la Cour devrait tenir compte de la nature de la requête soumise au protonotaire, plutôt que de l’issue de celle-ci. Comme une requête en radiation soulève manifestement une question qui est cruciale pour l’issue définitive de l’affaire, le procureur général affirme que la Cour devrait considérer l’affaire de novo. Pour appuyer cet argument, le procureur général invoque les décisions de la Cour dans Coffey c. Canada (Ministre de la Justice), 2005 CF 554, 273 F.T.R. 92 et Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2002 CFPI 119, 216 F.T.R. 96 [I.P.F.P.C.].

 

[22]           Ridgeview n’a présenté aucune observation de fond en ce qui concerne la norme de contrôle, se contentant de faire valoir que la décision du protonotaire ne devrait pas être modifiée, peu importe la norme qui est appliquée. M. Gibson n’a pas pris part à la présente instance.

 

[23]           L’examen de la jurisprudence révèle que celle-ci est divisée sur la question. Dans I.P.F.P.C., la Cour a fait observer que, si la requête en radiation du défendeur avait été accueillie par le protonotaire, la demande prendrait fin. Par conséquent, la Cour a statué que la requête soulevait une « question cruciale pour l’issue finale du dossier ». Résultat, la Cour a dû aborder l’appel sur une base de novo : voir le paragraphe 18. Le même juge a tiré une conclusion similaire dans Coffey, au paragraphe 10.

 

[24]           Toutefois, il a été statué dans la jurisprudence la plus récente de la Cour qu’un appel à l’encontre du rejet d’une requête en radiation ne soulève pas une question qui est cruciale pour les issues définitives du dossier, ce qui fait qu’une telle décision est assujettie à la norme de contrôle empreinte d’une déférence accrue : voir, par exemple, Peter G. White Management Ltd. c. Canada, 2007 CF 686, 158 A.C.W.S. (3d) 696; Chrysler Canada Inc. c. Canada, 2008 CF 1049, [2009] 1 C.T.C. 14, au paragraphe 4; Apotex Inc. c. AstraZeneca Canada Inc., 2009 CF 120, [2009] A.C.F. no 179, au paragraphe 25; AYC Pharmacy Ltd. c. Canada (Minister of Health), 2009 FC 554, 95 Admin. L.R. (4th) 265, au paragraphe 9; et Horseman c. Horse Lake First Nation, [2009] A.C.F. no 476, 2009 CF 368, au paragraphe 2. Voir également Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211, au paragraphe 21, une décision antérieure aux décisions I.PF.P.C. et Coffey.

 

[25]           Je n’ai pas à régler cette question en l’espèce, car je suis convaincue que le protonotaire a commis une erreur de droit en exerçant son pouvoir discrétionnaire sur la base d’une incompréhension du régime législatif et d’une appréciation erronée des faits.

 

 

Principes juridiques régissant les requêtes en radiation

 

[26]           Les demandes de contrôle judiciaire sont censées être des procédures sommaires, et les requêtes en radiation des avis de demande ajoutent beaucoup au coût et au temps nécessaire pour régler ces dossiers. En outre, comme la Cour d’appel fédérale l’a mentionné dans David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588, 51 A.C.W.S. (3d) 799, le processus de radiation est plus réalisable dans des poursuites que dans des demandes de contrôle judiciaire, parce que de nombreuses règles régissent les poursuites et que ces règles exigent des actes de procédure précis quant à la nature de la demande ou de la défense et quant aux faits sur lesquels s’appuie la demande. Il n’existe pas de règles comparables régissant les avis de demande de contrôle judiciaire.

 

[27]           Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a observé qu’il est beaucoup plus risqué pour un tribunal de radier un avis de demande qu’un acte de procédure conventionnel. Divers facteurs économiques entrent également en jeu dans les demandes de contrôle judiciaire par opposition aux poursuites. En d’autres termes, les demandes de contrôle judiciaire ne comportent pas d’interrogatoires préalables et un procès; ce sont là des procédures qui peuvent être évitées dans des poursuites au moyen d’une décision de radiation : David Bull, au paragraphe 10. À l’opposé, l’audition complète d’une demande de contrôle judiciaire est faite essentiellement de la même façon qu’une requête en radiation de l’avis de demande, c’est-à-dire sur la base d’une preuve par affidavit et d’arguments présentés devant un juge de la Cour.

 

[28]           Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a établi que les demandes de contrôle judiciaire ne devraient pas être radiées avant la tenue d’une audience sur le fond de la demande, sauf si l’avis de demande est « manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli ». En outre, « [c]es cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations [...], où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l’avis de requête »: David Bull, au paragraphe 15.

 

[29]           À moins que l’auteur de la requête puisse respecter cette norme très rigoureuse, le « moyen direct et approprié par lequel la partie intimée devrait contester un avis de requête introductive d'instance qu'elle estime sans fondement consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l'audition de la requête même » : David Bull, au paragraphe 10. Voir également Addison & Leyen Ltd. c. Canada, 2006 CAF 107, [2006] 4 F.C.R. 532, au paragraphe 5, infirmé pour d’autres motifs par 2007 CSC 33, [2007] 2 R.C.S. 793.

 

[30]           Si la barre est placée si haut, c'est qu'il est habituellement plus efficace pour la Cour de traiter des arguments préliminaires à l'audition de la demande de contrôle judiciaire plutôt que sur requête préliminaire : voir les commentaires de la Cour d’appel fédérale dans Addison & Leyen au paragraphe 5.

 

[31]           L’examen des motifs du protonotaire établit clairement qu’il avait ces principes à l’esprit. La question consiste à savoir s’il a commis une erreur dans leur application en l’espèce.

 

 

La question de la qualité pour agir

 

[32]           Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, permet à quiconque est « directement touché » par l’objet de la demande de se prévaloir du droit au contrôle judiciaire de cette décision.

 

[33]           Le procureur général soutient que Ridgeview n’a pas qualité pour introduire la présente demande parce qu’elle n’est pas directement touchée par le renouvellement de l’ADP de M. Gibson. Le lien de type réglementaire créé par le RAMM existe seulement entre Santé Canada et M. Gibson, et la société Ridgeview est étrangère à ce lien.

 

[34]           Dans la mesure où Ridgeview fait valoir un intérêt commercial à l’égard des questions soulevées dans la demande, le procureur général affirme que ce n’est pas un fondement suffisant pour conférer qualité pour agir : Canwest Mediaworks Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 752, 159 A.C.W.S. (3d) 193, aux paragraphes16 et 17, conf. par 2008 CAF 207, 382 N.R. 365.

 

[35]           En outre, le procureur général fait valoir que le degré de proximité entre le renouvellement de l’ADP de M. Gibson par Santé Canada et le préjudice allégué par Ridgeview est trop éloigné pour justifier la réparation qui fait l’objet de la demande. Autrement dit, le préjudice éventuel à la réputation de Ridgeview n’est pas directement attribuable au renouvellement de l’ADP de M. Gibson par Santé Canada. Il résulte plutôt des endroits où M. Gibson choisit de consommer de la marihuana, et le fait d’attaquer la décision réglementaire qui lui permet de faire usage de marihuana séchée à des fins médicales « va trop loin ».

 

[36]           Le procureur général soutient également que le protonotaire a commis une erreur en affirmant que [traduction] « la question de la qualité pour agir n’est pas déterminante dans la présente requête ». Il est clair que, si Ridgeview n’a pas qualité pour contester le renouvellement de l’ADP de M. Gibson, la demande doit être radiée.

 

[37]           Invoquant la décision de la Cour d’appel fédérale dans Apotex Inc. c. Canada (Gouverneur en Conseil), 2007 CAF 374, 63 C.P.R. (4e) 151, aux paragraphes 13 et14 (Apotex), Ridgeview prétend que la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire de décider de la qualité pour agir à ce stade de l’instance. Selon Ridgeview, la Cour n’a pas tous les faits nécessaires pour bien se prononcer sur la question de la qualité pour agir.

 

[38]           Subsidiairement, Ridgeview soutient qu’il n’est pas manifeste qu’elle n’a pas qualité pour agir à l’égard du dépôt de la présente demande. Le personnel et les clients du restaurant et les personnes qu’il appuie au sein de la collectivité sont victimes de la consommation inappropriée de marihuana de M. Gibson. Ridgeview dit que cette conduite est attribuable à la décision de Santé Canada de renouveler l’ADP de M. Gibson, car celui-ci ne pourrait s’appuyer sur aucun fondement juridique pour obtenir ou consommer de la marihuana séchée dans des lieux publics en l’absence de cette décision.

 

[39]           Selon Ridgeview, Santé Canada ne peut faire fi de ses obligations prévues par le RAMM pour renouveler une ADP, puis prétendre ne pas être responsable à l’égard des personnes touchées par la mauvaise utilisation de ce permis.

 

[40]           Ridgeview fait également valoir que le défaut de Santé Canada de tenir dûment compte des plaintes déposées concernant la mauvaise utilisation faite par M. Gibson de son ADP a mis Ridgeview en péril. Non seulement Ridgeview risque-t-elle de recevoir des amendes importantes, de voir son bail ne pas être renouvelé et de perdre son permis de vente d’alcool, mais Ridgeview fait également face au risque de sanctions de la part du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. En outre, les affaires et la réputation du restaurant ont également souffert de l’usage inapproprié continu par M. Gibson de son ADP et du refus de Santé Canada de respecter le RAMM.

 

[41]           La Cour d’appel fédérale a fait observer, dans Apotex, qu’il n’est pas toujours indiqué de se prononcer sur une requête en radiation dans le cadre d’une décision exécutoire sur la question de la qualité pour agir, surtout quand la requête vise à radier un avis de demande de contrôle judiciaire. La Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire avec modération à cet égard et ne devrait mettre fin aux demandes de contrôle judiciaire pour défaut de qualité pour agir dans les requêtes en radiation que dans les cas très clairs.

 

[42]           Comme il est possible que la Cour ne dispose pas de tous les faits pertinents et ne bénéficie pas d'une argumentation juridique complète, elle doit décider s’il convient dans les circonstances d’un cas particulier de rendre une décision sur la qualité pour agir à l’étape préliminaire ou si la question devrait être réglée en même temps que l’on statue sur le fond de la demande : Apotex, aux paragraphes 13 et 14.

 

[43]           Les motifs du protonotaire n’établissent pas clairement s’il a choisi d’exercer son pouvoir discrétionnaire de trancher la question de la qualité pour agir dans le cadre de la requête en radiation ou non.

 

[44]           D’une part, le protonotaire a rejeté les arguments du procureur général sur la question de la qualité pour agir, indiquant que [traduction] « Ridgeview est directement touchée et a qualité pour agir parce qu’elle est touchée davantage que simplement au niveau de ses intérêts commerciaux qui, en soi, ne suffiraient pas pour lui conférer qualité pour agir » [Non souligné dans l’original.] Voilà, semble-t-il, une décision sans équivoque sur la question de la qualité pour agir.

 

[45]           Toutefois, après avoir passé en revue les façons dont les intérêts de Ridgeview seraient touchés, le protonotaire ajoute que [traduction] « « [c]ela pourrait, en définitive, être jugé suffisant pour soutenir la qualité pour agir directe ». Cette position laisse croire que le protonotaire laissait au juge des requêtes le soin de prendre la décision finale sur la qualité pour agir.

 

[46]           Lorsque le protonotaire n’exerce pas explicitement son pouvoir discrétionnaire de statuer sur la question de la qualité pour agir, Apotex enseigne que « la norme juridique pour accueillir une requête en radiation doit guider l’examen de l’ensemble des questions juridiques »: paragraphe 14. Autrement dit, la question à laquelle devait répondre le protonotaire consistait à savoir s’il était manifeste que l’avis de demande de Ridgeview est « manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli » Tel qu’il sera expliqué plus loin, je suis convaincue que c’est effectivement le cas, et que la décision du protonotaire de tirer une autre conclusion reposait sur une incompréhension du régime législatif et une mauvaise appréciation des faits.

 

[47]           L’examen du régime de réglementation révèle que Ridgeview est effectivement étrangère au processus de l’ADP. Le processus des demandes d’ADP est énoncé à la partie 1 du RAMM et ne prévoit aucun rôle pour les tierces parties comme Ridgeview. Peut-on néanmoins affirmer que Ridgeview est « directement touchée » par la délivrance d’une ADP à M. Gibson?

 

[48]           Dans Friends of the Island Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 2 C.F. 229 (1re inst), inf. pour d’autres motifs par (1995), 185 N.R. 48, 56 A.C.W.S. (3d) 316, et dans Nouvelle-Écosse (Procureur général) c. Ultramar Canada Inc., [1995] 3 C.F. 713 (1re inst.), la Cour a rejeté les arguments selon lesquels les mots « directement touché » au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales devraient se voir attribuer une signification relativement limitée.

 

[49]           Cela dit, la jurisprudence enseigne que pour être « directement touché[e] »par une question à l’égard de laquelle réparation est demandée pour l’application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, la décision en question doit toucher directement les droits de la partie en cause, lui imposer des obligations prévues par la loi, ou avoir un effet préjudiciable direct sur celle-ci : Pall Mall Canada Limitée c. Canada (Ministre du Revenu national), [1976] 2 C.F. 500, 67 D.L.R. (3d) 505 (C.A.F.). Une partie qui n’est touchée qu’au sens commercial par une décision, mais qui n’était pas partie à cette décision, n’a pas qualité pour agir à l’égard du contrôle judiciaire : CanWest Mediaworks, aux paragraphes 16 et 17.

 

[50]           Je me suis penchée sur la prétention de Ridgeview selon laquelle il ne convient pas de décider de la question de la qualité pour agir à ce stade de l’instance, car le dossier en l’espèce est encore incomplet. Ridgeview affirme qu’elle attend encore des renseignements du procureur général sur ce qui se passe au chapitre des plaintes déposées en vertu de l’article 68 du RAMM. Toutefois, comme les présents motifs l’expliqueront davantage plus loin, il apparaît clairement, compte tenu du Règlement, que l’existence d’un processus des plaintes à la partie 3 du RAMM n’est pas liée de quelque façon que ce soit au processus des avis de demande décrit dans la partie 1. Donc, les renseignements que Ridgeview attend pourraient n’avoir aucune incidence sur la question de la qualité pour agir.

 

[51]           L’absence de lien entre le processus des plaintes et celui des avis de demande signifie également que Ridgeview pourrait ne pas avoir d’attente légitime que les plaintes déposées relativement à la conduite de M. Gibson créeraient un « lien direct » suffisant pour lui conférer qualité pour agir en l’espèce. Le RAMM ne crée aucune obligation, pour le ministre, en ce qui concerne le processus de renouvellement des ADP que Ridgeview a le droit d’appliquer.

 

[52]           Je suis donc convaincue qu’il est manifeste que la présente demande ne peut être accueillie parce que Ridgeview n’a pas qualité pour agir. Ainsi, la demande n’a aucune chance d’être accueillie. En l’espèce, aucune décision ni « question » ne touche directement les droits ou les obligations de Ridgeview. Il est clair que les difficultés rencontrées par Ridgeview avec M. Gibson qui ont donné lieu à la présente demande de contrôle judiciaire ne résultent pas directement de la délivrance d’une ADP à M. Gibson par Santé Canada. Elles découlent plutôt de l’omission alléguée de M. Gibson de se conformer aux lois fédérales, provinciales et municipales. Par conséquent, Ridgeview n’est pas « directement touché[e] » par la décision de Santé Canada de renouveler l’ADP de M. Gibson.

 

[53]           Bien que cette conclusion suffise pour trancher le présent appel, je traiterai des autres arguments du procureur général au cas où une cour de révision adopte une vision différente de la présente affaire.

 

Impossibilité de se prévaloir d’un recours en interdiction à titre de réparation

 

[54]           Le procureur général fait également valoir que la réparation demandée par Ridgeview dans le cadre de la présente demande ne lui est pas accessible, et ce parce que le RAMM n’autorise pas Santé Canada à refuser de renouveler une ADP pour les motifs allégués par Ridgeview. Il s’ensuit donc que dans la mesure où la demande vise à obtenir réparation sous forme d’interdiction, il est manifeste que cette demande ne peut être accueillie.

 

[55]           Ridgeview fait valoir qu’elle avait l’attente légitime que la plainte formulée en vertu de l’article 68 du RAMM concernant la conduite de M. Gibson serait transmise au ministre et que des mesures seraient prises pour veiller à l’application adéquate du Règlement. Le ministre devrait alors examiner la plainte comme il se doit dans le cadre du processus de renouvellement. Ridgeview ajoute que sans dossier de preuve complet, il est impossible de déterminer comment les plaintes formelles ont été traitées ou si elles ont été communiquées au ministre au besoin.

 

[56]           Le protonotaire semble avoir accepté que Ridgeview avait cette attente légitime. Par conséquent, il n’était pas convaincu que cet avis de demande devrait être radié.

 

[57]           La difficulté de cette conclusion réside dans l’absence de lien entre le processus des plaintes prévu dans la partie 3 du RAMM et le mécanisme des renouvellements de la partie I. L’article 18 du RAMM prévoit que le ministre refuse de renouveler une ADP dans les cas prévus à l’article 12. Les seuls motifs de refus de renouvellement d’une ADP qui sont établis à l’article 12 sont que la personne ne réside pas habituellement au Canada ou que la demande comporte des renseignements, déclarations ou autres éléments faux ou trompeurs. Comme le protonotaire l’a lui-même mentionné, le RAMM ne dit mot des endroits, des circonstances et des façons dans lesquelles une partie qui détient une ADP peut faire usage de marihuana à des fins médicales.

 

[58]            Dans la mesure où le mécanisme de règlement des plaintes est en cause, l’article 68 du RAMM prévoit que :

(1)  L’inspecteur consigne toute plainte reçue du public à l’égard du titulaire d’une autorisation de possession ou d’une licence de production quant à ses opérations de possession ou de production de marihuana.

(2)  L’inspecteur fait rapport au ministre de toute plainte consignée aux termes du paragraphe (1).

 

(3)  Le ministre est autorisé à communiquer, à tout corps policier canadien ou à tout membre d’un tel corps policier, tout renseignement contenu dans le rapport de l’inspecteur, sous réserve que son utilisation soit limitée à l’application ou l’exécution de la Loi ou du présent règlement.

 

 

[59]           Ainsi, tandis que les plaintes déposées en vertu de l’article 68 du RAMM pourraient faire en sorte que le ministre dénonce le détenteur d’une ADP à la police, l’inobservation possible, par le détenteur de permis, des lois fédérales, provinciales ou municipales ne confère pas au ministre, compte tenu du Règlement, le pouvoir de refuser de renouveler le permis.

 

[60]           Il convient également de noter qu’il n’y a dans la formule de demande aucune demande de renouvellement d’une ADP relative à une déclaration ou garantie qui aurait trait à l’observation, par le demandeur, des lois fédérales, provinciales et municipales. Par conséquent, aucune déclaration fausse ou trompeuse à cet égard ne pourrait mener au refus d’un renouvellement.

 

[61]           En conséquence, dans la mesure où Ridgeview cherche à empêcher Santé Canada de renouveler l’ADP de M. Gibson en raison de sa prétendue inobservation des lois fédérales et provinciales, il est manifeste que la demande ne peut être accueillie.

 

La demande est présentée à des fins accessoires

 

[62]           Je suis également convaincue que la conclusion du protonotaire selon laquelle la présente demande n’a pas été déposée pour une fin accessoire reposait sur une appréciation erronée des faits.

 

[63]           Dans la décision Schreiber, le juge MacKay a statué qu’« il n'est [...] pas d'usage à la Cour de faire une déclaration au sujet de l'état du droit, sans argumentation fondée sur des intérêts contradictoires, pour que celle-ci soit utilisée devant un autre tribunal »: paragraphe 42.

 

[64]           Le protonotaire a établi une distinction d’avec Schreiber, notamment parce qu’il croit [traduction] « qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de poursuite en instance dans laquelle Ridgeview pourrait faire usage de déclarations de droit pures ». Avec le respect que je lui dois, ce n’est pas tout à fait exact. Bien que l’instance devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario n’est pas à proprement parler une « poursuite », c’est une procédure judiciaire qui a cours devant un autre tribunal.

 

[65]           Le fait que Ridgeview demande un jugement déclaratoire à la Cour pour régler plus facilement ses dossiers de droits de la personne a été établi très clairement dans les observations de l’avocat de Ridgeview à l’audition de l’appel, observations selon lesquelles son client se présente en Cour fédérale pour faire déclarer [traduction] « qu’en n’accueillant pas cet homme [M. Gibson] dans ses locaux, il ne fait pas preuve de discrimination, il [M. Kindos] ne fait que respecter la loi ».

 

[66]           Il n’y a pas non plus d’« intérêts contradictoires » entre Ridgeview et le procureur général dans la présente affaire en ce qui concerne le jugement déclaratoire qui est demandé. Le procureur général ne conteste pas les déclarations juridiques de base demandées par Ridgeview à la Cour.

 

[67]           Autrement dit, le procureur général est d’accord avec Ridgeview que le fait de fumer de la marihuana dans un endroit public ou dans tout établissement licencié en vertu de la Loi sur les permis d’alcool de l’Ontario, n’est pas autorisé par les permis délivrés par Santé Canada. Le procureur général convient également que Santé Canada n’a pas le pouvoir d’autoriser la possession ou la consommation par quiconque de marihuana à des fins médicales de manière contraire aux lois de l’Ontario.

 

[68]           Il semble que le seul avantage pratique que Ridgeview peut tirer de telles déclarations serait de faciliter sa défense dans l’instance relative aux droits de la personne, et dans toute autre instance éventuelle sous le régime des lois ontariennes sur l’alcool. Dans les circonstances, je suis convaincue que la demande est inappropriée.

 

 


Conclusion quant à l’appel

 

[69]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision du protonotaire était manifestement erronée, car elle reposait sur une incompréhension du régime législatif et sur une appréciation erronée des faits. Je suis également convaincue qu’il est manifeste que la demande de contrôle judiciaire n’a aucune chance d’être accueillie. Par conséquent, l’appel est accueilli et l’avis de demande est radié à l’égard du procureur général du Canada.

 

 

Dépens

 

[70]           Je ne vois pas pourquoi les dépens ne suivraient pas l’issue de la cause, tant ici que dans le cas de l’instance devant le protonotaire. L’avocat du procureur général a proposé qu’un total de 3 000 $ constitue un montant approprié pour les dépens dans les deux instances. L’avocat de Ridgeview a proposé que les dépens puissent être établis à 15 000 $ s’il s’oppose avec succès à l’appel. Selon moi, la somme d’argent proposée par le procureur général convient nettement mieux.

 

 

La requête en modification de l’avis de demande

 

[71]           Après le dépôt par le procureur général de son appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance du protonotaire, Ridgeview a présenté une requête demandant l’autorisation de modifier son avis de demande de manière à inclure la réparation additionnelle suivante :

[traduction]

3A. une ordonnance sous forme de mandamus exigeant que Santé Canada respecte l’article 68 du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, DORS/2001-227, à l’égard des plaintes officielles déposées concernant la conduite du défendeur Steve Gibson;

 

 

[72]           La réparation demandée par la modification s’adresse expressément à Santé Canada, qui est représenté dans cette instance par le procureur général du Canada. Puisque l’avis de demande de Ridgeview a été radié à l’égard du procureur général du Canada, il n’y a plus rien à modifier, et la requête est rejetée sans préjudice au droit de Ridgeview de présenter une demande de mandamus distincte. Les dépens de la requête sont adjugés au procureur général pour la somme de 300 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         L’appel du procureur général du Canada est accueilli. L’ordonnance du protonotaire est annulée, et l’avis de demande de contrôle judiciaire est radié à l’égard du Procureur général du Canada. 

 

2.         Le procureur général du Canada a droit à ses dépens concernant la requête en radiation, ici et devant le protonotaire, pour la somme totale de 3 000 $.

 

3.         La requête de Ridgeview visant à modifier son avis de demande est rejetée sans qu’il soit porté atteinte au droit de Ridgeview de présenter une demande distincte de mandamus. Les dépens de la requête sont adjugés au procureur général pour la somme de 300 $.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-561-09

 

INTITULÉ :                                       RIDGEVIEW RESTAURANT LIMITED c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

STEVE GIBSON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 27 AVRIL 2010

 

MOTIFS DE JUGEMENT

 ET JUGEMENT :                             LA JUGE MACTAVISH        

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 10 MAI 2010        

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gary D. Graham

Sean Morrison

 

POUR LE DEMANDEUR

Sean Gaudet

James Gorham

 

Pas de comparution

POUR LE DÉFENDEUR (PGC)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR (STEVE GIBSON)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Avocats

Hamilton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

Aucun

POUR LE DÉFENDEUR (PGC)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR (STEVE GIBSON)

 

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