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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100531

Dossier : T-70-09

Référence : 2010 CF 591

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MANDAMIN

 

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

YM (SALES) INC.

 

demanderesse

 

et

 

MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL

et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La demanderesse, YM Sales Inc. (YM), sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par le ministre du Commerce international et annoncée par lettre, datée du 16 décembre 2008, de Mme Katharine Funtek, directrice, Direction de la politique sur la réglementation commerciale de la DGCEI. La décision en question refusait la demande de YM visant à modifier des licences d’importation. Les modifications permettraient aux licences d’être admissibles à un traitement tarifaire préférentiel et entraîneraient une remise d’environ 1,5 million de dollars.

 

[2]                YM est une importatrice de vêtements et elle avait initialement obtenu des licences d’importation sur la base de l’admissibilité de ces produits à titre de vêtements originaires d’Amérique du Nord lesquels sont, par conséquent, exempts de droits de douane en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Toutefois, l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) n’était pas convaincue que les produits provenaient à tous les égards de la zone de libre-échange prévue par l’ALÉNA et a émis des relevés détaillés de rajustement (RDR). Ces RDR avaient pour effet d’imposer un droit sur les produits au taux de la nation la plus favorisée (NPF).

 

[3]               YM a présenté une demande pour faire modifier ses licences d’importation au motif que les vêtements étaient fabriqués en Amérique du Nord à partir de fils et de filés ne provenant pas de la zone de libre-échange. La modification, si elle est approuvée, permettrait aux produits d’être considérés comme étant exempts des droits en vertu d’une exception relative au niveau de préférence tarifaire (NPT) prévue dans l’ALÉNA si les quotas annuels n’ont pas été atteints. Aucune question ne se pose relativement à la fabrication des vêtements dans la zone ALÉNA ou à la disponibilité des quotas au moment de l’importation.

 

[4]               Le ministre a refusé de modifier les 281 licences d’importation antérieurement délivrées à YM. Il s’agissait d’un deuxième refus de modifier les licences d’importation de YM.

 

[5]               Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

 

CONTEXTE

 

[6]               Pour bien comprendre les questions soulevées en l’espèce, il faut d’abord examiner le régime législatif, les faits et le contrôle judiciaire antérieur.

 

RÉGIME LÉGISLATIF

 

[7]               En 1994, le Canada, le Mexique et les États-Unis ont convenu d’établir une zone de libre-échange nord-américaine afin d’éliminer les obstacles au commerce des produits entre les territoires des Parties et faciliter le mouvement transfrontière de ces produits. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) a été mis en œuvre au Canada lorsque le Parlement a adopté une disposition législative en ce sens, soit la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, L.R.C. 1985, ch. E-19, en sa version modifiée (LLEI).

 

[8]                L’article 502 de l’ALÉNA oblige les importateurs de chaque territoire, s’ils demandent un traitement tarifaire préférentiel en vertu de l’ALÉNA, de remplir et signer un certificat d’origine pour un produit ayant fait l’objet d’une détermination d’origine.  Les vêtements originaires doivent avoir été coupés et cousus (assemblés) en Amérique du Nord à partir de tissus et filés (matières) fabriqués eux-mêmes en Amérique du Nord. Le certificat d’origine est rempli par l’exportateur qui fournit les produits à l’importateur.

 

[9]                L’appendice 6.B de l’annexe 300-B de l’ALÉNA prévoit une exception pour les vêtements fabriqués à partir de matières non originaires. Il indique ce qui suit :

 

Chacune des Parties appliquera le taux de droit applicable aux produits originaires […] jusqu’à concurrence des quantités annuelles indiquées […] et aux vêtements […] qui sont coupés (ou façonnés) et cousus ou autrement assemblés sur le territoire de l’une ou l’autre des Parties à partir d’un tissu ou d’un filé produit ou obtenu à l’extérieur de la zone de libre-échange, et qui satisfont aux autres conditions applicables à l’octroi du traitement tarifaire préférentiel aux termes du présent accord.

 

[10]            Le ministre tire la plupart de ses pouvoirs, pour donner effet à l’ALÉNA, de la LLEI.

 

[11]            L’article 5 de la LLEI permet au gouverneur en conseil de dresser une liste des marchandises d’importation contrôlée (LMIC) pour diverses fins précises, notamment  pour mettre en œuvre un accord intergouvernemental comme l’ALÉNA.  

 

[12]           L’article 14 de la LLEI prévoit qu’il est interdit d’importer des marchandises figurant sur la LMIC à moins de posséder une licence d’importation délivrée en vertu de la LLEI. 

 

[13]           Le paragraphe 5.2(1) de la LLEI prévoit que certaines marchandises peuvent figurer sur la LMIC dans le but précis de surveiller les quotas convenus dans l’ALÉNA. Il prévoit notamment ce qui suit :

 

5.2 (1) Lorsqu’il est convaincu qu’il est souhaitable d’obtenir des renseignements sur […] l’importation de marchandises dont une quantité spécifiée est susceptible chaque année de bénéficier soit du taux de droits prévu […] conformément à l’appendice 6 de l’annexe 300-B de celui-ci, […] le gouverneur en conseil peut, par décret et sans mention de la quantité, porter ces marchandises sur la liste […] des marchandises d’importation contrôlée […] pour que soit facilitée la collecte de ces renseignements.

 

[14]           En général, le ministre a le pouvoir discrétionnaire de concéder des licences d’importation en vertu du paragraphe 8(1). Toutefois, si le ministre ajoute les marchandises sur la liste aux seules fins d’obtenir des renseignements, le paragraphe 8(2) l’oblige à délivrer une licence :  

 

8.(1) Le ministre peut délivrer à tout résident du Canada qui en fait la demande une licence pour l’importation de marchandises figurant sur la liste des marchandises d’importation contrôlée, sous réserve des conditions prévues dans la licence ou les règlements, notamment quant à la quantité, à la qualité, aux personnes et aux endroits visés.  

 

(2) Malgré le paragraphe (1) et tout règlement d’application de l’article 12 incompatible avec l’objet du présent paragraphe, le ministre délivre à tout résident du Canada qui en fait la demande une licence pour l’importation de marchandises figurant sur la liste des marchandises d’importation contrôlée aux seules fins d’obtenir des renseignements en application des paragraphes 5(4.3), (5) ou (6) ou 5.4(6), (7) ou (8), sous la seule réserve de l’observation des règlements d’application de l’article 12 qui sont nécessaires à ces fins.  

 

 

[15]           Le ministre est tenu de délivrer une licence et l’article 8.2 ajoute que les règlements concernant la délivrance d’une licence dans le but d’obtenir des renseignements sont seulement applicables dans la mesure où ils sont nécessaires à cette fin.

 

8.2 Malgré l’article 7, le paragraphe 8(1) et tout règlement d’application de l’article 12 incompatible avec l’objet du présent article, le ministre délivre à tout résident du Cananda qui en fait la demande une licence pour l’exportation ou l’importation de marchandises figurant, aux seules fins visées aux paragraphes 5.2(1), (2) ou (3) sur la liste des marchandises […] d’importation contrôlée, sous la seule réserve de l’observation des règlements d’application de l’article 12 qui sont nécessaires à ces fins.

 

 

[16]           Cependant, le ministre a le pouvoir discrétionnaire de modifier les licences d’importation en vertu de l’article 10 de la LLEI :  

 

10.(1) Sous réserve du paragraphe (3), le ministre peut modifier, suspendre, annuler ou rétablir les licences, certificats, autorisations d’importation ou d’exportation ou autres autorisations délivrés ou concédés en vertu de la présente loi.  

 

(2) Le ministre peut modifier, suspendre ou annuler une licence, au besoin, lorsqu’il y a eu délivrance, en vertu de la présente loi, d’une licence pour […] l’importation de marchandises figurant sur la liste des marchandises […] d’importation contrôlée aux seules fins visées aux paragraphes 5(4.3), (5) ou (6), 5.1(1), 5.2(1), (2) ou (3) ou 5.4(6), (7) ou (8), et que l’on se trouve dans l’une des circonstances suivantes :

a) la personne qui a fait la demande de licence a fourni, à l’occasion de la demande, des renseignements faux ou trompeurs sur un point important;  

[…]

d) il est nécessaire ou indiqué de corriger une erreur dans la licence;

 

(3) Sauf les cas prévus au paragraphe (2), le ministre ne peut modifier, suspendre ou annuler une licence délivrée en vertu de la présente loi dans les circonstances visées à ce paragraphe que dans la mesure compatible avec l’objet du paragraphe 8(2) ou des articles 8.1 ou 8.2, c’est-à-dire que les licences d’exportation ou d’importation de marchandises figurant sur la liste des marchandises d’exportation contrôlée ou sur celle des marchandises d’importation contrôlée dans ces circonstances soient délivrées aussi librement que possible aux personnes qui désirent exporter ou importer les marchandises sans plus d’inconvénients qu’il n’est nécessaire pour atteindre le but visé par leur mention sur cette liste.  

 

[17]           Selon l’article 12, le gouverneur en conseil peut, par règlement :  

b) établir les renseignements que sont tenues de fournir les personnes à qui des licences, certificats, autorisations d’importation ou d’exportation ou autres autorisations ont été délivrés ou concédés en vertu de la présente loi et régir toutes autres questions liées à leur utilisation;  

[…]

c) prévoir la délivrance de licences ou certificats de portée générale et les conditions et exigences y applicables;

[…]

c.3) prendre des mesures d’application, aux fins de la présente loi ou de telle de ses dispositions, des règlements pris sous le régime du Tarif des douanes ayant trait à l’origine des marchandises;

[…]

f) prendre toute autre mesure d’application de la présente loi.

 

[18]           Le Règlement sur les licences d’importation, (DORS/79-5) prévoit ce qui suit :

3. Un résident du Canada peut faire une demande de licence au ministre en fournissant les renseignements suivants :  

a) le nom et l’adresse du requérant,

[…]

e) le pays de provenance des marchandises,

f) le pays d’importation,

[…]

k) tout renseignement exigé par le ministre dans un cas où, à son avis, les renseignements fournis par le requérant ne sont pas assez clairs ou dans le cas où la description des marchandises à importer n’est pas assez détaillée. 

 

 

[19]           L’article 85 de la Liste des marchandises d’importation contrôlée [C.R.C., ch. 604] a été adopté en vertu de l’article 5.2 de la LLEI pour donner effet à l’appendice 6.B de l’annexe 300-B de l’ALÉNA. L’article 85 est libellé comme suit :

 

85.(1) Vêtements qui, à la fois :

 

a) sont coupés ou façonnés et cousus ou autrement assemblés au Mexique ou aux États-Unis à partir d’un tissu ou d’un filé produit ou obtenu à l’extérieur de la zone de libre-échange;  

 

b) ne sont pas inclus dans un autre article de la présente liste;

 

 

[20]            Le Tarif des douanes, (1997, ch. 36) est également pertinent. L’importateur de produits non originaires importés d’un pays ALÉNA doit normalement payer des droits de douane aux taux de la NPF. Il a cependant droit à une remise de ces droits, conformément au Décret de remise des droits de douane visant certains textiles et vêtements importés du Mexique ou des États-Unis, DORS/98-420, pris en application du Tarif des douanes. Ce décret prévoit ce qui suit :

 

1.  Les définitions qui suivent s’appliquent au présent décret.  

 

« vêtements » Les articles visés aux Chapitres 61 et 62 de la liste des dispositions tarifaires qui sont coupés ou tricotés et cousus ou autrement assemblés au Mexique ou aux États-Unis à partir de tissus ou de fils produits ou obtenus hors de la zone de libre-échange.

[...]

3.(2) La remise visée à l’article 2 est accordée à condition que l’importateur ou le propriétaire des marchandises fournisse à un agent des douanes, sur demande de celui-ci :  

 

a)         au moment où les marchandises font l’objet d’une déclaration en détail en vertu des paragraphes 32(1), (3) ou (5) de la Loi sur les douanes ou d’une demande de remboursement des droits de douane, un certificat délivré en vertu de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et du Règlement sur les certificats d’importation, indiquant la quantité passible d’une remise ou d’un remboursement en vertu de l’annexe 300-B du chapitre 3 de l’Accord de libre-échange nord-américain;

 

 

[21]            Le formulaire d’attestation de l’exportateur de marchandises textiles non originaires est fourni à l’annexe du règlementet se lit comme suit :

Je soussigné, exportateur des marchandises visées par la facture ou le contrat de vente ci-joint, atteste que ces marchandises sont conformes aux exigences applicables spécifiées à l’appendice 6 de l’annexe 300-B du chapitre 3 de l’Accord de libre-échange nord-américain.

 

 

FAITS

 

[22]            YM est une société canadienne qui pratique le commerce de la « fast fashion ». Elle importe des vêtements finis pour enfants, adolescents et adultes de tiers fournisseurs. Entre 1998 et 2001, YM a importé des vêtements au Canada en vue de les revendre dans environ 325 de ses magasins.

 

[23]           YM a initialement déclaré qu’il s’agissait de produits « originaires de l’ALÉNA » sur la base des certificats d’exportateurs.

 

[24]           L’ADRC a examiné les 281 importations et a contesté le fait que les vêtements étaient des produits originaires de l’ALÉNA. Elle a émis des relevés détaillés de rajustement (RDR) pour les produits en question et elle a imposé un droit aux taux tarifaires de la NPF.

 

[25]           Après avoir été déboutée de l’appel qu’elle a interjeté contre les RDR, YM a  demandé l’autorisation de faire des modifications rétroactives à ses licences d’importation afin de se conformer à l’appendice 6.B de l’annexe 300-B de l’ALÉNA, qui prévoit une exception pour les vêtements fabriqués à partir de matières non originaires, mais assemblés en Amérique du Nord. Si sa demande est approuvée, YM aurait droit à une remise des droits payés au taux de la NPF.

 

[26]           YM explique qu’elle a commis une erreur fondée sur une interprétation erronée des règles d’origine de l’ALÉNA. Elle reproche à son courtier en douane de l’avoir mal conseillée en lui disant de déclarer que les vêtements étaient des produits originaires de l’ALÉNA. 

 

[27]           YM a déposé plus de 3 000 demandes dans le but de modifier ses licences d’importation en 2001 et 2002 pour des transactions dans le cadre desquelles elle avait  considéré, à tort, les produits comme des produits originaires de l’ALÉNA sur la base de certificats d’origine erronés. Les demandes de modification présentées par YM visaient à modifier les licences d’importation de manière à refléter le statut des matières non originaires.

 

[28]           Pour faire ces demandes de modification, YM devait remplir un formulaire de demande de licence d’importation et déposer une attestation de l’exportateur de marchandises textiles non originaires (AEMTNO) renvoyant aux factures commerciales de YM. La déléguée du ministre a accueilli la plupart de ces demandes. Aucune de ces demandes ne portait sur les 281 importations visées par les RDR émis par l’ADRC.

 

[29]           En 2005, le ministre n’avait rejeté que les 281 demandes de modification qui avaient déjà fait l’objet de RDR.

CONTRÔLE JUDICIAIRE ANTÉRIEUR

 

[30]           YM a demandé le contrôle judiciaire de la décision du ministre rendue en 2005 refusant la demande de modification des licences d’importation présentée par YM. En 2008, le juge Strayer a accueilli la demande de contrôle judiciaire.

 

[31]           Le juge Strayer a conclu que la décision de 2005 du ministre était fondée sur une politique systématique selon laquelle toutes les demandes de modification de licence d’importation considérées comme étant involontaires ou, autrement dit, faisant l’objet de RDR devaient être refusées. Le juge Strayer a conclu que le ministre a entravé son pouvoir discrétionnaire en refusant les modifications en raison de cette politique et a omis d’évaluer le bien-fondé de chaque demande afin de déterminer si YM avait droit à des remises NPT.   

 

[32]           Le juge Strayer a annulé la décision du ministre et a renvoyé les demandes de traitement NPT de YM au ministre et à ses délégués pour décision en conformité avec ses motifs.

 

[33]           À la suite de la décision du juge Strayer rendue en 2008, les représentants de la DGCEI ont réexaminé les demandes de YM.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

 

[34]           Le 16 décembre 2008, la déléguée du ministre, Mme Funtek, a avisé YM que le ministre refusait à nouveau ses demandes visant à modifier les 281 licences d’importation faisant l’objet de RDR.

 

[35]           Madame Funtek a fait connaître la décision du ministre par lettre datée du 16 décembre 2008. Elle a d’abord affirmé que le ministre a réexaminé les demandes de modification des licences d’importation en tenant compte des motifs du juge Strayer.

 

[36]           Pour arriver à sa décision, le ministre disposait d’un mémoire de décision daté du 29 octobre 2008. Il s’agissait essentiellement d’une note d’information qui passait en revue les conclusions de la DGCEI, examinait les options du ministre et recommandait le refus des demandes. Comme le ministre n’a pas motivé sa décision, j’estime que ce document et la lettre de Mme Funtek énoncent les motifs de sa décision. Sketchley c. Canada, [2006] 3 R.C.F. 39 (CAF), aux par. 36 – 39.

 

[37]           Madame Funtek a reconnu que YM avait mal identifié l’origine des produits au moment de l’importation parce qu’elle avait mal interprété les règles d’origine prévues dans l’ALÉNA. Elle a indiqué que les représentants du gouvernement avaient expliqué les règles de l’ALÉNA. Voici ce qu’elle a écrit :

[traduction] Plus particulièrement, YM a ensuite amplement eu l’occasion de fournir des documents de ses fournisseurs, s’ils existaient. En fin de compte, YM n’a jamais donné les renseignements nécessaires pour établir que les produits en question ont été coupés et cousus sur un territoire couvert par l’ALÉNA à partir de filés ou tissus fabriqués à l’extérieur de la zone de libre-échange.

 

 

[38]           La déléguée du ministre a indiqué que les dossiers de l’époque produits par YM, obtenus de ses fournisseurs, n’appuyaient pas sa demande en vue d’obtenir les avantages relatifs au NPT. Les attestations de l’exportateur de marchandises textiles non originaires dont disposait YM étaient déficientes. Sans dossier sur les matières, l’exactitude des certificats ne pouvait pas être vérifiée. De plus, les certificats où les fournisseurs indiquaient que les renseignements sur leur attestation étaient exacts [traduction] « au mieux de leur connaissance » étaient considérés insuffisants.

 

[39]           La déléguée du ministre a aussi fait savoir que les réponses des fournisseurs de YM aux questionnaires de l’ADRC selon lesquelles les matières provenaient des États-Unis ou du Mexique n’ont pas établi l’admissibilité de YM aux avantages relatifs au NPT.  

 

[40]           Madame Funtek a terminé en indiquant que le ministre a refusé les 281 demandes de modification de YM parce que cette dernière n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour convaincre le ministre que les vêtements étaient admissibles au traitement NPL, c’est-à-dire, des vêtements coupés et cousus à partir de tissus et filés provenant de l’extérieur de la zone de libre-échange.  

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[41]           L’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, de la Cour suprême est souvent cité dans le contexte du contrôle judiciaire en rapport avec deux principes. Le premier principe, c’est qu’il n’existe que deux normes de contrôle : celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable (Dunsmuir, par. 45). La Cour a déclaré que la norme de la décision correcte s’applique aux questions de droit alors que la norme de la décision raisonnable s’applique aux questions mixtes de fait et de droit et aux questions de fait. Selon le deuxième principe, il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse pour arrêter la bonne norme de contrôle; les tribunaux peuvent examiner la juridiction et appliquer les normes qui s’y appliquent (Dunsmuir, par. 57).

 

[42]           Dans YM (Sales) Inc. c. Canada (Ministre du Commerce international) 2008 CF 78, (YM (Sales) Inc.), le juge Strayer s’est penché sur les mêmes questions et les mêmes faits dont la Cour est maintenant saisie. Après avoir pris en considération la norme de contrôle, il a déclaré ce qui suit :

 

En l’espèce, le ministre n’a pas le pouvoir discrétionnaire de concéder ou de refuser les licences d’importation simplement « dans l’intérêt public », mais il a des critères très spécifiques à appliquer ainsi qu’il est prévu à l’article 85 de la LMIC. À mon avis, cela met en jeu des questions mixtes de fait et de droit au milieu du spectre décisionnel et la norme de contrôle appropriée doit alors être celle du caractère déraisonnable.

 

 

[43]           Je suis d’accord avec le juge Strayer et j’estime que la norme de contrôle appropriée en l’espèce est celle de la décision raisonnable.

 

THÈSES

Demanderesse

 

[44]           YM soutient que le ministre a exigé une norme de preuve quasi impossible. Cette norme a rendu la décision du ministre déraisonnable parce qu’en demandant à la société de fournir des [traduction] « dossiers de l’époque relatifs à l’importation », le ministre demandait à YM de prouver les renseignements sous-tendant sa demande selon la norme de la « certitude ». Elle prétend que cette norme n’est pas autorisée par la loi.

 

[45]           YM soutient que, à cause de cette norme de preuve modifiée, le ministre a erronément refusé d’accepter les nouvelles AEMTNO à l’appui des demandes NPT de YM.

 

[46]           YM soutient également que la prétention de la DGCEI selon laquelle les dossiers de l’époque sur les matières des vêtements étaient nécessaires en raison du conflit entre les demandes antérieures relatives à l’origine aux termes de l’ALENA et les demandes ultérieures d’admissibilité au NPT est fondamentalement viciée. Elle prétend que le pouvoir du ministre de demander « tout renseignement » afin de clarifier d’autres renseignements devrait être interprété étroitement de manière à ne pas inclure les registres commerciaux. Elle soutient que ce fardeau n’était pas imposé à ses autres demandes de modification rétroactives. 

 

[47]           Selon YM, bien que quatre de ses fournisseurs aient répondu aux questionnaires de l’ALÉNA, ils ont été mal renseignés sur les règles d’origine de l’ALÉNA. Toutefois,  elle ajoute avoir fourni ces questionnaires dans le cadre de son obligation de communication et non à l’appui des demandes de modification et qu’ils ne sont pas pertinents parce qu’ils n’ont pas été présentés au ministre. De plus, les réponses générales des fournisseurs n’étaient pas conformes aux directives figurant sur le document et les réponses plus détaillées indiquaient simplement que les vêtements avaient été achetés sur le territoire couvert par l’ALÉNA et n’abordaient pas la question de l’origine des matières. YM prétend que le ministre qualifie injustement les renseignements qui se trouvent dans les questionnaires.

 

[48]           Toujours selon YM, le ministre a injustement affirmé que les AEMTNO étaient périmées de six ans alors que ce n’était pas le cas, c’est-à-dire qu’il s’était écoulé deux ans pour trois fournisseurs, deux à quatre ans pour les autres et jusqu’à cinq ans pour quelques fournisseurs.

 

[49]           Enfin, YM soutient que le ministre a tenu compte de considérations financières non pertinentes dans sa décision de 2008, à savoir qu’une décision favorable entraînait possiblement une remise de 1,5 million de dollars pour YM et environ 22 millions de dollars pour d’autres importateurs en pareilles circonstances.

 

 

Défendeurs

 

[50]           Les défendeurs affirment que le ministre a agi de façon raisonnable en demandant des dossiers de l’époque montrant que les vêtements étaient non originaires compte tenu des renseignements contradictoires sur leur origine. Selon eux, la question qui se pose est celle de savoir si le ministre a raisonnablement soupesé la preuve.

 

[51]           Les représentants de la DGCEI ont demandé à YM tout dossier pertinent y compris les dossiers remontant au début des échanges avec YM. Ils ont aussi donné à YM la possibilité de fournir [traduction] « toute preuve documentaire que les vêtements importés étaient fabriqués à partir de tissus ou de filés produits ou obtenus à l’extérieur de la zone de libre-échange ». Les défendeurs affirment qu’il n’était pas déraisonnable pour le ministre d’avoir demandé des dossiers de l’époque pour l’aider à déterminer l’admissibilité au NPT ou d’avoir pris en considération l’absence de ces documents au moment de prendre sa décision. Se fondant sur ses demandes initiales, la demanderesse a refusé la possibilité de présenter des renseignements additionnels.

 

[52]           Les défendeurs ont souligné que les AEMTNO jointes à chacune des demandes étaient signées entre un an et six ans après l’importation et qu’à ce moment-là, les exportateurs avaient certifié que les vêtements étaient originaires de l’ALÉNA puisqu’ils étaient entièrement produits aux États-Unis. Voici ce qu’ils ont déclaré :

 

[traduction] Par conséquent, relativement à chacune des demandes de modification, deux attestations clairement contradictoires ont été présentées.YM n’a fourni aucun document ou autre dossier rédigé au moment de la vente et/ou de l’importation des vêtements dans le but de corroborer les renseignements figurant dans une des deux attestations.

 

[53]           Les défendeurs affirment que YM n’a ni demandé à ses fournisseurs les renseignements confirmant l’origine des tissus ou des filés ni fourni de dossiers de l’époque afin de corroborer ses prétentions. YM aurait dû avoir de tels dossiers au moment de se livrer au commerce international.

 

[54]           Les défendeurs relèvent des lacunes particulières dans plusieurs AEMTNO.  L’exportateur affirme que certaines de ces lacunes sont des erreurs commises [traduction] « au mieux de [s]a connaissance ». Dans d’autres cas, les exportateurs avaient cessé leurs activités. En outre, après un examen approfondi, il s’est avéré que plusieurs AEMTNO qui semblaient indiquer des pays non originaires avaient été corrigées avec du liquide correcteur. Plus bas, la correction « États-Unis » semble avoir été ajoutée à la main. Dans plusieurs autres demandes, il manquait des factures commerciales confirmant l’exportateur et les quantités importées. Selon les défendeurs, ces lacunes appuient la conclusion du ministre selon laquelle les renseignements contenus dans ces documents ne pouvaient être vérifiés.

 

[55]           Les défendeurs prétendent également que le réexamen du ministre est conforme aux motifs du juge Strayer. Voici une critique du juge Strayer :

 

Je ne puis conclure que la décision du ministre, limitée qu’elle était par une politique de refus des demandes « non volontaires » de traitement rétroactif au NPT ou d’imposition à ces demandeurs d’un niveau de preuve plus élevé sans véritable égard à la preuve, était raisonnable. (Souligné par les défendeurs.)

 

Les défendeurs soutiennent que les représentants de la DGCEI ont réexaminé l’affaire et ont sérieusement examiné la preuve dont ils disposaient. Ils soulignent les instructions de Mme Funtek de trouver [traduction] « quelque chose » dans les demandes justifiant les licences admissibles au traitement NPT.

 

[56]           Selon les défendeurs, l’avis erroné du courtier de douane sur lequel YM s’est fondée ne pouvait justifier la décision du ministre, mais il a eu des « répercussions ». C’est cet avis erroné qui a porté atteinte à la capacité de l’entreprise d’étayer ses AEMTNO dans ses demandes de modification.

 

[57]           Enfin, les défendeurs nient que le ministre a fondé sa décision sur des considérations financières puisque ces renseignements sont fournis suivant la pratique habituelle. La recommandation qui a été faite au ministre dans le mémoire de la DGCEI indique clairement que la recommandation de refus est fondée sur l’absence totale d’éléments de preuve fiables sur l’origine des matières de vêtements.

 

 

ANALYSE

 

[58]           Le pouvoir discrétionnaire du ministre en l’espèce découle du régime législatif.

 

[59]           Les obligations de commerce international du Canada se trouvent à l’article 8 de la LLEI. Pour surveiller les quantités de marchandises textiles non originaires au Canada, les marchandises sont inscrites sur la liste des marchandises d’importation contrôlée. Le ministre doit délivrer des licences d’importation pour ces produits librement parce qu’ils figurent sur la liste aux fins d’obtention de renseignements dans un esprit de libre échange. Ils ne sont pas inscrits sur la liste à d’autres fins comme la sécurité publique dans le cas des armes à feu ou des produits pharmaceutiques, où le ministre est investi d’un pouvoir discrétionnaire sur la délivrance des licences.

 

[60]           La demanderesse me demande de conclure que cette fin de libre échange guide chaque étape du processus de délivrance de licence. De l’étape de la demande à celle de la modification, lorsque l’inscription d’une marchandise sur la liste vise à surveiller les quantités quotas, les licences devraient être délivrées et modifiées avec le moins possible d’obstacles.

 

[61]           Le juge Strayer a été saisi de la même question et il a conclu que la loi ne rétrograde pas le ministre à un « faiseur d’additions » ayant pour unique droit et obligation de veiller à ce que la quantité de produits importés ne dépasse pas les quotas.

 

[62]           Le paragraphe 8(2) de la Loi oblige le ministre à délivrer des licences. Toutefois, je ne pense pas que ce paragraphe enlève au ministre le pouvoir d’examiner les AEMTNO et les autres documents à l’appui pour garantir l’observation des exigences du droit canadien et de l’ALÉNA.

 

[63]           L’article 10 confère au ministre le pouvoir de modifier les licences. Le ministre doit respecter le concept du libre-échange lorsqu’il modifie des licences, mais l’article 12 et les règlements pertinents lui donnent le pouvoir d’exiger « tout renseignement […] dans un cas où, à son avis, les renseignements fournis par le requérant ne sont pas assez clairs ou dans le cas où la description des marchandises à importer n’est pas assez détaillée ».

 

[64]           Il me semble que l’objet de ce régime est d’assurer le libre-échange et d’empêcher le ministre de déroger à l’entente internationale. Cependant, les modalités de l’entente internationale continuent de s’appliquer. Les vêtements doivent être fabriqués à partir de matières non originaires et assemblés en Amérique du Nord pour être admissibles au traitement NPT. Si le ministre ne pouvait pas examiner les renseignements fournis par un exportateur/importateur, il ne pourrait pas garantir que le système de libre échange et ses exceptions acceptables sont respectés.  Le ministre a le droit de demander des renseignements supplémentaires aux fins prévues dans les règlements.  

 

[65]           Il en est de même pour les erreurs commises de bonne foi, ce qui est le cas en l’espèce. Ce n’est pas parce que l’erreur a été commise de bonne foi que cela signifie qu’un importateur devrait, de fait, se voir accorder le bénéfice du doute, le soustrayant ainsi à l’obligation de fournir des renseignements.

 

[66]           Les règlements ne limitent pas l’étendue des renseignements que le ministre peut exiger dans la mesure où ils visent à obtenir des précisions ou à fournir des détails. J’estime que la loi et les règlements autorisent le ministre à demander des renseignements additionnels pour clarifier ou pour établir la validité des certificats d’origine, peu importe que les marchandises faisaient l’objet d’un RDR ou non.

 

Raisons de demander des renseignements additionnels

 

[67]           Je considère la lettre de Mme Funtek et le mémoire présenté au ministre comme les fondements de cette décision. Il est clair que les représentants de la DGCEI avaient trois préoccupations :

 

1.    les RDR relatifs aux marchandises importées originaires de pays ALÉNA établissaient souvent que l’origine ne pouvait être étayée parce que l’importateur ou ses fournisseurs n’avaient aucun dossier sur les matières; il était donc peu probable que l’importateur ou ses fournisseurs puissent établir l’admissibilité au NPT;

 

2.    les fournisseurs de YM avaient antérieurement affirmé que les marchandises, celles qui sont maintenant revendiquées comme étant non originaires de pays ALÉNA, étaient originaires de pays ALÉNA;

 

3.    les nouveaux certificats d’origine dataient de plusieurs années après la date d’importation.

 

[68]           En ce qui concerne le dernier élément, le délai le plus long était celui des demandes de StreetBeat, c’est-à-dire six ans après la date d’importation. YM a abandonné ces revendications. Néanmoins, il n’est pas contesté que les autres certificats ont été délivrés après que les marchandises aient été importées.

 

[69]           Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que le ministre et ses représentants avaient des raisons de demander des renseignements additionnels confirmant la validité des certificats d’origine.

 

La même norme n’a pas été imposée aux autres demandes de modification

[70]           YM prétend que le ministre a appliqué une norme de preuve plus élevée en exigeant des dossiers de l’époque concernant l’origine des matières des 281 marchandises faisant l’objet de RDR alors qu’il avait suffit de fournir les AEMTNO pour les 3 000 demandes de modification approuvées que YM avaient présentées dans le cadre des modifications de licence volontaires.

 

[71]           YM souligne qu’il est difficile d’obtenir les documents attestant le pays d’origine des tissus et filés parce qu’il faut se fier à des tiers fournisseurs qui ne veulent pas toujours partager des renseignements commerciaux confidentiels. Le mémoire de décision adressé au ministre confirme qu’il peut être onéreux de corroborer une demande NPT lorsque les activités du fabricant ne sont pas intégrées à celle du distributeur. C’est peut-être le cas, mais les règles sont claires. Les exigences relatives à l’exception relative au NPT sont essentielles pour pouvoir profiter de l’avantage commercial. Ce n’est pas parce qu’il est difficile de respecter une exigence qu’il est possible de ne pas la respecter.

 

[72]           Les AEMTNO fournis par les exportateurs sont une source de renseignements et une forme de preuve relative au pays d’origine des tissus et filés. Ainsi, l’exportateur fournit des renseignements et certifie le pays d’origine aux fonctionnaires. Dans la vaste majorité des cas, les AMETNO sont suffisantes pour les besoins du ministre. Il faut se rappeler que le ministre a approuvé 3 000 demandes de modification qui ne contenaient que les AMETNO.

 

Une norme de preuve plus élevée

[73]           Dans YM (Sales) Inc., le juge Strayer a conclu que le ministre avait soit fondé sa décision sur la politique de refuser sommairement les demandes de modification en ce qui concerne les licences faisant l’objet de RDR ou avait appliqué une norme de preuve qui empêchait la modification des licences.

 

[74]           YM prétend que le ministre a imposé une norme de preuve plus élevée qui exigeait des « dossiers de l’époque sur les matières » pour prouver avec « certitude » l’origine des tissus et des filés des vêtements importés.

 

[75]           Elle prétend qu’une norme plus élevée que ce qui est raisonnable est imposée aux demandes de modification de YM. Toutefois, j’estime que l’utilisation du mot « certitude » par Mme Funtek était liée aux AMETNO qui ne correspondaient pas aux AMETNO requises par règlement. Selon ces AEMTNO, l’exportateur avait rempli le formulaire « au mieux de sa connaissance » au lieu d’utiliser les formulations prévues.

 

[76]           Je ne pense pas que le ministre ait exigé un degré de certitude; les représentants ont plutôt demandé tout élément de preuve pouvant d’appuyer l’admissibilité au NPT et ont donné à YM la possibilité de fournir davantage de renseignements, ce qu’a refusé YM.

 

[77]           À la lumière d’un dossier étoffé fondé sur le respect par le ministre des instructions du juge Strayer, il me semble clair que cette fois le ministre n’a ni appliqué une politique systématique ni une norme de preuve plus élevée.

 

[78]           Le juge Strayer a été clair, et je suis d’accord : le ministre ne pouvait pas imposer une « norme de preuve plus élevée » pour la simple raison que les licences avaient fait l’objet de RDR. Cela est conforme à la conclusion de la Cour suprême du Canada dans F.H. c. MacDougall, 2008 CSC 53, au par. 40, selon laquelle il n’existe au Canada qu’une seule norme de preuve en matière civile,  celle de la prépondérance des probabilités.  

 

Aucune erreur

 

[79]           L’alinéa 10(2)a) de la LLEI permet de modifier les licences lorsqu’une personne a donné des renseignements faux ou trompeurs et l’alinéa 10(2)d) prévoit la possibilité de corriger les erreurs. Ces dispositions visent, comme l’a fait remarquer le juge Strayer, à ne pas rejeter d’emblée les licences déficientes pour cause de négligence, mais à permettre qu’elles soient corrigées. Ces corrections n’exigent pas une norme de preuve plus élevée, car appliquer une norme plus élevée à la lumière de la loi serait incorrect ou déraisonnable.

 

[80]           En l’espèce, le ministre a accepté l’explication de YM pour la déficience de ses licences. Rien n’indique que le ministre a imposé une norme de preuve plus élevée, compte tenu de l’erreur de YM, que celle de la prépondérance des probabilités autorisée par le régime législatif.  

 

Facteurs non pertinents

[81]           Enfin, YM soutient que le ministre a tenu compte de questions financières non pertinentes lorsqu’il a pris sa décision en 2008, notamment la remise possible de 1,5 million de dollars pour YM et environ 22 millions de dollars pour des importateurs en pareilles circonstances. Je ne crois pas que le ministre devrait ignorer les répercussions financières de sa décision. J’estime que la recommandation de refus qui est faite au ministre dans le mémoire de décision de la DGCEI indique clairement qu’elle est fondée sur le manque de preuve crédible sur l’origine des matières.

 

CONCLUSION

 

[82]           Je conclus que le régime législatif permettait au ministre d’exiger d’autres renseignements sur les vêtements en question et qu’il avait des raisons suffisantes de demander plus de renseignements sur l’origine des tissus et filés à partir desquels les vêtements ont été confectionnés. YM n’a pas fourni les renseignements demandés. Pour arriver à sa décision, le ministre n’a pas imposé une norme de preuve plus élevée et il n’a pas non plus tenu compte de facteurs non pertinents.   

 

[83]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire présentée par YM ne peut être accueillie. Elle est rejetée.

 

[84]           Les dépens sont accordés aux défendeurs.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Les dépens sont accordés aux défendeurs.

 

 

     « Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-70-09

 

 

INTITULÉ :                                       YM (SALES) INC. et MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 8 DÉCEMBRE 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MANDAMIN         

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 31 MAI 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jacques Bernier

Darel H. Pearson

 

POUR LA DEMANDERESSE

Karen Lovell

Andrea Bourke

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bennett Jones LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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