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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100601

Dossier : IMM-4499-09

Référence : 2010 CF 599

[traduction certifiée, non révisée]

Toronto (Ontario), le 1er juin 2010

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

COMFORT AYERTEY

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

 

[1]               Depuis 2003, la demanderesse tente de parrainer son fils pour qu’il quitte le Ghana et vienne au Canada. Comme le fils avait plus de 22 ans lors de la demande de parrainage, il ne pouvait se qualifier que s’il démontrait à un agent des visas qu’il était aux études à temps plein. Telles que l’indiquent ses notes datant de 2004, le premier agent des visas (l’agent des visas) était convaincu que le fils était aux études à temps plein depuis l’âge de 22 ans et que, par conséquent, il satisfaisait aux critères concernant le statut d’« enfant à charge » prévus à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, (le Règlement). La demande de parrainage a toutefois été refusée (la décision du premier agent des visas) au motif que la demanderesse était bénéficiaire d’assistance sociale, ce qui contrevient à l’alinéa 133(1)k) du Règlement.

 

[2]               Dans une décision rendue le 10 février 2006 (la première décision de la SAI), la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI) a accueilli l’appel au motif qu’il y avait « suffisamment de motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales. » La SAI a renvoyé l’affaire à l’agent des visas avec une directive ainsi libellée : « [L]’agent doit reprendre la demande conformément aux motifs de la [SAI]. »

 

[3]               Au cours de la seconde procédure, le fils a été interrogé en 2008 par un autre agent des visas, une femme cette fois-ci (l’agente des visas). À ce moment-là, selon les notes de l’agente figurant dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI), le fils a admis qu’il n’étudiait plus à temps plein depuis 2000. Dans une décision datée du 29 juillet 2009 transmise par lettre (la décision de l’agente des visas), la demande de parrainage a encore une fois été rejetée. Cette fois-ci, l’agente des visas n’était pas convaincue que le fils pouvait être considéré comme un enfant à charge. L’agente a conclu que le fils n’était pas un « étudiant » au sens de l’article 2 du Règlement. La demanderesse a fait appel à la SAI de la décision de l’agente des visas. La SAI a examiné l’appel par écrit et l’a rejeté dans une décision datée du 11 août 2009 (la deuxième décision de la SAI). La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la deuxième décision de la SAI.

 

 

 

 

Les questions en litige

 

[4]               La présente demande soulève les questions suivantes :

 

  1. La SAI a-t-elle commis une erreur en omettant de conclure que l’agente des visas a commis une erreur en effectuant un nouvel examen quant à savoir si le fils était étudiant à temps plein le 29 juillet 2008, plutôt que de se sentir liée par la décision de 2004 de l’agent des visas, c’est-à-dire que le fils était étudiant à temps plein (et que, par conséquent, il était un enfant à charge et faisait partie de la catégorie du regroupement familial)?
  2. Si l’agente des visas n’était pas liée par la première décision de la SAI, est-ce que la SAI a commis une erreur en ne concluant pas que l’agente des visas avait rendu une décision qui n’était pas étayée par la preuve que le fils de la demanderesse n’était pas aux études à temps plein le 29 juillet 2008?

 

 

Le régime législatif

 

[5]               Selon le paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), un étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, présenter une demande de visa à un agent. L’agent peut le délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la LIPR.

 

[6]               D’après le paragraphe 12(1) de la LIPR, la sélection des étrangers, tels que le fils de la demanderesse, de la catégorie du « regroupement familial » se fait notamment en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien à titre d’enfant. L’alinéa 117(1)b) du Règlement définit un membre de la catégorie du regroupement familial comme, entre autres, un enfant à charge du répondant. La portée de la définition d’un enfant à charge est décrite au paragraphe 2 du Règlement. Pour les besoins de la présente demande de contrôle judiciaire, un enfant, âgé de plus de vingt-deux ans, répond à la définition d’« enfant à charge » s’il est un étudiant qui :

 

A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle.

 

[7]               Aux termes de l’alinéa 121a) du Règlement, « l’intéressé doit être un membre de la famille du demandeur ou du répondant au moment où la demande est faite et [doit avoir] atteint l’âge de vingt-deux ans ou non, au moment où il est statué sur la demande ».

 

[8]               Lorsque la demande présentée par un étranger dans la catégorie du regroupement familial est rejetée, le répondant a le droit d’interjeter appel à la SAI conformément au paragraphe 63(1) de la LIPR. Selon le paragraphe 67(1) de la LIPR, la SAI doit faire droit à l’appel sur preuve qu’au moment où a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait; b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle; c) des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales. Aux termes du paragraphe 67(2), si la décision attaquée est cassée par la SAI, celle-ci peut y substituer celle, accompagnée, le cas échéant, d’une mesure de renvoi, qui aurait dû être rendue, ou renvoyer l’affaire devant l’instance compétente.

 

[9]               En vertu du paragraphe 70(1), « l’agent est lié, lors du contrôle visant le résident permanent ou l’étranger, par la décision faisant droit à l’appel. »

 

Analyse

 

 

Première question : Est-ce que l’agente des visas était tenue d’accepter que le fils était aux études à temps plein?

 

[10]           L’élément essentiel du présent contrôle judiciaire est le sens de la directive de la SAI qui mentionnait que « l’agent doit reprendre la demande conformément aux motifs de la [SAI] ». Est-ce que ce passage de la première décision de la SAI signifiait que la demande devait être traitée en date de la décision rendue par l’agent en 2004, comme l’a prétendu la demanderesse? En d’autres mots, est-ce que le paragraphe 70(1) de la LIPR obligeait l’agente à accepter que le fils de la demanderesse était étudiant à temps plein et était , par conséquent, un « enfant à charge »? Subsidièrement, comme le prétend le défendeur, l’agente devait-elle évaluer la demande au complet, y compris la question de savoir si le fils était étudiant à temps plein en 2008 (sous réserve que le fait que la demanderesse était bénéficiaire d’assistance sociale ne soit pas pris en compte)?

 

[11]           À mon avis, la meilleure position juridique est que l’agente des visas était tenue de vérifier si le fils de la demanderesse étudiait ou non à temps plein pendant toute la période de temps allant jusqu’à la date de sa décision en 2008.

 

[12]           Je souligne d’abord que la SAI, dans sa première décision, a choisi de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire, prévu à au paragraphe 67(2) de la LIPR de substituer la décision de l’agent par la sienne. Elle a plutôt renvoyé l’affaire à l’agent des visas avec comme directive : « l’agent doit reprendre la demande conformément aux motifs de la [SAI]. » Si la SAI voulait, dans sa décision de 2006, que le seul point à examiner dans l’évaluation subséquente effectuée par un autre agent des visas était les « mesures spéciales », elle aurait substitué la décision de l’agent par une autre qui, à son avis, aurait dû être rendue – tel que prévu au paragraphe 67(2) la LIPR.

 

[13]           En second lieu, il est important de comprendre les motifs de la première décision de la SAI. La SAI a tenu compte d’un seul facteur dans le cadre de sa décision : la demanderesse était bénéficiaire d’assistance sociale (paragraphe 133(1) du Règlement). Plus particulièrement, la SAI a jugé qu’il y avait « suffisamment de motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales ». La SAI n’a pas tranché sur la question de savoir si oui ou non le fils de la demanderesse répondait à la définition d’« enfant à charge » et, par conséquent, appartenait à la « catégorie du regroupement familial ».

 

[14]           Contrairement à l’âge de l’enfant à charge, le statut d’étudiant n’est pas « gelé » à la date de la présentation de la demande (voir Hamid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 217, [2007] 2 R.C.F. 152). Par conséquent, le fils de la demanderesse devait satisfaire aux exigences énoncées à l’alinéa 121a) du Règlement qui dit qu’il doit être membre de la catégorie du regroupement familial au moment de la présentation de la demande et au moment où il est statué sur la demande. La SAI, dans sa première décision, avait substitué à la décision de l’agent sa décision selon laquelle la demande de parrainage était accueillie (comme le paragraphe 67(2) de la LIPR lui permettrait de le faire), une deuxième personne (l’agente des visas) n’aurait pas eu à se pencher sur l’un ou l’autre des points de la demande. La date de la première décision de la SAI aurait été la date de la décision. Par contre, en l’espèce, la date de la décision n’est pas la date de la première décision de la SAI. La date de la décision est plutôt la date à laquelle l’agent a décidé de rejeter la demande, soit le 29 juillet 2009. Autrement dit, la décision de l’agent des visas n’est pas pertinente. Pour les besoins de la décision de l’agente des visas, celle-ci devait être convaincue que le fils de la demanderesse répondait à la définition d’« enfant à charge » en date de sa décision, et non pas à une date antérieure.

 

[15]           Pour conclure quant à cette question, dans sa première décision, la SAI n’a pas ordonné que l’agent des visas subséquent (l’agente des visas en l’espèce) accepte les conclusions du premier agent. La SAI a correctement affirmé dans sa deuxième décision que :

[L]’admissibilité au parrainage doit être maintenue jusqu’au moment de la « décision définitive concernant la demande », lorsqu’un visa de résident permanent est délivré. Par conséquent, si en 2004 la conclusion de l’agent des visas concernant la fréquentation continue était erronée ou si les circonstances ont changé et que le demandeur cesse de fréquenter l’établissement scolaire à temps plein, il n’est plus admissible au parrainage. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

Deuxième question : La décision de l’agente était-elle raisonnable?

 

 

[16]           La demanderesse affirme que, même si l’agente des visas devait décider si le fils était étudiant à la date la plus tardive, cette décision, compte tenu de la preuve, était ni juste ni raisonnable.

 

[17]           Le premier argument de la demanderesse semble être que l’agente a commis une erreur en convoquant son fils en entrevue. Je ne vois aucune erreur dans cette initiative de la part de l’agente.

 

[18]           Je souligne d’abord que l’agente devait évaluer de nouveau si le fils était étudiant à temps plein pendant la période de temps allant jusqu’à la date de sa décision. Comme je l’ai déjà mentionné, elle n’était pas liée par l’une ou l’autre des conclusions du premier agent sur cette question. En s’acquittant de cette obligation, l’agente, si on se fie à ses notes, a eu des difficultés à établir si le fils était encore aux études. En 2008, une note du trésorier de l’école fréquentée par le fils mentionnait uniquement ce qui suit :

[traduction]

 

Il étudie dans notre établissement. Il a commencé l’école en 2001, mais n’a pas pu finir selon l’échéancier prévu; il n’a pas subi son examen final […] Il devrait finir son année scolaire en 2008.

 

[19]           Au lieu de confirmer que le fils est aux études à temps plein, la note et les autres éléments de preuve documentaire soulèvent des doutes quant au statut d’étudiant du fils. Compte tenu de ceci, il n’était pas déraisonnable de convoquer le fils en entrevue pour qu’il puisse confirmer son statut d’étudiant. Les notes de l’agente (inscrites à l’époque de l’entrevue) mentionnaient que le fils de la demanderesse avait admit qu’ [traduction] « il n’était pas inscrit à l’école en 2003-2004, 2005‑2006 et 2006-2007 ». En s’appuyant sur cet aveu et sur d’autres éléments de preuve, il n’était pas déraisonnable pour l’agente de conclure ce qui suit :

[traduction]

 

Je ne suis pas convaincue que la définition d’enfant à charge s’applique au demandeur. Il n’étudie pas à temps plein depuis l’âge de 22 ans. Il ne s’est pas inscrit à l’école depuis plusieurs années, mais il affirme qu’il assiste à des cours quelques heures par jour. Cela semble cependant très invraisemblable puisqu’il n’a payé aucun frais de scolarité et que, de son propre aveu, il passe la majorité de son temps à la maison.

 

[20]           En outre, devant la SAI, le fils de la demanderesse n’a pas contredit les notes de l’agente relatives à l’entrevue consignées dans le STIDI (sous forme d’affidavit, par exemple).

 

[21]           Finalement, le fait que l’agent des visas était convaincu, en 2004, que le fils était étudiant à temps plein n’a rien à voir avec la décision de l’agente quant à savoir si le fils était étudiant à temps plein en 2008-2009.

 

[22]           Compte tenu de la preuve non réfutée de l’agente et de la preuve documentaire, je suis convaincue que la conclusion suivante de la SAI n’était pas déraisonnable :

D’après ce qu’a reconnu le demandeur à l’agent[e] des visas en 2008, il n’était pas « inscrit en continu et ne fréquentait pas un établissement d’enseignement postsecondaire […] » et par conséquent, ne respecte pas la définition d’enfant à charge. Comme le demandeur n’est pas un enfant à charge au sens du Règlement, il n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial et ne peut être parrainé par l’appelante.

 

[23]           Dans le cadre du présent contrôle judiciaire, le fils de la demanderesse a soumis un affidavit dans lequel il réfute avoir admis ne pas être étudiant à temps plein. Il y a deux problèmes avec cet affidavit. Premièrement, la SAI n’en a pas été saisie et, par conséquent, il ne fait pas partie du présent contrôle judiciaire. Deuxièmement, même s’il en faisait partie, il aurait été loisible à la SAI de privilégier les notes présentées à l’époque par l’agente, laquelle n’avait aucun intérêt personnel dans l’issue de la présente affaire, plutôt que les dénis intéressés du fils de la demanderesse.

 

Conclusion

 

[24]           Malgré l’habile plaidoirie de l’avocat de la demanderesse, je ne suis pas convaincue qu’il y a une erreur susceptible de contrôle dans la décision faisant l’objet du présent contrôle. Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune des parties ne propose de question à la certification.


JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4499-09

 

INTITULÉ :                                       COMFORT AYERTEY c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 31 MAI 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             LE 1ER JUIN 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kweku Ackaah-Boafo

Osei Owusu

 

POUR LA DEMANDERESSE

Deborah Drukarsh

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kweku Ackaah-Boafo

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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