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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100615

Dossier : IMM-6634-09

Référence : 2010 CF 647

 

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 juin 2010

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

demandeurs

 

et

 

HAMID REZA PANAHI-DARGAHLOO

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), qui vise une décision, rendue par la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, ordonnant que le défendeur soit remis en liberté moyennant certaines conditions.

 

[2]               Le demandeur sollicite l’annulation de la décision rendue par la Commission.

 

Contexte

 

[3]               Le défendeur est un citoyen iranien arrivé au Canada en 1998. Il s’est vu accorder le statut de réfugié au sens de la Convention en 1999. Sa demande de résidence permanente présentée la même année a été refusée en 2002 en raison des infractions criminelles dont il a été déclaré coupable.

 

[4]               En effet, depuis 2000, le défendeur a été déclaré coupable de nombreuses infractions, dix-neuf en tout. Il a été mis en détention puis relâché à plusieurs reprises par l'Agence des services frontaliers du Canada entre juillet 2004 et juin 2007; il est détenu sans interruption depuis juillet 2007. Une mesure d’expulsion a été prise contre lui pour grande criminalité en mars 2004 au titre de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR.

 

[5]               Voici les antécédents criminels du défendeur :

-         Le 15 novembre 2000 : déclaré coupable de vol de moins de 5 000 $, il s’est vu imposer une condamnation avec sursis et une interdiction d’un an.

-         Le 22 mai 2001 : déclaré coupable de

·        conduite avec facultés affaiblies, on lui a imposé une amende de 600 $ et six mois de probation. On lui a interdit en outre de conduire pendant un an;

·        deux chefs d’accusation de vol de moins de 5 000 $;

·        deux chefs de défaut de comparution;

·        voies de fait;

·        défaut de se conformer à une ordonnance de probation;

·        vol de plus de 5 000 $, infraction pour laquelle il a été condamné à une peine correspondant à la période passée en détention, soit 128 jours, plus un jour.

-         5 décembre 2002 : déclaré coupable de vol de moins de 5 000 $, il s’est vu imposer une condamnation avec sursis ainsi que dix-huit mois de probation et deux jours de détention présentencielle.

-         9 février 2004 : déclaré coupable de défaut de se conformer à un engagement et défaut de se conformer à une ordonnance de probation, infractions pour lesquelles il a été condamné à 42 jours de détention et à deux ans de probation.

-         27 mai 2004 : déclaré coupable de :

·        conduite avec facultés affaiblies (plus de 80 mgs);

·        avoir proféré des menaces de lésions corporelles, ce qui lui a valu une peine de 60 jours d’incarcération;

·        possession de biens volés valant plus de 5 000 $;

·        vol;

·        possession de biens volés valant moins de 5 000 $, défaut de se conformer à un engagement et voies de fait.

-         29 août 2005 : déclaré coupable de vol qualifié et d’usage d’une arme à feu durant la perpétration d’une infraction, il a été condamné à six mois d’emprisonnement.

-         1er novembre 2006 : déclaré coupable de vol dans un magasin d’alcool.

 

[6]               Pour expliquer sa conduite, la conseil du défendeur a soutenu devant la Commission que ce dernier avait été maltraité physiquement et mentalement par son père et ses frères, ce qui l’avait poussé à sombrer dans l’alcoolisme et la cocaïnomanie.

 

[7]               L’historique des mises en détention du défendeur en matière d’immigration est le suivant :

-         Le 13 juillet 2004, le défendeur a été placé en détention en vertu d’un mandat d’arrêt délivré contre lui. Il a été remis en liberté huit jours plus tard, soit le 21 juillet 2004.

-         En 2004, une demande a été présentée au ministre afin d’obtenir un avis de danger.

-         Il a été de nouveau placé en détention le 29 décembre 2005.

-         Le 27 mars 2006, il a été remis en liberté lorsque sa sœur a déposé un cautionnement et que le Programme de cautionnements à Toronto a offert d’exercer une surveillance.

-         Le 2 novembre 2006, il a été mis en détention. Note : après avoir purgé sa peine pour le vol du 1er novembre, il a été placé en détention en vertu de la LIPR. La déclaration de culpabilité susmentionnée contrevenait aussi à l’ordonnance de mise en liberté relative à sa détention antérieure.

-         Le 25 mai 2007, il a été mis en liberté grâce à un cautionnement de 10 000 $ et moyennant d’autres conditions.

-         Le 15 juin 2007, il a été placé en détention lorsque la caution a mis fin à sa surveillance.

 

[8]               Le 13 décembre 2006, le délégué du ministre a signé un avis de danger conformément à l’alinéa 115(2)a) de la LIPR; cet avis permettait au ministre d’exécuter la mesure d’expulsion prise en 2004 malgré le statut de personne protégée dont jouit le demandeur. Seul le titre de voyage qui n’avait pas encore été délivré empêchait le renvoi. Malgré de nombreuses discussions avec les fonctionnaires de l’ambassade d’Iran tout au long de l’année 2007, aucun document de voyage n’a été obtenu. Des représentants de l’Iran ont précisé que le droit iranien interdit le retour forcé de ses ressortissants. Il semble que les employés de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aient accepté cette affirmation. Le défendeur ne souhaitait pas retourner en Iran; en outre, il estimait qu’il serait en danger s’il y retournait. Par conséquent, il a refusé de signer un document attestant qu’il retournera en Iran de son plein gré.

 

[9]               Au moment du contrôle des motifs de détention, qui a eu lieu le 11 décembre 2009, une nouvelle caution a été proposée. Si le défendeur était demeuré en détention à la suite des précédents contrôles effectués par la Commission, c’est parce qu’il avait été considéré comme constituant un danger pour la sécurité publique au sens de l’alinéa 58(1)a)de la LIPR. Ces conclusions étaient étayées par les accusations de voies de fait portées en 2001 et en 2004 contre le défendeur, l’accusation de vol qualifié déposée contre lui en 2005 et l’avis de danger émis en 2006, de même que les accusations de conduite avec facultés affaiblies.

 

[10]           Le défendeur a sollicité le contrôle judiciaire d’une décision rendue en 2008 ordonnant son maintien en détention et concluant qu’il constitue un danger pour la sécurité publique. La décision précise en outre que le demandeur s’est rendu responsable de sa détention en refusant de signer une déclaration de retour volontaire en Iran. Dans la décision Panahi-Dargahlloo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1114, [2009] A.C.F. no 1670 (QL), le juge Mandamin a annulé le maintien en détention parce que la commissaire n’avait pas suffisamment pris en compte la durée de la détention purgée par le défendeur, son statut de réfugié au sens de la Convention ainsi que la collaboration dont le défendeur avait fait preuve de façon générale à l’égard de l’ASFC.

 

La décision de la Commission

 

[11]           La Commission a conclu que le défendeur ne constituerait pas un danger pour la sécurité publique pourvu que des mesures adéquates soient prises. Les accusations et l’avis de danger datent de trois ans. Même si les éléments de preuve produits par le demandeur ont établi que la réadaptation ne s’était pas avérée fructueuse puisque de nouvelles accusations avaient été portées contre le défendeur, la dernière infraction a été perpétrée il y a trois ans. Les circonstances entourant les antécédents dangereux du défendeur tirent leur origine de l’époque où il travaillait dans des boîtes de nuit et consommait de la cocaïne et de l’alcool. Depuis lors, il a bénéficié de traitements psychiatriques et de programmes de désintoxication. L’efficacité de ces ressources pour la réadaptation n’a pas encore été mise à l’épreuve dans la collectivité.

 

[12]           La conclusion de la Commission au sujet du risque de fuite du défendeur reposait principalement sur la volonté qu’a témoignée le défendeur de se conformer au processus de renvoi entamé par l’ASFC en 2007. La Commission a estimé que son refus de signer une déclaration de retour volontaire en Iran est en partie justifié par son statut de réfugié et sa crainte légitime de persécution. La Commission a pris en compte l’engagement obtenu du défendeur par la nouvelle caution qu’il obéirait aux instructions que lui donneraient  les autorités de l’immigration. Néanmoins, la Commission a conclu que, dans l’ensemble, le défendeur posait un risque de fuite au sens donné à cette expression à l’alinéa 58(1)b) de la LIPR.

 

[13]           Dans le cadre de son évaluation des solutions de rechange à la détention, la Commission a examiné l’argument des ministres selon lequel la mise en liberté du défendeur en mai 2007 était fondée sur de fausses déclarations au sujet des liens unissant le défendeur à sa caution. Comme l’AFSC a décidé de ne pas porter d’accusations contre le défendeur en vertu de la LIPR pour fausses déclarations et n’a pas non plus divulgué toutes les informations qu’elle possédait sur cette question, la Commission a refusé de conclure à l’existence de fausses déclarations. La Commission a également pris en compte le respect par le défendeur des conditions assortissant sa dernière mise en liberté pendant les deux années et demie écoulés depuis lors. Finalement, la Commission s’est penchée sur la qualité de la nouvelle caution du défendeur et la suffisance du cautionnement (qui s’élève à 5 000 $) compte tenu des modestes ressources financières dont dispose la caution. La Commission a conclu que le défendeur doit être mis en liberté à condition qu’il suive un traitement pour toxicomanes et qu’il participe au programme des Alcooliques Anonymes.

 

Questions en litige

 

[14]           Les questions en litige sont les suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La conseil des ministres a-t-elle été privée de son droit à l’équité procédurale pendant l’audience?

            3.         La conclusion de la Commission était-elle déraisonnable?

 

Les arguments écrits du demandeur

 

[15]           Les parties à une instance devant la Commission ont le droit de se faire entendre. Les garanties procédurales sont rehaussées dans des contextes décisionnels de nature plus judiciaires, comme c’est le cas en l’espèce. Dans ses motifs la Commission fait référence à trois programmes de traitement destinés au défendeur, mais ne s’est pas assurée que ces programmes soient abordés lors de l’audience, privant ainsi la conseil des ministres de la possibilité de faire des observations sur leur efficacité. Si elle en avait eu l’occasion, la conseil des ministres aurait soutenu que certains de ces programmes s’étaient déjà avérés infructueux auparavant.

 

[16]           Les demandeurs affirment également qu’aucun avis ne leur avait indiqué que seraient contestées les fausses déclarations examinées lors de l’audience de remise en liberté du 25 mai 2007. La question n’a pas été soulevée à l’audience, mais la Commission a conclu que les ministres ne s’étaient pas acquittés du fardeau de prouver les fausses déclarations alléguées. Si le commissaire avait indiqué qu’il éprouvait quelque difficulté que ce soit relativement à cette question, les ministres auraient pu produire les éléments de preuve dont ils disposaient.

 

[17]           Finalement, les demandeurs avancent que la Commission a agi de façon inéquitable en ne fournissant pas d’avis indiquant qu’elle entendait examiner et remettre en cause la valeur de l’avis de danger. Lors de précédents contrôles, dont un effectué par le même commissaire, cette conclusion n’avait pas été mise en cause.

 

[18]           Selon les demandeurs, la conclusion de la Commission ne satisfait pas au critère de la décision raisonnable. En effet, la Commission a estimé que le défendeur risquait de fuir étant donné son refus de signer la déclaration de retour volontaire et parce que la nouvelle caution n’a pas pu garantir qu’elle pourrait convaincre le défendeur de se présenter pour son renvoi. Pourtant, la Commission a décidé que le défendeur devait être confié à la caution. Comme il maintient son refus de signer la déclaration de retour volontaire, il appert que, selon la prépondérance des preuves, le renvoi ne pourra être exécuté. Le défendeur a choisi d’empêcher son renvoi alors qu’il n’a aucun droit de rester au Canada.

 

[19]           Les demandeurs soutiennent également que la Commission a évalué le dossier en présumant que de nombreux changements étaient survenus dans le dossier du défendeur. En réalité, la conversion de ce dernier au christianisme, les programmes de traitement qu’il a suivis, et la durée de sa détention avaient déjà été pris en compte lors du précédent contrôle à l’issue duquel sa mise en liberté avait été refusée. Le seul changement survenu en décembre 2009 consiste en la présence d’une nouvelle caution et le fait que sa détention s’est prolongée d’un mois, mais la Commission parvient à une conclusion diamétralement opposée tout en admettant les motifs précédents.

 

 

Arguments écrits du défendeur

 

[20]           Le défendeur soutient que, prise dans son ensemble, la décision est raisonnable. De plus, elle est conforme à la directive donnée par la Cour dans Panahi-Dargahlloo, précitée. Bien que les demandeurs contestent cette décision, cela ne justifie pas une intervention judiciaire. La Commission n’a pas fait abstraction de la preuve du non-respect par le demandeur de précédentes ordonnances le concernant, mais a raisonnablement conclu que de nouveaux éléments de preuve au sujet de la réadaptation, de la durée de la détention et de la nouvelle caution l’emportaient sur d’autres facteurs.

 

[21]           En d’autres termes, il n’était pas déraisonnable pour la Commission de conclure que la nouvelle caution s’acquitterait adéquatement de ses responsabilités bien qu’elle ne soit pas en mesure de garantir à la Commission la présence du défendeur pour son renvoi. Le critère de validité ne correspond pas à une garantie absolue.

 

[22]           En outre, le statut de personne protégée dont jouit le défendeur a été pris en compte légitimement par la Commission. Ce statut lui fournit un motif valable de refuser de signer la déclaration de retour volontaire en Iran. Les conséquences de l’argument des demandeurs feraient en sorte qu’une détention indéterminée pourrait devenir raisonnable même si elle enfreint l’article 7 de la Charte. Globalement, la décision n’est pas diamétralement opposée aux décisions antérieures. Elle en diverge sur des questions ayant fait l’objet d’explications exhaustives.

 

[23]           Le défendeur soutient qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale. Les programmes de traitement mentionnés n’auraient dû présenter aucune surprise pour les demandeurs. Le programme de l’Armée du Salut a été évoqué lors de nombreux contrôles de détentions et même dans le cadre d’un précédent contrôle des motifs de la détention du défendeur.

 

[24]           La conclusion de la Commission voulant que les ministres n’aient pas établi les fausses déclarations n’était pas non plus entachée d’un manquement à l’équité procédurale. La conseil des ministres a soutenu que le défendeur avait fait de fausses déclarations à partir de juin 2007, mais n’a jamais fourni suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de ses allégations. Pourtant, jamais pendant cette période un décideur n’a-t-il conclu que des fausses déclarations avaient été faites. Il était loisible à la Commission de conclure que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés de leur fardeau.

 

Analyse et décision

 

[25]           Question 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            La norme applicable à la plupart des questions de droit est celle de la décision correcte tandis que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit appellent la norme de la décision raisonnable, tel qu’il est énoncé dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick,

2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, [2008] A.C.S. no 9 (QL). Les parties conviennent que la conclusion de la Commission est assujettie à la norme de la décision raisonnable.

 

[26]           La norme de contrôle applicable à une atteinte à l’équité procédurale est celle de la décision correcte.

 

[27]           Question 2

            La conseil des ministres a-t-elle été privée de son droit à l’équité procédurale lors de l’audience?

            Nul besoin de rappeler que, même si l’obligation d’équité procédurale varie en fonction du contexte, l’un des aspects fondamentaux de la justice naturelle est le droit d’être entendu et la possibilité donnée à la personne visée de connaître la preuve retenue contre elle. (voir Baker c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 174 D.L.R. (4th) 193, [1999] A.C.S. no 39 (QL), Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326).

 

[28]           Peu importe le niveau d’équité procédurale établi en fonction des critères énoncés dans l’arrêt Baker, précité, l’obligation d’équité procédurale envers la conseil des ministres dans le contexte du contrôle des motifs d’une détention inclut le droit de la conseil des ministres de recevoir des avis et de présenter des arguments relatifs à tous les aspects importants de la décision. La Cour possède l’expertise nécessaire pour décider si les ministres ont bel et bien été empêchés de participer de façon significative à l’audience et de présenter des arguments au sujet des facteurs invoqués par les ministres.

 

[29]           Selon le premier motif de plainte des demandeurs, bien que les programmes de traitement que pourrait suivre le défendeur aient été abordés de façon générale lors de l’audience, les demandeurs n’ont pas été avisés des programmes précis auxquels la Commission enjoindrait le demandeur de participer dans l’ordonnance de mise en liberté.

 

[30]           Au début de l’audience, la Commission a soulevé la question de la nouvelle caution et de ce qui ressortait de son entrevue. Cette nouvelle caution demeurait l’élément essentiel de la solution de rechange à la détention proposée par le défendeur.

 

[31]            Ensuite, la conseil des ministres a exposé ses arguments. S’agissant de la proposition du défendeur, elle n’a pas fait allusion à un programme de réadaptation en particulier; elle s’est contentée de souligner que les ordonnances précédentes de mise en liberté comportaient des conditions relatives à la réadaptation :

[traduction]

[...] ou les deux ordonnances de mise en liberté contenaient des éléments relatifs à la réadaptation. Toutefois, ces traitements n’ont eu aucun effet bénéfique sur son comportement car il se retrouve à nouveau en détention parce qu’il a encore contrevenu à l’ordonnance.

 

 

[32]            Par conséquent, les arguments des ministres au sujet de la proposition émanant du défendeur insistaient sur l’absence de compétence de la nouvelle caution et non sur des programmes précis de traitement puisqu’aucun d’entre eux n’avait été suggéré. En effet, comme l’a dit plus tard la conseil des ministres au sujet du montant de la caution proposée :

[traduction]

En conséquence, le ministre estime que ce montant ne dissipe pas ces préoccupations, mais bien sûr, il existe également la préoccupation voulant qu’aucune solution ne soit proposée aujourd’hui pour remédier à la toxicomanie ou pour combler le besoin de réadaptation.

 

[33]            Par la suite, la conseil du défendeur a énuméré puis explicité les programmes de réadaptation auxquels le défendeur a participé alors qu’il était incarcéré, c’est-à-dire les AA et une thérapie. Quant aux programmes suivis après sa mise en liberté, la conseil a fait les observations suivantes :

[traduction]

Il a parlé à de nombreux organismes au sujet de la poursuite de son programme de traitement de l’alcoolisme et bon nombre de ces traitements consistent en des programmes pour patients externes auxquels il lui faudra s’inscrire après sa mise en liberté. Plusieurs organismes refusent d’admettre des détenus au sein de leurs programmes, mais M. Panahi-Dargahloo est résolu à participer au programme et à le faire une fois remis en liberté.

 

Et plus loin :

[traduction]

Je propose aujourd’hui que l’une des conditions à sa mise en liberté consiste à l’enjoindre de fournir une preuve de sa participation ou de son inscription à un programme exhaustif de traitement de l’alcoolisme et à un groupe des alcooliques anonymes peut-être quelques jours ou une semaine ou deux semaines après sa mise en liberté.

 

 

[34]            Lorsqu’on lui a donné l’occasion de répliquer aux arguments du défendeur sur cette question, la conseil des ministres a affirmé :

[traduction]

Ma consœur précise que M. Panahi-Dargahloo souffre d’une dépendance à l’alcool et aux stupéfiants et qu’il se rend compte qu’il en souffrira toujours. Cela étaye d’autant plus les inquiétudes du ministre voulant que M. Panahi-Dargahloo reste aux prises avec ce problème, et le ministre estime que l’exigence voulant qu’il s’inscrive à un programme de traitement de l’alcoolisme, dont il ignore quelles sont les exigences, comment lui fait-on subir des tests, à quelle fréquence les séances ont lieu, s’agit-il d’un traitement pour patients internés dans un établissement pour toxicomanes, et autres questions de cette nature mais rien pour résoudre le problème de toxicomanie que ma consœur a évoqué. Il y a des lacunes dans la solution de rechange et c’est inquiétant pour le ministre puisque, comme le suggère ma consœur, c’est en grande partie ce qui incite son client à la criminalité.

 

 

[35]           L’ordonnance de mise en liberté ajoute des conditions voulant que, dans les deux semaines suivant sa mise en liberté, le défendeur s’inscrive au programme appelé “Turning Point”, dispensé par l’Armée du Salut, qu’il fournisse une preuve de son inscription et qu’il reste inscrit au programme, ensuite qu’il s’inscrive au programme appelé “Harbour Light” et qu’il en suive toutes les étapes jusqu’à ce qu’il l’ait complété.

 

[36]           Dans ses motifs, la Commission a indiqué que ces deux programmes font partie des conditions que le défendeur s’était vu imposer dans l’ordonnance de mise en liberté de mai 2007. De plus, selon l’opinion raisonnable du commissaire qui a ordonné la mise en liberté, les craintes relatives au danger pour la sécurité publique et au risque de fuite pourraient être adéquatement dissipées par la supervision d’une caution et par un programme communautaire de traitement de la toxicomanie.

 

[37]           À mes yeux, la conseil des ministres s’est vu offrir une possibilité significative d’exposer ses arguments au sujet des programmes de réadaptation.

 

[38]           Comme l’a fait remarquer le juge Mandamin dans Panahi-Dargahlloo, précitée, au paragraphe 25, invoquant l’arrêt Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration) c. Thanabalasingham, 2004 CAF 4, [2004] 3 R.C.F. 572, les contrôles des motifs de détention aux fins de l’immigration ne sont pas des audiences de novo, dans le cadre desquelles ne sont pas pris en compte les contrôles antérieurs. Les conclusions rendues lors de contrôles antérieurs des motifs de détention font partie du dossier général dont dispose le décideur actuel. En outre, ces conclusions demeurent dans le dossier même s’il n’en a été fait aucune mention lors du tout dernier contrôle.

 

[39]           Ainsi, la conseil des ministres n’aurait dû éprouver une surprise totale devant l’allusion au programme de l’Armée du Salut appelé “Turning Point” puis au programme  appelé “Harbour Lights”. Ces deux programmes ont été évoqués et discutés lors des contrôles des motifs de la détention du défendeur effectués en avril 2008, en avril 2007, en décembre 2006 et en novembre 2006.

 

[40]           Dans la mesure où la conseil des ministres a eu l’occasion d’exprimer ses objections à l’égard de la validité et du potentiel de succès qu’offrent des programmes non-identifiés de réadaptation, elle s’est vu offrir une possibilité significative de se faire entendre.

 

[41]           Si les ministres avaient demandé d’obtenir des précisions quant aux programmes de réadaptation envisagés afin de présenter des arguments à leur sujet, la Commission aurait pu avoir l’obligation de donner cette possibilité aux ministres. Mais ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce.

 

[42]           La Commission doit bénéficier d’une certaine souplesse procédurale dans le cadre de son processus décisionnel. La Commission n’a pas une obligation d’équité procédurale équivalente à celle qui incombe aux tribunaux judiciaires. Dans les circonstances de l’espèce, il était loisible à la Commission d’entendre les réserves qu’entretenaient les ministres au sujet du succès potentiel des programmes de réadaptation en général. C’est que la Commission a fait. Si, comme ce fut le cas en l’espèce, la Commission conclut que d’autres facteurs l’emportent sur ces préoccupations, la Commission dispose de l’autorité et de la souplesse nécessaires pour peaufiner les propositions de solutions de rechange à la détention en y ajoutant des précisions, à moins que les ministres ne fournissent à la Commission des raisons pour lesquelles elle aurait dû donner aux ministres l’occasion de présenter des arguments au sujet de ces précisions.

 

[43]           La deuxième objection des demandeurs est que la Commission, dans ses motifs, a conclu que les ministres ne s’étaient pas acquittés du fardeau de prouver que le défendeur avait fait de fausses déclarations. À l’audience, cette question n’a été évoquée que brièvement par les demandeurs, lesquels ne semblaient pas estimer qu’il leur appartenait de prouver cette allégation.

 

[44]           Selon moi, il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale en l’espèce. Comme je l’ai déjà souligné, les dossiers de tous les précédents contrôles des motifs de détention constituent le point de départ de chaque nouveau contrôle. L’allégation voulant que le défendeur ait fait de fausses déclarations n’a pas été avalisée lors de quelque contrôle antérieur que ce soit; jamais cette allégation n’a-t-elle été qualifiée de fondée. L’ASFC a même renoncé depuis longtemps à poursuivre le défendeur à la suite de cet incident et l’allégation figure simplement au dossier à ce titre : il ne s’agit donc que d’une allégation. Par conséquent, les ministres ne peuvent raisonnablement présumer s’être acquittés de leur fardeau de prouver les fausses déclarations.

 

[45]           Comme la suite l’a montré, lorsque la Commission a rendu sa décision, elle mentionné le fait que cette allégation n’avait pas été prouvée. La Commission pouvait très bien le constater en consultant le dossier et n’avait pas l’obligation d’en aviser les parties ni de convoquer une autre audience sur la question.

 

[46]           Les ministres semblent prétendre que si l’arbitre constate l’insuffisance des éléments de preuve produits à l’appui d’un argument, alors l’arbitre doit interrompre l’instance pour donner aux avocats la possibilité de produire de meilleurs éléments de preuve. Aucun fondement ne justifie cet argument.

 

[47]           Finalement, les demandeurs soutiennent que la Commission, dans ses motifs, a semblé remettre en question la validité ou la solidité de l’avis de danger que représente le défendeur, sans toutefois amorcer quelque discussion que ce soit à ce sujet lors de l’audience.

 

[48]           Encore une fois, je ne peux conclure qu’il s’agit d’un manquement à l’équité procédurale. Bien entendu, l’avis de danger était valable. De plus, comme le défendeur n’a pas contesté cet avis par voie de contrôle judiciaire, il doit être maintenu. Je ne vois dans la décision de la Commission aucune remise en cause de la validité de l’avis de danger. La Commission a seulement pris acte du fait que cet avis en tant que tel ne lui a pas été communiqué, et que, de toute façon, cet avis a été rédigé à une époque où le défendeur consommait des stupéfiants et de l’alcool, alors que le défendeur est maintenant réadapté. Je n’accorderais pas le contrôle judiciaire pour cette raison.

 

[49]           Question 3

            La conclusion de la Commission était-elle déraisonnable?

            Dans l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit, au paragraphe 47, au sujet du rôle d’une cour de révision :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables.  Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.  La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit

 

 

[50]           Et dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et  Immigration) c. Khosa, 2009 SCC 12, la Cour dit, au paragraphe 59 :

La raisonnabilité constitue une norme unique qui s’adapte au contexte.  L’arrêt Dunsmuir avait notamment pour objectif de libérer les cours saisies d’une demande de contrôle judiciaire de ce que l’on est venu à considérer comme une complexité et un formalisme excessifs.  Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, elle commande la déférence.  Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles‑mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle‑ci fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 47).  Il peut exister plus d’une issue raisonnable.  Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable.

 

 

[51]           La jurisprudence est claire : la Cour ne doit pas substituer sa décision si celle d’un tribunal administratif appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[52]           J’estime qu’en l’espèce, la décision de l’arbitre appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Je souligne que la Commission a droit à une grande déférence en ce qui concerne ses conclusions factuelles.

 

[53]           Je vais aborder à tour de rôle les erreurs qui, selon les demandeurs, rendent la décision déraisonnable.

 

[54]           Les demandeurs soutiennent qu’il était déraisonnable pour la Commission de conclure qu’il n’existait qu’une probabilité raisonnable d’échec de la mesure de renvoi compte tenu du refus du défendeur de signer le document nécessaire.

 

[55]           Il appert, à la lecture de la décision, que la Commission comprenait l’impasse à laquelle l’ASFC est confrontée : les fonctionnaires iraniens insistent pour que le défendeur signe une déclaration de retour volontaire alors que le défendeur refuse de le faire. Tant que l’impasse se poursuivra, le renvoi du défendeur en Iran ne pourra être mis à exécution. La décision considère toutefois que, même si la question des titres de voyage était réglée, il demeure possible que le défendeur refuse de coopérer avec les autorités et que la caution ne soit en mesure de garantir que le défendeur se présentera pour son renvoi. Ce n’était pas une conclusion déraisonnable.

 

[56]            En deuxième lieu, les demandeurs affirment que la Commission a fait abstraction de la preuve du non-respect des précédentes ordonnances de mise en liberté. La Commission a souligné que l’arrestation du défendeur en septembre 2006 constitue une contravention à l’ordonnance de mise en liberté le concernant. Toutefois, au paragraphe 11, la Commission ajoute :

Ces faits révèlent qu’à ce moment-là, il n’était pas réadapté. Depuis, il a bénéficié d’un traitement psychiatrique, de programmes de lutte contre l’alcoolisme et de counseling religieux.

 

[57]           Il ne s’agit pas d’une interprétation erronée des faits. En 2006, le défendeur s’était vu imposer l’obligation de suivre un traitement après sa mise en liberté, mais il ne l’a pas fait. Par conséquent, il était acceptable pour la Commission de conclure que l’efficacité de ces programmes de réadaptation n’avait pas encore été mise à l’épreuve dans la collectivité.

 

[58]           Les demandeurs invoquent la décision que j’ai rendue dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Kamil, 2002 CFPI 381. Je signale que cette décision concernait une personne qui refusait de signer une demande de titre de voyage. En l’espèce, le défendeur a signé sa demande de titre de voyage mais le gouvernement iranien refuse de lui remettre ce document tant qu’il ne signera pas une déclaration attestant qu’il retourne en Iran de son plein gré. En outre, la période de détention du demandeur dans Kamil s’élevait à quatre mois alors qu’en l’espèce le défendeur a été détenu pendant 37 mois, selon la décision de la Commission.

 

[59]           L’article 248 du Règlement sur l’immigration et la  protection des réfugiés, DORS/2002-227, prévoit :

248. S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci-après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

 

a) le motif de la détention;

 

b) la durée de la détention;

 

c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

 

 

d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère ou de l’intéressé;

 

e) l’existence de solutions de rechange à la détention.

248. If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release:

 

 

(a) the reason for detention;

 

(b) the length of time in detention;

 

(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;

 

(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department or the person concerned; and

 

(e) the existence of alternatives to detention.

 

 

[60]           La décision de la Commission se lit en partie comme suit, au paragraphe 17 :

Sa signature révèle sa volonté de se conformer au droit canadien et non pas son désir de ne pas retourner en Iran. Quoique, selon moi, sa conduite fasse intervenir l’alinéa 248d) du Règlement au motif que son manque de diligence n’a pas été expliqué de façon raisonnable, j’accorde moins d’importance au non-respect constaté dans ce cas que je ne le ferais s’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention et si le litige portait sur le titre de voyage plutôt que sur la volonté de l’intimé de retourner en Iran, vu qu’il craint avec raison d’être persécuté. Bien qu’elles atténuent les préoccupations, ses explications forment une réponse incomplète. L’intimé n’a pas coopéré ni agi avec diligence pour faciliter son renvoi. Il n’a pas le droit de contourner les voies légales parce qu’il n’en approuve pas le résultat. Toutefois, le fait qu’il a coopéré par ailleurs et qu’il refuse de signer un document selon lequel il accepte de retourner là où il serait persécuté diminue le poids du motif d’intérêt public pour justifier une longue détention visant à encourager le respect d’une mesure de renvoi légitime. Ce point de vue cadre avec la déclaration du juge Mandamin, selon laquelle la durée de la détention doit être examinée en fonction de divers critères, y compris le statut de réfugié au sens de la Convention.

 

 

 

[61]           Dans Panahi-Dargahloo, précitée, le juge Mandamin s’exprime en ces termes au paragraphe 50 :

On ajoute à l’article 248 la durée de la détention comme facteur à prendre en compte, après qu’il a été établi si la personne détenue se présentera vraisemblablement en vue de son renvoi. La durée de la détention du demandeur doit être prise en considération en regard d’autres facteurs que le refus de ce dernier de signer la lettre requise par les autorités iraniennes. Parmi ces autres facteurs, il y aurait le statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur, le fait qu’il s’est présenté devant les responsables de l’immigration pendant sa dernière mise en liberté, le temps écoulé depuis sa dernière déclaration de culpabilité, la question de savoir s’il a eu l’occasion de recevoir des soins de réadaptation pour toxicomanes alors qu’il était au CELTM et le fait que du soutien lui est offert dans le cadre de son projet de réadaptation.

 

Je souscris aux remarques du juge Mandamin.

 

[62]           L’examen de la décision rendue par la Commission ne me convainc pas que celle-ci s’est appuyée sur la durée de la détention du défendeur pour justifier sa mise en liberté. Le commissaire a conclu que ce facteur ne penchait pas en faveur du défendeur mais il a soupesé les autres facteurs par rapport à la durée de sa détention et estimé que ces autres facteurs l’emportaient sur la conclusion défavorable tirée en application de l’alinéa 248d), ordonnant ainsi la mise en liberté du défendeur. Le commissaire a pris en compte la présence d’une caution chargée de la surveillance du défendeur de même que le traitement suivi par le défendeur pendant sa détention. Je ne vois rien de déraisonnable dans l’évaluation faite par le commissaire.

 

[63]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

[64]           Les demandeurs sollicitent la certification de la question grave et de portée générale qui suit :

Si un réfugié au sens de la Convention à l’endroit duquel un avis de danger a été émis refuse de collaborer à l’obtention d’un titre de voyage en vue d’exécuter son renvoi, le maintien de la détention, qui fait l’objet d’un contrôle régulier et significatif, demeure-t-il légal?

 

 

[65]           Je ne suis pas disposé à certifier cette question car elle ne serait pas déterminante en l’espèce. La Commission n’a tiré aucune conclusion relative à la légalité de la détention du défendeur.

 


 

JUGEMENT

 

[66]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Emmanuelle Dubois, traductrice


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27

 

57.(1) La section contrôle les motifs justifiant le maintien en détention dans les quarante-huit heures suivant le début de celle-ci, ou dans les meilleurs délais par la suite.

 

 

(2) Par la suite, il y a un nouveau contrôle de ces motifs au moins une fois dans les sept jours suivant le premier contrôle, puis au moins tous les trente jours suivant le contrôle précédent.

 

 

 

(3) L’agent amène le résident permanent ou l’étranger devant la section ou au lieu précisé par celle-ci.

 

 

 

58.(1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

 

a) le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

 

b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

 

c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l’étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux;

d) dans le cas où le ministre estime que l’identité de l’étranger n’a pas été prouvée mais peut l’être, soit l’étranger n’a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger.

 

(2) La section peut ordonner la mise en détention du résident permanent ou de l’étranger sur preuve qu’il fait l’objet d’un contrôle, d’une enquête ou d’une mesure de renvoi et soit qu’il constitue un danger pour la sécurité publique, soit qu’il se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi.

 

 

 

 

 

 

(3) Lorsqu’elle ordonne la mise en liberté d’un résident permanent ou d’un étranger, la section peut imposer les conditions qu’elle estime nécessaires, notamment la remise d’une garantie d’exécution.

 

57.(1) Within 48 hours after a permanent resident or a foreign national is taken into detention, or without delay afterward, the Immigration Division must review the reasons for the continued detention.

 

(2) At least once during the seven days following the review under subsection (1), and at least once during each 30-day period following each previous review, the Immigration Division must review the reasons for the continued detention.

 

(3) In a review under subsection (1) or (2), an officer shall bring the permanent resident or the foreign national before the Immigration Division or to a place specified by it.

 

58.(1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that

 

(a) they are a danger to the public;

 

 

(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);

 

 

(c) the Minister is taking necessary steps to inquire into a reasonable suspicion that they are inadmissible on grounds of security or for violating human or international rights; or

(d) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national has not been, but may be, established and they have not reasonably cooperated with the Minister by providing relevant information for the purpose of establishing their identity or the Minister is making reasonable efforts to establish their identity.

 

 

 

(2) The Immigration Division may order the detention of a permanent resident or a foreign national if it is satisfied that the permanent resident or the foreign national is the subject of an examination or an admissibility hearing or is subject to a removal order and that the permanent resident or the foreign national is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada.

 

 

(3) If the Immigration Division orders the release of a permanent resident or a foreign national, it may impose any conditions that it considers necessary, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions.

 

 

 

Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

244. Pour l’application de la section 6 de la partie 1 de la Loi, les critères prévus à la présente partie doivent être pris en compte lors de l’appréciation :

 

a) du risque que l’intéressé se soustraie vraisemblablement au contrôle, à l’enquête, au renvoi ou à une procédure pouvant mener à la prise, par le ministre, d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi;

 

b) du danger que constitue l’intéressé pour la sécurité publique;

 

c) de la question de savoir si l’intéressé est un étranger dont l’identité n’a pas été prouvée.

 

245. Pour l’application de l’alinéa 244a), les critères sont les suivants :

 

a) la qualité de fugitif à l’égard de la justice d’un pays étranger quant à une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale;

 

b) le fait de s’être conformé librement à une mesure d’interdiction de séjour;

 

c) le fait de s’être conformé librement à l’obligation de comparaître lors d’une instance en immigration ou d’une instance criminelle;

 

d) le fait de s’être conformé aux conditions imposées à l’égard de son entrée, de sa mise en liberté ou du sursis à son renvoi;

 

e) le fait de s’être dérobé au contrôle ou de s’être évadé d’un lieu de détention, ou toute tentative à cet égard;

 

f) l’implication dans des opérations de passage de clandestins ou de trafic de personnes qui mènerait vraisemblablement l’intéressé à se soustraire aux mesures visées à l’alinéa 244a) ou le rendrait susceptible d’être incité ou forcé de s’y soustraire par une organisation se livrant à de telles opérations;

 

g) l’appartenance réelle à une collectivité au Canada.

 

246. Pour l’application de l’alinéa 244b), les critères sont les suivants :

 

a) le fait que l’intéressé constitue, de l’avis du ministre aux termes de l’alinéa 101(2)b), des sous-alinéas 113d)(i) ou (ii) ou des alinéas 115(2)a) ou b) de la Loi, un danger pour le public au Canada ou pour la sécurité du Canada;

 

 

b) l’association à une organisation criminelle au sens du paragraphe 121(2) de la Loi;

 

 

c) le fait de s’être livré au passage de clandestins ou le trafic de personnes;

 

d) la déclaration de culpabilité au Canada, en vertu d’une loi fédérale, quant à l’une des infractions suivantes :

 

(i) infraction d’ordre sexuel,

 

(ii) infraction commise avec violence ou des armes;

 

e) la déclaration de culpabilité au Canada quant à une infraction visée à l’une des dispositions suivantes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances:

 

(i) article 5 (trafic),

 

(ii) article 6 (importation et exportation),

 

(iii) article 7 (production);

 

 

f) la déclaration de culpabilité ou la mise en accusation à l’étranger, quant à l’une des infractions suivantes qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale :

 

(i) infraction d’ordre sexuel,

 

(ii) infraction commise avec violence ou des armes;

 

g) la déclaration de culpabilité ou la mise en accusation à l’étranger de l’une des infractions suivantes qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à l’une des dispositions suivantes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances:

 

(i) article 5 (trafic),

 

(ii) article 6 (importation et exportation),

 

(iii) article 7 (production).

 

247.(1) Pour l’application de l’alinéa 244c), les critères sont les suivants :

 

a) la collaboration de l’intéressé, à savoir s’il a justifié de son identité, s’il a aidé le ministère à obtenir cette justification, s’il a communiqué des renseignements détaillés sur son itinéraire, sur ses date et lieu de naissance et sur le nom de ses parents ou s’il a rempli une demande de titres de voyage;

 

 

 

 

b) dans le cas du demandeur d’asile, la possibilité d’obtenir des renseignements sur son identité sans avoir à divulguer de renseignements personnels aux représentants du gouvernement du pays dont il a la nationalité ou, s’il n’a pas de nationalité, du pays de sa résidence habituelle;

 

 

 

c) la destruction, par l’étranger, de ses pièces d’identité ou de ses titres de voyage, ou l’utilisation de documents frauduleux afin de tromper le ministère, et les circonstances dans lesquelles il s’est livré à ces agissements;

 

d) la communication, par l’étranger, de renseignements contradictoires quant à son identité pendant le traitement d’une demande le concernant par le ministère;

 

e) l’existence de documents contredisant les renseignements fournis par l’étranger quant à son identité.

 

(2) La prise en considération du critère prévu à l’alinéa (1)a) ne peut avoir d’incidence défavorable à l’égard des mineurs visés à l’article 249.

248. S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci-après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

 

a) le motif de la détention;

 

b) la durée de la détention;

 

 

c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

 

 

d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère ou de l’intéressé;

 

e) l’existence de solutions de rechange à la détention.

 

244. For the purposes of Division 6 of Part 1 of the Act, the factors set out in this Part shall be taken into consideration when assessing whether a person

 

(a) is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2) of the Act;

 

(b) is a danger to the public; or

 

 

 

(c) is a foreign national whose identity has not been established.

 

245. For the purposes of paragraph 244(a), the factors are the following:

 

(a) being a fugitive from justice in a foreign jurisdiction in relation to an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament;

 

(b) voluntary compliance with any previous departure order;

 

 

(c) voluntary compliance with any previously required appearance at an immigration or criminal proceeding;

 

 

(d) previous compliance with any conditions imposed in respect of entry, release or a stay of removal;

 

 

(e) any previous avoidance of examination or escape from custody, or any previous attempt to do so;

 

(f) involvement with a people smuggling or trafficking in persons operation that would likely lead the person to not appear for a measure referred to in paragraph 244(a) or to be vulnerable to being influenced or coerced by an organization involved in such an operation to not appear for such a measure; and

 

(g) the existence of strong ties to a community in Canada.

 

246. For the purposes of paragraph 244(b), the factors are the following:

 

(a) the fact that the person constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada or a danger to the security of Canada under paragraph 101(2)(b), subparagraph 113(d)(i) or (ii) or paragraph 115(2)(a) or (b) of the Act;

 

(b) association with a criminal organization within the meaning of subsection 121(2) of the Act;

 

(c) engagement in people smuggling or trafficking in persons;

 

(d) conviction in Canada under an Act of Parliament for

 

 

 

(i) a sexual offence, or

 

(ii) an offence involving violence or weapons;

 

(e) conviction for an offence in Canada under any of the following provisions of the Controlled Drugs and Substances Act, namely,

 

 

(i) section 5 (trafficking),

 

(ii) section 6 (importing and exporting), and

 

(iii) section 7 (production);

 

 

(f) conviction outside Canada, or the existence of pending charges outside Canada, for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament for

 

(i) a sexual offence, or

 

(ii) an offence involving violence or weapons; and

 

(g) conviction outside Canada, or the existence of pending charges outside Canada, for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under any of the following provisions of the Controlled Drugs and Substances Act, namely,

 

(i) section 5 (trafficking),

 

(ii) section 6 (importing and exporting), and

 

(iii) section 7 (production).

 

247.(1) For the purposes of paragraph 244(c), the factors are the following:

 

(a) the foreign national's cooperation in providing evidence of their identity, or assisting the Department in obtaining evidence of their identity, in providing the date and place of their birth as well as the names of their mother and father or providing detailed information on the itinerary they followed in travelling to Canada or in completing an application for a travel document;

 

(b) in the case of a foreign national who makes a claim for refugee protection, the possibility of obtaining identity documents or information without divulging personal information to government officials of their country of nationality or, if there is no country of nationality, their country of former habitual residence;

 

(c) the destruction of identity or travel documents, or the use of fraudulent documents in order to mislead the Department, and the circumstances under which the foreign national acted;

 

 

 

(d) the provision of contradictory information with respect to identity at the time of an application to the Department; and

 

 

(e) the existence of documents that contradict information provided by the foreign national with respect to their identity.

 

(2) Consideration of the factors set out in paragraph (1)(a) shall not have an adverse impact with respect to minor children referred to in section 249.

248. If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release:

 

 

(a) the reason for detention;

 

(b) the length of time in detention;

 

(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;

 

(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department or the person concerned; and

 

(e) the existence of alternatives to detention.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6634-09

 

INTITULÉ :                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                            c.

                                                            HAMID REZA PANAHI-DARGAHLOO

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 FÉVRIER 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 15 JUIN 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alexis Singer

 

POUR LES DEMANDEURS

Aviva Basman

 

                     POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

                           POUR LES DEMANDEURS

Refugee Law Office

Toronto (Ontario)

 

                      POUR LE DÉFENDEUR

 

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