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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100719

Dossier : T-525-08

Référence : 2010 CF 754

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 juillet 2010

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

ENTRE :

LE CONSEIL DES MOHAWKS D’AKWESASNE,

en son propre non et au nom des Mohawks

d’Akwesasne, y compris les aînés

CHARLES BENEDICT, FLORENCE

BENEDICT, HELEN BENEDICT,

ARTHUR BOVA, WILFRED

BOVA, LA SUCCESSION DE NANCY

CHAUSSI, BETTY H.  DAVID,

SARAH DAY, PERCY FRANCIS,

SHIRLEY JACOBS, ESTHER MITCHELL,

SARAH MICHELL, ESTER THOMPSON, ROSE

M. THOMPSON, ELIZABETH R. SUNDAY, MITCEHLL

P. SUNDAY, ELIZABETH SUNDAY, PARTRICIA

BENEDICT, LA SUCCESSION DE JOSEPH H. JACOBS,

ROSEMARIE JACOBS, JAMES MONTOUR,

MARGARET MONTOUR, BERNICE JACOBS,

MARGARET EDWARDS,  JOHN BOOTS,

ANGELINE SUNDAY

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES

ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.     Introduction et contexte

[1]             Les présents motifs donnent suite à une requête pour l’obtention de dépens présentée, dans le contexte exposé ci-après, par les demandeurs.

 

[2]             Le 10 mai 2010, la Cour a approuvé un règlement amiable portant la même date et conclu entre le Conseil des Mohawks d’Akwesasne (le Conseil), en son propre nom et au nom des Mohawks d’Akwesasne, y compris les aînés nommés dans l’intitulé (les demandeurs), et le ministre des Ressources humaines et du Développement social (le règlement amiable)

 

[3]             Le règlement amiable apportait règlement, selon ses conditions, au litige lié à une demande de contrôle judiciaire déposée auprès de la Cour le 1er avril 2008 par les demandeurs, qui demandaient des jugements déclaratoires de la Cour relativement à certaines actions qu’auraient accomplies des fonctionnaires de Service Canada, une unité de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC), en lien avec une enquête concernant l’admissibilité aux prestations versées en application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O‑9, de certains résidants des parties de la réserve d’Akwesasne situées au Québec et en Ontario.

 

[4]             Peu après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire, les parties se sont entendues pour recourir à la gestion d'instance et à la médiation judiciaire; la procédure de contrôle judiciaire a été suspendue jusqu’à ce que la Cour en ordonne autrement.

 

[5]             À l’automne 2008, alors que les éléments principaux du règlement amiable avaient fait l’objet d’un accord de principe mais avant que le texte en ait été établi et que les approbations et  autorisations nécessaires aient été obtenues – par le Conseil, au moyen des consultations requises auprès de la collectivité, et par Service Canada, auprès de hauts fonctionnaires du gouvernement du Canada –, la question des dépens payables aux demandeurs a été soulevée. Le défendeur n’était toutefois pas disposé à négocier sur cette question. Il a donc été convenu dans le règlement amiable (paragraphe 34) : [traduction] « que la question du paiement des dépens [serait] tranchée par la Cour, agissant comme arbitre sur le fondement des observations écrites déposées auprès d’elle, sa décision liant les parties et n’étant pas susceptible d’appel ».

 

II.     Les principes juridiques applicables

[6]             Le règlement amiable prévoit donc que la question du paiement des dépens sera tranchée par le soussigné, qui avait été nommé juge responsable de la gestion de l’instance et qui a dispensé par voie de médiation les services de règlement des litiges visés aux articles 386 à 389 des Règles des Cours fédérales (les Règles). L’intention manifeste des parties était qu’on applique à tout octroi de dépens les principes relatifs aux dépens énoncés dans les Règles et dans la jurisprudence qui en est résulté.

 

[7]             Le principe fondamental en matière de dépens est énoncé à l’article 400 des Règles : la Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. Le paragraphe 400(3) énonce divers facteurs dont la Cour peut tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Deux facteurs importants sont (1) le résultat de l’instance, le principe sous-jacent étant que les dépens suivent habituellement l'issue de la cause, et (2) l’existence de toute offre écrite de règlement faite en conformité avec les articles 419 à 421 des Règles, dont l’objet est de favoriser les règlements (tout comme l’article 387, au moyen de conférences de règlement des litiges). Il va sans dire que la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire, c’est-à-dire conformément aux principes reconnus.

 

[8]             La jurisprudence de la Cour permet de soutenir que des dépens peuvent être accordés lorsqu’il y a eu règlement d’une instance mais qu’on n’a pas abordé dans le règlement la question des dépens. Dans RCP Inc c. Ministre du Revenu national, [1986] 1 C.F. 485, le juge Rouleau a conclu que dans cette affaire, [traduction] « l'equity exige[ait] qu’on adjuge à la requérante ses dépens », étant donné que, au moyen d’un règlement plutôt que d’un jugement de la Cour, la requérante RCP Inc. avait obtenu la réparation réclamée dans son action.

 

[9]             Ces dernières années, le protonotaire Lafrenière a eu l’occasion, dans les affaires DS-Max Canada Inc. c. Nu-Life Inc., 2005 CF 25 (DS-Max), et Randall c. Première nation Caldwell de la Pointe Pelée, 2006 CF 1054 (Randall), de se prononcer sur des questions de dépens soulevées dans le cadre de règlements et de processus de règlement des litiges.

 

[10]         Dans DES-Max, le protonotaire Lafrenière a refusé d’accorder des dépens aux défendeurs dans une affaire où la médiation – une séance d’une journée – avait échoué et où la demanderesse s’était ensuite désistée de son action. Le protonotaire Lafrenière a déclaré ce qui suit, au paragraphe 18 de ses motifs :

18.  Je ne suis pas disposé à accorder des dépens aux défendeurs relativement à la séance de médiation tenue le 24 novembre 2003. Les parties devraient être encouragées à régler leurs différends par des moyens moins coûteux et non conflictuels et, de façon générale, elles ne devraient pas être pénalisées par une adjudication de dépens si la médiation échoue. En conséquence, chaque partie devrait supporter ses propres dépens liés à la conférence de règlement du litige.

[Non souligné dans l’original.]

 

[11]         Dans Randall, le protonotaire Lafrenière avait à traiter une affaire où la médiation avait conduit à un règlement, mais où les parties n’avaient pu s’entendre sur la question des dépens et s’étaient réservé le droit de déposer une requête pour l’obtention de dépens. Les défendeurs ont présenté une telle requête en faisant valoir (1) qu’ils avaient obtenu gain de cause, (2) que les demandeurs avaient agi de manière vexatoire et déraisonnable dans la procédure, obligeant ainsi le conseil de bande à engager des frais indus, (3) que les allégations des demandeurs étaient vagues, générales et désordonnées et (4) que ces allégations, abusives et scandaleuses, visaient à attaquer personnellement les membres du conseil de bande. En résumé, selon le conseil de bande, la conduite des demandeurs devait être sanctionnée par des dépens substantiels. Le protonotaire a toutefois refusé d’adjuger des dépens.

 

[12]         Je dégage des motifs du protonotaire Lafrenière les principes qui suivent :

(1)        Il incombait aux défendeurs d’établir qu’il existait un fondement suffisant permettant à la Cour de s'estimer justifiée d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour adjuger des dépens (paragraphe 13).

(2)        Bien que le conseil de bande ait prétendu qu’il l’aurait remporté si la procédure s’était rendue jusqu’à l’audience, il n’en demeurait pas moins qu'il y avait eu règlement entre les parties « sans que l’une ou l’autre concède quoi que ce soit ». Cela étant et en l’absence d’une audience sur le fond, le protonotaire Lafrenière était d’avis qu’« avoir "gain de cause" demeur[ait] un concept difficile à définir pouvant être jugé de façon assez différente par les parties » (paragraphe 15).

(3)        « On ne peut considérer le procès-verbal du règlement comme une preuve que les demandeurs ont reconnu ou concédé avoir une responsabilité quant aux dépens ou avoir commis un acte répréhensible. » (paragraphe 15)

(4)        La décision RCP du juge Rouleau ne pouvait servir de fondement à la demande de dépens du conseil de bande. Cette décision n’était pas applicable car il s’agissait d’une affaire où la demanderesse avait obtenu la réparation réclamée au moyen d’un règlement, tandis qu’en l’espèce, les demandeurs n’avaient pas concédé la réparation réclamée par les défendeurs. La Cour ne pouvait en l’espèce émettre des hypothèses sur le résultat probable de l’instance (paragraphe 16).

(5)        La Cour peut toutefois adjuger des dépens en fonction de la conduite des parties pendant le litige, en se demandant par exemple (1) s’il était raisonnable pour une partie de soulever, poursuivre ou contester une allégation ou une question, (2) si une partie a poursuivi ou défendu une cause ou une allégation ou question particulière comme il convenait, (3) si une partie a exagéré ses prétentions ou soulevé une défense sans fondement et (4) si une partie a à juste titre concédé certains points ou abandonné des allégations au cours de la communication préalable (paragraphe 18).

 

[13]         Pour conclure sur les principes tirés de Randall, je citerai cette fois directement les paragraphes 21 et 22 des motifs du protonotaire Lafrenière :

[21]     La Cour doit également être attentive à l’effet de douche froide qu’auraient des dépens adjugés contre une partie après une médiation. Il est maintenant largement accepté que les conférences de règlement des litiges jouent un rôle important dans le processus de règlement des litiges. Un règlement faisant suite à une médiation peut produire des solutions dépassant celles dont disposent les tribunaux. Toutefois, le processus de médiation ne peut être couronné de succès que si les parties y croient.

 

 

[22]     Le litige entre les demandeurs et le conseil de bande a forcé une décision sur un certain nombre de questions latentes et a résulté en un règlement négocié, qui sans aucun doute contribuera à améliorer l’environnement et l’harmonie dans la communauté, ce qui est à l’honneur de toutes les parties. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[14]         Finalement, les commentaires du protonotaire Lafrenière sur la question du règlement et des dépens ont trouvé leur écho dans les décisions d’autres cours. Je citerai à cet égard le paragraphe 19 des motifs supplémentaires du juge R. A. Blair (alors juge à la Cour de justice de l’Ontario, Division générale, rôle commercial) dans l'affaire Naneff c. Con-crete Holdings Ltd., [1993] O.J. n° 1756 :

[traduction]

19.     Je le fais principalement pour le motif que je vais maintenant exposer. Les parties se sont engagées dans un long processus de médiation présidé par le juge Farley. Elles se sont véritablement efforcées d’en arriver à un règlement, ce qui mérite nos éloges même si, en fin de compte, les efforts consentis n’ont pas été couronnés de succès. À mon avis, les dépens liés au processus de médiation – un effort volontaire pour en arriver à règlement hors cour convenable – devraient être assumés à parts égales par les parties qui y recourent. Sinon les parties pourraient renoncer à un exercice donnant souvent en soi de bons résultats, de crainte que, si cela devait aboutir à un échec et que la procédure s’en trouve prolongée, elles devraient assumer des dépens plus élevés. [Non souligné dans l’original.]

 

III.    Les observations des parties

(A)  Les observations des demandeurs

[15]         Les demandeurs ont présenté deux fois à la Cour des observations quant aux dépens, soit (1) les observations initiales quant aux dépens datées du 23 septembre 2009 et (2) les observations révisées quant aux dépens datées du 27 janvier 2010.

 

[16]         Je considérerai fusionnées ces observations aux fins de la présente décision, puisque les observations révisées constituent essentiellement une mise à jour des frais et débours engagés par le Conseil dans le cadre du processus de médiation.

 

[17]         Dans les observations initiales, les demandeurs sollicitaient des dépens d’un montant correspondant à moins de la moitié des honoraires versés aux avocats jusqu’en septembre 2009, lequel montant ne comprenait pas, disait-on, d’importantes dépenses engagées à l’interne par le Conseil et son personnel pendant la médiation, ainsi que d’autres dépenses connexes. Les demandeurs font l'historique de leur demande présentée à la Cour fédérale et du processus de médiation, qui peut être brièvement résumé comme suit :

(1)        l’enquête de Service Canada concernant l’admissibilité aux prestations de vieillesse a d’abord visé en 2006 les bénéficiaires de ces prestations résidant dans la partie de la réserve d’Akwesasne située au Québec, puis visé le printemps de l’année suivante les bénéficiaires résidant dans la partie de la réserve située en Ontario.

 

(2)        L’enquête de Service Canada a donné lieu à des différends, à des malentendus et à  des allégations d’irrégularités dans l’accomplissement de l’enquête ainsi qu’à la suspension de certaines prestations. Par suite de cela, des protestations ont été formulées et des rencontres ont eu lieu avec le ministre et des fonctionnaires mais sans résultat, de telle sorte que la demande a été présentée à la Cour.

 

 

[18]         Les demandeurs ont aussi fait le récit détaillé de la longue suite des réunions tenues à Ottawa et dans la réserve d’Akwesasne pour le règlement de leurs différends, ainsi que des conférences téléphoniques encore plus nombreuses qui ont eu lieu.

 

[19]         Dans leurs observations révisées, les demandeurs ont mis à jour l’information concernant les réunions de médiation judiciaire et les conférences téléphoniques qui ont eu lieu jusqu’au 19 janvier 2010, soit lorsque l’avocat du défendeur a fait savoir que son client avait obtenu les autorisations requises pour conclure le règlement amiable.

 

[20]         Les demandeurs ont fait valoir divers facteurs, résumés ci-après, pour justifier l’octroi de dépens :

(1)        Le Conseil n’aurait pas engagé les dépenses qu’il a dû faire si Service Canada avait mené son enquête, notamment celle visant les résidants du Québec, de manière professionnelle et adaptée aux différences culturelles et n’avait pas exercé diverses pressions indues sur les aînés, particulièrement en menaçant d’exercer des représailles, pour qu’ils consentent à signer des formules d’autorisation contestées, en vue de l’obtention de renseignements des autorités du régime états-unien de sécurité sociale.

 

(2)        Le Conseil n’aurait pas eu à engager les dépenses en cause si Service Canada s’était montré davantage proactif face aux aînés et si le ministre et les fonctionnaires avaient été davantage à l’écoute de ses protestations au sujet des enquêtes.

 

(3)        Les dépenses du Conseil n’auraient pas été aussi importantes si le défendeur avait été plus réceptif aux offres initiales de règlement soumises par le Conseil et son équipe d’avocats tôt dans le processus de médiation, ou si le défendeur n’avait pas présenté que le 17 novembre 2008 sa première proposition, d’ailleurs jugée lacunaire et rejetée par les demandeurs. Les demandeurs, en outre, ont dû attendre jusqu’au 20 mai 2009 la présentation de la proposition révisée du défendeur.

 

(4)        Les dépenses du Conseil auraient aussi été moindres si Service Canada et RHDSC avaient réagi avec plus de célérité aux questions soulevées par le Conseil et ses avocats au cours du processus de médiation ou n’avaient pas tardé indûment à s’occuper, notamment, des demandes relatives aux difficultés excessives et des formules de consentement modifiées. Ces retards ont causé préjudice aux aînés, particulièrement aux plus âgés d’entre eux, dont un petit nombre sont même décédés avant que le règlement soit mis au point. Selon les demandeurs, le processus mis en place par le défendeur pour obtenir l'autorisation de signer le règlement amiable était également très lent.

 

(5)        Finalement, l’avocat des demandeurs soutient que l’octroi de dépens a aussi pour objet d’établir l’équilibre entre les parties, particulièrement dans les cas où l’une d’elles dispose de ressources supérieures. Il soutient qu’il y aurait lieu d’indemniser, dans le cas de règlements négociés, la partie plus faible, qui dispose de ressources restreintes. Il ajoute qu’en l’espèce des questions et des faits de nature complexe étaient en cause, qui ont requis la participation d’au moins deux avocats et nécessité de consacrer beaucoup de temps à consulter les clients, à établir des propositions de règlement et à répondre aux propositions faites et à assister à des réunions de règlement des différends.

 

            (B)   Les observations du défendeur

 

 

[21]         L’avocat du défendeur a également présenté deux fois des observations, la première fois le 29 septembre 2009, en réponse aux observations initiales des demandeurs, la deuxième le 11 février 2010, en réponse à la mise à jour des observations des demandeurs quant à leurs frais. Je résumerai comme suit la position du défendeur :

 

(1)        L’avocat du défendeur reconnaît qu’en l’espèce la question du paiement des dépens relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour, mais estime que celle-ci doit faire preuve de prudence dans l’exercice de ce pouvoir dans la présente affaire.

(2)        Chaque partie devrait acquitter ses propres dépens, cela étant proposé dans l’esprit de réconciliation recherché par toutes les parties et conformément à un principe fondamental de la médiation, soit en l’espèce le règlement négocié en commun des questions en litige entre les parties.

(3)        Les questions réglées dans le cadre de la présente médiation ont trait à la Loi sur la sécurité de la vieillesse (la LSV) et [traduction] « ainsi, le litige n’est pas lié en principe à une question autochtone, auquel cas il y a une certaine perception selon laquelle la Couronne se doit de payer les dépens des Autochtones parties à un litige ».

(4)        Rien dans le comportement de la Couronne lorsqu’elle a ouvert l’enquête, l'a effectuée ou a participé à la médiation ne justifie qu’elle soit condamnée aux dépens; rien ne laisse croire que la Couronne a fait preuve de mauvaise foi, que des retards indus lui sont imputables ou encore qu’elle a omis de prendre en compte le point de vue du Conseil.

(5)        La LSV obligeait Service Canada à ouvrir une enquête dans les circonstances. En fait, selon l’avocat, les chefs de la partie de la réserve située à Saint-Régis ont même appuyé au départ la tenue de l’enquête par Service Canada.

(6)        L’enquête dans la partie de la réserve située au Québec a révélé que la question de l’admissibilité, particulièrement l’admissibilité au supplément de revenu garanti (le SRG), soulevait d’importants problèmes.

(7)        L’enquête a également révélé l’existence de problèmes de trop payé du fait de transmissions de données erronées concernant l’historique de résidence et le revenu imposable.

(8)        La loi obligeait à ce que les problèmes révélés par l’enquête soient examinés et réglés. Il devait y avoir à nouveau conformité à la loi, et on a consenti des efforts considérables en ce sens auprès des chefs mohawks et des aînés au moyen de séances d’information, particulièrement par le biais du processus de médiation supervisé par la Cour auquel le défendeur a pleinement participé, plusieurs de ses hauts fonctionnaires étant présents tout au long du processus.

(9)        Le respect des dispositions de LSV a servi de fondement au règlement amiable. Reconnaissant la complexité de cette loi, le défendeur s’est adapté aux besoins du Conseil et des aînés tout autant qu’il était possible, allant même bien loi au-delà de ce qui était requis. Les aînés du Québec ainsi que ceux de l’Ontario, où il y a eu suspension de l’enquête et de la délivrance d’avis de cotisation pendant la médiation, seront les principaux bénéficiaires du règlement amiable et ils auront l’occasion de faire table rase en demandant le réexamen de toute cotisation maintenant établie ou qui pourra l’être en vertu de la loi dans l’avenir.

(10)      Le défendeur a engagé des frais importants. Il aurait pu en demander le paiement, mais il ne l’a pas fait dans un esprit de réconciliation et en vue [traduction] « d’établir une relation plus productive avec les Mohawks d’Akwesasne ».

 

IV   Analyse et conclusion

[22]         Il s’agit d’une affaire où les parties à une instance de contrôle judiciaire ont convenu, presque dès le départ, de participer à une médiation sous supervision judiciaire. La seule démarche juridique en bonne et due forme qui a dû être accomplie dans le cadre de la procédure a consisté en la présentation par les demandeurs d’une demande de suspension judiciaire appuyée par leur affidavit. L’avantage qu’il y avait à emprunter cette voie était que les parties, plutôt que de dépenser temps et efforts pour une procédure judiciaire, ont pu se consacrer entièrement à tenter de régler le différend d’une manière mutuellement acceptable. Les parties ont réussi à régler leur différend le 10 mai 2010, par la signature du règlement amiable, qui a été entériné par la Cour.

 

[23]         Il ne fait aucun doute pour tous les intéressés que le règlement amiable constitue une remarquable réussite et qu’il a pris forme et s’est concrétisé pendant la médiation, au cours de laquelle les parties ont consacré l’essentiel de leur temps à se transmettre des connaissances l’une à l’autre ainsi qu’à la Cour.

 

[24]         Le règlement amiable n’aurait pu être conclu si les parties n’avaient pas fait preuve, aidées en cela par leurs avocats, de beaucoup de bonne volonté ainsi que d’un esprit de compromis.

 

[25]         La conclusion du règlement amiable, il faut en attribuer le mérite aux participants de toutes les parties à la médiation, particulièrement les aînés qui ont assidûment assisté aux nombreuses séances de médiation et y ont participé en faisant connaître avec éloquence leur point de vue.

 

[26]         C’est une affaire où les parties ont pris part volontairement à la médiation et en sont arrivées à un règlement. Dans de telles affaires, il n’y a habituellement pas de perdants, seulement des gagnants. D’après la jurisprudence, à laquelle je souscris, chacune des parties doit, à moins qu’elles n’en aient convenu  autrement, acquitter ses propres dépens dans le cadre d’une médiation, sauf si le comportement des parties au cours du litige n’amène à en décider différemment. Cette dernière exception n’est pas applicable en l’espèce pour les motifs qui suivent : (1) on l’a dit, les parties n’ont pas usé du processus judiciaire, mais ont plutôt eu recours à la médiation une fois la demande des demandeurs  présentée, (2) il y a eu des retards pendant le processus de médiation, mais des explications détaillées ont alors été fournies à la Cour, qui s’en est estimée satisfaite, (3) on l’a dit aussi, beaucoup de temps a été nécessaire pour comprendre les questions en litige en l’espèce ainsi que la composante étrangère (c.-à-d. états-unienne) ayant une incidence sur la vie des Mohawks d’Akwesasne, (4) de leur côté, les aînés ont mieux compris la question de l’admissibilité aux prestations sous le régime de la LSV, (5) les difficultés qui ont pu survenir au cours de la médiation ont fait l’objet d’explications et elles ont été comprises, et ces difficultés n’ont jamais empêché de réaliser l’objectif fondamental visé, soit la conclusion d’un règlement négocié.

 

[27]         L’autre facteur important dont la Cour tient compte, c’est l’effet de douche froide qu’auraient des dépens adjugés contre une partie après la réussite d’une médiation, même lorsque, comme en l’espèce, le règlement conclu prévoit que des dépens puissent être accordés.

 

[28]         Comme l’a fait remarquer le protonotaire Lafrenière dans la décision Randall, un règlement faisant suite à une médiation peut produire des solutions dépassant celles dont disposent les tribunaux. Comme l’a aussi dit le protonotaire, le processus de médiation ne peut être couronné de succès que si les parties y croient.

 

[29]         Il est manifeste, selon moi, que les demandeurs ont obtenu par la médiation bien plus qu’ils auraient pu si avait été poursuivie la procédure judiciaire. Une bonne part du règlement amiable reposait, par exemple, sur l’exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire de renonciation aux sommes dues. Or, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour ne peut imposer l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire; elle ne peut qu’en contrôler la légalité. Ce facteur est d’importance.

 

[30]         Ce qui importe encore davantage, toutefois, c’est que le règlement négocié a contribué à améliorer l’environnement et l’harmonie quant aux questions touchant les prestations de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, et y contribuera à l’avenir. Il est à espérer que l’entente à laquelle en sont arrivées la Couronne et la Première Nation en l’espèce serve d’assise concrète à la solution de tout problème actuel ou éventuel en la matière.

 

[31]         Pour tous ces motifs, je suis d’avis que la requête pour l’obtention de dépens présentée par les demandeurs doit être rejetée, sans dépens.

 

[32]         Pour conclure, je désire exprimer à tous ceux qui ont participé à la médiation ma reconnaissance pour leur contribution au règlement de la présente affaire.

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE : la présente requête pour l’obtention de dépens, présentée par le Conseil des Mohawks d’Akwesasne, en son propre nom et au nom des Mohawks d’Akwesasne, est rejetée, sans dépens.

 

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-525-08

 

INTITULÉ :                                       LE CONSEIL DES MOHAWKS D’AKWESASNE ET AL.

                                                            c. MRHDS

 

EXAMEN DES

OBSSERVATIONS ÉCRITES :      À COMPTER DU 10 MAI 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS ET

DE L’ORDONNANCE :                   LE 19 JUILLET 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Hutchins

Julie Corry

Robin Campbell

 

POUR LES DEMANDEURS

James Gray

Marie Nichols, c.r.

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hutchins Legal Inc.

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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