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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100729

Dossier : IMM-86-10

Référence : 2010 CF 793

[traduction certifiée, non révisée]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 29 juillet 2010

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

CLAUDIA ISABEL HIDALGO TRANQUINO

JOHANNA GABRIELA COLORADO HIDALGO

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Claudia Isabel Hidalgo Tranquino et sa fille Johanna ont sollicité l’asile au Canada parce que Mme Hidalgo disait craindre des gangs criminels au Salvador. Celle-ci prétend être personnellement ciblée par des gangs en raison de son travail comme procureure au Salvador.

 

[2]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande des demanderesses au motif que Mme Hidalgo n’avait pas la crainte subjective exigée pour présenter une demande en vertu de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). La Commission a ensuite conclu que le risque auquel les demanderesses étaient exposées était un risque généralisé et, par conséquent ne justifiait pas l’octroi du statut de personne à protéger au sens de l’article 97 de la Loi.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que la Commission a commis une erreur dans son analyse. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

 

La demande fondée sur l’article 96

 

[4]               Mme Hidalgo a décrit les menaces de mort qui ont été proférées contre elle-même et contre sa fille par des membres des gangs Mara 18, Mara Salvatrucha et MS. Selon elle, ces menaces ont été proférées en raison de son travail à titre d’avocate s’occupant de poursuites contre les membres de gangs. Elle a également décrit la peur et le désespoir intenses qu’elle a ressentis à la suite de ces menaces.

 

[5]               La Commission n’a tiré aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité du témoignage de Mme Hidalgo. Cependant, elle a conclu que celle-ci n’avait aucune crainte subjective de persécution car elle n’a pas demandé l’asile au cours des deux années qu’elle a passées aux États‑Unis avant de venir au Canada.

 

[6]               Le fait qu’un demandeur n’ait pas demandé l’asile ailleurs peut justifier une conclusion d’absence de crainte subjective. Cependant, en l’espèce, la conclusion de la Commission est déraisonnable. Mme  Hidalgo a expliqué pourquoi elle n’a pas demandé l’asile aux États-Unis. La Commission a semblé tenir cette explication pour véridique, mais a tout de même conclu qu’elle était « incompatible avec une crainte fondée de persécution ».

 

[7]               Comme la Cour d’appel fédérale l’a fait remarquer dans l’arrêt Shanmugarajah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 34 A.C.W.S. (3d) 828, [1992] A.C.F. n° 583, au paragraphe 3, « il est presque toujours téméraire pour une Commission, dans une affaire de réfugié où aucune question générale de crédibilité ne se pose, d’affirmer qu’il n’existe aucun élément subjectif de crainte de la part du demandeur [...] ». Voir aussi les motifs du juge Dawson dans Ribeiro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1363, 143 A.C.W.S. (3d) 147, au paragraphe 11.

 

[8]               Après avoir tenu la déposition de Mme Hidalgo pour véridique, y compris son explication quant à savoir pourquoi elle n’a présenté aucune demande d’asile ailleurs, il était tout simplement déraisonnable pour la Commission de rejeter sa demande d’asile présentée en vertu de l’article 96 au motif qu’elle n’avait aucune crainte subjective.

 

 

La demande fondée sur l’article 97

 

[9]               Comme la Commission n’a tiré aucune conclusion quant à l’appartenance des demanderesses à un groupe social et donc d’un lien avec un des motifs prévus à la Convention, il est donc nécessaire d’examiner également les arguments formulés par les demanderesses quant à l’analyse de la Commission relative à l’article 97.

 

[10]           À cet égard, la Commission a conclu que malgré que Mme Hidalgo eût produit des éléments de preuve visant à démontrer que, elle et sa fille, étaient personnellement exposées à un risque au Salvador, le risque auquel elles étaient exposées était un risque généralisé auquel tout le monde au Salvador est exposé, y compris les autres avocats travaillant sur des poursuites de membres de gangs.

 

[11]           Le défendeur renvoie à l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans Prophète c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 31, 387 N.R. 149 (l’arrêt Prophète) pour affirmer que, compte tenu du dossier dont elle était saisie, il était loisible à la Commission de conclure comme elle l’a fait.

 

[12]           Dans l’arrêt Prophète, au paragraphe 6, en renvoyant au paragraphe 33 de la décision qu’elle a déjà rendue dans Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, 329 N.R. 346, la Cour d’appel fédérale a affirmé que « l’article 97 de la Loi vise à accorder une protection sans obliger l’intéressé à “établir qu’il [est exposé à un risque] pour l’un des motifs énumérés à l’article 96”».

 

[13]           La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Prophète, au paragraphe 3, a également conclu que, pour se voir reconnaître la qualité de personne à protéger, le demandeur doit démontrer à la Commission que son renvoi dans le pays en question l’exposerait personnellement à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas.

 

[14]           Dans l’arrêt Prophète, au paragraphe 7, la Cour d’appel fédérale prescrit que la Commission doit procéder à un examen personnalisé, en se fondant sur les preuves présentées par le demandeur, dans le contexte des risques prospectifs auxquels il serait exposé.

 

[15]           Le défendeur prétend que le risque auquel Mme Hidalgo prétend être exposée est lié à son emploi, et que, comme elle ne travaille plus au bureau du procureur, elle n’est plus exposée à aucun risque. Cet argument pose deux difficultés. La première, c’est qu’il ne figure pas dans l’analyse de la Commission. La deuxième est qu’il est contradictoire à la conclusion de la Commission selon laquelle Mme Hidalgo a produit des éléments de preuve visant à démontrer que, elle et sa fille, étaient personnellement exposées à un risque au Salvador.

 

 

Conclusion

 

[16]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

 

Certification

 

[17]           Ni l’une ni l’autre des parties n’ont proposé de question à certifier et aucune n’est soulevée en l’espèce.


JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE que

 

1.                  la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

 

2.                  aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

Réviseur

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-86-10

 

INTITULÉ :                                       CLAUDIA ISABEL HIDALGO TRANQUINO et al c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 27 JUILLET 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT :
                       LE 29 JUILLET 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dean Pietrantonio

 

POUR LES DEMANDERESSES

Helen Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dean D. Pietrantonio

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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