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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100804

Dossier : IMM-5784-09

Référence : 2010 CF 799

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 août 2010

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

QING RONG WANG

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue sur sa demande d’examen des risques avant renvoi (la demande d’ERAR). Selon lui, l’agente qui a rendu la décision s’est fourvoyée dans sa manière d’interpréter et d’appliquer la notion de preuve nouvelle dont il est question à l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). Le demandeur a renoncé à l’argument selon lequel l’alinéa 113a) serait contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.

 

II.         LE CONTEXTE

[2]               M. Wang, un Chinois, a demandé l’asile dès son arrivée au Canada le 15 février 2003. Il disait craindre la persécution en raison de sa foi chrétienne et de ses opinions politiques. Plus précisément, il affirmait qu’il était recherché en Chine à cause de cela par le Bureau de la sécurité publique (le BSP).

 

[3]               La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté sa demande d’asile parce qu’elle doutait sérieusement de sa crédibilité, au vu des multiples contradictions entre son témoignage et son Formulaire de renseignements personnels. Elle a aussi trouvé que son récit n’était pas vraisemblable, surtout l’affirmation selon laquelle une citation à comparaître aurait été laissée chez lui par le BSP et que sa mère l’aurait déchirée. Aucune demande de contrôle judiciaire n’a été déposée à l’encontre de la décision de la SPR.

 

[4]               Par la suite, le demandeur a engendré deux enfants et s’est marié; son épouse est devenue enceinte d’un troisième enfant à l’époque de la décision qui faisait suite à sa demande d’ERAR. L’épouse a tenté de parrainer M. Wang, cette demande de parrainage a été rejetée en février 2008 en raison du casier judiciaire chargé du demandeur, à savoir défaut de se conformer, introduction par effraction, possession d’outils de cambriolage et possession de drogues. Il n’était pas le candidat modèle.

 

[5]               La demande d’ERAR a été déposée le 11 septembre 2009 et rejetée le 15 octobre 2009.

 

[6]               La décision rendue à la suite à la demande d’ERAR faisait état des doutes antérieurs de la SPR à propos de la crédibilité du demandeur. L’agente d’ERAR a estimé que le risque allégué par le demandeur était le même que celui qu’il avait allégué devant la SPR. Plus précisément, M. Wang a dit à l’agente d’ERAR qu’il était recherché par le BSP, comme il l’avait déjà affirmé devant la SPR.

 

[7]               La preuve nouvelle invoquée par le demandeur était une citation à comparaître qui lui avait été adressée en Chine après la décision de la SPR et qui avait été lancée en septembre 2009, à la même époque que la demande d’ERAR.

 

[8]               L’agente a remarqué la nature granuleuse de la photocopie; l’absence de preuve expliquant comment le document avait pu être transmis à Toronto et traduit aussi rapidement alors que le demandeur n’avait pas de famille en Chine pour recevoir le document; la date providentielle de la réception de la citation à comparaître et, enfin, le fait que le demandeur avait une adresse en Chine alors qu’il ne vivait plus dans ce pays depuis six ans.

 

[9]               L’agente a pris note des Réponses aux demandes d’information de la Commission concernant la confection, la production, la distribution et l’utilisation de faux documents, en particulier dans la province du Fujian (la province d’origine du demandeur). Les documents susceptibles d’être falsifiés qui y étaient énumérés comprenaient les cartes de résidence, les permis et les pièces d’identité, mais les citations à comparaître n’y figuraient pas expressément.

 

[10]           Enfin, l’agente a fait observer que, même si les conditions ayant cours dans le pays attestaient des violations constantes des droits de la personne, les circonstances n’étaient pas sensiblement différentes de celles qui existaient à la date de la décision de la SPR concernant le demandeur.

 

III.       ANALYSE

[11]           Il est aujourd’hui assez constant en droit que la norme de contrôle applicable à une décision faisant suite à une demande d’ERAR est en général la raisonnabilité. Cependant, lorsqu’une telle décision comporte des conclusions qui intéressent des points de droit ou l’équité procédurale, de telles conclusions seront contrôlées d’après la norme de la décision correcte. (Voir Aleziri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 38; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Patel, 2008 CF 747; Shaiq c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 149)

 

[12]           La décision de l’agente d’ERAR ne permet pas de dire si elle a exposé le bon critère juridique pour ce qui concerne la preuve nouvelle dont il est question à l’alinéa 113a). L’agente semble dire qu’un demandeur peut invoquer uniquement un [traduction] « nouveau risque ».

 

[13]           Si c’était bien là la conclusion de l’agente, alors elle aurait commis une erreur de droit. L’alinéa 113a) dit clairement, à première vue, que le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou que le demandeur n’aurait pas pu raisonnablement présenter au moment du rejet de sa demande.

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

[14]           Ainsi qu’on peut le lire dans l’arrêt Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, les « preuves nouvelles » comprendraient les preuves qui auraient permis de réfuter une conclusion de la SPR.

 

[15]           Malgré la manière discutable dont l’agente a exposé le critère juridique, elle a en réalité appliqué le bon critère dans le traitement de la preuve nouvelle, c’est-à-dire la citation à comparaître. Dans le cas contraire, la Cour aurait fait droit à la demande de contrôle judiciaire.

 

[16]           Le demandeur affirme que, puisque sa crédibilité était mise en doute, alors, en application de l’alinéa 113a) de la LIPR et de l’article 167 du Règlement, il avait droit à la tenue d’une audience.

 

[17]           La crédibilité du demandeur a été mise en doute par l’agente d’ERAR, mais la preuve nouvelle n’a rien à voir avec cela, c’est simplement que la SPR avait conclu que le demandeur n’était pas crédible. Il appartenait au demandeur de réfuter cette conclusion en produisant une preuve nouvelle suffisante.

 

[18]           La manière dont l’agente a considéré la citation à comparaître était correcte en droit et raisonnable. Elle n’a pas dit que le demandeur n’était pas crédible pour ce qui concernait la citation à comparaître, mais plutôt que l’authenticité du document était suspecte et que son apparition providentielle suscitait des interrogations.

 

[19]           Pour savoir si la crédibilité du demandeur était véritablement mise en doute, et étant donné que le mot « crédibilité » est souvent employé improprement pour englober une vaste gamme de questions de recevabilité de la preuve, la Cour doit déterminer le véritable fondement de la décision. En l’espèce, la conclusion de l’agente d’ERAR se rapportait à la qualité de la preuve et au poids qu’il convenait de lui accorder.

 

[20]           Les facteurs pris en compte, notamment les Réponses aux demandes d’information, étaient raisonnables et pertinents. La citation à comparaître ne figurait pas parmi les types de documents susceptibles d’être falsifiés, mais il est logique de penser que, si la quasi-totalité des autres documents officiels pouvaient être falsifiés, alors une citation à comparaître pouvait l’être aussi. Dans ce contexte, l’agente pouvait très bien mettre en doute la qualité et l’authenticité de la preuve nouvelle.

 

IV.       CONCLUSION

[21]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5784-09

 

INTITULÉ :                                       QING RONG WANG

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 juillet 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 août 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rocco Galati

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ada Mok

Gordon Lee

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rocco Galati Law Firm

Corporation professionnelle

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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