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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100729

Dossier : IMM-3902-09

IMM-4413-09

Référence : 2010 CF 792

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2010

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

JOSE LUIS AYALA ALVAREZ

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Aperçu

[1]               M. Jose Luis Ayala Alvarez a fui le Salvador en 2008 et a présenté une demande d’asile au Canada. Il affirme qu’il a été attaqué et torturé par un gang auquel il avait refusé d’appartenir.

 

[2]               M. Ayala Alvarez a présenté une demande d’aide juridique relativement à sa demande d’asile, et la Legal Services Society (la LSS) de la Colombie-Britannique y a fait droit. Par la suite, la LSS a annulé son certificat d’aide juridique, mais a encouragé M. Ayala Alvarez à présenter une nouvelle demande d’aide juridique après que celui-ci eut reçu un avis de comparution devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission avait envoyé l’avis de comparution le 24 avril 2009 et a fixé la date de l’audience au 22 mai 2009. M. Ayala Alvarez a présenté une nouvelle demande d’aide juridique à la LSS et celle‑ci fut approuvée le 13 mai 2009. Comme l’audience n’aurait lieu que dans neuf jours et que son avocat n’était pas disponible, M. Ayala Alvarez a demandé un ajournement. La Commission a rejeté sa demande.

 

[3]               M. Ayala Alvarez a comparu sans avocat devant la Commission le 22 mai 2009. Juste avant l’audience, il a discuté avec un agent de la Commission (AC) et une représentante du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCNUR) de la possibilité d’un ajournement. Ces deux conversations ont été enregistrées. Dans la deuxième conversation, la représentante du HCNUR a proposé à M. Ayala Alvarez de demander un ajournement directement à la Commission. Il était évident que la compétence en anglais de M. Ayala Alvarez était rudimentaire et qu’il souffrait d’une déficience visuelle.

 

[4]               Cependant, quand le président de l’audience est entré dans la salle, M. Ayala Alvarez est devenu nerveux et il a oublié de demander un ajournement. L’audience a eu lieu en présence d’un interprète. En fin de compte, la Commission a rejeté la demande d’asile de M. Ayala Alvarez.

 

[5]               M. Ayala Alvarez conteste à la fois la décision de la Commission rejetant sa demande d’ajournement et la décision de la Commission rejetant sa demande d’asile. Quant à la première question, il s’agit de savoir si la Commission a tenu compte des facteurs pertinents avant de rejeter la demande d’ajournement. Quant à la deuxième question, il s’agit de savoir si M. Ayala Alvarez a eu droit à une audience équitable devant la Commission. Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la Commission n’a pas tenu compte des facteurs pertinents et que l’audience n’a pas été équitable. Par conséquent, je dois accueillir les présentes demandes de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d’une nouvelle audience.

II. Les questions en litige

[6]               Il y a deux questions en litige en l’espèce :

  1. La décision de la Commission rejetant la demande d’ajournement était‑elle raisonnable?
  2. L’audience devant la Commission a‑t‑elle été inéquitable?

 

a.       Le contexte factuel

 

[7]               Le 13 mai 2009, M. Ayala Alvarez a demandé un report de l’audience vu que son avocat ne serait pas disponible avant septembre 2009. La Commission a rejeté la demande de M. Ayala Alvarez et a souligné que celle‑ci avait été présentée un an plus tôt et qu’il avait eu suffisamment de temps pour se préparer à l’audience.

 

[8]               Juste avant l’audience, l’AC a demandé à M. Ayala Alvarez s’il avait l’intention d’aller de l’avant avec sa demande d’ajournement. L’AC a demandé à M. Ayala Alvarez si celui-ci avait obtenu l’aide juridique. L’AC a ensuite parlé à la représentante du HCNUR et lui a demandé si elle pouvait aider M. Ayala Alvarez lors de l’audience. Il espérait recevoir une réponse positive. La représentante du HCNUR a affirmé qu’elle ne ferait que surveiller la procédure. La représentante du HCNUR a expliqué à M. Ayala Alvarez qu’il serait désavantagé par l’absence de son avocat, plus particulièrement en raison de sa déficience visuelle, et qu’il devrait demander un ajournement.

 

[9]               Cependant, comme je l’ai mentionné, rien de plus n’a été dit à ce sujet.

 

[10]           La Commission a rejeté la demande de M. Ayala Alvarez principalement parce qu’elle n’a pas cru son témoignage.

 

(1)   La décision de la Commission rejetant l’ajournement étai‑elle raisonnable?

 

[11]           En vertu du paragraphe 4894) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, la Commission doit tenir compte de plusieurs facteurs afin de rendre une décision relative à une demande d’ajournement (voir annexe A). Il s’agit notamment des facteurs suivants :

 

            •           le moment auquel la demande a été faite;

            •           le temps dont le demandeur a disposé pour se préparer à l’audience;

            •           les efforts que le demandeur a faits pour être prêt à commencer la procédure;

            •           si le demandeur est représenté;

            •           s’il y a eu des reports antérieurs;

            •           si la date qui avait été fixée était péremptoire;

•           si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable ou causerait vraisemblablement une injustice;

            •           la nature et la complexité de l’affaire.

 

[12]           Dans sa décision de rejeter la demande de M. Ayala Alvarez, la Commission a, semble-t-il, uniquement tenu compte du fait que M. Ayala Alvarez avait eu le temps de se préparer pour l’audience. Elle était certainement au courant d’autres facteurs pertinents comme la complexité de la demande, la non-disponibilité de l’avocat, l’absence de reports antérieurs, les circonstances entourant le point de vue de la LSS et la courte période de temps entre l’avis de comparution et la tenue de l’audience. Cependant, la Commission ne semble pas avoir tenu compte de ces facteurs.

 

[13]           Compte tenu des faits de l’espèce, je conclus que la décision de la Commission rejetant la demande d’ajournement était déraisonnable.

 

(2)   L’audience devant la Commission a‑t‑elle été inéquitable?

[14]           Le ministère affirme que, vu que la Commission n’avait à aucun moment reçu de demande d’ajournement officielle de la part de M. Ayala Alvarez, l’audience n’a pas été inéquitable. Il souligne qu’il n’existe pas de droit absolu de bénéficier des services d’un avocat à une audience sur le statut de réfugié (Austria c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 423).

 

[15]           À mon avis, en l’espèce, le fait que l’audience a eu lieu en l’absence de l’avocat de M. Ayala Alvarez a occasionné une injustice à son égard. La Commission s’est fondée sur une preuve documentaire abondante, écrite en anglais. M. Ayala Alvarez a bénéficié de l’aide d’un interprète et a eu l’occasion d’examiner les documents avant l’audience, mais il n’a pas pu s’imprégner de leur contenu ni de préparer une réponse, faute de temps et d’aide.

 

[16]           En outre, il était clair que M. Ayala Alvarez souffrait d’une déficience visuelle et que, par conséquent, il lui était encore plus difficile de comprendre la preuve documentaire sur laquelle s’était fondée la Commission et d’y répondre. Cette déficience a également eu pour conséquence qu’il a eu de la difficulté à suivre l’audience. L’AC et la représentante du HCNUR étaient tous les deux au courant de la situation de M. Ayala Alvarez et étaient préoccupés par sa capacité d’assister à l’audience. Cependant, leur préoccupation quant à la situation difficile de M. Ayala Alvarez ne les a pas poussés à faire valoir auprès de la Commission que l’absence de son avocat lui causerait préjudice.

 

[17]           Mr. Ayala Alvarez avait droit à une audience équitable devant la Commission. Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu qu’elle le fut.

 

III.   Conclusion et dispositif

 

[18]           La décision de la Commission rejetant la demande d’ajournement de M. Ayala Alvarez était déraisonnable. En plus, sa décision de procéder en l’absence de l’avocat de M. Ayala Alvarez était injuste. Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal de la Commission différemment constitué. Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé la certification d’une question de portée générale, et aucune n’est formulée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE ordonne :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué est ordonnée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

Réviseur


Annexe


Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228

 

 

48. (4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment :

a) dans le cas où elle a fixé la date et l’heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

b) le moment auquel la demande a été faite;

c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

d) les efforts qu’elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

e) dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice;

f) si la partie est représentée;

g) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l’expérience de son conseil;

h) tout report antérieur et sa justification;

i) si la date et l’heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

j) si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable ou causerait vraisemblablement une injustice;

k) la nature et la complexité de l’affaire.

 

Refugee Protection Division Rules, SOR/2002-228

 

 

48. (4) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

(a) in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application;

(b) when the party made the application;

(c) the time the party has had to prepare for the proceeding;

(d) the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding;

(e) in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party’s arguments, the ability of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice;

(f) whether the party has counsel;

(g) the knowledge and experience of any counsel who represents the party;

(h) any previous delays and the reasons for them;

(i) whether the date and time fixed were peremptory;

(j) whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings or likely cause an injustice; and

(k) the nature and complexity of the matter to be heard.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3902-09 & IMM-4413-09

 

INTITULÉ :                                       AYALA ALVAREZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE).

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 8 JUIN 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 ET JUGEMENT :                             LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT :
                       LE 29 JUILLET 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Edelmann

POUR LE DEMANDEUR

 

Jennifer Dagsvik

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Peter Edelmann

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario).

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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