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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100910

Dossier : IMM-5697-09

Référence : 2010 CF 902

Ottawa (Ontario), le 10 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

GEVORG AYRANJYAN

TEREZA AYRANJYAN

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande en contrôle judiciaire vise la légalité d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal), rendue le 20 août 2009, rejetant la demande d’asile des demandeurs, le père et la fille, tous deux des ressortissants de l’Arménie.

 

[2]               Il n’y a aucun motif d’intervenir, la Cour trouvant la décision du tribunal à tous égards raisonnable et les reproches des demandeurs non fondés en l’espèce.

 

[3]               Le tribunal n’a tout simplement pas cru que le demandeur a milité au sein d’un groupe de défense des droits de la personne et qu’il a été persécuté en Arménie à cause de ses activités politiques. Cette conclusion de fait n’est pas sérieusement attaquée aujourd’hui et les erreurs relevées par le savant procureur des demandeurs, s’il en est, n’affectent pas la conclusion du tribunal à l’effet que le demandeur n’est pas un réfugié ou une personne à protéger.

 

[4]               Bref, la conclusion de non-crédibilité du tribunal constituait une option ouverte compte tenu des témoignages entendus et des documents au dossier. Le raisonnement du tribunal est bien articulé. Le rejet de la demande d’asile du demandeur repose également sur la preuve et n’est pas déraisonnable. Le fait que le demandeur ait fourni des noms divergents du soi-disant groupe de droits de l’homme dans lequel il dit avoir été impliqué et qu’il ait été incapable à l’audience de fournir des détails contextuels sur le groupe ont été déterminants. De plus, le demandeur a témoigné de façon hésitante et il s’est contredit à plusieurs reprises, ce que vient d’ailleurs confirmer une lecture des notes sténographiques.

 

[5]               De surcroît, le tribunal a invité le demandeur de fournir, après l’audition, toute preuve matérielle de son implication dans l’« Helsinki Citizens Assembly », et ce, malgré le fait qu’il avait eu au moins trois ans pour se faire. Dans sa décision, le tribunal a clairement expliqué pourquoi il écartait la lettre (pièce S-1) subséquemment fournie par le demandeur :

J’ai considéré la pièce S-1, envoyée après l’audience, qui est une note de trois lignes faisant état que monsieur aurait aidé à distribuer le journal du groupe « Helsinki Citizens » mais cette note ne mentionne aucunement que monsieur aurait eu des problèmes à cause de ce groupe ou qu’il aurait sérieusement milité pour lui. De plus, cette photocopie aurait pu être confectionnée sur n’importe quel ordinateur. On se surprend aussi que monsieur n’ait pas déposé cette preuve importante avant l’audience, puisque l’allégation voulant qu’il soit membre de ce groupe est l’élément central de cette demande. Il dit avoir ignoré l’importance de ce fait. Cette explication n’est pas crédible d’autant plus qu’il avait soumis une multitude de documents, il savait donc que corroborer ses allégations est important. Je n’accorde aucune force probante à ce document.

 

 

[6]               Les explications du tribunal pour n’accorder aucune force probante à la lettre en question sont raisonnables. De plus, le tribunal a également constaté l’absence complète de preuve documentaire à l’effet que le demandeur s’est fait harcelé par la police :

Il est aussi important de mentionner que le rapport de « International Helsinki Federation for Human Rights » au dossier ne mentionne aucunement que les simples membres ou militants de cette organisation seraient ciblés ou persécutés par l’État arménien. S’il y en avait, je me serais attendue à ce que les rapports du groupe soient les premiers à exposer ces faits. Il n’en est aucune mention ce qui m’amène à conclure que monsieur n’a jamais eu des problèmes par ce qu’il aurait milité pour ce groupe.

 

 

[7]               Cette conclusion m’apparaît également raisonnable compte tenu du fait que le demandeur serait un ancien boxeur très connu de ses concitoyens là-bas en Arménie.

 

[8]               Le tribunal a également accordé peu de valeur probante aux certificats médicaux (pièce S-3) qui ont également été déposés après l’audience. Notamment, le tribunal note que la langue maternelle du demandeur est l’arménien et la langue officielle de l’Arménie est l’arménien, alors que les certificats médicaux du demandeur étaient écrits en russe, ce qui rendait ceux-ci encore plus suspects dans les circonstances.

 

[9]               Or, dans son mémoire, le demandeur allègue qu’en écartant les certificats médicaux, le tribunal s’est servi de connaissances spécialisées sans en aviser le demandeur et lui donner la possibilité de faire des représentations (article 18, Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228), un argument qui n’a pas été repris par son procureur à l’audience devant la Cour. Quoi qu’il en soit, cet argument m’apparait également non fondé. D’une part, le tribunal ne s’est pas servi d’une connaissance spécialisée particulière, mais de connaissances acquises dans le cadre du traitement des revendications provenant de pays de l’ancienne URSS, ce qui était permis dans les circonstances. D’autre part, la décision du tribunal repose essentiellement sur le manque de crédibilité du demandeur. Même si le tribunal avait accepté que le demandeur a été battu, tel qu’établi par les certificats médicaux, encore fallait-il satisfaire le tribunal qu’il avait été battu à cause de son implication politique, un point sur lequel le tribunal n’était pas prêt à croire le demandeur pour les raisons déjà exposés plus haut.

 

[10]           En ce qui a trait au rejet de la demande d’asile de la demanderesse, dans sa décision, le tribunal qualifie sa réclamation comme dépendant de celle de son père. La conclusion du tribunal est raisonnable en l’espèce et s’appuie également sur la preuve au dossier. Tant à son arrivée au Canada que dans son récit circonstancié, la demanderesse a allégué que les agressions et mesures qu’elle aurait subies de son ex-petit ami, un garde de corps d’un fonctionnaire important, étaient en représailles à l’implication du demandeur dans un groupe de droits de la personne. L’argument tardif de son procureur à l’effet que la crainte de la demanderesse reposerait également sur son statut de femme en général, nous apparaît à tous égards spécieux et le tribunal pouvait à bon droit l’ignorer compte tenu des nombreux problèmes de crédibilité déjà relevés dans sa décision.

 

[11]           La présente demande de contrôle judiciaire doit donc échouer. En l’espèce, il ne se soulève aucune question d’importance générale.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5697-09

 

INTITULÉ :                                       GEVORG AYRANJYAN

                                                            TEREZA AYRANJYAN

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 7 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      le 10 septembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michel Le Brun

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Lisa Maziade

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-Procureur Général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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