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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20101020

Dossier : IMM-354-10

Référence : 2010 CF 1023

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 20 octobre 2010

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

OUSSAMA AYACH

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Oussama Ayach, est un citoyen du Liban qui est arrivé au Canda en août 2006, alléguant craindre d’être persécuté par le Hezbollah parce qu’il est membre de la communauté religieuse druze. Sa demande d’asile au Canada a été entendue le 17 janvier 2008 et ensuite rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR) dans une décision rendue le 9 juillet 2008 (la décision de la SPR). La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à présenter une preuve crédible ou digne de foi selon laquelle il avait été persécuté par des membres du Hezbollah.

 

[2]               Dans une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), présentée en avril 2009, le demandeur a réaffirmé sa crainte d’être persécuté par le Hezbollah. À l’appui de sa demande d’ERAR, le demandeur a fourni de nouveaux éléments de preuve au sujet de la situation au Liban. Sa demande était accompagnée d’une lettre de son frère qui faisait état d’une agression commise par le Hezbollah, le 7 mai 2008, sur un membre de sa famille. Dans sa lettre, le frère prétend que, pendant l’agression, les membres du Hezbollah ont demandé où se trouvait le demandeur.

 

[3]               Dans une décision du 27 novembre 2009, l’agente d’ERAR a rejeté la demande d’ERAR du demandeur. La principale question que devait trancher l’agente d’ERAR était que le demandeur alléguait les mêmes risques que ceux qui avaient été examinés dans la décision de la SPR. L’agente d’ERAR a conclu que la preuve documentaire produite par le demandeur n’indiquait pas que la situation au Liban s’était détériorée ou que le demandeur était exposé à de nouveaux risques depuis la décision de la SPR. Quant à la lettre du frère, l’agente d’ERAR a seulement énoncé ce qui suit :

[traduction] Je prends acte de la lettre du frère du demandeur qui mentionne que ce dernier est toujours menacé. Je conclus que le demandeur ne réfute pas les conclusions importantes de la SPR.

 

 

[4]               Enfin, l’agente d’ERAR a déclaré ce qui suit : [traduction] « si le demandeur courait réellement un risque, il disposait de la protection de l’État ».

[5]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[6]               La décision de l’agente d’ERAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Woldegabriel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1223, au paragraphe 21). La Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47 :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[7]               À mon avis, la question déterminante en l’espèce est celle de savoir si l’agente d’ERAR a tenu compte de la preuve présentée par le demandeur. Ce dernier fait expressément mention d’un changement dans sa situation personnelle au Liban en produisant un « nouvel » élément de preuve sous forme d’une lettre émanant de son frère. Toutefois, comme susmentionné, l’agente a rejeté la lettre du frère, et ce, en une seule phrase. L’agente n’a pas expressément affirmé que la lettre ne constituait pas un nouvel élément de preuve, ni qu’une analyse avait été effectuée en vue de déterminer si cette lettre pouvait être considérée comme « un nouvel élément de preuve » au sens de l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). À l’égard de la lettre, l’agente ne tient pas compte de sa crédibilité, de sa pertinence, de sa nouveauté, de son caractère substantiel ou de ses conditions légales explicites. La Cour d’appel fédérale a énoncé ces facteurs dans l’arrêt Raza c. Canada, 2007 CAF 385, au paragraphe 13, comme critères servant à évaluer si la preuve peut être admise comme nouvelle au sens de l’alinéa 113a) de la LIPR.

[8]               Il ne revient pas à la Cour de réévaluer la preuve soumise à l’agente d’ERAR, et je ne tenterai pas de le faire. Cependant, la lettre n’était pas sans pertinence. Les événements mentionnés dans la lettre sont survenus après la date de l’audition du demandeur et avant que la SPR rende sa décision. L’agente d’ERAR aurait dû analyser pourquoi la lettre n’avait pas été reconnue comme un nouvel élément de preuve au sens de l’alinéa 113a) de la LIPR ou pourquoi on ne devrait pas lui accorder du poids.

 

[9]               La conclusion subsidiaire quant à la protection de l’État a pu être décisive concernant la demande d’ERAR du demandeur. Toutefois, l’agente d’ERAR n’a pas dit suite à quelle analyse elle avait tiré la conclusion selon laquelle le demandeur pouvait réclamer la protection de l’État. Je ne peux pas conclure que la conclusion de l’agente d’ERAR quant à la protection de l’État était raisonnable en l’espèce.

 

[10]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la décision de l’agente d’ERAR ne satisfait pas aux critères exigés de justification, de transparence et d’intelligibilité. La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.

 

[11]           Aucune des parties ne propose une question à certifier.

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

  1. la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agente d’ERAR est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre d’agent d’ERAR pour nouvelle décision;
  2. aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-354-10

 

INTITULÉ :                                       OUSSAMA AYACH c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Le 19 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 20 octobre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Allan Romoff

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Suran Bhattacharyya

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Allan Romoff

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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