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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20101025

Dossier : T-711-10

Référence : 2010 CF 1045

Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

JACQUES NICOLAS

demandeur

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le dictionnaire Le Petit Robert définit le terme « plagier » comme étant « copier (un auteur) en s’attribuant indûment des passages de son œuvre ». La question à trancher en l’espèce est à savoir si le demandeur a remis un texte plagié et l’a fait passer pour le sien. M. Nicolas, un homme éduqué, connaît de toute évidence la définition du terme « plagier », mais affirme que le travail soumis ne constitue pas du plagiat, car il a été approuvé au préalable par les instructeurs du cours auquel il était inscrit.

[2]               La Cour fédérale est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les cours fédérales, de la décision rendue par le directeur général de l’Autorité de Dernière Instance des griefs des Forces canadiennes. Alors qu’il participait à un cours organisé par la Défense nationale, le demandeur est accusé de plagiat. Il est retiré du cours, une mention à cet effet est ajoutée à son dossier et il lui est maintenant impossible de s’inscrire à ce cours. Il présente un grief, qui est rejeté par l’Autorité de Première Instance, qui stipule que la quasi-totalité du travail remis par le demandeur est similaire au texte tiré de l’Internet soumis comme élément de preuve par les instructeurs. L’Autorité de Dernière Instance confirme cette décision.

 

[3]               Cette cause résulte principalement d’un malentendu entre un étudiant et ses instructeurs et n’aurait jamais dû venir en cour. Naturellement, M. Nicolas n’a pas aimé se faire traiter de tricheur, ce qui a engendré une atmosphère tendue entre les parties. Par contre, comme cette cause est maintenant devant la Cour, je dois en conclure que la décision du directeur général était raisonnable et que le demandeur a été traité en respectant les principes d’équité procédurale.

 

LES FAITS

[4]               M. Nicolas, un membre des Forces canadiennes depuis 1994, est retenu pour suivre un cours d’officier d’affaires publiques en juin 2007. Dans le cadre du cours, les étudiants doivent écrire un article de fond d’environ 400 mots sur un sujet d’actualité. Avant d’entreprendre la rédaction du travail, le demandeur présente le sujet à un instructeur, qui en approuve le thème. Le jour avant la remise du travail final, le correcteur lit l’article de M. Nicolas pour en corriger les fautes de grammaire et d’orthographe. Il ne fait pas de commentaires quant au contenu.

 

[5]               Lors de la remise du travail final, le correcteur a des doutes quant à la source et la provenance de l’information et découvre que le texte du demandeur a été presqu’entièrement copié d’un texte se trouvant sur l’Internet, qu’aucune source n’est mentionnée dans le texte et que le texte a été modifié pour faire référence à une personne connue du demandeur.

 

[6]               Par la suite, le demandeur est convoqué devant un Comité de révision de performance pour discuter de la possibilité de plagiat dans l’article de fond. Pour nier l’accusation de plagiat, M. Nicolas se base sur le fait qu’il a discuté du texte et de ses sources avec plusieurs instructeurs avant de remettre la version finale et qu’il ne semblait pas y avoir de problèmes. Il affirme également que plusieurs étudiants ont eu la chance de recommencer l’exercice après avoir remis un travail insatisfaisant. M. Nicolas est retiré du cours pour cause de plagiat.

 

[7]               Il présente un grief au sujet de son retrait du cours et demande que la mention de plagiat soit retirée de son dossier. Le grief est rejeté par l’Autorité de Première Instance, puis par l’Autorité de Dernière Instance. M. Nicolas demande le contrôle judiciaire de cette décision.

 

LA DÉCISION DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AUTORITÉ DE DERNIÈRE INSTANCE

 

[8]               Le directeur général rejette le grief du demandeur le 8 mars 2010. Il étudie d’abord la directive et la politique du Centre d’apprentissage des affaires publiques de la Défense nationale (CAAPDN) en matière de mauvaise conduite, puis il analyse les démarches entreprises par le comité de révision qui a sanctionné le demandeur.

 

[9]               Il affirme que la directive du CAAPDN décrit ce qu’est le plagiat et discute des responsabilités de chacun à cet égard. En effet, la Directive 7-002 (CAAPDN), intitulée « Mauvaise conduite dans les études »,  stipule que :

La mauvaise conduite dans les études est répréhensible au sein de tout établissement d’enseignement supérieur ou établissement de formation. Le Centre d’apprentissage des affaires publiques de la Défense nationale (CAAPDN) ne fait pas exception, et c’est pourquoi la mauvaise conduite dans les études n’y sera nullement tolérée. Les cas de mauvaise conduite dans les études seront traités non pas comme des questions administratives, mais bien comme des questions disciplinaires. Quoiqu’il en soit, au terme du processus disciplinaire, on pourra convoquer un Comité d’évaluation des progrès, conformément à la référence A, pour déterminer le sort du stagiaire et juger de sa capacité de terminer le programme d’instruction.

 

[10]           De même, la Directive définit le terme plagiat comme suit :

Le plagiat consiste à présenter le travail d’un autre sans mentionner la source, sous la même forme ou sous une forme ne comportant que de légères différences. [...] Par plagiat involontaire, on entend les cas d’application inappropriée ou de mauvais usage de matériel sans citer la source ou l’auteur. Dans de tels cas, il est clair que le stagiaire n’avait pas l’intention d’induire en erreur. Le plagiat volontaire est l’emploi par un stagiaire de matériel d’une autre source qu’il fait passer pour sien. Le stagiaire a donc l’intention de duper quelqu’un. Voici quelques exemples courants :

 

·        Copier intégralement ou presque (paraphrase) des phrases, des passages, des paragraphes, [...] d’autres personnes, sans clairement indiquer la source ni donner le mérite du travail à son auteur en mentionnant son nom (p. ex., livres, articles, travaux non publiés, documents ou notes, notes de colloques et de conférences, rapports internes, cassettes, etc.) ;

·        Copier en tout ou en partie des informations tirées de sites Web [...] et les présenter comme siennes sans en citer la source.

 

[11]           Observant que le travail du demandeur ne contient aucune source ou référence et que le contenu final du travail contient l’essentiel d’un article rédigé par une tierce personne, le directeur général conclut que « [i]l ne me fait aucun doute que ce que [le demandeur a] présenté à [ses] instructeurs rencontre la définition de plagiat ou de mauvaise conduite dans les études ».

 

[12]           En ce qui concerne le processus entrepris par le Comité de révision de performance, le directeur général accepte la présence d’irrégularités dans la procédure de renvoi du demandeur. Par contre, il conclut que ces dernières n’ont pas brimé les droits du demandeur. En effet, le demandeur a reçu un avis oral et écrit du reproche, il a eu la possibilité de soumettre ses arguments et ses commentaires et il a obtenu une décision impartiale appuyée par des motifs.

 

[13]           Il conclut donc qu’il était raisonnable de croire que le demandeur connaissait la définition et les conséquences associées au plagiat et à la mauvaise conduite dans le cadre des études. De même, le demandeur n’a subi aucun préjudice. Aussi, sa demande de redressement est rejetée.

 

L’ANALYSE

Les questions en litige

[14]           Cette cause soulève les questions en litige suivantes :

1.                  Quelle est la norme de contrôle ?

2.                  Le directeur général de l’Autorité de Dernière Instance a-t-il conclu erronément que le demandeur avait commis un acte de plagiat ?

3.                  Le directeur général de l’Autorité de Dernière Instance a-t-il conclu erronément que les principes d’équité procédurale ont été respectés en l’espèce ?

 

1. La norme de contrôle

[15]           La question de la norme de contrôle est discutée dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 S.C.R. 190. Au paragraphe 47, les juges Lebel et Bastarache affirment que :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.  La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[16]           Dans le cas en l’espèce, il s’agit d’une question de fait. La norme de contrôle applicable est donc celle de la décision raisonnable.

 

2. Le directeur général de l’Autorité de Dernière Instance a-t-il conclu erronément que le demandeur avait commis un acte de plagiat ?

 

[17]           Le demandeur affirme que le directeur général a commis une erreur en décidant de ne pas accueillir le grief et la demande de réparation. En effet, M. Nicolas argumente qu’il n’était pas au courant de la procédure en matière de plagiat, que les documents à ce sujet n’ont jamais été signés et qu’aucune information sur le plagiat ou la mauvaise conduite dans les études n’a été donnée au début du cours. De plus, il affirme que le travail a été approuvé avant sa remise et que la correction préalable aurait dû adresser la question des sources et non pas seulement corriger les fautes de grammaire et d’orthographe.

 

[18]           Pour réfuter cet argument, le défendeur affirme que : 1) le décideur a précisé l’information dont il a pris connaissance pour rendre la décision, 2) la conclusion du décideur en matière de plagiat était raisonnable, notamment lorsque le travail du demandeur est comparé au texte trouvé sur l’Internet, 3) le demandeur aurait dû être au courant de la Directive 7-002 relative au plagiat, et 4) les officiers détiennent un diplôme universitaire, ce qui porte à croire qu’ils sont au courant des règles régissant les travaux universitaires et le plagiat. Le défendeur affirme donc que le demandeur ne pouvait ignorer que ses actions constituaient du plagiat.

 

[19]           Le défendeur argumente également que bien que les instructeurs aient approuvé la source au préalable, en aucun cas, cette approbation n’autorisait l’utilisation du texte intégral sans en citer la provenance.

 

[20]           Voici un extrait du travail remis par le demandeur, comparé à la source approuvée au préalable par ses instructeurs :

Extrait du travail soumis par Jacques Nicolas

Extrait de la source approuvée par les instructeurs et présentée dans l’affidavit de Jacques Nicolas

 

 

Il pense alors au futur de sa famille et décide de prendre une assurance-vie. Il appelle une compagnie d’assurance qui lui dépêche un agent ; il choisit un régime d’assurance familiale qui lui convient et, quand la conversation prend fin, l’assureur lui demande son adresse courriel pour lui envoyer la proposition.

Déçu, Jean dit alors qu’il n’a pas d’adresse courriel ! « Curieux, lui dit l’assureur, vous n’avez pas d’adresse courriel et vous êtes arrivé à construire cet empire ; imaginez où vous seriez si vous aviez un email ».

Jean réfléchit et répond : « Je serais déboucheur des toilettes dans une compagnie de haute technologie. »

Il pense alors au futur de sa famille, et décide de prendre une assurance vie. Il appelle un assureur, choisit un plan d’assurance et quand la conversation prend fin, l’assureur lui demande son email pour lui envoyer la proposition.

L’homme dit alors qu’il n’a pas d’email ! Curieux, lui dit l’assureur, vous n’avez pas d’email et vous êtes arrivé à construire cet empire, imaginez où vous seriez si vous aviez un email.

L’homme réfléchit et répond : Je serais déboucheur de chiottes chez Microsoft.

 

[21]           Il est clair que l’utilisation intégrale d’un texte tiré de l’Internet sans en nommer la source constitue un acte délibéré de plagiat. Lorsque l’on compare le travail soumis par le demandeur et la version tirée de l’Internet, il est clair que le demandeur a copié le texte d’Internet. De même, le demandeur a modifié le document pour faire comme s’il s’agissait de l’histoire de son cousin, Jean, ce qui peut porter à croire qu’il cherchait à truquer les instructeurs et à faire passer le texte d’Internet comme le sien. Par contre, notons qu’en l’espèce, il n’est pas pertinent de se pencher sur la question à savoir si le demandeur avait l’intention de plagier ou non.

 

[22]           Bien que je n’aie pas à trancher cette question, le travail soumis par le demandeur fait foi d’un manque total d’imagination et ne correspond en aucun cas aux critères requis lors de la composition d’un article académique.

 

[23]           Je ne suis pas convaincu que le demandeur n’ait pas été au courant de la politique en matière de plagiat. En effet, comme le mentionne le défendeur, une personne raisonnable, ayant complété des études universitaires ou même des études secondaires, serait sensibilisé au plagiat et aurait ainsi une connaissance générale à ce sujet. De plus, l’ignorance de la loi n’est pas une excuse. En effet, comme l’a déclaré lord Atkin dans Evans c. Bartlam, [1937] A.C. 473, à la page 479 :

[TRADUCTION] Le fait est qu’il n’y a pas, et qu’il n’y a jamais eu, de présomption selon laquelle tout le monde connaît la loi. Il existe une règle selon laquelle l’ignorance de la loi n’est pas une excuse, une maxime ayant une portée et une application fort différentes.

 

[24]           Je ne suis pas d’accord avec l’argument du demandeur qui affirme que le rôle de l’instructeur qui a corrigé la dernière ébauche, avant la remise du travail final, était d’en corriger le contenu également. Le demandeur affirme également que l’instructeur aurait dû soulever ses doutes quant au plagiat à cette étape et que comme il ne l’a pas fait, il était trop tard pour se faire lors de la remise du travail final. Je crois que cet argument ne fait aucun sens. En effet, l’aide apportée par cet instructeur était au niveau de l’orthographe et de la grammaire, permettant ainsi à l’étudiant de remettre un travail sans erreur. Le correcteur ne devait pas corriger le contenu de l’article à cette étape, ni soulever ses doutes quant aux sources utilisées.

 

[25]           Il est vrai que le demandeur a discuté de sa source avec ses instructeurs, ce qui a d’ailleurs été confirmé par eux. Par contre, même si la source a été discutée au préalable, ces derniers affirment que c’était évident que cela ne permettait pas au demandeur de renoncer à son obligation de citer les sources utilisées dans son article.

 

[26]           Le directeur général a préféré se baser sur les témoignages des instructeurs. En effet, ils ont affirmé que l’approbation de la source ou du texte provenant de l’Internet ne devait pas être considérée comme une autorisation d’utiliser le texte en changeant simplement quelques mots ou de l’utiliser sans en citer la source, mais plutôt comme l’entérinement d’un thème. La décision du directeur général de choisir la version des instructeurs, au détriment de la version de M. Nicolas, est raisonnable.

 

3. Le directeur général de l’Autorité de Dernière Instance a-t-il conclu erronément que les principes d’équité procédurale ont été respectés en l’espèce ?

 

[27]           Le demandeur argumente que le processus de révision de son dossier était entaché d’erreurs procédurales. En effet, il affirme que les instructeurs du cours n’ont pas respecté la politique du CAAPDN lorsqu’ils ont mis en place le Comité de révision de performance et que plusieurs étapes obligatoires du processus ont été supprimées.

 

[28]           À cet égard, le défendeur reconnaît que le directeur général a lui-même avoué la présence d’irrégularités de procédure, mais est d’avis, comme l’était le directeur général, que cela n’a pas porté atteinte aux droits du demandeur. De même, le défendeur argumente que le demandeur a eu droit à une pleine divulgation de son cas et qu’il a eu la chance de fournir ses commentaires.

 

[29]           La question de l’équité procédurale est discutée à maintes reprises dans la jurisprudence canadienne. La Cour suprême a d’abord abordé ce concept dans l’arrêt Hamel c. Brunelle et Labonté, [1977] 1 R.C.S. 147, où le juge Pigeon, écrivant au nom de la majorité, mentionne à la page 156 que « la procédure reste la servante de la justice et n’en devienne jamais la maîtresse ».

 

[30]           Plus tard, dans l’arrêt Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, le juge Le Dain, au nom de la Cour suprême, affirme au paragraphe 14 que :

Cette Cour a confirmé que, à titre de principe général de common law, une obligation de respecter l’équité dans la procédure incombe à tout organisme public qui rend des décisions administratives qui ne sont pas de nature législative et qui touchent les droits, privilèges ou biens d’une personne.

 

[31]           De même, il mentionne au paragraphe 23 que :

L’omission d’accorder une audition équitable, qui est de l’essence même de l’obligation d’agir avec équité, ne peut jamais être considérée en elle-même sans “importance suffisante” à moins que ce ne soit à cause de son effet perçu sur le résultat ou, en d’autres mots, à cause du tort réel qu’elle a causé. Si c’est là la façon correcte de voir les implications de l’analyse adoptée par la majorité de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique sur la question d’équité dans la procédure en l’espèce, j’estime nécessaire d’affirmer que la négation du droit à une audition équitable doit toujours rendre une décision invalide, que la cour qui exerce le contrôle considère ou non que l’audition aurait vraisemblablement amené une décision différente. Il faut considérer le droit à une audition équitable comme un droit distinct et absolu qui trouve sa justification essentielle dans le sens de la justice en matière de procédure à laquelle toute personne touchée par une décision administrative a droit. Il n’appartient pas aux tribunaux de refuser ce droit et ce sens de la justice en fonction d’hypothèses sur ce qu’aurait pu être le résultat de l’audition.

 

[Je souligne.]

 

[32]           De même, la Cour suprême affirme dans l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 79 que :

L’équité procédurale est un fondement du droit administratif canadien moderne. Les décideurs publics sont tenus de faire preuve d’équité lorsqu’ils prennent des décisions touchant les droits, les privilèges ou les biens d’une personne.

 

[33]           Dans cette même décision, il est établi que les questions d’équité procédurale sont révisées selon la norme de la décision correcte. En effet, la Cour suprême mentionne au paragraphe 129 que :

C’est pourquoi le législateur et la common law imposent aux organismes administratifs des obligations en la matière — dont l’« équité procédurale » — qui varient selon la catégorie à laquelle appartient le décideur et la nature de la décision en cause.  La cour de révision a le dernier mot à ce chapitre aussi.

 

[34]           Cette idée est également reprise par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 116, 389 N.R. 72, où le juge Evans mentionne au paragraphe 26 que :

La question fondamentale que je dois trancher pour statuer sur le présent appel est de savoir si les appelantes avaient droit à l’équité procédurale dans le cadre du processus par lequel TPSGC a attribué le contrat pour le soutien des sous-marins à CSMG. Il s’agit d’une question de droit devant être examinée selon la norme de la décision correcte : Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 129.

 

[35]            En ce qui concerne les éléments qui constituent l’équité procédure, la Cour suprême mentionne, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, à la page 837 que :

Un droit de participation aux décisions administratives [...] au moyen d’une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal, institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leur point de vue complètement ainsi que les éléments de preuve de telle sorte qu’ils soient considérés par le décideur. [Je souligne.]

 

[36]           Pour déterminer si la décision de l’arbitre est correcte, il faut donc se poser la question à savoir si le demandeur a eu l’occasion de se défendre et si l’occurrence de plusieurs erreurs procédurales a eu pour effet de vicier les principes d’équité procédurale.

 

[37]           La question des erreurs de procédures répétées est étudiée dans l’arrêt Miranda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 437 (Q.L.), qui adresse la question des erreurs retrouvées dans une décision d’un tribunal administratif. Le juge Joyal stipule au paragraphe 5 que :

S’il est vrai que des plaideurs habiles peuvent découvrir quantité d’erreurs lorsqu’ils examinent des décisions de tribunaux administratifs, nous devons toujours nous rappeler ce qu’a dit la Cour suprême du Canada lorsqu’elle a été saisie d’un pourvoi en matière criminelle où les motifs invoqués étaient quelque douze erreurs commises par le juge dans ses directives au jury. En rendant son jugement, la Cour a déclaré qu’elle avait trouvé dix-huit erreurs dans les directives du juge mais que, en l’absence de tout déni de justice, elle ne pouvait accueillir le pourvoi.

 

[38]           Dans cette affaire, le juge Joyal conclut au paragraphe 7 que :

Me fondant sur cette analyse, je considère que les conclusions tirées par la Commission sont fondées compte tenu de la preuve. Certes, il est toujours possible qu’on ne s’entende pas sur la preuve; un tribunal différemment constitué pourrait également rendre une décision contraire. Quelqu’un d’autre pourrait tirer une conclusion différente. C’est notamment le cas lorsque la personne qui rend la décision souscrit à un système de valeurs différent. Toutefois, malgré l’exposé approfondi de l’avocat du requérant, je n’arrive pas à saisir le genre d’erreur qu’aurait pu faire la Commission dans sa décision et qui justifierait mon intervention. À mon avis, la décision de la Commission est tout à fait compatible avec la preuve.

 

[39]           Par conséquent, une décision d’un tribunal administratif peut tout de même être raisonnable même si la procédure est entachée d’erreurs. Dans le cas en espèce, le demandeur a eu l’occasion de défendre son point de vue et de présenter des éléments de preuve à tous les niveaux décisionnels. Il a eu droit à un décideur impartial, qui a rendu une décision motivée par des raisons légales. Il m’est donc impossible de conclure que les principes d’équité procédurale n’ont pas été respectés en l’espèce.

 

LA CONCLUSION

[40]           Pour réitérer, au début de toute cette affaire, il est évident que les instructeurs auraient pu donner le bénéfice du doute à M. Nicolas et auraient pu conclure que la soumission du travail plagié relevait tout simplement d’un malentendu. Par contre, les choses ne se sont pas déroulées ainsi. Ceci est dommage pour M. Nicolas, car l’incident entache son dossier disciplinaire et ne lui permet pas de reprendre le cours en question. En toute discrétion, bien que je doive rejeter cette demande de contrôle judiciaire, je ne crois pas qu’il soit approprié d’accorder des dépens au défendeur. Je demande également à ce qu’une copie de cette ordonnance et des présents motifs soit versée au dossier de M. Nicolas qui demeure, à ce jour, membre des Forces canadiennes.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du directeur général de l’Autorité de Dernière Instance des griefs des Forces canadiennes soit rejetée.

2.                  Aucuns dépens ne soient accordés.

3.                  Une copie de cette ordonnance et des présents motifs soit versée au dossier disciplinaire du demandeur.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-711-10

 

INTITULÉ :                                       Jacques Nicolas c. PGC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 28 septembre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                        LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      le 25 octobre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jacques Nicolas

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Antoine Lippé

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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