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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20101101

Dossier : IMM-4790-09

Référence : 2010 CF 1068

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2010

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

ALFONSO GRAU-PARRA et

MARTHA BEATRIZ SAMPEDRO-ARENAS

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), en vue de soumettre à un contrôle judiciaire une décision datée du 27 août 2009 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration du statut de réfugié (la Commission) a décidé que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger, aux termes des articles 96 et 97 de la Loi. Cette décision était fondée sur la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur principal était dénué de crédibilité et ne craignait pas avec raison d’être persécuté en Colombie.

 

[2]               Les demandeurs demandent que la décision de la Commission soit annulée et que leur demande soit renvoyée en vue d’être examinée à nouveau par une formation différemment constituée de la Commission.

 

Le contexte

 

[3]               Alfonso Grau-Parra, le demandeur principal, et son épouse de fait, Martha Beatriz Sampedro-Arenas, la codemanderesse, sont citoyens de la Colombie. Le demandeur principal allègue qu’en raison de ses activités en tant que chauffeur pour le compte de politiciens et de personnes travaillant dans le domaine du théâtre et des médias, il est perçu comme ayant des opinions politiques contraires aux intérêts des Forces armées révolutionnaires de la Colombie (les FARC). Il dit courir un risque aux mains des FARC s’il retourne en Colombie.

 

[4]               Au nombre des incidents de persécution subis figurent des appels téléphoniques de menaces que le demandeur principal a reçus par son téléphone cellulaire en 2003, notamment après avoir conduit des politiciens jusqu’à leur site de campagne respectif.

 

[5]               La question de savoir ce qui s’est passé après les menaces faites au téléphone est quelque peu contestée. La Commission a conclu que le demandeur principal avait quitté la Colombie en octobre 2003 à destination des États-Unis, mais qu’il était revenu au pays deux mois plus tard, une fois que les choses s'étaient calmées. Le demandeur principal dit que cela n’est jamais arrivé et qu’il n’a quitté la Colombie qu’une seule fois, le 18 août 2004, pour se rendre aux États-Unis et que, depuis ce temps, il n’est jamais retourné dans son pays.

 

[6]               Quoi qu’il en soit, l’incident qui a amené le demandeur principal à partir pour de bon est survenu en juillet 2004, après être allé chercher un couple à l’aéroport. Le couple l’a menacé avec une arme à feu et lui a dit de se rendre à un endroit, où il l’a ensuite roué de coups et intimidé. Quelques collègues qui suivaient le véhicule du demandeur principal ont vu l’un des passagers grimper sur le siège avant et ils ont téléphoné au bureau central. Peu après que le couple eut dit au demandeur principal d’immobiliser le véhicule et commencé à le rouer de coups, plusieurs véhicules du bureau central sont arrivés et ont fait fuir les agresseurs.

 

[7]               La codemanderesse était chargée de l’administration d’un théâtre en Colombie, qui collaborait avec des politiciens. Des membres de la guérilla lui ont téléphoné et ont menacé de lui faire du mal. Elle a cessé de travailler pour le théâtre en avril 2004, mais elle a reçu un autre appel de menaces au mois de mai de cette année-là. Elle s’est ensuite installée chez une amie jusqu’à son départ pour les États-Unis, le 18 août 2004.

 

[8]               Les demandeurs prétendent qu’ils détenaient des visas valides pour les États-Unis, et que ces visas ont été prorogés. Après un certain temps, ils ont appris qu’ils séjournaient dans ce pays depuis trop longtemps pour pouvoir présenter une demande d’asile et ils ont commencé à étudier d’autres options. En février 2008, ils se sont entretenus avec un avocat de Montréal, qui leur a dit qu’ils pouvaient venir au Canada et présenter sur-le-champ une demande d’asile. Le 30 juin 2008, les demandeurs sont arrivés au Canada et, deux jours plus tard, ils demandaient l’asile.

 

La décision de la Commission

 

[9]               La Commission a rejeté les demandes au motif que les demandeurs ne craignaient pas avec raison d’être persécutés en Colombie pour un motif énoncé dans la Convention. Elle a tiré une inférence défavorable du fait que le demandeur principal était retourné dans son pays et du fait qu'il n’avait pas demandé l’asile aux États-Unis en temps opportun. Elle a mentionné la visite qu’il avait faite aux États-Unis en 2003, à une époque où il recevait des appels de menaces, ainsi que le fait de ne pas y avoir demandé l’asile pendant qu’il s’y trouvait. Le demandeur principal était ensuite retourné dans son pays, se réclamant ainsi de la protection de son pays. Il était allé jusqu’à reprendre les mêmes activités professionnelles qu’il accomplissait avant son départ. La Commission n’a pas jugé crédible ou raisonnable qu’une personne se mette exactement dans la même situation que celle qui l’avait fait fuir deux mois plus tôt.

 

[10]           La Commission a signalé de plus que les demandeurs n’avaient pas demandé l’asile aux États-Unis, même s’ils y avaient vécu cinq ans. Ils ne s'étaient même pas renseignés sur cette possibilité avant l’expiration de la période d’admissibilité d’un an. Elle n’a pas jugé raisonnable que les demandeurs se fussent simplement fiés à d’autres personnes qui leur avaient dit qu’on n’accordait pas l’asile aux Colombiens. Elle a conclu que leurs actions ne cadraient pas avec celles de personnes éprouvant une crainte subjective.

 

[11]           La Commission a également fait remarquer que la codemanderesse, même si elle avait reçu des appels de menaces, n’avait rien fait pour obtenir la protection de la police ou porter plainte.

 

[12]           Fondamentalement, le demandeur principal n’avait pas établi qu’il avait été pris pour cible pour des motifs d’ordre politique. Il était un homme d’affaires prospère et il avait un numéro de téléphone commercial qui était annoncé. La Commission a fait remarquer qu’aucune mention n’apparaissait dans les notes prises au point d’entrée à propos de l’agression du 31 juillet 2004, mais qu'il y avait encore d’autres problèmes. Toute la description des faits, a-t-elle conclu, était invraisemblable et, selon toute probabilité, ceux-ci étaient davantage l’œuvre de simples criminels que de membres des FARC, qui sont très bien armés et expérimentés. Quand on lui a demandé pourquoi il ne pouvait pas rentrer en Colombie, le demandeur principal a affirmé que c’était parce qu’on le considérerait comme étant un journaliste. Cependant, il n’y avait aucune preuve confirmant qu’il travaillait comme journaliste, sinon un cours qu’il avait suivi et qui pouvait faire de lui un agent de communication. La Commission a conclu que cette réponse ne cadrait pas avec son formulaire de renseignements personnels (le FRP) et elle en a tiré une autre inférence défavorable. Jugeant que la demande du demandeur principal n’était pas digne de foi, elle l’a rejetée.

 

[13]           Lorsqu’on l’a interrogé sur le contenu des appels de menaces, le demandeur principal a répondu que c’était en réalité la codemanderesse qui les avait reçus. Celle-ci a déclaré qu’elle avait reçu au bureau des appels au sujet de la location de camionnettes, mais elle a soutenu aussi avoir rencontré les appelants une fois, au théâtre où elle travaillait. Même si elle a déclaré avoir rencontré les agresseurs, elle n’a pu donner d’autres détails ou faire d’autres descriptions qui auraient complété son récit. Au bout du compte, la Commission a tiré une inférence défavorable de l’incapacité de la codemanderesse à fournir des détails additionnels, et elle a noté que certains des appels avaient pu être davantage des plaintes ou des menaces concernant le théâtre. La codemanderesse n’ayant pas pu établir qu’elle craignait avec raison d’être persécutée, sa demande a été rejetée elle aussi.

 

Les questions en litige

 

[14]           Les questions en litige sont les suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La conclusion de la Commission quant à la crédibilité peut-elle être maintenue malgré l’énoncé des faits inexact portant sur le retour du demandeur principal en Colombie?

            3.         La conclusion ultime de la Commission était-elle déraisonnable?

 

Les observations écrites des demandeurs

 

[15]           Il n’y avait aucune preuve que le demandeur principal avait quitté la Colombie en octobre 2003. Selon la preuve, ce départ de la Colombie (en compagnie de la codemanderesse) avait eu lieu en août 2004. Il n’y avait aucune preuve que le demandeur principal était retourné dans son pays. Même si la Commission a également tiré des inférences défavorables du fait que les demandeurs n’avaient pas demandé l’asile aux États-Unis, il est impossible de dissocier ces inférences de la conclusion erronée que la Commission a tirée.

 

[16]           La conclusion erronée de la Commission a eu un effet marquant et a amené cette dernière à conclure que le demandeur principal s'était réclamé à nouveau de la protection de son pays, qu’il était dénué de crédibilité et qu’il ne craignait pas avec raison d’être persécuté. Elle a également faussé la période durant laquelle, selon la Commission, les demandeurs n’avaient pas demandé l’asile aux États-Unis. Il ne s’agissait pas de cinq ans. Ils avaient séjourné dans ce pays du mois d’août 2004 au mois de juin 2008 et ils avaient eu un statut légal aux États-Unis durant un an. En tout état de cause, un retard inexpliqué à demander l’asile n’aurait pas été déterminant à l’égard de leur demande.

 

[17]           La Commission a également commis une erreur en omettant de citer la décision à caractère persuasif de la Commission sur la Colombie, laquelle décision reconnaît l’incapacité générale de l’État colombien à protéger ses citoyens contre les FARC. Cette omission a son importance, car la Commission a semblé se fonder sur le fait que la codemanderesse n’avait pas contacté la police.

 

[18]           La Commission a également commis une erreur dans un autre aspect de sa conclusion défavorable quant à la crédibilité. Elle a tiré à tort une inférence défavorable du défaut des demandeurs de faire état, dans les notes prises au point d’entrée, de la dernière attaque dont le demandeur principal avait été victime. En réalité, l'entretien au point d'entrée a été fort bref et jamais il n’a été demandé aux demandeurs de relater leur récit tout entier. C’est à tort que la Commission a fondé une inférence défavorable sur le fait que le requérant avait fourni plus de détails dans le FRP.

 

Les observations écrites du défendeur

 

[19]           Le défendeur reconnaît que la Commission a pu avoir rapporté erronément un fait concernant le retour au pays du demandeur principal, mais cette erreur était sans importance. Sa conclusion concernant la crédibilité des demandeurs ne dépendait pas de cette conclusion.

 

[20]           Les demandeurs n’ont pas été dignes de foi, indépendamment de la conclusion de retour au pays. La Commission a tiré une inférence défavorable du fait que la dernière agression dont le demandeur principal disait avoir été victime n’était pas mentionnée dans les notes prises au point d’entrée. Il était raisonnable pour la Commission d’agir ainsi parce que, au point d’entrée, on avait demandé au demandeur principal pourquoi il avait quitté la Colombie et, à l’audience, ce dernier s’était fondé sur la dernière agression en tant qu’aspect central de sa demande. La Commission n’a pas non plus considéré que sa description de la dernière agression était plausible, et elle a motivé cette conclusion. Elle a également conclu que la codemanderesse avait été évasive lorsqu’elle avait relaté son récit, et elle a motivé cette conclusion. Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité étaient également étayées par le fait que les demandeurs n’avaient pas demandé l’asile aux États-Unis, même s’ils y avaient séjourné quatre ans. Dans l’ensemble, il faut maintenir les conclusions de crédibilité qui ont été tirées à l’encontre des demandeurs.

 

[21]           La Commission n’a pas commis d’erreur en omettant de prendre en considération la décision à caractère persuasif. L’affirmation des demandeurs selon laquelle la Commission aurait dû le faire reposait sur leur crainte prétendue des FARC. Cependant, la Commission n’a pas admis que les FARC les avaient pris pour cible, et cette décision n’était donc pas pertinente. Quoi qu’il en soit, la Cour ne peut reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en considération un document de décision interne.

 

Analyse et décision

 

[22]           La question en litige no 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Les demandeurs souhaitent que la conclusion ultime de la Commission soit annulée et que l’affaire soit renvoyée en vue d’être examinée à nouveau. Ils disent que la Commission a énoncé erronément un fait et ils soutiennent que cette erreur occupait une place importante dans la conclusion de la Commission selon laquelle ils étaient dénués de crédibilité; cela, par ricochet, met en doute la conclusion ultime de la Commission portant que les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugié. Il est toutefois important pour la Cour de déterminer la norme par rapport à laquelle contrôler les conclusions de la Commission et sa conclusion ultime, avant de déterminer s’il lui est loisible de modifier cette conclusion.

 

[23]           Il est nécessaire de tenir compte de la compétence spécialisée de la Commission, et il convient d’accorder à cette dernière un degré élevé de retenue à l’égard des décisions de nature éminemment factuelle et contextuelle qu’elle rend sur les demandes d’asile. La Commission est nettement mieux placée qu’une cour de contrôle pour apprécier la crédibilité et la vraisemblance du récit d’un demandeur d’asile. Une conclusion au sujet de la crédibilité n’est pas une question mixte de fait et de droit. Il s’agit d’une question de fait. Une cour de contrôle ne peut infirmer les conclusions de fait que tire la Commission que si cette dernière les a tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (voir la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, alinéa 18.1(4)d)). En fait, le législateur a expressément voulu que les conclusions de fait tirées par un organisme administratif appellent un degré élevé de retenue (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 46).

 

[24]           C’est donc dire que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité doivent être contrôlées par rapport à la norme de contrôle qui est prévue à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales (voir la décision Diabo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1772, au paragraphe 3).

 

[25]           Les conclusions ultimes, soit les décisions, que rend la Commission au sujet d’une demande d’asile, sont susceptibles de contrôle par rapport à la raisonnabilité (voir Kaleja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 252, [2010] A.C.F. no 291, au paragraphe 19, Sagharichi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993) 182 N.R. 398 (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 796, au paragraphe 3). Cela étant, le tribunal de contrôle examinera les qualités qui font qu’une décision est raisonnable, en se souciant principalement de sa justification, de sa transparence et de l'intelligibilité du processus décisionnel. Le tribunal vérifiera aussi si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[26]            Une conclusion de fait infirmée par une cour de contrôle peut mener à inférer que la conclusion ultime de la Commission, soit sa décision, était déraisonnable, mais ce n’est pas toujours le cas. Comme je l’ai signalé dans la décision Haque c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 703, au paragraphe 27 :

Les demandeurs ne se seront pas acquittés de leur fardeau, toutefois, du simple fait qu’existe véritablement une erreur, une omission ou une interprétation erronée. Il n’y a pas erreur susceptible de contrôle, en d’autres termes, de par la seule présence d’une erreur. Certaines erreurs peuvent miner directement le fondement même d’une décision, alors que d’autres peuvent s’avérer de peu de conséquence. Selon le passage précité de l’arrêt Dunsmuir, la cour de révision doit se demander si « la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité ». Avant que la cour de révision n’intervienne, les demandeurs doivent en dernière analyse établir l’existence d’une des conditions susmentionnées.

 

[27]           La question en litige no 2

            La conclusion de la Commission quant à la crédibilité peut-elle être maintenue malgré l’énoncé des fait inexact portant sur le retour du demandeur principal en Colombie?

            Le défendeur ne fait pas valoir ici que la Commission n’a pas énoncé un fait erronément. Il soutient plutôt que l’erreur de la Commission importait peu, en ce sens que les conclusions qu’elle a tirées au sujet de la crédibilité des demandeurs n’en dépendaient pas.

 

[28]           Je me dois de rejeter l’argument du défendeur. Même si la Commission a souligné valablement, au sujet de la vraisemblance du récit de chacun des demandeurs, une série d’incohérences et d’autres problèmes qui auraient pu servir à étayer une conclusion défavorable quant à la crédibilité, je crois que la décision finale de la Commission sur ce plan est gravement entachée par son erreur.

 

[29]           La conclusion de la Commission au sujet de la crédibilité reposait sur un certain nombre de facteurs, mais l’un des éléments clés était qu’il était peu plausible que le demandeur principal ait été menacé par les FARC et qu’il soit retourné par la suite non seulement en Colombie, mais aussi dans la même ville et au même lieu de travail où les menaces avaient été proférées. Cette conclusion réside au cœur même des motifs de décision écrits de la Commission. Il ne s’agissait manifestement pas, aux yeux de cette dernière, d’une question mineure ou secondaire.

 

[30]           Étant donné que la décision de fait concernant la crédibilité repose, en partie du moins, sur une grave méprise au sujet d’un fait important, je me vois dans l’obligation de conclure qu’elle a été tirée de façon abusive sans tenir compte de la preuve. Cela étant, j’interviendrai concernant la conclusion que la Commission a tirée au sujet de la crédibilité, ayant conclu qu’elle a été tirée par erreur.

 

[31]           La question en litige no 3

            La conclusion ultime de la Commission était-elle déraisonnable?

            Les demandeurs ont soulevé plusieurs autres aspects de la décision dans lesquels, disent-ils, la Commission a commis une erreur et qui, considérés globalement, font que cette décision est déraisonnable. À mon avis, il est inutile de s’engager dans ces aspects-là. Selon moi, la conclusion erronée de la Commission au sujet de la crédibilité suffit pour rendre sa conclusion ultime déraisonnable.

 

[32]           L’erreur dans la conclusion de la Commission au sujet de la crédibilité a touché au cœur même de sa conclusion ultime. Naturellement et de façon très logique, une conclusion défavorable quant à la crédibilité portera préjudice à la capacité qu’a un demandeur d’asile d’établir les éléments centraux de sa demande. En l’espèce, la Commission a trouvé que le récit des demandeurs au sujet de la persécution dont ils avaient été victimes aux mains des FARC n’était pas convaincant et elle a utilisé le fait énoncé par erreur - le retour au pays du demandeur principal - pour étayer les motifs qu'elle a exposés contre l’existence d’une crainte fondée.

 

[33]           L’erreur en question a eu des effets marquants et influençants et je suis d’avis qu’à cause de ces derniers, la conclusion ultime de la Commission est déraisonnable. L’erreur prive cette décision d’un fondement justifiable. Il m’est impossible de déterminer la conclusion à laquelle la Commission serait arrivée en l’absence de cette erreur. La Commission n’a tiré aucune conclusion déterminante distincte qui soit suffisamment indépendante de l’erreur commise.

 

[34]           Le droit exige que les demandeurs bénéficient d’une autre chance de présenter leurs arguments devant la Commission et d’obtenir une décision raisonnable.

 

[35]           La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie et l’affaire sera renvoyée à une formation différemment constituée de la Commission en vue d’un nouvel examen.

 

[36]           Ni l’une ni l’autre des parties n’ont souhaité soumettre à mon attention une question grave de portée générale à certifier.

 


 

JUGEMENT

 

[37]           LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à une formation différemment constituée de la Commission en vue d’un nouvel examen.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


ANNEXE

 

Les dispositions légales applicables

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

 

72.(1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97.(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tous lieux de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace où le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérentes à celles-ci ou occasionnées par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

72.(1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97.(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4790-09

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            ALFONSO GRAU-PARRA et

                                                            MARTHA BEATRIZ SAMPEDRO-ARENAS

 

                                                            - et -

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 5 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 1er novembre 2010

 

 

 

COPARUTIONS :

 

Douglas Lehrer

 

POUR LES DEMANDEURS

Khatidja Moloo

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VanderVennen Lehrer

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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