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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20101101

Dossier : T-1302-09

Référence : 2010 CF 1070

Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2010

En présence de monsieur le juge Harrington 

 

ENTRE :

AMOUR INTERNATIONAL

MINES D’OR LTÉE

 

demanderesse

 

et

 

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]                Les déclarations volontaires des contribuables et les versements de paiements d’impôt par chacun sont à la base du système canadien d’impôt sur le revenu. Or, la loi peut être très sévère envers les contribuables qui ne déclarent pas ou qui ne versent pas leur dû dans le délai prescrit. De hauts taux d’intérêts sont imposés et les contribuables récalcitrants peuvent être sujets à de sévères pénalités. Cependant, l’article 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la LIR) prévoit que le ministre peut renoncer en tout ou en partie au montant de pénalité ou d’intérêt payable. À cet égard, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) publie plusieurs circulaires d’information en matière d’impôt sur le revenu qui décrivent en détails les circonstances dans lesquelles le ministre, par l’entremise de ses délégués, peut exercer cette discrétion. Par exemple, un de ces programmes, le « dossier d’équité », permet au ministre de lever les intérêts et les pénalités pour des raisons humanitaires.

 

[2]               Cette cause traite de la Circulaire d’information IC00-1R2, intitulée Programme de divulgations volontaires, qui, pour reprendre ses propres termes, décrit les circonstances dans lesquelles « le contribuable peut faire des divulgations afin de corriger des renseignements inexacts ou incomplets ou de fournir des renseignements qui n’avaient pas été déclarés ». Ce faisant, le contribuable n’évitera pas l’imposition d’intérêts sur les paiements en retard, mais ne sera pas sujet à une pénalité. Par contre, si des mesures d’exécution sont déjà en place pour enquêter sur les activités du contribuable ou d’une tierce partie, la pénalité ne sera pas levée.

 

[3]               Amour International Mines d’Or Ltée (AIMO) a versé des dividendes à deux actionnaires étrangers. Elle devait en retenir une partie et, dans un délai de 15 jours, remettre les sommes retenues au Receveur général du Canada. La compagnie a conservé le montant, sans pour autant en faire le versement, comme il se devait. Lorsque cette omission lui fut mentionnée par un de ses comptables, la compagnie entreprit le processus de divulgation volontaire auprès de l’ARC et versa les sommes dues, ainsi que les intérêts s’y rapportant. Par contre, l’ARC refusa la divulgation volontaire et la levée de la pénalité, argumentant que cette divulgation n’était pas volontaire et qu’elle était faite trop tard, puisqu’une mesure d’exécution était déjà en place. La décision initiale a été maintenue par le directeur adjoint intérimaire de l’Exécution, Bureau des services fiscaux de Montréal, autorisé à réviser la décision de première instance. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

LA CHRONOLOGIE

[4]               Les dates suivantes sont importantes et nous devons en tenir compte lors de l’analyse de cette cause.

 

[5]               En décembre 2006, AIMO verse un dividende de 245 000 $ CAN à un de ses actionnaires domicilié aux Bahamas. En vertu de l’article 212(2) de la LIR et en raison de l’absence de convention fiscale entre le Canada et les Bahamas, AIMO effectue une retenue à la source de 25 pour cent, soit 61 250 $ CAN, somme qui aurait dû être versée dans les 15 jours au Receveur général du Canada, tel que prescrit par le Règlement de l’impôt sur le revenu.

 

[6]               Vers le 15 octobre 2007, un écran de vérification est créé pour la compagnie Greymount Associates Limited dans le registre informatique de l’ARC. Il est indiqué dans ce registre que l’ARC prévoit étudier la question des paiements de « dividende[s] de liquidation en 2006 et 2007 à des [non-résidents] » par AIMO.

 

[7]               Le 29 octobre 2007, l’ARC fait parvenir une lettre à un comptable de Greymount au sujet de la disposition des actions d’Orex Mines d’Or Limitée par deux compagnies et un individu. Greymount est un des actionnaires d’Orex, qui lui-même est un actionnaire d’AIMO, détenant 44 pour cent des actions.

 

[8]               Voici un extrait de la lettre du 29 octobre 2007:

Afin de compléter l’examen de l’objet en rubrique, pourriez-vous nous soumettre les documents suivants:

 

Orex Gold Mines Ltd:

Le registre des actionnaires depuis le début jusqu’à la disposition des actions.

Toutes les catégories d’actions que la corporation a émises et celles qu’elle a rachetées (i.e. le nombre et le montant).

 

Vendeurs :

La convention d’achat originale (pièce à l’appui du prix payé)

La convention de vente (actions et montant)

 

[9]               En novembre 2007, AIMO verse le montant de dividende déjà déclaré de 1 172 153,30 $ CAN à un autre actionnaire, une société dont le siège social se trouve aux Pays-Bas. En vertu de l’article 10 de la Convention fiscale entre le Canada et le Royaume des Pays-Bas, AIMO effectue une retenue à la source de 15 pour cent, soit 175 822,99 $ CAN, somme qui, comme précédemment, aurait dû être versée dans les 15 jours au Receveur général du Canada.

 

[10]           En février et mars 2008, grâce aux découvertes de comptables aidant à sa liquidation judiciaire volontaire, AIMO divulgue à l’ARC son omission de verser les montants retenus des paiements en dividendes.

 

[11]           Le 4 novembre 2008, après qu’AIMO a été avertie que la divulgation volontaire ne serait peut-être pas acceptée, la demande est rejetée par le chef d’équipe, Programme des divulgations volontaires, Bureau des services fiscaux de Montréal. Les motifs à l’appui de sa décision sont les suivants :

Malheureusement, votre demande ne peut être considérée comme étant volontaire puisqu’elle fait suite à des mesures de contraintes prises par l’Agence de revenu du Canada à l’égard des actionnaires du contribuable.

 

 

[12]           Le 10 juillet 2009, la décision initiale est maintenue au deuxième niveau par le directeur adjoint intérimaire de l’Exécution qui affirme que :

L’analyse des faits et éléments présents au dossier ne me permet pas d’accepter votre divulgation volontaire. En effet, pour être volontaire, une divulgation ne doit pas être reliée à une vérification ou à des mesures d’exécution prises par l’Agence du revenu du Canada (ARC). Votre divulgation ne sera pas considérée comme volontaire puisque des mesures d’exécution relatives à la divulgation ont été prises par l’ARC à l’égard de personnes associées à AIMO. Ces mesures d’exécution étaient susceptibles de révéler les renseignements divulgués.

 

Comme nous l’avons mentionné au préalable, cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

 

LE PROGRAMME DES DIVULGATIONS VOLONTAIRES

[13]           Tel que confirmé par le juge Phelan dans la cause Livaditis v. Canada Revenue Agency, 2010 FC 950, aux paragraphes 3 et 4, la circulaire IC00-1R2, qui n’est pas une loi, indique quatre conditions pour qu’une divulgation soit valide :

1)                  la divulgation doit être volontaire,

2)                  la divulgation doit être complète,

3)                  la divulgation doit comprendre l’imposition d’une pénalité ou cette possibilité, et

4)                  la divulgation doit comprendre des renseignements dont la production est en retard d’au moins un an.

 

[14]           Dans le cas en l’espèce, il est seulement nécessaire de prendre en considération la première condition. En effet, l’ARC a clairement indiqué qu’elle refusait la divulgation volontaire d’AIMO, car elle est d’avis que la divulgation n’était pas volontaire au terme des articles 32 à 34 de la circulaire.

 

[15]           L’article 32, ainsi que les extraits pertinents des articles 33 et 34, affirment que :

32. Une divulgation ne sera pas considérée comme une

divulgation valide, sous réserve des exceptions du

paragraphe 34, en vertu de la condition « volontaire » si

l’ARC détermine ce qui suit :

 

• le contribuable était au courant d’une vérification, d’une enquête ou d’autres mesures d’exécution que devait entreprendre l’ARC ou toute autre autorité ou administration, en ce qui concerne les renseignements

divulgués à l’ARC; ou

 

• les mesures d’exécution relatives à la divulgation ont été prises par l’ARC ou toute autre autorité ou administration, à l’égard du contribuable ou d’une personne associée ou apparentée avec le contribuable (y compris, sans toutefois s’y limiter, des sociétés, des actionnaires, des conjoints et des associés) ou contre n’importe quel autre tiers où le but et l’impact de l’action applicable contre le tiers est suffisamment lié à la divulgation actuelle; et

 

• les mesures d’exécution sont susceptibles d’avoir révélé les renseignements divulgués.

 

33. Dans le cadre du PDV, une « mesure d’exécution » peut

comprendre, sans toutefois s’y limiter, ce qui suit :

 

• les demandes, les mises en demeure ou les demandes

péremptoires, envoyées par l’ARC, concernant des

déclarations non produites, des impôts ou des acomptes

provisionnels non remis, des retenues à la source requises

ou des non-inscrits (bien que ces mesures puissent

seulement se rapporter à une année ou à une période de

déclaration particulière, la procédure sera considérée

comme une mesure d’exécution dans le cadre du PDV pour toutes les années d’imposition ou les périodes de déclaration);

[…]

 

¶ 34. Ce ne sont pas toutes les mesures d’exécution que l’ARC prend qui peuvent entraîner le refus d’une divulgation par cette dernière. En voici des exemples :

 

• une vérification récente auprès d’un contribuable était liée à une question relative aux retenues à la source (paie). Le même contribuable soumet une divulgation relative à un montant de TPS/TVH qui a été perçu, mais qui n’a pas été remis à l’ARC tel que cela est exigé. Il peut n’y avoir aucune corrélation entre ces deux questions fiscales et, ainsi, la mesure d’exécution prise à l’égard du compte de paie peut ne pas constituer une raison pour refuser la divulgation de TPS/TVH.

32. A disclosure will not qualify as a valid disclosure,

subject to the exceptions in paragraph 34, under the

“voluntary” condition if the CRA determines:

 

 

• the taxpayer was aware of, or had knowledge of an audit, investigation or other enforcement action set to be

conducted by the CRA or any other authority or

administration, with respect to the information being

disclosed to the CRA, or

 

• enforcement action relating to the disclosure was initiated by the CRA or any other authority or administration on the taxpayer, or on a person associated with, or related to the taxpayer (this includes, but is not restricted to, corporations, shareholders, spouses and partners), or on a third party, where the purpose and impact of the enforcement action against the third party is sufficiently

related to the present disclosure, and

 

 

• the enforcement action is likely to have uncovered the information being disclosed.

 

 

33. For purposes of the VDP, an “enforcement action” may

include, but is not limited to:

 

 

• requests, demands or requirements issued by the CRA, relating to unfiled returns, unremitted taxes/ instalments, deductions required at source or non-registrants; (although the aforementioned actions may only pertain to one specific year or reporting period, the procedure will be considered to be an enforcement action, for purposes of the VDP, for all taxation years or reporting periods).

[…]

 

 

 

 

 

34. Not all CRA initiated enforcement action may be cause for a disclosure to be denied by the CRA. Examples of this include:

 

 

• a recent audit of a taxpayer was related to a source deductions (payroll) issue. The same taxpayer is submitting a disclosure for an amount of GST/HST, which

was collected but not remitted to the CRA as required. There may be no correlation between these two taxation issues and as such, the enforcement action on the payroll account may not be cause to deny the GST/HST disclosure.

 


LES QUESTIONS EN LITIGE

[16]           AIMO soulève trois questions principales. Dans un premier temps, AIMO soumet que les principes d’équité procédurale n’ont pas été respectés étant donné qu’elle n’était pas au courant des mesures d’exécution mises en place avant sa divulgation volontaire. Dans un deuxième temps, AIMO soutient que la lettre du 29 octobre 2007, qui sera analysée plus en détails dans ses motifs, n’était pas du tout une mesure d’exécution, mais simplement une demande d’information. Finalement, même si la lettre était une mesure d’exécution, il n’existe aucun lien entre cette lettre et la divulgation volontaire.

 

L’ANALYSE

[17]           Je ne puis accepter l’argument comme quoi il y a eu un manquement aux principes d’équité procédurale. Entre la première et la seconde décision, l’ARC a informé Me Jean‑Pierre Desmarais que les enquêtes de l’ARC ciblaient Greymount. Dans une lettre à l’ARC, datée du 5 décembre 2008, Me Desmarais fait lui-même référence à Greymount comme étant la cible de ces enquêtes.

 

[18]           Me Desmarais est le seul directeur et secrétaire à la corporation canadien d’AIMO, le seul directeur d’Orex et, par l’entremise d’une société de portefeuille, il est également un actionnaire de cette compagnie. Bien qu’il n’ait aucune connexion formelle avec Greymount, il a déjà agi en son nom et a aidé les comptables à répondre à la lettre du 29 octobre 2007.

 

[19]           Quoique soulevés dans un contexte différent, il est utile, de temps à autre, de revenir aux principes de base. Dans Lennard’s Carrying Company, Limited v. Asiatic Petroleum Company, Limited, [1915] A.C. 705, le vicomte Haldane a déclaré à la page 713 que :

[TRADUCTION] Une société est une abstraction. Elle n’est pas plus dotée d’un esprit qu’elle ne possède un corps; il faut donc chercher la volonté qui l’anime et la dirige dans la personne qui, à certains égards, peut être désignée comme un agent mais qui, en réalité, est la tête dirigeante de la société, en manifeste la volonté, représente l’âme et l’essence même de la personnalité de la société.

 

Puisque Me Desmarais est la tête dirigeante d’AIMO, sa connaissance représente donc celle de la compagnie elle-même. Par conséquent, même s’il était nécessaire qu’AIMO soit informée de la situation, cette condition est remplie.

 

 

[20]           Adressons maintenant les deux autres questions en litige. Il est clair que le premier critère de l’article 32 ne s’applique pas en l’espèce. AIMO a été sujette à une vérification, mais seulement après avoir entrepris le processus de divulgation volontaire. Par conséquent, la question selon moi n’est pas de savoir si AIMO, par l’entremise de Me Desmarais, était informée des enquêtes qui avaient lieu à l’encontre de Greymount, mais plutôt de savoir si la lettre du 29 octobre 2007 et les communications subséquentes avant la divulgation volontaire d’AIMO étaient des mesures d’exécution et, si c’est le cas, si l’information recueillie auprès de Greymount était suffisamment liée à ce qui était contenu dans la divulgation. Si une mesure d’exécution à l’encontre d’une personne associée ou apparentée au contribuable ou de tout autre tierce partie permet de découvrir l’omission de ce contribuable, la pénalité ne peut pas être évitée, que l’omission ait été volontaire ou non.

 

[21]           Tel que susmentionné, la lettre du 29 octobre 2007, adressée aux comptables agissant pour les trois vendeurs d’actions d’Orex, traite de la disposition des actions d’Orex, une compagnie canadienne, par Greymount, une compagnie ne résidant pas au Canada. À cet égard, l’article 116 de la LIR stipule que la personne non-résidente qui se propose de disposer d’un bien canadien imposable doit en aviser le ministre, qui après avoir reçu les paiements dus ou une garantie acceptable, lui délivre un certificat.

 

[22]           Or, il appert que la communication entre l’ARC et Greymount visait l’émission de certificats de conformité relatifs aux paiements effectués par Greymount pour l’achat des actions d’Orex. AIMO soutient que la lettre du 29 octobre 2007 ne peut pas être considérée comme une mesure d’exécution, ni à l’encontre d’AIMO, ni à l’encontre de Greymount, étant donné qu’il s’agissait d’une simple demande de renseignements. AIMO soutient également que, pour reprendre les termes de l’article 33 de la circulaire, cette demande de l’ARC n’est pas comprise au sein des « demandes, mises en demeure ou demandes péremptoires, envoyées par l’ARC, concernant des déclarations non produites, des impôts ou des acomptes provisionnels non remis, des retenues à la source requises ou des non-inscrits » ou d’autres demandes de cette nature.

 

[23]           Il n’est pas nécessaire que je me penche sur cette question. Cependant, si nous supposons, sans pour autant en décider, que la lettre du 29 octobre 2007 constituait une mesure d’exécution à l’encontre de Greymount et que cette dernière était associée ou du moins avait un lien avec AIMO, la règle 32 prévoit que « les mesures d’exécution sont susceptibles d’avoir révélé les renseignements divulgués ». AIMO affirme que la lettre du 29 octobre 2007 et les communications subséquentes n’auraient pas permis à l’ARC de découvrir les renseignements qu’elle a divulgués de manière volontaire.

 

[24]           Durant des plaidoiries orales, j’ai demandé à l’avocate du ministre de m’expliquer comment il était possible que l’information au sujet de la vente des actions d’Orex par Greymount révèle qu’AIMO avait omis de verser au Receveur général du Canada les sommes retenues lors du paiement des dividendes aux deux corporations étrangères. Elle a répondu que nous, simples mortels, ne pouvions comprendre le fonctionnement mental d’un percepteur de taxes. En l’espèce, des rapports internes indiquent que, bien avant la lettre du 29 octobre 2007, l’ARC avait l’intention de vérifier le paiement des dividendes par AIMO aux actionnaires étrangers. Bien que cela ait pu être le cas, je ne vois aucun lien entre l’intention de l’ARC de vérifier les activités d’AIMO dans le cadre du paiement des dividendes aux actionnaires étrangers et les informations recueillies auprès de Greymount. En effet, la lettre de Greymount en réponse à l’ARC ne donne aucune information sur l’omission d’AIMO de verser au Receveur général du Canada les sommes retenues des dividendes.

 

[25]           Il est clair que la norme de contrôle en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, les juges Bastarache et Lebel affirment au paragraphe 47 que :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables.  Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.  La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[Je souligne.]

 

[26]           En l’espèce, je suis invité à spéculer sur le seul fait qu’une entrée a été faite au registre informatique de l’ARC précédant la lettre du 29 octobre 2007, qui, selon le ministre, indiquerait qu’une mesure d’exécution était déjà en place. Dans la décision Minister of Employment and Immigration v. Satiacum (1989), 99 N.R. 171 (C.A.F.), aux paragraphes 34 et 35, le juge MacGuigan écrit:

La différence entre une déduction justifiée et une simple hypothèse est reconnue depuis longtemps en common law. Lord Macmillan fait la distinction suivante dans l’arrêt Jones v. Great Western Railway Co. (1930), 47 T.L.R. 39, à la p. 45, 144 L.T. 194, à la p. 202 (H.L.) :

 

[TRADUCTION] Il est souvent très difficile de faire la distinction entre une hypothèse et une déduction. Une hypothèse peut être plausible mais elle n’a aucune valeur en droit puisqu’il s’agit d’une simple supposition. Par contre, une déduction au sens juridique est une déduction tirée de la preuve et si elle est justifiée, elle pourra avoir une valeur probante. J’estime que le lien établi entre un fait et une cause relève toujours de la déduction.

 

Dans R. v. Fuller (1971), 1 N.R. 112, à la p. 114, le juge Hall a conclu, au nom de la Cour d’appel du Manitoba, que [TRADUCTION] « [l]e tribunal des faits ne peut faire appel à des conclusions toutes théoriques et conjecturales ». La Cour suprême a ensuite confirmé ces motifs à l’unanimité : [1975] 2 R.C.S. 121 à la p. 123; 1 N.R. 110, à la p. 112.

 

Il n’existe aucun élément dans ce dossier pour appuyer la proposition que les mesures prises à l’encontre de Greymount, même si elles étaient des mesures d’exécution, auraient permis de découvrir qu’AIMO avait omis de remettre les sommes retenues des dividendes versés aux actionnaires étrangers.

 

[27]            La décision du directeur adjoint intérimaire de l’Exécution, Bureau des services fiscaux de Montréal, est basée sur une simple hypothèse. Je ne peux donc conclure que cette décision était raisonnable. En effet, bien que la circulaire ne soit pas une loi, le ministre a refusé d’exercer sa discrétion seulement parce qu’il considérait, par le biais de ses délégués, que la divulgation n’était pas volontaire. Par conséquent, une attention particulière doit être accordée au texte de la circulaire d’information, qui est écrite pour les contribuables. Selon moi, une écriture comptable interne, déclarant l’intention de l’ARC de vérifier les actions d’AIMO, ne représente pas en elle-même une mesure d’exécution. La seule mesure d’exécution possible est celle à l’encontre de Greymount. À cet égard, la conclusion que l’ARC aurait tout de même découvert l’information divulguée par AIMO alors qu’elle enquêtait sur Greymount n’est pas fondée.

 

[28]           En conclusion, cette demande de contrôle judiciaire est accordée. Par contre, les recours demandés par AIMO dépassent les pouvoirs de la Cour accordés par l’article 18.1 de la Loi sur les cours fédérales. Ce n’est pas à la Cour d’accepter « comme volontaire la divulgation à effectuer et d’ordonner au ministre de renverser la somme 25 209 $ CAN perçue à titre de pénalité ». Je déclarerai toutefois que la décision est fondée sur une conclusion factuelle erronée, tirée de façon arbitraire ou sans tenir compte des éléments à la disposition du décideur.


ORDONNANCE

            PAR CES MOTIFS EXPOSÉS,

            LA COUR ORDONNE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accordée.

2.      Il est déclaré que la décision était basée sur une conclusion factuelle qui n’était pas raisonnable.

3.      La cause est renvoyée à un autre délégué autorisé par le ministre qui devra rendre à nouveau une décision sur cette affaire en conformité avec ces motifs.

4.      Le tout avec dépens.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1302-09

 

INTITULÉ :                                       AMOUR INTERNATIONAL MINES D’OR LTÉE c. PGC

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 18 octobre 2010

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      le 1er novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Ivan Kasic

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Ilinca Ghibu

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Boscher Kasic Godwin

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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