Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20101104

Dossier : IMM‑5199‑09

Référence : 2010 CF 1090

 

TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE

Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

VASANTHANAYAKI KANDASAMY

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), concernant la décision d’une agente d’immigration (l’agente), rendue le 7 octobre 2009, de refuser la revendication de la demanderesse en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi afin que sa demande de résidence permanente puisse être traitée de l’intérieur du Canada pour des motifs humanitaires.

 

[2]               La demanderesse sollicite l’annulation de cette décision et le renvoi de l’affaire à un autre agent d’immigration pour qu’il procède à nouvel examen et la convoque à une entrevue personnelle.

 

Le contexte

 

[3]               La demanderesse est une citoyenne du Sri Lanka qui craint d’être persécutée par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET) et par différents autres groupes. Elle est elle‑même de nationalité tamoule et prétend que les TLET ont fait pression sur elle pour qu’elle se joigne à eux. Elle soutient également qu’elle a fait l’objet de harcèlement et de mauvais traitements de la part de groupes pro‑gouvernementaux qui l’ont soupçonnée d’être une espionne pour le compte des TLET.

 

[4]               Avec l’aide d’un passeur de clandestins, la demanderesse a été en mesure d’entrer aux États‑Unis en 2004, et le 26 avril 2005, elle est entrée au Canada avec de faux documents, faisant une demande d’asile peu de temps après. Le ou vers le 30 mai 2006, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de limmigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’elle n’est pas une réfugiée, ni une personne à protéger, ayant jugé en général qu’elle n’était pas digne de foi. L’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été accordée par la Cour, mais en dernier ressort, le juge Robert Barnes a statué que la Commission n’avait pas commis d’erreur susceptible de contrôle et a rejeté la demande (voir Kandasamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 791).

 

[5]               En septembre 2007, la demanderesse a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (la demande d’ERAR) ainsi qu’une demande CH avec l’aide d’un conseiller en immigration. La demanderesse a mis à jour ses prétentions en mai 2008 ainsi que le 6 octobre 2009. Aucune audience n’a été tenue. Dans ses premières observations, la demanderesse a continué d’affirmer qu’elle éprouvait les mêmes craintes de retourner au Sri Lanka et a fait valoir que la recrudescence de la violence entre les TLET et l’armée du Sri Lanka était une source de risque accru. Dans ses dernières observations, la demanderesse a soutenu que la situation au Sri Lanka est à son pire et que, par surcroît, son profil en tant que femme tamoule âgée de 36 ans fait qu’elle court un risque très élevé d’être persécutée. De nombreux documents et articles sur la situation au pays ont été présentés à l’appui de ces allégations.

 

[6]               En ce qui concerne son établissement et ses liens au Canada, la demanderesse a mentionné qu’elle avait un frère qui est citoyen canadien et une sœur qui est résidente permanente. Elle a également produit des preuves de son emploi, de sa participation à un cours d’anglais langue seconde et de ses activités bénévoles à un temple local.

 

[7]               Le 7 octobre 2009, l’agente a rendu des décisions négatives à l’égard des deux demandes soumises par la demanderesse. La présente demande de contrôle judiciaire ne porte que sur la décision relative à la demande CH.

 

La décision de l’agente

 

[8]               En ce qui a trait aux risques de difficultés en cas de renvoi, l’agente n’a pas jugé que la preuve documentaire produite étayait les prétentions de la demanderesse. Les documents faisaient état de la situation générale du pays et des conditions dans lesquelles vit la population en général. L’agente a également fait remarquer qu’un rapport indiquait que depuis la fin de la guerre avec les rebelles des TLET, en mai 2009, la situation, même si elle est loin d’être idéale, ne cesse de s’améliorer. Elle demeure désastreuse pour certains Tamouls déplacés en raison du conflit. La plupart de ceux qui sont détenus dans des camps sont de jeunes hommes incapables de produire des pièces d’identité. Après avoir lu et examiné l’ensemble de la documentation, l’agente a estimé que celle‑ci n’étayait pas la prétention de la demanderesse selon laquelle les difficultés associées au risque de retourner au Sri Lanka seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

[9]               Pour ce qui est des liens personnels et du degré d’établissement au Canada, l’agente a pris acte de la présence du frère et de la sœur de la demanderesse au Canada, mais elle a estimé que la preuve ne permettait pas d’affirmer que le fait de couper ces liens équivaudrait à une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive. L’agente a pris acte des quatre années passées par la demanderesse au Canada, alors qu’elle a bénéficié de l’application régulière du programme de la protection des réfugiés, et a également souligné son bon dossier en tant que citoyenne au Canada. L’agente a également pris acte de l’emploi de la demanderesse en tant que camelot, des cours d’anglais qu’elle suit et du bénévolat qu’elle exerce. En fin de compte, l’agente a conclu que les renseignements ne permettaient pas de confirmer que la demanderesse était établie au Canada et a fait remarquer qu’elle savait, ou aurait dû savoir, qu’il était possible qu’elle soit renvoyée du Canada après le rejet de sa demande d’asile.

 

[10]           Enfin, l’agente a tenu compte des difficultés à se réadapter à la vie au Sri Lanka et a conclu que, bien que la demanderesse puisse éprouver certaines difficultés, le réseau familial qu’elle trouverait là‑bas faciliterait sa transition. En bref, la demanderesse n’a pas démontré que son retour au Sri Lanka équivaudrait à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives pour elle.

 

Questions en litige

 

[11]           Les questions en litige sont les suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La décision de l’agente était‑elle raisonnable?

            3.         La demanderesse avait‑elle le droit d’être avisée des réserves que suscitait sa demande ou avait‑elle droit à la tenue d’une audience?

 

Observations écrites de la demanderesse

 

[12]           La demanderesse prétend que les faits laissent croire que l’agente n’a pas considéré la demande d’ERAR différemment de la demande CH, et a permis que la décision de la Commission pèse trop lourd dans ces décisions. L’agente a mal interprété les différents critères juridiques applicables. La preuve concernant la situation des droits de la personne au Sri Lanka devait être appréciée séparément et différemment dans le cadre de sa demande CH.

 

[13]           De plus, l’agente a commis une autre erreur en ne tenant pas compte du profil de la demanderesse en tant que Tamoule de Jaffna âgée de 36 ans. L’agente a plutôt semblé affirmer que ses souffrances au Sri Lanka ne seraient pas différentes de celles que pourrait éprouver toute autre personne. Les rapports soumis à l’agente indiquaient que les Tamouls de Jaffna étaient déplacés en grand nombre et que les gouvernements étrangers et les organisations non gouvernementales se sont montrés très critiques quant à la façon dont ils étaient traités. De toute évidence, les difficultés rencontrées au Sri Lanka ne sont pas éprouvées de façon égale parmi la population en général. L’erreur touche au cœur de la décision et la rend déraisonnable.

 

[14]           Enfin, la demanderesse affirme qu’une audience était nécessaire. À plusieurs endroits dans sa décision, l’agente signale que la demande lui pose des problèmes ou que la preuve est insuffisante à certains égards. L’agente était tenue de lui demander par écrit de fournir davantage de renseignements à ce propos, ou de la convoquer à une entrevue personnelle pour la questionner sur ce qui lui posait problème. Dans les deux cas, son omission contrevenait à l’équité procédurale.

 

Observations écrites du défendeur

 

[15]           Le défendeur soutient que l’agente n’a pas commis d’erreur en tenant compte de la décision de la Commission. Le manque de crédibilité de la demanderesse n’était pas, juridiquement ou légitimement, un facteur que l’agente pouvait si facilement écarter dans son examen de la demande CH – les allégations de difficultés fondées sur le risque étaient identiques à celles qu’avait rejetées la Commission au motif qu’elles n’étaient pas crédibles. La demande est incongrue, étant donné qu’elle se fonde sur les mêmes allégations de risques de difficultés que celles soumises à la Commission, qui les a jugées totalement fausses, et que la demanderesse fait abstraction de la situation – sensiblement changée – de son pays.

 

[16]           L’agente n’a pas fait défaut de tenir compte du profil de la demanderesse. Rien dans les documents soumis ne démontre que des personnes ayant le même profil que la demanderesse étaient ciblées. Ce sont plutôt des jeunes hommes tamouls sans documents appropriés qui ont été détenus, et même, ils ont été rapidement libérés.

 

[17]           Le défendeur prétend que le principal argument de la demanderesse, voulant que l’agente ait confondu les deux critères juridiques, est fallacieux et ne permet pas d’expliquer précisément comment elle les aurait confondus. Fondamentalement, les facteurs de risque auxquels est exposé un demandeur sont souvent les mêmes dans le cadre d’une demande d’ERAR et dans le cadre d’une demande CH. La demanderesse concède que l’agente a expressément formulé le critère juridique applicable pour l’examen des demandes CH et qu’elle pouvait à juste titre tenir compte de certains de ces facteurs pour l’application de ce critère. À ce propos, les difficultés alléguées par la demanderesse ne sauraient être qualifiées d’imprévues ou d’indépendantes de sa volonté, compte tenu du rejet de sa demande de statut de réfugié.

 

[18]           En dernier lieu, le défendeur prétend que la demanderesse a tort de laisser entendre que l’agente avait l’obligation de lui faire part de toutes les réserves qu’elle avait. Il n’existe pas d’obligation de ce genre, même si un agent juge qu’une demande est incomplète. C’est au demandeur qu’il incombe de produire tous les éléments de preuve et de faire valoir ses meilleurs arguments en vue de convaincre l’agent qu’il existe des motifs humanitaires justifiant de le soustraire au processus habituel.

 

Analyse et décision

 

[19]           Le point n° 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Les demandeurs qui se fondent sur des motifs d’ordre humanitaire demandent à être exemptés de l’application des règles habituelles que chaque immigrant éventuel au Canada est tenu de suivre. Le pouvoir discrétionnaire accordé au ministre pour l’examen des demandes CH lui donne la latitude nécessaire pour approuver, dans les cas qui le justifient, les demandes qui ne répondent pas à toutes les exigences de la Loi.

 

[20]           La demanderesse affirme que la décision finale de l’agente était illégale et qu’elle doit donc être annulée.

 

[21]           La norme de contrôle applicable aux décisions d’ordre humanitaire est celle de la raisonnabilité (voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, [1999] S.C.J. n° 39 (QL)). La norme déférente du caractère raisonnable s’applique tant aux conclusions de fait et de droit que comporte la décision qu’à l’issue finale de la demande (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Patel, 2008 CF 747, [2009] F.C.R. 196, au paragraphe 14).

 

[22]           Si elles sont contestées, les conclusions de fait tirées dans le cadre d’une décision d’ordre humanitaire sont revues selon la norme de contrôle prévue à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7 (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339).

 

[23]           L’affirmation de la demanderesse selon laquelle l’agente a commis une erreur en confondant les deux critères juridiques et en employant le mauvais critère est une question de droit pur qui sera examinée selon la norme de la décision correcte (voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

[24]           Les conclusions élémentaires tirées par l’agente (soit sur des questions de droit, sur des questions de fait ou sur des questions mixtes de fait et de droit) peuvent rendre déraisonnable l’issue finale de la décision s’il est démontré qu’elles remettent sérieusement en doute le bien‑fondé de cette décision.

 

[25]           Les questions d’équité procédurale comme celle soumise par la demanderesse voulant qu’il ait été nécessaire de tenir une audience ne font l’objet d’aucune retenue et seront examinées selon la norme de la décision correcte (voir Karimi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1010, 160 A.C.W.S. (3d) 860, au paragraphe 16).

 

[26]           Le point n° 2

      La décision de l’agente était‑elle raisonnable?

            La demanderesse a fait valoir que la décision comportait plusieurs erreurs qui, selon elle, remettront sérieusement en doute le bien‑fondé de celle‑ci, de telle sorte qu’elle sera jugée déraisonnable.

 

[27]           À mon avis, la demanderesse n’a établi l’existence d’aucune erreur dans la décision et par conséquent, il n’est pas nécessaire de passer à l’étape suivante et d’apprécier le caractère raisonnable de la décision définitive.

 

[28]           La première erreur alléguée par la demanderesse est que l’agente, qui a également mené l’ERAR de la demanderesse, a confondu les deux critères juridiques, appliquant le critère du risque de persécution pertinent pour l’ERAR à sa demande CH. Cette allégation n’est pas fondée et manque de précision. Ne reste donc qu’une simple allégation que je ne peux accepter.

 

[29]           L’agente a énoncé le critère juridique applicable aux demandes CH, lequel permet de déterminer si la demanderesse sera exposée à des difficultés extrêmes, injustifiées ou disproportionnées si on l’oblige à faire sa demande de résidence permanente depuis l’étranger. À plusieurs reprises dans sa décision, l’agente a rappelé la nature du critère, qui est axé sur les difficultés, et j’estime qu’elle l’a appliqué correctement. L’agente n’a pas commis d’erreur en appréciant le risque auquel la demanderesse serait exposée si elle retournait au Sri Lanka. En effet, l’agente aurait commis une erreur susceptible de révision si elle n’avait pas tenu compte de ce risque au titre des difficultés auxquelles sera exposée la demanderesse.

 

[30]           De même, l’agente n’a commis aucune erreur en considérant que les allégations de risque dont elle était saisie étaient de nature identique à celles que la demanderesse a faites devant la Commission et en se servant ainsi de la décision de la Commission. La demande soumise par la demanderesse à la Commission reposait sur la situation extrêmement dangereuse qui prévaut au Sri Lanka en général, et en particulier, pour les personnes dont le profil est identique au sien. Elle a étayé et personnalisé sa demande par des allégations sur ses expériences personnelles avec les TLET et d’autres prétendus persécuteurs. La Commission n’a cru aucune des allégations personnalisées de la demanderesse. La demanderesse a par ailleurs soutenu fermement dans sa demande CH que les personnes qui ont le même profil qu’elle courent des risques, mais a également repris les allégations que la Commission a jugées non crédibles. L’agente a eu raison de rejeter sommairement ces allégations et de refuser de procéder à un réexamen inutile des conclusions de la Commission sur la crédibilité.

 

[31]           L’agente a tenu compte de la preuve en ce qui a trait au profil de la demanderesse et la nouvelle preuve documentaire relativement à la situation du Sri Lanka. En effet, le Sri Lanka est un pays dont la situation a assurément changé. Il est évident que l’agente a compris l’essence de l’argument de la demanderesse, à savoir qu’une femme tamoule âgée de 36 ans est exposée à un risque plus élevé que ne l’est la population en général. Cependant, l’agente n’a été saisie d’aucune preuve démontrant que la demanderesse faisait partie d’un groupe démographique particulièrement exposé à un risque plus élevé que le risque habituel. L’agente a pris acte de la preuve que de nombreux Tamouls avaient été déplacés depuis la défaite des TLET. Elle a également fait observer que plusieurs d’entre eux avaient été détenus dans des camps jusqu’à ce que les autorités sri lankaises soient en mesure de les interroger et de déterminer qui parmi eux étaient des combattants tamouls. La plupart des détenus étaient de jeunes hommes tamouls. Étant donné que la demanderesse est une femme, il n’était pas déraisonnable pour l’agente de présumer que ces rapports n’indiquaient pas que le groupe démographique dont fait partie la demanderesse s’exposait à un risque de difficultés plus élevé. Rien ne laissait croire qu’une femme tamoule âgée de 36 ans retournant dans ce pays et ne présentant aucun profil ou antécédent de participation dans le conflit serait exposée à un risque plus élevé que n’importe qui d’autre dans ce pays.

 

[32]           Certes, affirmer que les articles documentaires ne portaient que sur les conditions auxquelles est exposée la population en général aurait pu être une simplification excessive, étant donné que, de toute évidence, certains articles ciblaient certains groupes, mais l’agente n’a pas commis d’erreur en signalant que le groupe particulier dont fait partie la demanderesse n’avait pas été ciblé.

 

[33]           La demanderesse soutient que l’agente n’a pas procédé à un examen équitable d’éléments de preuve crédibles qui contredisaient ses conclusions. Or, elle n’a pas été en mesure d’indiquer quoi que ce soit dans la preuve documentaire qui contredisait nettement ses conclusions.

 

[34]           Même s’il n’est pas nécessaire de continuer, j’ajouterai que la conclusion finale de l’agente était raisonnable. Comme je l’ai mentionné, la dispense pour des motifs d’ordre humanitaire est une mesure discrétionnaire qui permet de régler les cas de difficultés graves qui ne sont pas prévus par la Loi et qui découlent habituellement de circonstances indépendantes de la volonté de la personne visée. Le demandeur doit être exposé à des difficultés qui excèdent les simples inconvénients ou les problèmes prévisibles associés au fait de quitter le Canada. Ce n’est que lorsque les difficultés soulevées dans un cas donné sont extrêmes, injustifiées ou disproportionnées que l’examen fondé sur l’article 25 s’applique.

 

[35]           En l’espèce, les difficultés de la demanderesse peuvent difficilement être qualifiées d’imprévues, car la demanderesse est restée au Canada après le refus de sa demande de statut de réfugié et aurait dû savoir qu’il était possible qu’elle soit renvoyée. De plus, elle n’a ni enfant, ni personne à sa charge ni conjoint au Canada, dont la séparation aurait pu donner du poids à une demande fondée sur des difficultés excessives.  Bien qu’elle ait expliqué qu’elle avait un emploi, qu’elle suivait des cours et qu’elle faisait du bénévolat au Canada, elle n’a pas expliqué comment ces activités l’auraient placée dans la catégorie particulière des personnes qui devraient faire l’objet d’une dispense spéciale pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

[36]           Le point n° 3

            La demanderesse avait‑elle le droit d’être avisée des réserves que suscite sa demande ou avait‑elle droit à la tenue d’une audience?

            La réponse à la question posée par la demanderesse est simplement non. Bien que l’agent soit tenu d’examiner tous les éléments de preuve que lui présente le demandeur, il est bien établi en droit qu’il n’est pas tenu de l’informer des réserves que suscite sa demande ou de demander des précisions concernant les renseignements fournis ou d’obtenir des renseignements supplémentaires. Comme la Cour l’a déterminé, cela donnerait lieu à un processus sans fin.

 

[37]           Dans la décision Carreiro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 342, [2002] A.C.F. no 449, le juge Marc Nadon a cité avec approbation les commentaires du juge John Richard dans la décision Bara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 992, au paragraphe 15 :

L’agent n’est pas tenu de porter à la connaissance du demandeur les conclusions provisoires qu’il peut tirer à partir de la preuve dont il est saisi, pas même celles qui se rapportent aux contradictions apparentes qui le préoccupent. Toutefois, s’il se fonde sur des éléments de preuve extrinsèques, il doit donner au demandeur la possibilité de répondre à la preuve [...]

 

[38]           Il incombe au demandeur de produire tous les éléments de preuve pertinents pour convaincre l’agent d’immigration de l’existence de motifs d’ordre humanitaire justifiant une dispense et c’est en se fondant sur la preuve qui lui est présentée que l’agent rend sa décision (voir Mann c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 567, 21 Imm. L.R. (3d) 109, au paragraphe 16). Il n’y a aucune obligation d’obtenir des renseignements supplémentaires. La Cour a maintes fois conclu que, même si l’agent d’immigration estime que la demande est incomplète, il n’est pas tenu de demander des renseignements ou des faits supplémentaires (voir Arumugam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 985, 211 F.T.R. 65, aux paragraphes 16 et 17 et Rodriguez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 414, aux paragraphes 4 et 5).

 

[39]           En ce qui a trait à la tenue d’une audience, les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire ne nécessitent donc pas en général la tenue d’une audience à moins que la question de la crédibilité ne soit une question essentielle et qu’elle ne puisse être résolue que par une évaluation faite en la présence de l’intéressé (voir la décision Baker ci‑dessus). En l’espèce, l’agente a accepté tous les éléments de preuve de la demanderesse quant à son établissement au Canada et n’a pas remis en doute la crédibilité de cette preuve bien qu’elle l’ait jugée insuffisante. La seule question relative à la crédibilité portait sur les mêmes prétentions que celles qui avaient été rejetées par la Commission et qui n’étaient pas susceptibles de réexamen par l’agente. À mon avis, rien ne permet de penser que le processus dont a bénéficié la demanderesse ait été autre qu’équitable.

 

[40]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

[41]           Aucune des parties n’a souhaité me soumettre une question grave de portée générale susceptible d’être certifiée.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


ANNEXE

 

Les dispositions législatives pertinentes

 

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

11.(1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

. . .

 

25.(1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

 

 

 

 

. . .

 

72.(1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

11.(1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

. . .

 

25.(1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

. . .

 

72.(1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5199‑09

 

INTITULÉ :                                                   VASANTHANAYAKI KANDASAMY

 

                                                                        ‑ et ‑

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 27 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 4 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert I. Blanshay

 

POUR LA DEMANDERESSE

Tamrat Gebeyehu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert I. Blanshay

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.