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Date :  20101116

Dossier :  IMM-1116-10

Référence :  2010 CF 1140

Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2010

En présence de monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

M. C. E.,

SHAWNLEY,

JEHOVANY

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) à l'encontre d'une décision négative de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la CISR) datée du 9 décembre 2009 ayant conclu que M. C. E. (la demanderesse) et ses deux enfants, Shawnley et Jehovany (enfants mineurs), ne sont pas des réfugiés selon l’article 96, ni des personnes à protéger en vertu du para. 97(1) de la LIPR.

 

[2]               La demanderesse a fait une requête verbale lors de l'audition de cette cause afin qu'elle et ses enfants soient identifiés selon l'intitulé ci-haut mentionné. Vu le consentement du défendeur, la Cour accorde la requête.

 

[3]               Après avoir analysé les documents soumis par les parties, la Cour détermine que la demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les raisons qui suivent.

 

[4]               La demanderesse est citoyenne d’Haïti et ses enfants mineurs sont citoyens des États-Unis.

 

[5]               La demanderesse allègue qu’elle a quitté son pays d’origine en 1998 à l’âge de seize ans.  Ses parents l’ont envoyé demeurer avec sa tante et son oncle, car ils ne pouvaient subvenir à ses besoins du fait du grand nombre d’enfants qu’ils avaient eus ensemble.

 

[6]               Selon la demanderesse, elle est devenue une réstavek (le mot créole pour « reste-avec », un terme utilisé pour des enfants esclaves en Haïti) dès l’âge de cinq ans. Elle était obligée d’accomplir des tâches domestiques tels que faire le ménage, chercher de l’eau, laver la vaisselle, faire les lits, la lessive etc ... Ses conditions de vie étaient lamentables. Elle était battue, touchée de manière inappropriée et ne pouvait jouer avec les autres enfants. 

 

[7]                Éventuellement, sa mère l’envoya vivre chez une de ses cousines aux États-Unis. Toutefois, ses conditions de vie n'ont pas changées, elle était toujours considérée comme une réstavek. Pendant qu’elle était à New York, elle a rencontré un homme avec qui elle s'est mariée et ils ont eu deux enfants.

 

[8]               Advenant un retour en Haïti, la demanderesse craint d'être persécutée comme femme victime réstavek par sa tante, ses cousins, et la famille de son mari.

 

[9]               La CISR a conclu qu'il n'y avait pas de lien avec la Convention car il s'agit plutôt de discrimination et en plus, les craintes qu’elle avait lorsqu’elle était un enfant ne sont plus pertinentes aujourd’hui. De plus, la CISR a noté que si elle devait retourner en Haïti, rien ne l’obligeait à aller vivre avec sa tante ou ses cousins ou obligée d’obtenir l’aide de quelqu’un pour prendre soin d’elle.

 

[10]           En consultant la preuve documentaire, la CISR a de plus conclu que les risques qu'elles encouraient ne seraient pas différents de ceux vécus par la population haïtienne.

 

[11]           La norme de contrôle applicable dans des cas semblables est celle de la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

[12]           Tout en étant très sympathique aux victimes qui sont affublées de réstavek, la Cour se doit d'être d'accord avec la conclusion tirée par la CISR à l'effet, que les craintes de la demanderesse alors qu'elle était enfant ne sont plus pertinentes aujourd'hui étant donné qu'elle est maintenant devenue adulte.

 

[13]           Quant à la crainte objective, la demanderesse admet elle-même qu'il n'existe pas de preuve documentaire concernant les victimes des conditions de réstavek concernant des enfants devenus adultes retournés en Haïti.

 

[14]           Il est donc raisonnable que la CISR détermine en citant l'arrêt Soimin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 218, [2009] A.C.F. no 246 (QL) que le risque encouru par la demanderesse si elle était retournée dans son pays ne soit pas différent de celui de l'ensemble de la population haïtienne qui fait globalement face à une situation dramatique (dossier du tribunal, page 9, para. 14).

 

[15]           La demanderesse propose la question suivante afin qu'elle soit certifiée :

Est-ce que les personnes victimes du système Réstavec (esclavage moderne) font partie d'un groupe social particulier en vertu de la Convention?

 

 

[16]           Le défendeur s'oppose à cette question car selon lui, elle ne rencontre pas les critères de la jurisprudence bien établie par la Cour d’appel fédérale car elle n'est pas déterminante et n'est pas une question grave de portée générale.

 

[17]           La Cour est d'accord avec cette argumentation. En effet, même si cette question était acceptée, elle n'annulerait pas la conclusion à laquelle la CISR est arrivée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1116-10

 

INTITULÉ :                                       M. C. E., SHAWNLEY, JEHOVANY

                                                            ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 16 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marie Saintil

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Leila Jawando

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Saintil Law Office

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan                                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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